Deux jours. Deux jours intenses à travailler sans relâche pour régler la situation avec Sasha. Je n’avais pas compté les heures, mais mon corps me le rappelait à chaque instant. Lorsque j’en ai enfin terminé, je suis épuisée, sale, et terriblement affamée. J’aurais dû ressentir un soulagement, peut-être même une satisfaction après tout ce travail, mais quelque chose me pesait. Cette affaire n’était peut-être pas encore totalement résolue, et au fond, je ne pouvais m’empêcher de me demander si d'autres surprises désagréables n’allaient pas tomber. Mais pour l’instant, tout ce que je voulais, c’était manger et prendre une douche.
Basil était là, à m’attendre, toujours aussi calme, même si je voyais bien dans ses yeux qu’il portait lui aussi une certaine tension. « On va manger un bout après ta douche ? » m’avait-il proposé d’une voix douce. J’avais accepté, trop fatiguée pour réfléchir.
Après m’être rafraîchie, je me sentais un peu plus humaine, mais mon esprit restait préoccupé par cette affaire. Je savais que Basil aussi y pensait, mais il y avait autre chose dans son comportement, quelque chose qui me mettait mal à l’aise sans que je puisse vraiment l’identifier. Peut-être était-ce lié à cette distance subtile qui semblait s’être installée entre nous depuis quelques jours.
Pendant le repas, Basil était étrangement absent. Ses yeux dérivaient sur des points invisibles, et j'avais l’impression que son esprit était ailleurs. J’essayais de le faire parler, de le tirer de ses pensées, mais il restait évasif. Ce silence pesait sur moi. Je savais qu'il se passait quelque chose, mais il refusait de m’en parler. Cette attitude me blessait un peu, mais je n’insistai pas. Je ne voulais pas forcer une conversation qu’il n’était pas prêt à avoir.
Après avoir mangé, nous avons décidé d’aller dans un petit café de l’autre côté de la rue. C’était un de mes endroits préférés, cozy et chaleureux, avec des fauteuils en velours et une lumière tamisée. L’atmosphère y était douce, presque intime. Nous nous sommes installés près de la fenêtre, et je me suis laissée aller à profiter du moment. Je me blottissais contre Basil, cherchant une connexion que je sentais s'effilocher petit à petit.
Alors que nos lèvres se retrouvaient à nouveau pour un baiser, un doux frisson me parcourut, mais il y avait aussi une certaine hésitation en moi. J’avais besoin de savoir où nous en étions. C’était peut-être le moment d’éclaircir les choses entre nous, de comprendre ce que nous représentions l’un pour l’autre.
Je pris une grande inspiration avant de lui poser la question qui me trottait dans la tête depuis un moment : « Basil, qu’est-ce qu’on est, tous les deux ? Est-ce que c’est juste un flirt pour toi, ou est-ce que c’est… quelque chose de plus sérieux ? »
Je pouvais voir dans ses yeux qu'il ne s'attendait pas à cette question. Il sembla déstabilisé, pris au dépourvu, et son silence s’éternisa. Incapable de formuler une réponse claire, il me regarda simplement, l’air gêné.
Je ne savais pas comment interpréter ce silence. Mon cœur se serra doucement. Il ne disait rien, mais son incapacité à répondre valait toutes les explications du monde. « C’est donc ça, juste un flirt. » murmurai-je plus pour moi-même que pour lui.
Je ne pouvais pas cacher ma déception. Une partie de moi avait espéré qu’il dirait quelque chose de différent, qu’il me dirait que j’étais plus qu’une simple aventure pour lui. Mais il ne le fit pas. Ce silence parla pour lui.
Je pris une gorgée de mon café, essayant de faire bonne figure. « D’accord, » dis-je finalement, acceptant la situation. Après tout, s’il ne voulait pas de quelque chose de plus sérieux, je n'avais pas d'autre choix que de l'accepter. Je n’allais pas m’accrocher à des illusions.
Une notification sur mon téléphone me tira de mes pensées. Un message de Lucas. Il m'invitait à sa fête du Nouvel An, et me proposait de venir avec une amie. Je jetai un œil à Basil. S’il ne voulait pas s’engager, je n’avais aucune raison de lui en parler. Je pouvais très bien y aller sans lui, et d’ailleurs, j’invitai mentalement Alice à m’accompagner. C'était décidé. Ce serait juste une soirée entre amis, sans obligations.
Basil me raccompagna jusqu’à mon immeuble, me disant qu’il avait quelque chose à faire dehors. Il restait évasif, refusant de me dire où il allait. Cette sensation de distance, déjà présente pendant le repas, ne fit que grandir. Plus il se fermait, plus je me sentais éloignée de lui.
Après avoir refusé poliment mon invitation à monter, il partit rapidement, me laissant avec un sentiment d’inachevé. J’essayai de me convaincre que c’était normal, qu’on ne devait rien l’un à l’autre. Mais ça n’effaçait pas ce poids sur mon cœur.
Alice n’étant pas disponible pour passer la soirée avec moi, je décidais de me changer les idées en flânant dans le jardin de l’immeuble. L’air frais de la soirée m’aidait à réfléchir. Mais en arpentant les allées sombres et silencieuses, je découvris une silhouette recroquevillée sur un banc. C’était Raphaël.
Il était endormi, son visage rougi par le froid, et je compris immédiatement qu’il risquait de tomber malade s’il restait là. Je le secouai doucement pour le réveiller.
« Raphaël, tu vas attraper la mort ici ! »
Il ouvrit les yeux difficilement, encore endormi, et je remarquai tout de suite qu’il n’allait pas bien. Il était fiévreux, ses joues étaient rouges et son regard un peu perdu.
« Ça va, je vais bien… » marmonna-t-il avant de se redresser difficilement. Il tentait de minimiser son état, mais c'était évident qu’il était malade.
Je lui proposai de l'aider à rentrer chez lui, et après quelques réticences, il finit par accepter. « Tu veux venir boire un thé chez moi ? » demanda-t-il. Je n’avais rien de mieux à faire, alors j'acceptai volontiers. Cela me changerait les idées, et Raphaël avait besoin de compagnie. Il me guida jusqu’à une petite maison à la périphérie de la ville. Je m’étais attendue à quelque chose de moderne, en ligne avec l’image qu’il renvoyait en entreprise. Pourtant, ce que je découvris fut une petite maisonnette charmante, à l’opposé du luxe que j’avais imaginé. Un cottage chaleureux, simple, authentique.
Lorsque nous entrâmes, une vieille dame se tenait près de la cheminée, tricotant paisiblement. C'était la grand-mère de Raphaël, qui vivait avec lui. Elle avait besoin de soins, m’expliqua-t-il. Je fus touchée par la scène. Derrière son allure parfois distante et dure, je découvrais un homme profondément dévoué à sa famille.
Nous passâmes un moment agréable. Sa grand-mère était adorable, et elle semblait surprise qu’une jeune femme comme moi occupe un poste si important dans l’entreprise de son petit-fils. Nous parlâmes de tout et de rien, et ce fut une soirée douce, bien différente de ce que j'avais imaginé en début de journée.
Raphaël me proposa de me raccompagner, mais je refusai, préférant prendre le bus du soir pour rentrer. Le trajet me laissa du temps pour réfléchir, pour repenser à cette distance qui s’installait entre Basil et moi.
En descendant du bus, je passai devant mon restaurant indien préféré. Mon ventre gargouilla, et je décidai de m’arrêter pour prendre quelque chose à emporter. Mais à travers la vitrine, je le vis.
Basil était là, assis à une table, et il n’était pas seul. Une femme, élégante et souriante, était en face de lui. Ils semblaient complices, trop complices. Mon cœur se mit à battre la chamade. Il ne m’avait jamais dit qu’il avait quelqu’un d’autre dans sa vie, et même si nous n’étions pas « officiels », je ne pouvais m’empêcher de ressentir une immense déception.
C’était notre restaurant. Celui que je lui avais fait découvrir. Et maintenant, il y emmenait une autre femme. Je n’avais pas envie de savoir qui elle était, je n’avais pas envie de comprendre. Je ne pouvais plus le regarder.
Sans même attendre, je fis demi-tour et m’éloignai rapidement, le cœur lourd. Je compris alors que ça n’irait jamais plus loin entre nous. Basil était incapable de s'engager, incapable de répondre à mes attentes. Il avait fait son choix, et moi, je devais faire le mien.