Alice
21 août 2023
Ma respiration est saccadée. J’ai chaud, terriblement chaud. La chaleur étouffante de cette fin d’août est déjà écrasante, mais les efforts physiques que je viens d’accomplir n’arrangent rien. Les mains appuyées sur mes genoux, je tente de reprendre mon souffle. Je sens le regard de Sasha sur moi. Il ne dit rien, mais je sais qu’il m’observe. Malgré le mois passé à m’entraîner à ses côtés, et malgré l’amélioration apparente de notre relation, il m’est encore impossible de deviner ce qu’il pense réellement de moi.
— D’ailleurs, pour ta prochaine séance, le maître des lieux tient à te la donner lui-même, finit-il par lâcher d’un ton neutre.
Je relève la tête, confuse, mais avant que je ne puisse répondre, Sasha tourne les talons et disparaît, me laissant seule dans la pièce. Une fois ma respiration redevenue plus calme, je décide de rester un moment pour poursuivre l’entraînement. Depuis un mois, je suis un programme intensif : combat au corps à corps avec Sasha, maniement des armes avec Mathieu, et des séances de renforcement musculaire sur les machines pour compléter le tout.
La technique, c’est bien, mais sans force, elle reste incomplète. Après une heure et demie supplémentaire d’efforts acharnés, j’écoute enfin le conseil de Sasha et décide de remonter à l’étage. Je récupère mon maillot de bain bleu marine, me change, puis redescends vers le sous-sol. En chemin, je croise Mathieu, visiblement de retour d’un atelier de poterie, à en juger par l’état de ses vêtements.
— Sweetheart… Cela fait des heures que tu t’entraînes sans relâche. Tu devrais t’accorder un moment de répit, avant que l’épuisement ne t’emporte.
Son regard, empreint d’inquiétude, reste accroché à mon visage.
— Ne t’inquiète pas, je vais bien.
Je tente de détendre mes muscles déjà endoloris. La fatigue me ronge, mais je suis persuadée que la natation m’aidera à retrouver un certain équilibre. Depuis le début, j’évite cette discipline, par honte de montrer mes performances à Sasha. Alors maintenant qu’il est absent, je compte bien en profiter.
— Ne t’attarde pas au-delà d’une heure. C’est un ordre formel.
Je lève les yeux au ciel en descendant les dernières marches. Face à l’eau de la piscine, l’odeur du chlore me frappe. Je prends une inspiration profonde avant de plonger.
Les minutes s’étirent, les longueurs s’enchaînent. Mais peu à peu, mes forces m’abandonnent. Le monde devient flou, distant. J’entends à peine la porte claquer. Puis tout s’éteint.
Une silhouette indistincte fend l’eau et crie mon nom. Des bras puissants me saisissent et me ramènent à la surface. Je reprends l’air avec un souffle rauque, grelottante, collée à lui.
— Mais enfin, qu’est-ce qui t’a pris ?! Je t’avais expressément indiqué que tu étais bien trop épuisé pour poursuivre !
— Je… suis désolée, Mathieu… Mais je ne peux pas me reposer sur mes lauriers.
— Fais preuve de raison, je t’en supplie. Si je n’étais pas descendu, tu te serais noyée. Tous les progrès que tu as faits n’auraient servi à rien. Tu es déjà incroyablement forte à mes yeux, inutile de te prouver quoi que ce soit ainsi.
Il effleure doucement mon visage, puis nous guide jusqu’au bord du bassin. Assis côte à côte, je laisse mes jambes tremper dans l’eau. Il retire sa veste de costume, visiblement agacé. Sa chemise rouge, trempée, lui colle à la peau. Il détache ses cheveux, les essore lentement.
— Considère-toi chanceuse que je t’apprécie. C’est uniquement pour cette raison que je tolère cette scène. Mon costume est irrémédiablement fichu. Et arrête de me dévorer du regard… Tu n’en es nullement digne.
Son ton sec me fait rougir. Je détourne aussitôt les yeux.
— Désolée…
Il soupire longuement.
— Honey… comprends-tu à quel point c’était insensé ? Je t’en prie. Prends soin de toi. Vraiment.
Son sourire, tendre malgré tout, efface peu à peu la tension. Il ramasse sa veste, puis quitte le sous-sol.
Je reste là un long moment à contempler l’eau calme, avant de me lever. J’enroule une serviette autour de moi et me dirige vers la sortie. Mais en ouvrant la porte, je sursaute. Une silhouette familière m’attend, droite, imposante. Déjà changé, impeccable comme à son habitude, seul indice de notre mésaventure : ses cheveux encore humides. Leur parfum frais m’enveloppe, enivrant. Un trop long moment.
— Je suis navré. Bien que ton visage soit charmant ainsi, je n’avais nullement l’intention de t’effrayer, dit Mathieu avec un sourire amusé.
Je me reprends rapidement et le fixe, intriguée.
— Qu’est-ce qui t’amène de nouveau ici ? demandai-je.
— Je me doutais que tu serais encore là.
Son regard descend lentement sur moi, détaillant chaque centimètre de mon être avant de remonter pour plonger dans mes yeux. Ce regard, si perçant, donne l’étrange impression qu’il peut lire au plus profond de mon âme.
— En quoi puis-je t’aider ?
— Selon Sasha, tes progrès sont remarquables. Et comme tu t’investis bien au-delà de mes attentes trop même, tu m’accompagneras ce soir.
Il marque une pause, ses lèvres s’étirant en un sourire énigmatique.
— Veille à te vêtir avec soin. Je ne doute pas de ton style habituel, mais pour cette nuit, opte pour encore plus d’élégance… et d’extravagance.
Il sourit encore une fois, puis se détourne, s’éloignant d’un pas tranquille mais assuré. Je reste figée un moment, le regardant disparaître dans le couloir.Je ne sais pas exactement ce qui m’attend ce soir, mais cette invitation est à la fois excitante et inquiétante. Après quelques instants d’immobilité, je secoue la tête pour reprendre mes esprits et me dirige enfin vers ma chambre. Une chose est sûre : il va falloir être à la hauteur.
Je pousse un soupir en sortant de la douche. L’eau froide m’a fait un bien fou après cet entraînement épuisant, je m’allonge sur le lit me reposer un instant. Un léger toquement à ma porte me fait me diriger vers celle-ci. Des cheveux roux m'accueillent l’air mal à l’aise.
-Mathieu m'a dit ce qui c’est passé…Tiens…prends ça. Tu en auras besoin.
Il me passe une boisson énergisante avant de partir précipitamment. Je la bois donc.
Je me dirige vers ma penderie, cherchant une robe qui correspondrait aux attentes de Mathieu. Après quelques instants, je choisis une longue robe moulante dorée, ornée de paillettes, avec une fente audacieuse sur le côté droit. Elle laisse mes épaules nues, dévoilant ainsi mes tatouages sur le bras droit. J’espère que ce n’est pas mal vu dans son milieu ; je n’ai aucune envie d'attirer une mauvaise attention. Je me maquille rapidement, optant pour un rouge à lèvres rouge pailleté et une touche de mascara. Pour ma coiffure, je fais un chignon haut et légèrement décoiffé, laissant quelques mèches bouclées se suspendre négligemment. Comme la robe laisse la nuque à découvert, j’ajoute un collier doré représentant une pluie de cristaux. Enfin, je complète mon look avec un bracelet doré sur mon poignet gauche et des escarpins rouges assortis à mon rouge à lèvres, ainsi que des boucles d’oreilles de la même teinte. Alors que je m’observe dans le miroir, je suis soudainement interrompue par un léger toc à ma porte.
— Oui ?
Mathieu entre sans un mot, ses yeux parcourant lentement ma silhouette avant qu’il ne trouve enfin les mots.
— Il m’est désormais parfaitement évident que point ne suis-je enclin à regretter d’avoir sollicité votre présence.
Il s’approche de moi, analysant chaque détail de ma tenue. Puis, d’un geste mesuré, il effleure mon bras en remontant lentement jusqu’à mon menton, plongeant son regard dans le mien. Ces yeux brillent d’une lueur étrange qui me fait rougir malgré moi.
— Néanmoins, il se trouve en ma possession un élément susceptible d’ajouter quelque éclat à l’ensemble.
Je sens son souffle tout près de mes lèvres, me forçant à lutter pour garder ma contenance.
Il ne réagit pas immédiatement, mais plutôt qu’une réponse verbale, il sort de sa poche une barrette ancienne, en forme de rose rouge. Il la place dans mon chignon avec une délicatesse surprenante.
— Un trésor familial ? Je ne suis pas sûre de pouvoir accepter…
— Elle n'a fait qu’accumuler la poussière, de toute manière. Elle appartenait à ma mère, mais cette dernière n’a jamais eu l’opportunité de la transmettre à qui que ce soit. Il faut dire que les femmes sont d’une grande rareté au sein de ma lignée.
Il me fixe un moment, comme s'il cherchait quelque chose dans mes yeux, avant de se reculer et de se diriger vers la porte. Un léger sourire sarcastique étire ses lèvres.
— Et qui sait, peut-être qu’un jour, cette barrette retrouvera sa place parmi les nôtres.
Je fronce les sourcils, le regardant s’éloigner, ne sachant trop quoi penser de son sous-entendu. Une fois la porte fermée derrière lui, je tourne la tête vers Maurice, qui me fixe avec une expression qui réclame des câlins.
— Ce n'est pas ce que je crois, n'est-ce pas ?
Ma main effleure la rambarde alors que je descends les escaliers. Sasha et Mathieu sont en pleine conversation, bien que Mathieu semble à peine attentif à ce que son compagnon dit. J’avais cru qu’il serait impossible pour Mathieu d’être plus élégant qu’à son habitude, mais visiblement, il me prouve le contraire. Il est d’une prestance telle que je parie qu’il possède une garde-robe bien plus fournie que la mienne, malgré le fait que je sois loin d’être en manque de vêtements.
Lorsque mes talons résonnent sur les marches, les deux hommes se tournent en même temps. Mathieu affiche son sourire charmeur, celui qui fait fondre mon assurance, tandis que Sasha... eh bien, c’est Sasha. Ce n’est pas qu’il ne me remarque pas, mais son regard se fait aussi distant que d’habitude. D’ailleurs, il n’est pas habillé comme nous. Il a gardé son style techwear mais plus poétique.
— Tu ne viens pas avec nous ?
— Je viens, répond-il d’un ton détaché. Mais je reste en retrait lors de ces événements mondains. La surveillance, c’est mon domaine. Il lève l’appareil photo qu’il porte en bandoulière.
— Les Corbeaux seront présents, et nul endroit ne saurait être plus propice à leur élimination, Mathieu poursuit sans se laisser distraire. J’ai également songé que l’idée de me tirer de ce mauvais pas pourrait t’amuser, Darling. Ainsi, tu es ma cavalière pour cette soirée. Je ne doute point que tu sauras me prêter main-forte, si tel est ton souhait.
— Évidemment que je le ferai, dis-je, mon regard brillant de détermination. Peu importe ce que les autres disent, la vengeance peut être un précieux moteur. Pour l’instant, elle m'apporte de nombreuses choses intéressantes.
Les deux hommes échangent un regard approbateur, et Mathieu ouvre la voie. Sans plus attendre, il se dirige vers la voiture, et je ne tarde pas à le suivre. L’homme à la canne s’arrête à la porte arrière, l’ouvre et me fixe un instant, comme s’il attendait que je monte. Je m’exécute sans hésitation.
— Quel gentleman, dis-je, un sourire sarcastique aux lèvres.
— Pour toi ? Toujours, Honey.
Ma remarque, bien qu’ironiquement teintée, ne semble pas le déranger. Lorsqu'il referme la porte derrière lui, je vois dans ses yeux une sincérité qui me perturbe un instant. Même une fois installé sur le siège passager, je ne peux détacher mon regard de lui. Sasha démarre sans attendre.
— J’ai compris qu’on allait là-bas pour continuer votre projet, mais concrètement, il y a un plan ?
— Non, répondit Mathieu d’un ton posé. À dire vrai, il ne s’agit là que d’un objectif secondaire. Nous savourons la soirée, et j’en profiterai pour me défaire des corbeaux qui s’y trouveront.
Je fronce légèrement les sourcils.
— Mais dans ce cas, pourquoi Sasha ne s’est-il pas apprêté comme nous ?
— Parce que je suis le photographe de cette soirée, explique Sasha. Mathieu a fait mon éloge auprès de Mademoiselle Yuna, et comme elle le porte en haute estime, elle a décidé de me contacter.
— Cependant, reprit Mathieu avec une pointe d’ironie, ce que notre charmant protagoniste omet sciemment de souligner, c’est que notre estimable hôtesse semble, à l’évidence, éprouver pour lui une certaine inclination.
— Tu parles, elle drague absolument tout le monde, réplique Sasha, roulant des yeux avec exaspération.
Je souris doucement, observant leur échange. Un lien évident unit ces deux-là, bien plus fort que tout ce que je pourrais espérer construire. Leur complicité est palpable.
— D’ailleurs, Mathieu, pourquoi ces surnoms en anglais ?
Il semble un peu surpris par ma question, mais son sourire charmeur ne disparaît pas.
— Il est exact que je ne l’avais point précisé auparavant, déclara-t-il sur un ton empreint de légèreté. Toutefois, je suis de nationalité britannique. Bien que né en France, mes parents sont originaires d’Angleterre. Nous nous rendions là-bas régulièrement, tant pour les affaires que pour les villégiatures. Et pour une dame d’un raffinement et d’une élégance tels que les tiens, quel hommage pourrait être plus approprié que de s’exprimer dans la langue même du raffinement ?
Mes joues se mettent à chauffer sous son compliment. Un peu gênée, je me tourne vers la fenêtre, espérant que le vent calme la chaleur qui monte en moi. Je crois que, maintenant que j’ai rencontré Mathieu, je vais avoir bien du mal à considérer les autres hommes. Après quelques minutes supplémentaires, la voiture s’arrête enfin. En jetant un coup d’œil par la fenêtre, je repère le lieu de la fête. Avant que je puisse m’y attarder davantage, la porte s’ouvre, et c’est Mathieu qui m’en sors.
— Tu permets ? dit-il, tendant son bras dans ma direction.
Je n’hésite que quelques secondes avant de l’accepter, mes doigts glissant contre le tissu de son bras. Il semble ravi de mon geste, et ensemble, nous descendons du véhicule.
— Bon, je vais faire du repérage, lance Sasha en s’éloignant sans même attendre une réponse. Vous pouvez vous éclipser, les tourtereaux.
Sasha s'éloigne d'un pas léger, me laissant seule avec Mathieu. L’homme à la canne, indifférent à la remarque de son ami, me conduit vers les escaliers recouverts de tapis rouge qui mènent à l’entrée du bâtiment.
— Je conçois aisément que ce genre d’événement puisse t’être peu familier, débute-t-il en m’adressant un sourire empreint d’assurance. Toutefois, tant que tu demeures à mes côtés, sois certaine que tout se déroulera à la perfection.
Sa confiance en lui est apaisante. Nous franchissons la porte, et je repère immédiatement Sasha, entouré d'invités, capturant des clichés tout en discutant avec eux.
— Ma chère, reprend Mathieu en m’extirpant délicatement de ma rêverie, permets-moi de te présenter à notre charmante hôtesse.
Il me guide alors vers une femme d'une grande beauté, une blonde dans la trentaine, qui sourit chaleureusement à la réplique de Mathieu.
— Tu me fais rougir, mon mignon, dit-elle, avant de tourner son regard vers moi. C’est la première fois que tu viens ici avec une aussi ravissante créature. Enfin, si l’on peut vraiment qualifier ça de ravissant. Peu importe, de toute façon, n’importe quelle femme ferait tache à ton bras. Tu me la laisses un instant, chaton ?
Sans attendre ma réponse, elle saisit ma main et m'attire à sa suite avec une force que je ne lui aurais pas donnée. Surprise, je ne peux que la suivre. Bien qu'un peu vexé de sa remarque. Je remarque le visage quelque peu agacé de Mathieu mais il n'intervient pas.
— Quel est ton joli nom, ma minette ?
Un peu décontenancée, je bégaie une réponse.
— Alice, vous êtes Yuna, n’est-ce pas ?
Elle sourit, un éclat malicieux dans les yeux.
— Je suis sûre que tu as déjà entendu parler de moi. Elle marque une pause, avant d’ajouter, son ton plus intime. Mais pour l’instant, c’est toi qui m'intéresse. C’est la première fois que Mathieu nous ramène une femme, tu sais. À vrai dire, je n’y croyais plus.
— Comment ça ?
— Mathieu et moi nous connaissons depuis l’enfance. Sa mère me faisait confiance pour évaluer ses compagnons.
— Les évaluer ? Peu importe, nous ne sortons pas ensemble.
Elle m'interrompt d'un geste théâtral de la main.
— Balivernes. Je connais Mathieu par cœur. Si vous ne sortez pas ensemble, cela ne saurait tarder, crois-moi. Tu serais bien sotte de le refuser. Elle hausse un sourcil, avant de conclure d’un air désinvolte. Il n’a jamais invité personne ici, sauf toi. Et vu ce que cache cette fausse rencontre mondaine, il te fait confiance, Alice.
-Quoi ?
Elle ignore ma question.
-Encore plus en ce jour si particulier pour.
Je fronce les sourcils ne comprenant pas tout.
-Vous ne le savez pas ? Aujourd’hui c’est son anniversaire.
Elle me détaille un moment.
-Peut-être que je me trompe après tout, tu es peut-être un accessoir, tu semble n'être au courant de rien.
Je m’apprête à répondre une réponse sanglante, mais à cet instant, Mathieu arrive à nos côtés, s’excusant poliment avant de m’éloigner doucement de l’emprise de Yuna.
— Je crois que tu ne m’as clairement pas tout dit, Mathieu, murmurais-je, une pointe d’irritation dans ma voix.
Il me regarde, silencieux un instant, son regard neutre. Il soupire et ajuste sa cravate avant de se décider à parler.
— Permets-moi d’attirer ton attention sur la femme brune, là-bas, dans l’angle de la pièce, dit-il d’un ton posé. Elle paraît davantage absorbée par son verre de vin que par les échanges qui l’entourent. Il s’agit de Lexa, la cheffe de la mafia qui a retenu mes services pour te faire disparaître. Aussi, je te recommande vivement de ne point éveiller sa curiosité.
Je fronce les sourcils, mais il m’interrompt avant que je puisse répondre.
— Ne change pas de sujet, rétorquai-je, de plus en plus agacée.
Il me fixe un instant, puis, d’une voix placide, il continue :
— L’ensemble de cette soirée, organisée deux fois l’an, n’est en réalité qu’une vaste mascarade. Chacun des convives ici présents entretient, de manière plus ou moins directe, des liens avec diverses organisations criminelles, qu’il s’agisse de mafias, de cartels, ou, en ce qui me concerne, de cercles d’assassins. Cette réception constitue un terrain propice à la prospérité des affaires et à la négociation de contrats. À titre d’exemple, l’homme que nous allons rencontrer sous peu se nomme Monsieur Blake. Il est mon fournisseur attitré en armement.
Il désigne du doigt un homme discret, à l’allure soignée, dont le chapeau melon dissimule des cheveux gris.
— Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? m'exclamai-je, excédée. D'ailleurs, tu n’avais rien prévu de me dire, c’est moi qui ai dû poser des questions pour avoir un semblant de réponse.
— Il n’était nul besoin de te troubler avec pareille futilité, répondit-il d’un ton détaché.
— Inutile ? Je le regarde furieuse. Tu te fous de moi ! C’est plutôt important, non ?
Il me fixe un instant, puis soupire à nouveau.
— Pourrais-tu, je te prie, t'abstenir de susciter une scène en cet endroit ?
Je le fixe, furieuse, mais il ne semble pas affecté par ma colère. Il commence à se détourner, sans une once de culpabilité.
— Je tiens à préserver de bonnes relations avec Lexa. Je te serais reconnaissant de bien vouloir patienter ici.