Cela faisait quatre jours qu’Eve ne m’avait pas rappelé ou répondu à mes messages. J’avais essayé de la croiser dans les couloirs, mais dès que j’apercevais ses cheveux sombres et bouclés, il disparaissait sur-le-champ. Raphaël, mon bras droit, assis confortablement sur sa chaise rembourrée parlait, mais je ne l’écoutais que d’une oreille ce qui l’agaça rapidement.
— Bon, on va s’arrêter là pour aujourd’hui, je pense, coupa-t-il sèchement.
— Hein ? Pourquoi ? demandais-je perdu.
— Parce que j’aurais plus d’interaction avec une table.
— Je n’ai pas la tête à ça.
— Je l’ai vue oui, tu veux qu’on en discute ?
— C’est à cause d’une femme.
— Depuis quand le grand PDG de l’entreprise Art & Co et mafieux à ses heures perdues, se fait du mouron pour une fille ?
— Tu as raison je ne devrais pas y penser.
— Mais tu vas tout de même le faire, je te connais.
— Elle ne me répond pas et elle m’évite, je ne comprends pas pourquoi ?
— Il s’est passé quoi la dernière fois que tu l’as vue ?
— Je l’ai protégée, son idiot d’ex a toqué à sa porte à 2 h du matin accompagné de voyous armés. Cet imbécile a cru qu’il pouvait m’intimider. Du coup j’ai appelé mes hommes de main pour qu’ils fuient. Depuis plus rien.
— Donc si je résume tu as montré à la fille que tu dragues dès le premier rendez-vous, ta clique de mercenaires ?
— Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, ils ne vont rien lui faire. Et puis je l’ai protégée, elle devrait être contente.
— Tu es une vraie tête de mule hein ?
— Si tu as fini, tu peux partir, rajoutais-je.
Si elle ne voulait plus me parler, qu’il en soit ainsi. J’avais d’autres choses à me préoccuper, en particulier samedi. Je devais revoir Arthur dans un bar et cette fois-ci, je comptais aboutir les négociations.
Il m’avait donné rendez-vous dans un pub où de jeunes gens étaient peu vêtus. Même si je n’aimais pas ce genre d’endroit, je n’avais pas le choix que de jouer le jeu. Je devais être à l’aise et le dominer. Alors, lorsque deux femmes vinrent se coller à moi, je les enlaçais et caressais leurs cuisses. Arthur était un homme tellement arrogant qu’il en devenait ennuyeux et la seule façon de l’amener la ou je voulais était de le flatter. Heureusement, Raphaël m’avait accompagné et dès que mes mâchoires se serraient un peu trop, il reprenait le relais. Il était un vrai serpent, prêt à tout pour atteindre sa cible, quitte à ramper dans la boue. Quand je sentis mon téléphone vibrer dans ma poche, je beni la personne qui allait m’offrir quelques minutes de trêve. Néanmoins, le nom écrit me coupa net : Eve. Cela faisait une semaine jour pour jour qu’elle ne m’avait pas parlé et elle revenait au pire moment. Je laissais passer quatre sonneries avant de me décider. Je fus obligé de sortir pour prendre ce coup de téléphone sensible. J’allais lui notifier de rappeler le lendemain ou même jamais.
— Bonsoir, excusez-moi de vous déranger aussi tardivement…
Elle s’arrêta au milieu de sa phrase, je pouvais entendre sa respiration forte et rapide, on aurait dit qu’elle avait couru.
— Est-ce que vous êtes disponible ?
— Pas vraiment à vrai dire, répondis-je d’un ton égal.
— Ah, désolé.
Et elle raccrocha. Elle ne m’avait rien appris de concret. Que voulait-elle ? Était-elle en danger ? Non, j’ai décidé que je ne m’occuperais plus de ça. J’avais besoin de me détendre et j’allumais une cigarette. Raphaël allait me tuer, je lui avais promis d’arrêter, mais juste cette fois-ci j’en ressentais la nécessité. J’avais envie de la rappeler, ça me démangeait, mais je devais tenir bon. Alors je rentrais et continuais mes négociations.
— Un problème peut-être ? intervint Arthur.
— Aucun, où en étions-nous ?
— Vous alliez me dire que mon offre vous convenez.
— Ou plutôt que vous alliez abandonner ce projet insensé.
Mon téléphone s’alluma, j’avais reçu un message de Eve. Je dus toiser la notification un peu trop longtemps, car Arthur revenait à la charge.
— Voulez-vous reporter une seconde fois ? Attention à force je ne pourrais plus vanter votre sérieux à mes amis.
Il fallait que je regarde ce qu’elle m’avait envoyé, cela m’obsédait. Il s’agissait de coordonnée, d’une adresse, non loin d’ici. Qu’est-ce que cela signifiait ? J’étais tellement concentré sur Eve que j’avais oublié de répondre à Arthur dont le sourire diminuait.
— Je ne vais pas reporter la réunion, ne vous inquiétez pas. Je vous laisse quelques instants entre les mains de mon bras droit Raphaël.
L’endroit était un magasin de chaussure, fermé à cette là. Je regardais alors aux alentours et j’aperçus Eve les genoux contre sa poitrine dans la ruelle adjacente. Je pouvais la voir greloter à plusieurs mètres. Elle n’était vêtue que d’un t-shirt et d’un jogging, certainement pas des habits pour l’hiver. Je m’approchais d’elle et la recouvris de mon manteau. Elle leva la tête d’un coup et sursauta de surprise, mais lorsqu’elle réalisa qu’il ne s’agissait que de moi, des larmes se formèrent dans ses yeux.