Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
Pommedereinette
Share the book

Chapitre 24


Sasha - 16 ans

19 février 2016


J’entre dans ce qui fut autrefois ma chambre. Mis à part un lit simple, la pièce est totalement vide. Cela fait maintenant deux ans que je passe plus de temps chez Mathieu que dans cette maison. Demain, j’aurai dix-sept ans, et j’ai pris une décision irrévocable : quitter cet endroit une bonne fois pour toutes.

À part mon frère, la maison est déserte.

Après un dernier regard à cette chambre qui n’est plus vraiment la mienne, je referme la porte, déterminée à partir.

— Alors, c’est officiel, tu t’en vas ?

Je ferme brièvement les yeux, rassemblant mon courage avant de faire face à mon frère jumeau, Sébastian.

— Tu savais que ce moment finirait par arriver.

Les bras croisés sur son torse, il me fixe d’un regard indéchiffrable.

— En effet, mais j’espérais au moins que tu viendrais me dire au revoir.

— Tu sais bien que je n’ai aucune rancune envers toi, Sébastian.

— C’est ce que tu dis… mais parfois, j’ai des doutes.

Je m’approche doucement et pose mes mains sur ses épaules.

— Quoi qu’il arrive, tu auras toujours de mes nouvelles. On pourra toujours se voir, je ne pars pas si loin.

Il me scrute un instant en silence, puis attrape mes mains dans les siennes.

— Les parents t’ont reniée… Ils veulent que je fasse de même.

— Je m’en doutais. Je marque une pause, le regard plongé dans le sien. Mais ils ne pourront jamais nous séparer… n’est-ce pas ?

Ses doigts se détachent des miens.

— Bien sûr… Il détourne légèrement le regard. Tu devrais te dépêcher, ils ne tarderont pas à rentrer.

D’un geste rapide, je le serre brièvement dans mes bras avant de récupérer mes affaires.

— Je t’aime, mon frère. Ne l’oublie jamais.

Il ne répond pas. Il se contente de me regarder en silence.

Je lui adresse un dernier sourire, puis tourne les talons et me dirige vers la porte d’entrée.


Une douce brume enveloppe le taxi alors qu’il s’engage sur le sentier boueux menant à la forêt de Mathieu. Face au chalet, je prends une profonde inspiration avant d’entrer.

À l’intérieur, une mélodie classique flotte dans l’air, douce, en contraste frappant avec les bruits sourds provenant de l’étage. Un mauvais pressentiment me saisit. Sans perdre une seconde, je monte les escaliers quatre à quatre, suivant la musique jusqu’à la salle de poterie.

J’ouvre brusquement la porte.

Le sol est jonché d’éclats de sculptures brisées. Au centre du chaos, Mathieu et Ivan se font face, tous deux blessés. La jambe du brun tressaute violemment, signe qu’il l’a trop sollicitée.

— Ivan ?

— N’est-ce pas le petit rejeton dont personne ne veut qui vient d’entrer ? raille-t-il d’une voix où dégouline une ironie cruelle.

Je fronce les sourcils, vexé.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Qu’est-ce qui se passe ici ?

Je vois Mathieu se crisper. Visiblement, il ne s’attendait pas à ce que je rentre si tôt.

— Sasha, mon loyal ami, j’en appelle à ta confiance. Je te dévoilerai l’ensemble des explications en temps opportun.

— Laisse-moi te faciliter la tâche, Ashley de pacotille.

Un frisson glacé me parcourt lorsque je le vois dégainer une arme et la pointer sur moi.

— Tu n’es qu’un vulgaire insecte pris au piège dans ma toile. Tu croyais vraiment que quelqu’un pourrait t’aimer pour ce que tu es ? Comme c’est pathétique.

Mes yeux s'agitent d'incompréhension.

— Non… c’est faux…

— Il n’y a que Mathieu qui a un peu de lucidité ici.  Je n'ai jamais quitté les Corbeaux. C’était mon plan depuis le début : tuer ce misérable. Mais il est hors d’atteinte… alors que toi, tu es si faible.

Mes yeux me brûlent. Mon corps refuse de bouger, pétrifié par la peur.

— Mon cher, je t’en prie, ne prête pas attention à ses propos… murmura Mathieu d’une voix empreinte de douceur.

— La preuve, tu ne sais rien faire d’autre que t’apitoyer sur ton sort ! crache Ivan avec mépris.

Je ne comprends plus ce qui se passe. Mon souffle se bloque, ma tête tourne. J’ai besoin d’air.

Un coup de feu retentit.

Je relève brusquement les yeux.

Ivan tient toujours son arme… mais Mathieu s’est interposé. Un gémissement de douleur lui échappe tandis qu’il s’écroule au sol.

— Mathieu !

— Ce n’était pas prévu, mais peu importe.

Je me précipite vers mon mentor, mon cœur battant à tout rompre. Ivan nous observe avec un dégoût manifeste.

— J’espère que tu comprendras que tout est entièrement ta faute.

Puis, sans un regard en arrière, il quitte la pièce.

Je fixe la porte, déboussolé.

Une main glacée se pose sur la mienne, stoppant mes tremblements.

— Ne me juge point avec une précipitation excessive, mon brave… Offre-lui la vérité, celle que moi seul suis en mesure de discerner en ton être.

Mathieu me sourit faiblement, mais la douleur voile son regard. Des larmes silencieuses coulent sur mes joues alors que je me lève précipitamment.

Je cours jusqu’à son bureau, ouvre les tiroirs à la recherche d’une arme. Mes doigts se referment sur un revolver.

Hors d’haleine, je dévale l’escalier et ouvre la porte d’entrée à la volée.

— IVAN !

L’intéressé, le visage moqueur, se retourne à l’orée de la forêt.

— Quoi ? Tu veux que je te tue aussi ? Non… Ce serait trop facile.

Sans réfléchir, je fonce sur lui. Il ne recule pas, convaincu que je suis inoffensif. Il me pense faible.

Je ne ralentis pas. Mon élan le renverse brutalement au sol. Je me jette sur lui, usant de tout mon poids pour l’empêcher de se relever. Il est déjà blessé, je peux le maîtriser.

— Tu m’aimes trop pour me faire quoi que ce soit.

Son sourire insolent me fait voir rouge.

Sans réfléchir, je frappe.

Encore.

Et encore.

La crosse de mon arme s’abat violemment sur son visage, effaçant toute trace d’arrogance. Lorsqu’il ne bouge plus, je me redresse, haletant.

La panique menace de me submerger, mais je n’ai pas le temps pour ça.

Je cours à l’intérieur, descends au sous-sol, attrape tout le matériel de soin nécessaire, puis remonte précipitamment à la salle de poterie.

Essoufflé, je m’écroule aux côtés de Mathieu, allongé sur le dos, fixant le plafond tout en murmurant pour lui-même.

Rien de compliqué, n’est-ce pas ?

Je retire la balle, je recouds… et tout ira bien… n’est-ce pas ?

Lorsque j’ai terminé, le monde tangue autour de moi.

Puis, plus rien.

Le néant.

Quand j’ouvre brusquement les yeux, la nuit est tombée.

Mathieu a ramassé tous les débris de ses poteries et les a rassemblés sur la table.

Je me redresse et me dirige vers lui.

— Comment te portes-tu, mon très estimé ami ?

— C’est à moi de te poser cette question… Je suis désolé, je…

— C’est toi qui, de nous deux, as traversé les épreuves les plus rudes et les plus accablantes.

Il s’approche, boitant plus que d’habitude, et me serre fermement dans ses bras.

— Sasha, tu es une âme d’une rare élévation… Sans ta présence salvatrice, je n’aurais sans doute plus droit de cité en ce monde aujourd’hui.

Les larmes montent à nouveau tandis que je m’accroche à lui.

— Et Ivan ?

Un long silence s’installe avant qu’il ne réponde enfin :

— Après m’avoir prodigué tes soins, tu as sombré dans l’inconscience. Je me suis alors rendu auprès de lui… et j’ai accompli ce que les circonstances exigeaient impérieusement.

Je ne tiens plus.

Je fonds en larmes contre lui.

Mathieu frotte mon dos.

— Tout va bien à présent… Tu n’as rien à craindre, tu es en sécurité auprès de moi.

Sa gentillesse me vais encore plus fondre en larme.

-Je t’en supplie ne me laisse pas, je ne survivrai pas.

Il embrasse lentement le haut de ma tête.

– Je suis présent, et je le demeurerai.

Mes mains tremblantes agrippent sa chemise, je sais que ses vêtement doivent être taché de larmes et de morves mais je m’en fiche, et j'espère que lui aussi.

-Je ne supporte plus tout ça…je n’en peux plus…

Il me sert contre lui.

-Je t’en supplie Mathieu…j’ai bien de toi…

Ma gorge me brûle, le reste de mes mots sont incohérents.
Je me sens si faible, si pathétique.





Sasha

01 octobre 2023


Assis par terre, les genoux repliés contre moi sous le kiosque du jardin, à l'arrière du chalet, je laisse mes larmes de colère, de frustration et de tristesse couler silencieusement sur mes joues.

Je ne bouge pas lorsque j’entends le son caractéristique de la canne de Mathieu résonner sur la pierre.

— Désolé… pour ta jambe…

Il ne répond pas tout de suite, se contentant de s’asseoir à mes côtés.

— J'entends ta colère. Toutefois, une certitude demeure : jamais je ne prétendrai te substituer.

— C’est stupide, je sais… Je renifle et baisse les yeux. Mais depuis qu’elle est là, je n’arrête pas d’entendre sa voix et ses foutues affirmations… Il m’a abandonné. Ma famille m’a abandonné. Mon propre frère jumeau m’a abandonné. Pourquoi est-ce que tu ne le ferais pas, toi aussi ?

Mathieu pousse un soupir avant de poser doucement une main sur mon épaule.

— Car pour ma part, je reconnais pleinement ta valeur véritable  je la connais intimement. Tu n’es nullement un simple compagnon d’armes, Sasha. Je t’ai vu croître, mûrir… Tu es ma famille, et je veillerai sur toi jusqu’à l’ultime battement de mon cœur.

Je relève lentement la tête vers lui. Son regard me transperce.

— Il est mort, n’est-ce pas ?

Aucune trace d’espoir ne transparaît dans ma voix.

Un silence.

— Je te présente mes plus sincères regrets… murmura-t-il enfin. Mais lorsque je suis descendu afin d’accomplir ma mission, Ivan s’était déjà évanoui dans la nature.

Mon cœur se serre.

— Tu étais déjà accablé par un profond sentiment de culpabilité… Il valait mieux que tu le croies disparu. Et s’il avait effectivement succombé à ses blessures… alors il me revenait d’en assumer l’entière responsabilité

Je ferme les yeux un instant.

Mathieu passe un bras autour de mes épaules et m’attire légèrement contre lui.

— Je sais que tes sentiments à son égard perdurent. Cependant, nous avons traversé l’épreuve ensemble… et notre histoire est loin d’avoir atteint son terme.

Je renifle en m’éloignant de lui.

-Je sais et tu as tout ma confiance, ma reaction était stupide…
— Cela n’a rien d’irrationnel, bien au contraire.

Il ébouriffe mes cheveux avant de se lever avec difficulté.

-Je vais rester là un moment.

— Soit, mais il me revient de te prévenir que j’ai un entretien prévu avec Lexa le huit octobre.

-Décidément que des mauvaises nouvelles aujourd'hui, mais il va falloir qu’on fasse quelque chose pour Ivan.

— Ne t’inquiète point de cela, je m’en chargerai personnellement.

-Non...ma voix ce fait plus plantlife que je l'espère, s’il te plait ne m'enlève pas ça…

— Je ne souhaite simplement point trop solliciter ton assistance, car tu as besoin de repos.

-S’il te plait, m’enlever ça revient à me dire que je ne te suis plus utile…
Mathieu coupe soudainement ma phrase en prenant mon visage en coupe.

— Tu représentes tout pour moi, n’en doute point ; je tiens à ce que tu te reposes.

Je lève les yeux vers lui.
-Mathieu…

— J’ai besoin que mon meilleur espion et coéquipier soit en pleine possession de ses moyens. Je te prie de m’excuser de t’avoir trop sollicité.

Il embrasse mon front avant de s'éloigner.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet