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Pommedereinette
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Chapitre 27

Alice

10 octobre 2023


Allongée sur le dos, j’observe mon plafond, tentant de maîtriser le tumulte de mes émotions. Maurice, étendu sur mon ventre, ronronne sous mes caresses lentes. J’ai beau me répéter que ces satanés corbeaux l’avaient mérité, l’épisode ne cesse de hanter mon esprit.

Résignée, je me lève et descends au salon. Mathieu et Sasha sont plongés dans une discussion animée autour de la table. Je les frôle sans un mot, ouvre la grande fenêtre et me laisse envelopper par le murmure apaisant de la pluie.

— Alice ?

Je sens leurs regards interrogateurs peser sur moi.

— Il faut que j’évacue mon stress.

Sans attendre de réponse, j’allume le tourne-disque et place un vinyle d’Imagine Dragons, acheté quelques mois plus tôt Mathieu m'avait jugé d'ailleurs. La voix envoûtante du chanteur emplit la pièce, mais le volume élevé fait tiquer Mathieu, dont le regard réprobateur ne me fait ni chaud ni froid. Ignorant ses protestations silencieuses, je sors.

La pluie imbibe rapidement mes vêtements, mais je m’en moque. Portée par le rythme de “Eyes Closed”, je ferme les yeux et me mets à danser. Une exaltation soudaine s’empare de moi, me faisant oublier tout le reste.

Un mouvement derrière la fenêtre a attiré mon attention : Sasha, les bras croisés, me regarde d’un air incrédule. Mathieu apparaît sur le bas de la porte.

— Alice, que fais-tu donc ?

Je lui adresse un sourire espiègle et lui fais signe de me rejoindre.

— Il s’abat des torrents de pluie ! protesta-t-il.

— Justement, c’est le moment idéal.

À ma grande surprise, Mathieu finit par céder; il délaisse sa canne contre le mur à l'abri de la pluie. Perplexe, il s’avance vers moi. Dès qu’il est à portée, je saisis sa main et le tire à moi. Déséquilibré, il trébuche légèrement et se rattrape en s’appuyant sur ma taille. Je lui lance un regard d’excuse, consciente de sa jambe blessée. Mais déjà, la musique s’achève.

Un court silence flotte avant qu’une nouvelle chanson ne débute. Dès les premières notes, mon cœur rate un battement. Le disque à été changé, sans doute par Sasha.

Jailhouse Rock.

Je lève les yeux vers Mathieu. Une lueur malicieuse danse dans son regard. Un sourire en coin étire ses lèvres. Sans un mot, il attrape ma main et m’entraîne dans une danse effrénée, comme lors de notre toute première rencontre.

La pluie ruisselle sur nos visages tandis que nous tournons sous l’averse. Lors de la dernière note, il me fait basculer en arrière avec une précision parfaite. Un éclair fend le ciel au même instant.

— Je t’aime, darling.

Son murmure me coupe le souffle. Mon cœur s’emballe. J’ouvre la bouche pour lui répondre, le ventre noué d’une douce euphorie, mais soudain, il me lâche.

Je tombe lourdement dans une flaque.

— Bordel, Mathieu !

Il esquisse une révérence moqueuse avant de récupérer sa canne, abandonnée contre le mur. Je reste allongée un instant, riant malgré moi sous la pluie battante, puis finis par me relever et rentrer à l’intérieur.

À peine entrée, Sasha me lance une serviette en plein visage.

— Essuie-toi avant de choper la mort, marmonne-t-il.

Mathieu, quant à lui, se tient torse nu, une serviette sur la tête, comme si de rien n’était. Je ne peux empêcher mes yeux de dérive vers c’est abdos, bien qu’ils soient bien définis ce qui me préoccupe le plus sont ces cicatrices en trop grand nombre sur l'entièreté de son corps, tantôt ça ressemble à des coups de couteau tantôt à des impacts de balle. Je souris en essuyant mes cheveux trempés, le cœur encore léger de notre danse sous la pluie.

— Tout votre petit numéro était adorable, mais on a un problème urgent à régler.

Je me tourne vers Sasha, surprise par son ton grave.

— Qu’est-ce qui est si pressant ?

—Notre entretien avec Lexa m’apparaît singulièrement étrange depuis son commencement.

— Tu crois qu’elle nous a trahis ?

— Pas elle…

Son regard glisse vers Mathieu, pensif.

— Ce que Mathieu m’a raconté des événements ne colle pas. Dis-moi, combien de Crows as-tu vus ?

Je réfléchis un instant.

— Je ne sais pas… Une dizaine, peut-être ?

— Et c’est justement là que ça coince.

— Je ne comprends pas.

— Léon nous a dit qu’il ne restait plus que seize Crows en activité. Alors pourquoi une organisation déjà affaiblie aurait-elle envoyé près de dix de ses membres vers une mort quasi certaine ?

Je me tourne vers Mathieu, qui fixe toujours la pluie, silencieux.

— Il nous a menti ?

— C’est fort probable… sauf que…

Sasha s’interrompt, lançant des regards furtifs à Mathieu, hésitant à aller plus loin.

— Or, si tel est véritablement le cas, cela signifie que Blake s’est également rendu coupable de trahison, puisqu’il est celui qui nous la recommandais.

Sa voix tremble légèrement.

— Il est tout aussi possible que Francis ait été trahi par Léon, enchaînai-je. Après tout, il a passé douze ans chez les Crows… Peut-être que sa loyauté a changé de camp.

— D’autant plus que tu l’avais rejeté au départ, ajoute Sasha.

Un voile de colère traverse son visage.

— À moins que… son visage se ferme, assombri par une fureur contenue. Cet homme nous aurait trahis dès l’origine. Ce qui expliquerait la manière dont les Corbeaux ont pu infiltrer le chalet et assassiner mon père, treize années auparavant. J’ai été d’une imprudence inexcusable.

Sans attendre, Mathieu se met à fouiller frénétiquement le salon.

— Qu’est-ce que tu cherches ?

Sasha vient se poster à mes côtés, l’air intrigué.

— C’est le seul endroit où Léon a établi résidence en ces lieux.

— Et ?

Mathieu revient vers nous, un minuscule micro entre les doigts.

— Et mes appréhensions se confirment… Il nous a mis sur écoute.

D’un geste sec, il jette l’appareil au sol et l’écrase sous son talon.

— Ça explique comment les Crows savaient qu’on serait chez Lexa, murmure Sasha.

— Donc, si je comprends bien… Léon est bien un espion. Mais pas pour Francis. Pour les Crows.

Je repense à son comportement étrange. J’avais mis ça sur le compte de ma présence, mais c’était bien plus grave que ça.

Mathieu se redresse, son regard dur.

— Sasha, tiens-toi prêt : ce soir, nous partirons à la traque des corbeaux.

— Est-ce bien prudent ?

— Il est d’une importance capitale que nous connaissions la composition exacte de leurs effectifs.

Je les fixe, abasourdie.

— Et moi ?

Mathieu se tourne vers moi, son regard se radoucit légèrement.

— Quant à toi, tu demeureras en ces lieux.

— Quoi ?! Mais tu l’as dit toi-même chez Lexa, je suis plus que capable de…

— Je t’en prie, Alice. Ne rends pas la situation plus délicate qu’elle ne l’est déjà.

Je serre les dents. Je n’ai clairement pas mon mot à dire. Mathieu quitte le salon et monte à l’étage sans un regard en arrière.

Je soupire en le regardant partir, mais mon attention revient vite sur Sasha, qui me jette des coups d’œil mal à l’aise. Il se triture les mains, hésite, avant de finalement s’approcher de moi.

— Je… je voulais m’excuser pour la dernière fois. Ma réaction était excessive. Je sais que tu ne voulais pas me blesser.

Je secoue la tête.

— Ne t’inquiète pas, je ne t’en veux pas. C’est compliqué pour toi. Je ne connais pas tous les détails, mais je comprends.

Il laisse échapper un petit rire amer.

— Tu l’avais sûrement deviné, mais… j’ai peur de l’abandon. Et je ne survivrais pas à celui de Mathieu.

Ses mots me surprennent.

— Mathieu ne te fera jamais ça. Vous avez un lien fort, ça se voit. Parfois, je m’imagine avoir une relation pareille avec Axel… C’est beau.

— Tu ne comprends pas. Je ne parle pas de ça.

Son regard se voile d’inquiétude.

— Je connais Mathieu depuis le lycée. Bien sûr qu’il ne me laissera jamais tomber. Ce qui me fait peur, c’est toi.

— Moi ?

— Alice… je ne parle pas de distance. Je parle de mort.

Un frisson me parcourt.

— C’est la première fois que je vois Mathieu comme ça. Et ça ne me dérangerait pas, si nous n’étions pas dans ce milieu. Mais Mathieu donnerait sa vie pour toi. Sans hésiter.

Il marque une pause, puis lâche dans un souffle : et peu importe les circonstances, si ça arrive… je te tiendrai responsable. Et je ne te pardonnerais  jamais.

Je le fixe, abasourdie.

— Je ne veux pas sa mort non plus…

— C’est pour ça que je suis d’accord avec lui. Tu ne nous accompagneras jamais en mission. Et plus vite cette histoire avec les Crows sera réglée, mieux ce sera.

Je baisse les yeux.

— Sasha… Je ne veux pas être en guerre avec toi.

Il détourne le regard.

— Je ne te déteste pas. Mais c’est plus fort que moi. Désolé.

Sur ces mots, il tourne les talons et disparaît à l’étage.

Je reste plantée là, fixant la pluie qui tombe derrière la fenêtre.

Moi qui croyais que notre relation s’était améliorée…

J’ai l’impression qu’il ne pourra jamais totalement m’accepter.

Résignée face à cette fatalité, je me dirige à mon tour vers l’escalier principal. Mais au lieu de m’arrêter à mon étage, je poursuis mon ascension jusqu’au dernier. D’un pas décidé, je me rends vers le bureau de Mathieu, mais une porte entrouverte attire soudainement mon attention.

C’est la salle de poterie.

Intriguée, j’y pénètre lentement. L’endroit est presque vide, dépourvu de tout meuble, à l’exception du tour de potier et d’une collection d’œuvres soigneusement disposées. Une grande fenêtre offre une vue dégagée sur la forêt qui borde le chalet. Je m’approche, détaillant les pièces avec curiosité : vases, tasses, sculptures plus abstraites… Certaines portent des fissures, comme si elles avaient été brisées puis recollées avec soin.

Mon regard se pose alors sur une table recouverte d’un drap blanc, légèrement à l’écart. Après une brève hésitation, je tends la main et soulève délicatement le tissu.

Mon souffle se coupe.

Sous mes yeux s’étale une série d’œuvres qui ont toutes un point commun : moi.

Un mug à l’effigie de mon chat, une reproduction en poterie de mon livre préféré, un vase d’un vert profond orné de mon portrait… Je caresse du bout des doigts ces créations empreintes d’une tendresse inattendue. Moi qui doutais encore… c’est le moment ou jamais.

Portée par un élan irrépressible, je quitte précipitamment la pièce et me rends à la hâte dans le bureau de Mathieu.

— Mathieu !

Il lève les yeux vers moi, surpris par mon irruption soudaine. Il ajuste une dernière fois sa cravate avant de me répondre.

— Alice ? À quoi dois-je l’honneur de tant d’enthousiasme ?

Je m’approche sans lui laisser le temps de réagir, attrape sa cravate et le tire brusquement vers moi. Pris au dépourvu, il pose ses mains à plat sur le bureau pour garder l’équilibre.

— Alice…

son regard vacille entre mes yeux et mes lèvres.

Je le coupe avant qu’il ne puisse poursuivre :

— Moi aussi, je t’aime.

Sans attendre sa réaction, je comble l’espace entre nous et capture ses lèvres dans un baiser. Je le sens tressaillir avant qu’il ne m’attire contre lui, sa main chaude venant effleurer ma joue. Il me rend mon baiser avec une intensité qui me fait frissonner.

Lorsque nous nous séparons, après de longues ou trop courtes minutes, ses doigts restent un instant sur ma peau avant qu’il ne s’éloigne à contrecœur. D’un geste rapide, il ouvre un tiroir et en sort plusieurs armes, les préparant méthodiquement.

— Je me délecterais à chanter tes louanges en te serrant contre moi, mais il me faut à présent prendre congé. Ne crains rien, ma douce, je réparerai ce manque dès demain.

— Dommage… Moi qui espérais y échapper, dis-je avec sarcasme.

Un sourire en coin éclaire son visage.

— Tu peux toujours nourrir cet espoir. À présent que tout cela est officiel, je ne te laisserai plus jamais t’éloigner de moi. Qui plus est, il est un lieu que j’aimerais ardemment te faire découvrir.

— Maintenant, tu m’intrigues.

— Il te faudra faire preuve de patience, murmure-t-il en ponctuant ses mots d’un clin d’œil complice.

Il referme son tiroir, puis m’attrape par la main pour m’entraîner hors du bureau. Avant de refermer la porte, il active le mécanisme de sécurité.

— Je te saurais gré de bien vouloir t’abstenir de te rendre à cet étage durant mon absence.

— Pourquoi donc ?

Il me fixe en silence avant que son regard ne soit attiré par la porte de la salle de poterie, toujours entrouverte.

— Mes œuvres t’ont-elles agréablement surprise, ma Darling ?

Je me fige. Dans ma précipitation, j’ai oublié de refermer la porte…

— Depuis combien de temps est-ce que je t’inspire ? demandai-je, la voix tremblante.

Un sourire énigmatique étire ses lèvres.

—Depuis que vous avez fait irruption dans le cours de mon existence, vous êtes devenue ma muse, Alice. C’est pourquoi je me dois de vous faire une révélation demain.

— Tu fais durer le suspense, maintenant…

Nous descendons ensemble l’escalier, où Sasha nous attend en bas, les bras croisés. Mathieu ajuste son chapeau, récupère sa canne, puis, avant de partir, dépose un dernier baiser sur mes lèvres.

Sasha nous lance un regard réprobateur, mais je n’y prête pas attention.

Avec un sourire, Mathieu s’éloigne, suivant Sasha vers l’extérieur.

Bien que la frustration de rester en arrière soit toujours présente, je comprends enfin pourquoi.

Et cette fois… j’accepte.

Je vais évacuer cette frustration dans la salle de sport, mais avant cela, il me faut vérifier quelque chose.

D’un pas rapide, je monte au dernier étage. Si Mathieu insiste pour que je reste ici, il doit bien y avoir une raison plus profonde que le simple piège protégeant son bureau.

Je fouille méthodiquement les pièces, mais ne découvre rien de particulièrement intrigant… jusqu’à ce que je tombe sur sa chambre.

Un instant, j’hésite.

Puis, poussée par la curiosité, je franchis le seuil.

La première chose qui me frappe, c’est l’immense collection de cannes soigneusement accrochées à tout un mur. Je suis déjà venu une fois il y a longtemps mais je n’avais pas prêté attention au décors.  Chaque pièce semble unique, certaines richement sculptées, d’autres discrètement élégantes.

Hormis cela, la chambre est ordonnée, presque austère : un lit double impeccablement fait, habillé de draps de soie noirs, et une gigantesque bibliothèque couvrant un pan entier du mur.

Intriguée, je m’approche des étagères et parcours les titres du regard… Mon cœur rate un battement.

Il possède tous mes livres.

J’en saisis un au hasard et l’ouvre, un frisson parcourant mon échine. Une note glisse d’entre les pages et tombe au sol.

Je me penche pour la ramasser, lissant du bout des doigts le papier avant de commencer à la lire.


« Chacun de vos romans constitue un ravissement rare. À chaque phrase, je me surprends à céder au charme envoûtant de votre plume. Vous êtes, à mes yeux, une source d’inspiration intarissable. Peut-être l’ignorez-vous, mais vos récits nourrissent ma propre créativité. C’est en m’inspirant des procédés que vous dépeignez si habilement que j’exécute mes victimes une forme d’hommage, en somme. Je conçois que cela puisse vous troubler, mais, je l’avoue sans détour, votre trouble m’importe peu.

J’ai longuement hésité avant de dépêcher Sasha à votre rencontre, dans l’espoir de percer le mystère que recèlent vos écrits. Quelle ne fut pas ma stupéfaction en découvrant que ma cible n’était autre que leur auteure. Dès lors, une évidence s’est imposée à moi : il m’incombait de vous protéger. Pardonnez ma témérité, mais j’ai déjà arrêté mes desseins, et j’entends faire preuve, à cet égard, d’un égoïsme assumé.

Sous mon toit, vous serez à l’abri  mais surtout, vous serez à mes côtés.

Encore faut-il que vous y consentiez. Cela dit, je nourris peu d’inquiétude à ce sujet, car l’art de la persuasion compte parmi mes nombreuses aptitudes. Je vous désire, Mademoiselle Alice Roy, et soyez assurée de ceci : je vous aurai. »


Je reste un long moment à contempler cette missive, incertaine de ce que je dois en penser. C’est… troublant. Presque dérangeant. Mais puis-je vraiment m’en offusquer, alors que mes propres sentiments pour lui sont tout aussi intenses ?

Et pourtant…

Si je n’avais jamais mis les pieds ici, l’aurais-je seulement aimé ?

L’idée me fait frissonner. Depuis le début, a-t-il manipulé mes émotions ? A-t-il façonné notre relation dans l’ombre, sans que je ne m’en rende compte ?

D’un geste hésitant, je replie la lettre et la replace dans le livre avant de le ranger. L’envie de fouiller les autres romans me traverse l’esprit, mais une peur viscérale me retient. Que pourrais-je y découvrir d’autre ?

Je m’éloigne de la bibliothèque et me dirige vers son bureau. Une ribambelle de lettres à mon nom y est soigneusement disposée. Entre amour, obsession et délire malsain, mon esprit vacille.

Alors que je tends la main pour ouvrir un tiroir, un bruit sourd résonne depuis le salon.

Je me fige.

Mon cœur s’emballe tandis que j’attrape une canne accrochée au mur. Je la dévisse d’un geste sec, révélant la lame dissimulée à l’intérieur. Dague en main, je quitte la chambre avec précaution.

À peine ai-je ouvert la porte qu’une mélodie stridente de piano s’élève dans l’air.

Je tressaille.

Personne ne joue jamais du piano ici. Ce vieux modèle, posé dans un coin du salon, est resté silencieux depuis mon arrivée.

La gorge nouée, je descends lentement les escaliers.

L’obscurité règne dans la pièce, seulement percée par la lueur blafarde de la lune filtrant à travers les fenêtres. Des bougies, alignées au sol, tracent un chemin jusqu’à l’instrument.

Là, assis au piano, une silhouette joue avec une grâce dérangeante.

Chaque note semble vibrer dans l’air, résonnant en moi avec une étrangeté glaçante.

Je l’observe en silence, les doigts crispés autour de mon arme, l’estomac noué par la peur.

À la dernière note, l’homme se retourne vers moi.

Un malaise me tords l'estomac toute cette scène m’est beaucoup trop familière, c’est mois qui l'est creer.

— Tu aimes ?

Je plisse les yeux, tentant de distinguer son visage dans la pénombre.

Une ombre familière… Puis, la lumière vacillante des bougies éclaire ses traits.

Ivan. Le même homme qui semble me suivre dès que je mets un pied dehors.

Il se lève lentement, s’avançant vers moi. Maintenant que je le vois de près, un frisson d’horreur me traverse. Son visage est marqué de cicatrices profondes, dissimulées jusqu’ici sous un maquillage habile.

— Je me doutais que Mathieu te laisserait ici, dit-il d’un ton presque amusé.

Je fronce les sourcils.

— Comment est-ce que tu sais ça ?

Un sourire carnassier étire ses lèvres.

— On dirait que vous n’avez pas percé tous les mystères…

Il continue d’avancer, et d’instinct, je resserre ma prise sur ma dague, la brandissant devant moi pour le menacer.

Mais son sourire ne vacille pas.

D’un geste lent, il sort un pistolet tranquillisant de la poche de son manteau.

— Toujours aussi agressive, Alice… Je veux juste discuter.

— J’ai cru comprendre que tu préférais les coups en traître.

— Décidément… Tu gobes tout ce que Mathieu te raconte.

Je tique.

— Quoi ?

— Es-tu donc si aveugle pour ne pas voir qu’il se joue de toi ?

Sa voix se fait plus basse, plus insinuante.

— Mathieu n’est qu’un manipulateur qui court après une vengeance illusoire. Rien d’autre ne compte pour lui. Et crois-moi, si ton existence devait entraver ses plans… il n’hésiterait pas une seule seconde à te sacrifier.

Je secoue la tête.

— Tu fais partie d’une organisation criminelle et tu veux que je te croie ?

— Alors, tu te méfies de moi, mais pas de lui ? souffle-t-il, amusé. Tu oublies que lui aussi tue pour de l’argent. À mes yeux, c’est exactement la même chose.

Il s’approche encore, trop près, mais je refuse de reculer. Au contraire, plus il est proche, plus j’aurai de facilité à le frapper.

— Tu as trouvé, n’est-ce pas ?

Je ne lui laisse pas le temps d’ajouter quoi que ce soit.

D’un geste vif, je tente de le poignarder.

Mais il est plus rapide.

Avec une fluidité déconcertante, il attrape mon poignet et le tord brusquement. Une douleur fulgurante me traverse, m’arrachant un couinement de souffrance. La dague m’échappe et tombe au sol dans un bruit métallique.

Ivan en profite pour m’attirer violemment contre lui.

— Tu te voiles la face, murmure-t-il, son souffle brûlant contre ma peau.

Je lui lance un regard empli de haine.

— Je t’ai laissée enquêter un peu avant de me révéler à toi…

— Quoi ? Tu es là depuis longtemps ?

Un sourire tordu déforme son visage.

— Je suis toujours là. Tapi dans l’ombre de ton esprit… Tel le corbeau que je suis, je me délecterai du cerveau de ton cadavre.

D’un geste brutal, il agrippe mon visage, m’empêchant de détourner le regard.

— Mathieu te manipule, reprend-il. Il a toujours été obsédé par tes livres. Mais depuis qu’il a découvert qui tu étais… c’est toi qui es devenue son obsession.

Je le fixe, le souffle court.

— Et alors ? Tu es celui qui m’espionne, qui reproduit cette scène de mon premier livre…

Ivan semble déconcerté par ma réaction.

— Comment ça, "et alors" ? Es-tu stupide ?!

Je serre les dents.

— C’est lui qui est obsédé par moi, pas l’inverse. S’il y a quelqu’un qui s’est fait manipuler, c’est bien lui. Il obéirait à chacun de mes ordres si je le voulais.

Un sourire sinistre illumine son visage.

— Exactement, ma belle. Et tu vas le faire.

Profitant de son instant de distraction, je lui assène un violent coup de genou dans l’entrejambe.

Il lâche un juron et me repousse sous le choc.

J’en profite pour me baisser et attraper ma dague, mais avant que je ne puisse réagir, son pied s’abat violemment sur ma main.

Une nouvelle onde de douleur me traverse alors qu’il s’accroupit à ma hauteur, agrippe mes cheveux et me tire brutalement vers lui.

— Tu commences sérieusement à m’énerver, grince-t-il entre ses dents. Tu as de la chance que j’aie encore besoin de toi.

Je griffe son poignet, luttant pour me libérer, mais il me traîne sans effort jusqu’au sous-sol avant de me jeter violemment contre le béton glacé.

— Fais-lui passer le message, murmure-t-il. C’est moi qui tire les ficelles.

Je redresse difficilement la tête, le regard brûlant.

— Ce connard de Léon travaille pour toi, pas vrai ?

Un rictus s’étire sur ses lèvres.

— Mieux encore. Ils sont tous à ma botte.

Mon sang se glace.

— Léon… faisait ça par vengeance, souffle-t-il. Ce pauvre idiot s’est senti trahi quand Mathieu l’a rejeté. Alors quand il a appris qu’il embauchait une inconnue sortie de nulle part, c’en était trop.

Il se détourne avec un sourire satisfait.

— Bon, sur ce… amuse-toi bien.

Il quitte la pièce.

Je me redresse en titubant et me précipite vers la porte, mais lorsqu’elle claque derrière lui…

Elle est verrouillée

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