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Pommedereinette
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Chapitre 14

Alice

1er Juillet 2023

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Je ne sais même plus quel jour on est. Les heures s’effacent les unes dans les autres, indifférentes. Je ne bouge pas. Je reste là, figée, à fixer le plafond avec un regard vide. Penser me coûte. Agir m’est impossible. Ressentir, c’est devenu insupportable.

Parfois, on frappe à la porte. Quand j’arrive enfin à me lever pour ouvrir, il y a toujours un plateau ou un sac de nourriture devant, laissé là par quelqu’un qui s’inquiète encore. Je n’y touche presque pas.

Maurice, lui, me colle plus qu’à l’accoutumée. Il miaule doucement, cherche mes bras, comme s’il voulait m’offrir un peu de chaleur, un peu de réconfort. Mais cette fois, même lui n’y arrive pas.

Chaque fois que je ferme les yeux, je le revois. Son corps. Déchiqueté. L’odeur du sang me hante, elle imprègne l’air, ma peau, mes souvenirs.

Je saisis mon téléphone. Le reflet sur l’écran me dégoûte  j’ai du mal à croire que ce visage fatigué, cette coquille vide, c’est moi. Des appels manqués défilent, presque tous de ma mère. Je les ignore, comme toujours.

Puis mes yeux tombent sur mon fond d’écran. Une photo de nous, du lycée. Il avait sa période surfeur, ses cheveux clairs en bataille, ce sourire un peu trop sûr de lui. Je m’effondre. Le téléphone m’échappe, rebondit sur le matelas avant de heurter le sol.

Je ramène mes mains à mes cheveux, m’y agrippe, comme pour empêcher ma tête d’exploser sous le poids des sanglots qui montent, incontrôlables, ravageurs, silencieux et lourds de tout ce que je ne peux plus contenir. 

Mais finalement n’est ce pas là un châtiment ?

Après tout…j’ai tué…je me suis permise d'ôter la vie de quelqu’un…et j’ai aimé ça.

Ce n'est là que ma punition.


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Alice

8 Juillet 2023
 

Je dois me ressaisir. Je le sais. Ce n’est pas mon premier deuil… Je devrais savoir comment gérer ça, mais non. 

Me voilà, au bout du rouleau, incapable de me relever. Avec un soupir, je quitte enfin le lit, mes mouvements lourds et hésitants. Des vêtements sous le bras, je me dirige vers la salle de bain de mon étage. L’eau chaude qui coule sur ma peau m’apaise un peu. Je ne m’étais pas lavée depuis ce jour, et ça fait du bien. Habillée de ma tenue de sport, je descends à la cuisine. Sasha est là, devant le plan de travail, préparant un repas. Mon regard s’accroche à sa silhouette avant que je m’approche lentement du comptoir.

— Alice ? dit-il en se retournant, surpris. Je… ne m’attendais pas à te voir aujourd’hui.

Je ne réponds pas.

— Tu as faim ? demande-t-il, incertain.

Je hoche simplement la tête. Il m’observe un instant, comme pour s’assurer que je suis bien réelle, puis retourne à sa cuisine. Quelques minutes plus tard, il pose deux assiettes devant nous.

— Mathieu est absent depuis quelques jours. Il rentre demain, dit-il en remplissant nos verres.

Je mange en silence, la tête basse.

— On s’est mis d’accord pour te dispenser d’entraînement, au moins jusqu’à ce que tu te sentes…

— Non.

Il s’interrompt, surpris.

— Pardon ?                                                                                                                                                   

— Je dois continuer.                                                                                                                            

— Alice, tu n’as pas à…                                                                                                                        

— J’ai fait assez de pause. Ça fait des semaines que je ne fais rien. Vous voulez anéantir les Crows ? Moi aussi. Mais je ne veux pas juste les voir tomber. Je veux détruire ce gang de merde. Celui qui m’a enlevé Axel.

Mon ton est sec, presque tranchant. Sasha me fixe, muet, évaluant la détermination dans mon regard.

— Tu n’as pas l'étoffe d’une meurtrière Alice…même si il te pousse sur ce chemin, ne l'emprunte pas…                                     

— Ils paieront. Et j’ai besoin de ton aide. Je ne te demande pas de les tuer pour moi. Je veux que tu m’entraînes. Apprends-moi à me battre, à devenir assez forte pour les affronter.

Il secoue lentement la tête.

— Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, Alice. Mathieu n’acceptera jamais.

Sa voix semble incertaine comme s'il savait une autre vérité.

Je me redresse, mes mains tremblantes serrées sur le comptoir.

— Alors je n’attendrai pas qu’il accepte. C’est moi qui ai besoin de ça. Si vous voulez les détruire ensemble, très bien. Mais moi, je dois commencer maintenant. Et je ne lâcherai pas.

Il fronce les sourcils, puis laisse échapper un soupir résigné.

— D’accord. Si tu veux devenir forte, on va commencer aujourd’hui. Mais sache une chose : ce ne sera pas facile. Tu me montres que tu es prête, ou c’est fini.

Je hoche la tête, sans hésiter cette fois.Il se lève et se dirige vers le sous-sol. Je le suis, le cœur battant, sentant une nouvelle énergie se réveiller en moi. Alors que nous descendons les escaliers, il se tourne vers moi.

— Au fait… Mathieu m’a dit que tu avais été courageuse ce jour-là.

Je détourne les yeux, une pointe de douleur remontant à la surface.

— Ce n’est pas…                                                                                                                         

— Montre-moi qu’il avait raison, Alice. Je veux être fier d’avoir été ton mentor.

Son regard me transperce, mais je ne détourne pas les yeux cette fois. Je serre les poings.

— Je te le montrerai. Je te le promets.

— Tu as intérêt, marmonne-t-il.

Résignée, je me place au centre de la pièce, sans broncher.

— D’ailleurs, puisque tu as décidé de renier ta vie normale, ajoute-t-il d’un ton faussement détaché, quand tu auras un moment, j’aimerais que tu te mettes à la natation. Ça renforce bien les muscles, mieux que les machines à mon avis. Personnellement, je préfère ça.

Je glisse un regard hésitant vers la piscine, un peu plus loin, en contrebas du sous-sol. Elle est silencieuse, presque menaçante. L’eau sombre me paraît froide, étrangère.


Alice

9 Juillet 2023


Je me sens mieux. Pas complètement guérie, loin de là, mais un peu plus… vivante. Je veux le venger. Je le dois. Je le sens dans chaque fibre de mon être. Ce sentiment m’habite, donne un sens à ma douleur, et je m’y accroche. Si c’est bien un sentiment alors moi je deviendrais leur châtiment.
Ma relation avec Sasha semble s’être adoucie. Il m’entraîne sérieusement, et ça me pousse à me tenir debout, à avancer. Mathieu est rentré hier. On n’a pas encore eu une vraie conversation, il était trop fatigué, et je l’ai presque forcé à aller dormir. Mais aujourd’hui, je compte lui parler. Je monte à son étage, déterminée. Alors que je m’approche de son bureau, une douce mélodie de musique classique s’échappe d’une pièce où je n’ai jamais mis les pieds. Intriguée, je change de direction et toque doucement à la porte.

— Entrez.

Sa voix résonne calmement. J’ouvre la porte et me glisse à l’intérieur.

— Je ne suis même pas surprise que tu écoutes...

Je m’arrête en plein milieu de ma phrase, figée par ce que je vois. La pièce est baignée d’une lumière tamisée, douce, presque apaisante. Au centre, Mathieu se tient, ses cheveux de jais attachés en un chignon négligé. De l’argile macule ses bras, son visage, et le haut de son torse. Sa chemise marron clair est légèrement ouverte, les deux premiers boutons défaits, les manches retroussées jusqu’aux coudes.

— Tu… tu fais de la poterie ? demandai-je, abasourdie.

Un sourire amusé effleure ses lèvres.

— Je demeure quelque peu perplexe face à ton étonnement. M’imaginais-tu donc armé d’un club de golf, plutôt que de ceci ?

— Honnêtement, je ne sais pas ce que j’imaginais… mais certainement pas ça.

Je commence à parcourir la pièce du regard. Des étagères regorgent de poteries : vases, sculptures, objets d’art, tableaux. Chacun semble porteur d’une histoire, façonné avec soin et précision mais à l’autre bout de la pièce se trouve des œuvre briser, certaine on tenter d'être réparé.

— Elles sont toutes de toi ?

— En effet. Chacune de ces pièces porte l’empreinte de ma main.

Fascinée, je tire une chaise et m’assois à côté de lui, le regard fixé sur ses mains expertes qui modèlent l’argile.

— Ça ne te dérange pas si je reste pour regarder ?

Un éclair de tendresse passe dans ses yeux.

— Jamais je ne pourrais être incommodé par le regard de tes beaux yeux posé sur ma personne, bien au contraire, ma très chère.

Je souris légèrement, apaisée par l’atmosphère tranquille de la pièce. Il continue de façonner ce qui semble être un vase, ses gestes précis et fluides. 

— Où est-ce que tu étais pendant tout ce temps ?

— Je regrette sincèrement si mon absence t’a pesé, Honey, mais il m’est absolument inconcevable de laisser ces individus impunis après t’avoir infligé tant de souffrance.

— Qu’est-ce que tu as fait ?

Il marque une pause, les yeux vrillés d’une intensité troublante.

— J’ai découvert, il y a quelque temps déjà, le registre contenant l’identité de chacun de leurs collaborateurs. Je les ai tous éliminés, dit-il, tandis qu’une lueur de folie obsessionnelle traverse son regard. Ce message, cette irrésistible soif de vengeance, ne fait désormais que croître en moi. Plus jamais, entends-tu, plus jamais une seule larme ne devra couler de tes si beaux yeux.

Puis, comme si de rien n’était, il se détourne. Son souffle ralentit. Il reprend calmement la conception de ce qui ressemble à un vase, ses gestes précis, presque mécaniques, comme si ce passage à l’acte n’avait été qu’une formalité parmi d’autres.

Pendant un moment, seul le murmure de la musique classique emplit l’espace.Mais une ombre plane sur moi, et les mots que je retiens depuis des jours finissent par franchir mes lèvres.

— C’est de ma faute, tout ça… Axel… si je ne lui avais pas parlé, il serait encore là…

Mathieu lève les yeux de son œuvre et pose doucement ses mains sur ses genoux, son regard ancré dans le mien.

— Non, Alice. En cela, nul blâme ne saurait t’être attribué. Les événements se seraient déroulés de la même manière, que tu lui en aies fait part ou non.

Je secoue la tête, les larmes montant à mes yeux.

— C’est faux. Tout est arrivé à cause de moi. C’est parce que je lui ai tout raconté qu’il a voulu agir seul. Si je m’étais tue, il serait vivant…

Mathieu se lève lentement, essuie ses mains sur un chiffon, puis s’approche de moi. Il s’agenouille à ma hauteur, son regard empreint de cette intensité qu’il maîtrise si bien.

— J’ai perdu ma mère alors que je n’étais encore qu’un enfant, Alice. Longtemps, j’ai porté en moi la conviction douloureuse que j’étais la cause de sa disparition. J’imaginais que, si j’avais agi autrement, elle serait encore en vie. Mais les années m’ont appris une vérité essentielle : je n’étais en rien responsable. Cette révélation m’a offert une forme de délivrance. Ce que tu ressens aujourd’hui est profondément humain… néanmoins, il te faut affronter la réalité : tu n’as rien à te reprocher. Tu fus son amie la plus loyale, et jusqu’au dernier instant, tu as agi avec une dévotion sans faille.

Ses mots percent une brèche dans mon armure. Les larmes coulent librement maintenant, silencieuses, incontrôlables. Mathieu tend les bras, et je m’y réfugie sans réfléchir.Il me serre contre lui, ses bras solides et réconfortants enveloppant mon corps tremblant. Je sens l’argile de ses mains tacher ma robe, mais je m’en fiche. Ici, dans ses bras, la douleur semble moins lourde, moins oppressante.Il caresse doucement mon dos, murmure quelques mots apaisants, entrecoupés de brefs baisers déposés sur le sommet de ma tête. La musique classique joue en arrière-plan, tissant une ambiance presque irréelle. Aucun de nous ne parle davantage. Juste ce moment suspendu, un souffle de paix dans le tumulte de mes pensées.


Mathieu - 8 ans

31 avril 2006

Aujourd’hui est un jour comme tant d’autres où ma mère m’emmène faire une promenade. Toujours les mêmes rues, les mêmes arbres, les mêmes chemins. Je traîne des pieds, la main accrochée à la sienne. Je m’ennuie. Soudain, mon regard est attiré par des tas de feuilles mortes éparpillés un peu partout. Des nuances de jaune et d’orange flamboyantes, comme si le sol était tapissé de soleil. Mon ennui s’efface instantanément. Je lâche la main de ma mère et me mets à courir, sautant de tas en tas, les feuilles s'envolent autour de moi comme un tourbillon.

— MATHIEU ! Ne t’éloigne pas ! Reviens !

Sa voix me parvient, forte et tranchante. Elle sonne comme un avertissement, mais je l’ignore. Je ne veux pas qu’elle s’énerve, mais cette promenade est toujours la même. Aujourd’hui, j’ai envie de m’amuser. Je me retourne vers elle pour la voir courir dans ma direction, mais mon sourire s’efface en un instant. Un hurlement fend l’air, un cri déchirant, inhumain. Mon corps se fige. Ma mère arrive à ma hauteur, le souffle court, et je vois son visage pâlir. Elle pousse un petit cri avant de se précipiter pour m’attraper et couvrir mes yeux de ses mains tremblantes.

— Maman ? dis-je, ma voix tremblante. Je panique, tentant de retirer ses mains de mon visage. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Une voix que je ne connais pas me parvient.

— Putain… Ils nous ont vus…

Une autre voix rauque et brutale s’élève derrière nous.

— Qu’est-ce que tu attends ? Va la chercher !

— NON ! crie ma mère en pleurs. Je vous en supplie, je ne dirai rien !

Ma mère me tourne vers elle, ses mains agrippant mes épaules avec une force désespérée.

— Cours, Mathieu.

Ses yeux sont remplis de larmes, son visage déformé par l’angoisse.

— Maman… ?

Elle me repousse soudainement, presque violemment.

— COURS ! ENFUIS-TOI !

Ses hurlements résonnent dans ma tête. Je suis figé, paralysé par la peur. Mais ses larmes, son regard… quelque chose en moi comprend qu’il faut que je lui obéisse. Je me mets à courir, les jambes tremblantes, alors que mes sanglots m’étouffent. Je jette un dernier regard par-dessus mon épaule. Un homme attrape ma mère par le bras et la tire violemment vers une ruelle sombre. Une mare de sang s’étale sur le sol à leurs pieds, un corps sans vie gisant là. Un autre homme attend dans l’ombre, un rictus cruel sur son visage.

— MAMAN !

Elle se retourne une dernière fois, ses yeux pleins de désespoir.

— COURS ! hurle-t-elle encore, sa voix se brisant.

Alors je cours. Aussi vite que mes petites jambes le permettent. Les sanglots brouillent ma vue, mais je continue, trébuchant parfois, me relevant aussitôt. Je dois atteindre le magasin. Papa est là. Papa pourra l’aider.Quand j’arrive enfin, à bout de souffle et en larmes, mon père est assis à une table, discutant calmement avec un autre homme. Il relève les yeux vers moi, surpris de me voir ici.

— Qu’est-ce que tu fais là, Mathieu ? demande-t-il, d’une voix dure. Pars. Tu n’as rien à faire ici.

Je tente de lui parler, mais mes mots s’emmêlent dans mes sanglots.

— Papa… Maman… elle… elle…

Je ne parviens pas à articuler, mes pleurs me submergent.Le visage de mon père se transforme instantanément. Sa surprise laisse place à une fureur glaciale. Il se lève d’un bond, sa chaise basculant en arrière avec fracas.


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