Arthur me fixait, un mélange de frustration et de colère dans les yeux. Sa mâchoire se crispait sous l'effet de la tension qui régnait dans la pièce. La situation était sur le point de dégénérer, et je savais qu'une seule mauvaise phrase de ma part pourrait tout faire basculer. Mais je ne pouvais pas me permettre de tout gâcher maintenant, surtout pas avec un client aussi important qu'Arthur. Les affaires avant tout. Il représentait des opportunités que je ne pouvais pas me permettre de perdre. Pourtant, la sécurité et le bien-être d'Eve passaient avant tout le reste. Il fallait que je trouve une solution pour apaiser la situation sans pour autant perdre ce partenariat lucratif.
Je pris une profonde respiration, essayant de calmer la tempête qui grondait à l’intérieur de moi. Arthur ne valait pas la peine que je m’énerve. Pas après ce qu’il avait fait ce soir. Mais perdre son contrat serait un coup dur pour l'entreprise, un coup que je ne pouvais pas encaisser sans conséquences.
« Arthur, écoute. Je ne vais pas m'énerver. Tu es un client important, tu représentes beaucoup pour l'entreprise, et je tiens à ce que notre relation reste professionnelle et bénéfique pour nous deux. Mais là, je te demande juste une chose : laisse Eve en dehors de tout ça. » Mon ton était ferme, mais je m'efforçais de rester calme. Je savais que toute l'astuce résidait dans ma capacité à dénouer la situation sans envenimer les choses davantage.
Arthur me regarda avec des yeux glacés, mâchoire serrée, avant de finalement hocher la tête lentement. Il ne voulait pas lâcher prise, c’était évident, mais il comprenait que la confrontation n'était pas la meilleure option à ce stade.
« Très bien », lâcha-t-il à contrecœur, en lançant un dernier regard à Eve, toujours assise dans un coin de la pièce, mal à l’aise. « Mais souviens-toi de ce que je t’ai dit, Basil. Une fille comme elle… c’est du gâchis si tu ne fais rien. »
Je sentis mes poings se serrer, mais je me retins de répondre. J’avais appris, avec le temps, à ne pas réagir sur le coup de la colère, à ne pas tout gâcher sous l’impulsion. Il ne servait à rien de lui donner ce qu’il voulait : une scène. Tout ce qui m’importait à cet instant, c'était de sortir Eve de là, de la mettre en sécurité, loin d’Arthur et de ses manigances.
Je me tournai vers Eve et tendis la main pour l'aider à se relever. Elle saisit ma main avec une certaine hésitation, comme si elle craignait qu’un autre incident éclate. Mais je lui souris doucement, essayant de lui faire comprendre que tout était sous contrôle.
« Viens, rentrons », murmurai-je.
Nous sortîmes de l’appartement d’Arthur sans ajouter un mot de plus. Je sentais la tension retomber légèrement à mesure que nous nous éloignions. Une fois dans ma voiture, je me tournai vers elle.
« Je suis désolé de ne pas avoir répondu à tes messages plus tôt », dis-je, la voix sincère. « Je te jure que je ne les ai jamais reçus. Si j'avais su ce qui se passait, jamais je n'aurais laissé les choses en arriver là. »
Eve tourna la tête vers moi, ses yeux encore un peu rouges de la tension de la soirée, mais elle hocha la tête en signe de compréhension.
« Je sais. Ce n’était pas ta faute », murmura-t-elle doucement. « Je ne t’en veux pas. »
Le silence qui suivit était lourd de sens. Nous étions tous les deux épuisés par ce qui venait de se passer, mais un autre sujet restait encore en suspens, et il était temps d'en parler. Je pris une grande inspiration et posai la question qui me brûlait les lèvres depuis des jours.
« Et pour Noël ? Tu as pris ta décision ? »
Elle me regarda un instant, ses traits s’adoucissant malgré l’épuisement. Un léger sourire apparut sur ses lèvres, et je sentis mon cœur s’alléger.
« Oui », répondit-elle enfin. « C’est bon, je suis d’accord pour passer Noël avec toi. »
Une vague de soulagement m’envahit, mais elle continua avec une légère grimace.
« À une condition, toutefois. »
Je fronçai les sourcils, curieux. « Tout ce que tu veux », répondis-je, encore dans l'euphorie de son acceptation.
« Promets-moi que tu ne m’emmèneras pas dans un restaurant comme celui de ce soir », dit-elle, un éclat de malice dans les yeux, malgré l’évident inconfort qu’elle ressentait encore en repensant à l’incident.
Je ne pus m’empêcher de sourire à sa demande. « Promis. Aucun restaurant chic et oppressant. »
Nous arrivâmes à son immeuble, et je l’accompagnai jusqu’à sa porte. Tout mon corps criait de rester avec elle, peut-être même de l’embrasser, de franchir cette ligne que je sentais depuis si longtemps. Mais je me retins. Je ne voulais pas précipiter les choses, pas après la soirée éprouvante qu’elle venait de traverser. Elle n’avait donné aucun signe que c’était le bon moment, et je ne voulais pas risquer de compromettre ce que nous étions en train de construire.
« Bonne nuit, Eve », murmurai-je avant de me retourner pour partir.
« Bonne nuit, Basil », répondit-elle en fermant doucement la porte derrière elle.
Je descendis les escaliers, l’esprit en ébullition. Elle avait accepté de passer Noël avec moi. Cela représentait plus que ce que je pouvais admettre à cet instant. Je savais que c’était une occasion unique, et je voulais la rendre spéciale. Mais comment faire ?
Les jours suivants furent un véritable tourbillon. Je n’arrivais plus à me concentrer sur le travail, l’esprit entièrement tourné vers ce repas de Noël avec Eve. Je savais que je devais trouver une idée qui ferait de cette soirée quelque chose d’exceptionnel, mais aussi de personnel. Aller dans un restaurant était exclu, et je voulais lui montrer que j’étais prêt à faire des efforts pour elle.
Je décidai donc de tout organiser moi-même. Après tout, quoi de plus intime qu’un dîner préparé à la maison ? Mais il y avait un petit problème… Je ne savais absolument pas cuisiner.
Ma détermination me poussa à m’inscrire à un cours de cuisine express, une sorte de « survie culinaire pour Noël ». Je savais que je risquais de me ridiculiser, mais c’était un risque que j’étais prêt à prendre. Pendant ce cours, j’appris les bases : comment préparer un rôti sans le carboniser, comment faire cuire des légumes sans les transformer en purée. C’était plus compliqué que je ne l’avais imaginé, mais je persistai. Je voulais que tout soit parfait pour elle.
Entre les séances de cuisine et les courses pour trouver les meilleurs ingrédients, je passai mes journées à planifier chaque détail. Un jour, alors que je préparais un dessert – un simple gâteau au chocolat – je me brûlai en sortant la plaque du four. Le mal était intense, mais je ne me décourageai pas. J’allais réussir ce dîner, peu importe les obstacles.
Le jour de Noël arriva enfin. Mon appartement était prêt : décoré avec soin dans un thème festif, avec un grand sapin illuminé, des guirlandes dorées et rouges, des bougies parfumées à la cannelle. L’ambiance était cosy, chaleureuse. Le repas était également prêt : un rôti succulent, des légumes grillés, et en dessert, le fameux gâteau au chocolat. Tout était enfin en place.
J’étais nerveux, plus que je ne l’aurais cru. J'avais mis tellement d'efforts dans cette soirée que l'idée que quelque chose puisse mal se passer me rendait fou. Et pourtant, j'étais incroyablement excité de la surprendre, de la voir réagir à tout ce que j'avais préparé.
L’heure venue, je montai à son appartement. J’essayai de paraître détendu, mais mon cœur battait à tout rompre. Je frappai à sa porte, et elle ouvrit presque immédiatement. Elle était magnifique, simplement vêtue, mais avec une élégance naturelle qui me coupa le souffle.
« Prête ? » lui demandai-je avec un sourire.
Elle acquiesça, et nous nous dirigeâmes vers l’ascenseur. Je restai silencieux, savourant le mystère de la soirée. Je savais qu’elle pensait que nous allions descendre, probablement vers une voiture pour aller dîner quelque part. Mais à sa grande surprise, l’ascenseur monta.
Je vis son regard se tourner vers moi, intriguée. « On monte ? »
Je souris mystérieusement. « Oui. »
Lorsque l’ascenseur s’arrêta, nous sortîmes à mon étage. Elle semblait un peu confuse, mais je l’invitai à me suivre. Une fois arrivés à mon appartement, je l’invitai à entrer.
Sa réaction fut exactement ce que j’avais espéré. Ses yeux s’écarquillèrent en voyant la décoration de Noël, le sapin scintillant, les guirlandes. La chaleur qui émanait de l’appartement la surprit visiblement.
« C’est magnifique, Basil », murmura-t-elle.
Je la guidai ensuite vers la salle à manger, où le repas était déjà prêt, la table soigneusement dressée avec de la vaisselle fine et des bougies. L’odeur du rôti se répandait dans la pièce.
« Je pensais qu’un dîner en tête-à-tête serait mieux qu’un restaurant bondé avec les fêtes », expliquai-je doucement.
Elle me regarda, visiblement émue par l’effort que j’avais mis dans cette soirée. « Tu as tout fait toi-même ? »
J’hochai la tête, légèrement embarrassé. « J’ai pris un cours de cuisine. Je voulais que ce soit spécial. »
Elle sourit, et ce sourire valait tous les efforts que j’avais fournis. La soirée se déroulait mieux que je ne l’aurais imaginé. C’était notre moment, loin des drames des derniers jours, loin des complications. Juste nous, et un repas que j’avais préparé pour elle.