Mathieu
21 Août 2023
Je passe une main distraite dans mes cheveux, observant Francis Blake s'éloigner avec Alice. Si l'inquiétude qui me ronge à l'idée de ce qu'il pourrait bien lui dire est bien présente, il y a des choses bien plus urgentes à gérer. Je sais qu’elle est en sécurité avec lui à défaite de sa langue bien pendue.
Sasha termine enfin de photographier un couple d'âge avancé, ces habitués des réceptions, qui n'ont raté aucune de ces soirées depuis que j'y participe moi-même. Une fois la tâche accomplie, il s’approche de moi.
— Quelque chose te tracasse ?
Je laisse échapper un soupir agacé, mon impatience palpable malgré l'apparente neutralité de ma voix.
— Il semblerait qu’un ajustement de nos dispositions soit désormais requis.
— Comment ça ?
Je le regarde brièvement, la tension montant dans mes entrailles. Alice a déjà pris les devants.
— Alice a administré un poison à l’un des cinq. Toutefois, à présent, la discrétion m’importe bien peu.
— Tu veux les tuer ici ? C’est bien trop risqué et stupide.
— Ne remet point en question mes ordres, Sasha.
Il me scrute un instant, sans doute pour évaluer ma détermination, avant de poursuivre d'une voix plus mesurée, mais teintée de scepticisme.
— Ça n’a aucun rapport avec ce qu’il s’est passé avec Alice, n’est-ce pas ?
Je fixe son regard, un éclat glacial dans le mien.
— Veille à ce que ce message parvienne aux deux autres. Il semble que Mademoiselle Alice manifeste un vif désir de les revoir.
Je plaque ma main contre son torse, insérant précipitamment un morceau de papier entre les boutons de sa chemise. C’est un rendez-vous manuscrit, dissimulé, mais suffisamment important pour ne laisser aucune place à l'erreur.
Ma canne frappe le sol plus violemment que d’habitude. Je m’éloigne d’un pas rapide. Trop rapide, peut-être. Ou pas assez.
— Mathieu ?
— Vous n’ignorez pas combien j’apprécie votre compagnie, très estimée Yuna… Toutefois, une affaire d’une urgente importance requiert immédiatement mon attention.
— Rien à voir avec les corbeaux, j’imagine ?
— Je vous donne ma parole : aucune répercussion ne viendra vous atteindre.
— Mon mignon, tu sais que je soutiens ta vengeance… mais à force, ça va finir par se voir que je t’aide à couvrir tes traces.
— Et pourtant, ces volatiles dénués de discernement persistent à revenir inlassablement.
— Ils n’ont pas le choix, n’est-ce pas ? Tu es déjà au courant, j’en suis sûre, mais ils n’ont plus de vendeur d’armes.
— Je le sais fort bien. En l’occurrence, Blake m’est d’une utilité précieuse.
— Peu importe. Tâche de rester discret. Et évite de salir quoi que ce soit.
— Je veillerai à faire preuve de prudence.
Veuillez me pardonner de vous avoir menti, Yuna… mais ces individus ne méritent rien d’autre que la souffrance.
— Revenons à un sujet plus agréable.
— Yuna…
— Je sais, tu es un prince maudit presser ou quelque chose dans le genre… mais tu l’aimes, n’est-ce pas ?
Je ne réponds pas. Je la fixe, froidement.
— J’adore ce regard, dit-elle d’un ton moqueur. Si jamais tu passes à l’acte, j’aimerais vous inviter à prendre le thé. Avec Sasha, de préférence.
— Nous verrons, Yuna.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre. Je reprends ma marche, gravissant rapidement les escaliers en direction de la chambre tout en haut. La porte se referme derrière moi, et je plonge la pièce dans une obscurité totale, laissant juste la lumière de la salle de bain allumée,j’actionne l’eau et laisse la porte entrouverte. Je me place contre le mur, dissimulé dans l'ombre, prêt à observer.
Après plusieurs minutes de silence, la porte s'ouvre. Le brun et le blond font leur apparition.
— Poupée ? Le blond s'avance, l'irritation dans sa voix palpable. Faut dire que tu nous as fait attendre, je ne suis pas un homme de patience, tu sais.
Il pointe du doigt la salle de bain, attiré par la lumière et le bruit de l’eau qui coule, que j'avais laissé allumé à dessein. Un sourire satisfait se dessine sur leurs visages, leurs attentes naïves sur le point d'être comblées. Ils avancent, et je profite du moment pour fermer la porte d’entrée à clé.
— La poupée a un petit faible pour le faire dans les douches…
Leurs pas s’arrêtent net lorsqu’ils ouvrent la porte de la salle de bain et découvrent qu’elle est vide. Le sourire du blond se fane instantanément.
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
Je me glisse de l'ombre et m’avance dans l'encadrement de la porte, un sourire froid et moqueur sur les lèvres.
— Pardonnez ma désillusion, messieurs les corbeaux, mais non, je ne suis nullement de ceux que ce genre de fantaisies saurait charmer sous une douche, dis-je sarcastiquement.
Les deux hommes se tournent vers moi, leur expression se durcit immédiatement.
— Toi. Toujours aussi insupportable. Tu es responsable des meurtres chez ce connard de Blake, n'est-ce pas ?
Je leur lance un regard dédaigneux.
— En effet. Et j’assumerai également la responsabilité des événements appelés à survenir au sein de la demeure de notre chère Yuna.
Le blond esquisse un sourire mauvais, mais il est clair que l'inquiétude commence à poindre dans son regard.
— Tu crois avoir une chance ? Comme c’est mignon.
Je laisse le silence s’étirer un moment, savourant la tension. Puis, d’une voix calme, je réponds.
— Je sors toujours victorieuse. D’ailleurs, le poison qui circule à présent dans vos veines vous a déjà relégué hors-jeu.
Il se redresse brusquement, visiblement mécontent.
— Quoi ? Je n’ai rien touché qui aurais pus être empoisonné, ne me prends pas pour un amateur.
Je souris lentement, le regard glacial.
— Vous n'avez manifestement pas saisi. C’est elle, cette délicieuse jeune femme, qui vous a supplanté.
Il lève un sourcil, incrédule.
— Cette allumeuse ? Tu l’envoies toi-même ? Si c’est elle que tu as choisie…
Il s'interrompt brusquement, une toux sèche secouant son corps. Une grimace de douleur s'étire sur ses traits.
— Elle est d’une perfection absolue, déclarais-je d’un ton glacial.
L'irritation est désormais bien visible sur le visage du blond. Mais avant qu'il ne puisse répliquer, je sors mon silencieux. Un coup de feu résonne dans la pièce. Le blond tombe à genoux, le poison commençant à le consumer lentement, tandis que son regard se vide de toute vie. Le brun, toujours debout, fixe la scène avec une terreur grandissante, la panique dans les yeux. Il semble déjà comprendre qu'il n'en sortira pas indemne. L'énervement le gagne rapidement alors qu’il s'apprête à m’attaquer, les armes étant interdis, ils n’en possèdent pas.
— Vous avez la chance que je ne sois point du genre à me salir inutilement. Toutefois, cela ne m’empêchera nullement de vous faire goûter à quelque douleur.
Je pointe mon arme sur lui, le dissuadant de tenter quoique se soit. Je me rapproche lentement de lui, une lueur de calcul dans mes yeux. Le poison commence à faire son œuvre clouant le blond au sol en agonis, mais je prends mon temps. C’est bien plus amusant ainsi. Je m'approche du dernier corbeau, une détermination glaciale dans le regard. Sans un mot, je lève ma canne et commence à abattre le bout de fer sur son visage. Chaque coup résonne dans l'air, jusqu'à ce que son visage ne soit plus qu'une masse informe, méconnaissable, une œuvre de violence pure. Quand je me retiens enfin, le bruit de sa souffrance me manque. Je redresse ma posture, réajuste ma tenue avec soin, passant une main dans mes cheveux pour restaurer l’ordre de mon apparence, avant de quitter la pièce. Je ferme la porte derrière moi à clé et jette celle-ci sous un meuble, là où personne ne la retrouvera de sitôt. Je pourrais me débarrasser de cette clé plus tard, comme de tant d'autres objets. En attendant, je dois encore m’occuper des trois autres corbeaux, mais je ne peux pas me permettre de m’attarder davantage ici.
Alors que je m’éloigne, certain d’avoir laissé derrière moi l’agitation de la soirée, une voix familière fend le brouhaha, accroche mon oreille comme un souvenir oublié. Je n’ai même pas besoin de me retourner pour savoir qui c’est. Un sourire naît malgré moi.
— J’ai bien cru que tu allais disparaître sans un mot.
Je pivote lentement, comme si la gravité elle-même m’y contraignait. Le regard d’Alice me cueille, vif et amusé. Elle est là, droite, un sourcil légèrement relevé, son élégance naturelle soulignée par l’éclat trouble des lumières. Je lui adresse un sourire en coin, presque insolent.
— Il m’est tout simplement impensable de m’éclipser sans avoir eu l’honneur d’une danse avec toi, dis-je en lui tendant la main avec gravité.
Elle hésite, fait mine de se détourner, mais ses doigts effleurent les miens. Elle s’abandonne finalement à l’instant, avec cette retenue feinte qui la rend plus dangereuse encore. Je l’attire à moi, doucement mais sans lui laisser le choix. Une main se glisse dans le creux de son dos le pomo de ma canne appuis sur le creux de son dos la contraignant à rester coller à moi , l’autre remonte jusqu’à sa joue, où mes doigts tracent une caresse lente, presque possessive. Elle ne dit rien, mais son regard me transperce, mi-intriguée, mi-sur ses gardes.
— Je n’avais point eu l’insigne privilège d’une danse aussi rapprochée lors de notre première entrevue, murmurai-je, mes lèvres effleurant presque le creux de son oreille.
Elle rit, mais son rire est sec, teinté d’une ironie familière.
— La premiere fois, tu m’as approcher dans le but de pouvoir me tuer, si je me souviens bien.
Je ris à mon tour, un rire plus bas, plus intime, comme un aveu que je n’ose formuler autrement.
— En cet instant précis… c’est toi qui me consumes, Darling, mon regard reste ancré dans le sien. Tu seras ma perte, je le redoute profondément.
Elle plisse les yeux, une moue moqueuse naissant au coin de ses lèvres.
— Voilà qui sonne dramatiquement cliché. Je m’attendais à mieux.
Je penche la tête, un sourire au bord des lèvres, sans la lâcher du regard. Je me penche, lentement, jusqu’à ce que mes lèvres effleurent à peine les siennes dans un baiser fantôme, suspendu entre la provocation et la confession. Puis je recule, malgré moi. Je relâche sa taille, mes mains glissant le long de ses hanches avant de s’éloigner, à regret.
— Une danse suffit pour ce soir, soufflai-je, presque pour moi-même.
Elle me jauge du regard, indéchiffrable. Entre nous, une tension persiste électrique, indomptable, quelque chose d’inachevé, de trop réel pour être ignoré. Et pourtant, aucun de nous ne fait un pas de plus.
— Va retrouver Sasha et attends-moi près de la voiture.
Je la regarde s’éloigner avant de repérer rapidement les trois derniers corbeaux. Leurs gestes sont maladroits, leur arrogance palpable. Je m’avance vers eux d’un pas assuré.
-Regardez qui vient à notre rencontre, dit l’un d’eux d’un ton moqueur.
— Si vous tenez à retrouver vos deux autres compagnons en vie, répliquai-je d’une voix glaciale, il serait sage de vous rendre immédiatement dans les chambres du dernier étage.
Les trois me fixent, l’énervement et la colère se lisaient clairement sur leurs visages.
-Tu es un sacré connard, gronde l'un d'eux, ne crois pas que tu t’en sortiras aussi facilement.
Deux d’entre eux partent immédiatement en direction de l’étage, leur colère faisant place à une précipitation inutile. Je souris au troisième, un sourire glacé, tandis qu'il reste à mes côtés, me fixant de manière suspecte. Mon sourire s’efface légèrement lorsqu’il m'attrape brusquement par le bras, me forçant à le suivre, insistant trop sur ma jambe invalide. L’instant suivant, je suis dans le couloir, et je me débarrasse rapidement de sa prise. Je laisse la canne glisser de mes doigts et envoie le bout acéré dans sa mâchoire avec une précision fulgurante. Un juron s’échappe de ses lèvres alors qu’il titube en arrière, son équilibre rompu. Je saisis l’opportunité, dévissant la canne pour en sortir un poignard caché à l’intérieur. D'un mouvement rapide, je le lance droit dans sa tête. Le corps s’effondre en une chute silencieuse. Je me précipite vers lui, veillant à ce que sa chute soit moins bruyante que le poids de sa propre mort. Il faut qu'il disparaisse dans un endroit où son corps ne sera pas découvert tout de suite. Je le traîne dans un recoin à l'abri des regards. Je fonce vers l'escalier du deuxième étage, où je croise les deux autres corbeaux qui redescendent précipitamment. Leur regard croise le mien, une lueur de terreur déjà perceptible dans leurs yeux. Mais il est trop tard. Arme chargée en main je vise.
-Toi ! Tu vas le regretter.
— Parfait, vous simplifiez grandement ma tâche.
Le premier corbeau s'effondre sous l'impact de la balle, mais je n'ai le temps de réagir qu’un tire me frappant directement dans la jambe invalide. Je n'avais pas prévu qu’ils avaient réussi à introduire des armes aussi. La douleur me prend immédiatement, et je trébuche, percutant les marches de l'escalier dans une chute brutale.
— Diantre… grognais-je entre mes dents serrées. Vous possédez décidément l’art de compromettre davantage une jambe déjà meurtrie, ainsi qu’un costume d’une valeur considérable.
Le dernier corbeau se moque de ma situation.
-Eh bien, on dirait que monsieur le gentleman a abandonné toute politesse.
Je tente de me redresser, la douleur vrillant ma jambe, mais avant que je ne puisse me stabiliser, le corps du premier corbeau me tombe sur le dos. Je le repousse sans ménagement dans l’escalier, grognant de douleur. Je me tourne ensuite vers l’auteur de ce meurtre.
-Monsieur Blake ?
Il se tient là, impassible, observant la scène d’un œil froid.
-Vous devriez pourtant savoir qu’il est interdit de commettre le moindre meurtre lors de ces réceptions.
Il s’approche calmement pour m’aider à me relever, avec une prévenance presque étonnante.
-Merci…, dis-je ma voix est rauque, presque un murmure.
-Vous me remercierez une fois que nous serons sortis d’ici sans être repérés. Il me soutient d’un bras, ramassant ma canne d’une main. Une chance que les invités n'aient théoriquement pas l'autorisation de sortir de la salle de bal.
Je grimace sous la douleur, mais je me concentre sur la conversation.
— Puis-je vous demander pour quelle raison vous vous êtes résolu à un tel acte ?
Blake m’aide à avancer, son bras autour de mes épaules. Il tient ma hanche d'une main, nous forçant à nous déplacer plus vite.
-Eh bien, vous vous trouviez en compagnie des corbeaux, et l'instant d'après, tous avaient disparu.
Il jette un regard furtif autour de nous, comme pour s’assurer que personne ne nous a suivis.
— Vous m’observez donc ? dis-je en fronçant les sourcils, le regard soudain assombri.
-Je vous ai toujours à l’œil, mon garçon, sa voix est basse, presque un avertissement. Toujours.
Je n’ai pas le temps de répondre avant que la douleur ne m’envahisse à nouveau. Nous arrivons à l’extérieur, et je désigne ma voiture. Blake hoche la tête en signe d’approbation, et nous nous dirigeons vers elle. Sasha est adossé au pare-chocs, Alice le regarde les bras croisés, les sourcils froncés. Quand elle se tourne vers moi, l’inquiétude se lit sur son visage.
-Mathieu ? Je savais qu’on aurait dû venir t’aider.
— Ne t’impose point des responsabilités superflues, Sweetheart.
Je tente de la rassurer d’un regard.
Blake intervient, son ton sec mais un brin sarcastique.
-Passons les retrouvailles émouvantes, les tourtereaux. Dépêchez-vous de conduire jusqu'à chez vous.
Il ouvre la porte arrière de la voiture et me fait signe d’y entrer. Sasha prend place au volant, Alice à côté de lui, et Blake fait le tour pour s’installer à mes côtés.
— Monsieur Blake, je ne saurais vous autoriser à monter à bord, et ce en dépit de la profonde estime que je vous porte.
Je proteste, malgré ma faiblesse.
-Aucun de vous ne connaît la médecine, alors dépêchez-vous de conduire.
Il ne me laisse pas le choix, sa voix étant plus autoritaire que jamais.
Sasha fait la moue, mais se contente de regarder un instant avant de me donner un signe de tête. Je lui rends un regard d’acquiescement, et Sasha démarre enfin, la voiture s’éloignant du bâtiment. Ma tête me fait mal, et je lutte contre la douleur qui me vrille les tempes.
-Restez conscient, Monsieur Ashley.
La voix de Blake s’élève, basse mais claire, comme un avertissement.
Après un trajet qui m’a semblé interminable, la voiture finit par s’arrêter. Sasha et Francis m’aident à sortir de la voiture, et malgré la douleur, je tente de garder mon calme. Je cherche immédiatement Alice du regard. Elle est là, juste devant la porte, l'inquiétude se lisant clairement sur son visage. C’est presque ironique, je me rends compte que je n’ai pas vraiment choisi le meilleur moment pour lui faire ma déclaration dramatique, un moment qui frôle le ridicule avec la situation dans laquelle je me trouve.
-Au sous-sol, nous avons une salle de soins. Les blessures comme celle-ci ne sont pas rares pour nous.
La voix de Sasha est presque calme, presque professionnelle, comme s’il parlait de choses banales mais je sais le reconnaître quand il stresse.
Les deux hommes me soutiennent, me traînant aussi doucement que possible à travers la maison. Chaque mouvement me fait souffrir, mais il n’y a pas de retour en arrière. Ils m’emmènent jusqu’au sous-sol, et lorsque nous y arrivons, ils me déposent sur une table d'opération, l’odeur antiseptique me frappant immédiatement. Je sens ma tête tourner, mes pensées se mêlant dans un brouillard de douleur.
-Par hasard, vous possédez du sang ici ?
La voix de Blake est forte et calme.
Je perds lentement la notion du temps, les bords de ma vision se brouillant. Les voix autour de moi m'atteignent à peine. Je tends l’oreille, essayant de saisir leurs paroles, mais tout semble si lointain.
-Non… répond Sasha, d’un ton stressé..
Je sens la chaleur de sa présence près de moi, mais aussi la froideur de l'environnement. Blake se met à trifouiller dans les tiroirs, cherchant sûrement quelque chose, mais je n’ai plus la force de suivre ses gestes. Le tissu de mon pantalon se déchire soudainement au niveau de ma cuisse, et je gémis, la douleur me perçant le corps comme une lame. La balle, profondément logée dans ma jambe, me fait suffoquer sous l’intensité de la souffrance.
-Quel est son groupe sanguin ?
La question de Blake se perd dans le tourbillon de ma conscience. Je n’arrive plus à suivre la logique de cette discussion. Une ombre d’un autre homme se penche sur moi, manipulant mon corps sans douceur.
-A+, je crois… malheureusement nos groupes sanguins ne sont pas compatibles… Sasha répond, et sa voix semble déformée, lointaine.
Puis, tout à coup, une autre voix m’arrête, tranchant à travers le brouillard. Elle est familière, rassurante, presque comme un écho de ce que je désire entendre.
-Le mien si.
La voix d'Alice… je ferme les yeux un instant, en entendant ses mots. C’est comme si elle était là, juste à côté de moi, comme un phare dans la tempête de douleur et de confusion. Ses mots m’enveloppent, et peu à peu, la douleur s’estompe. Je m’évade dans ses pensées, dans l'idée qu'elle est là, qu'elle peut être la solution à tout ce chaos qui m’enserre. Je ne pense plus qu'à elle.