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Pommedereinette
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Chapitre 20

Alice
28 août 2023


Les gouttes d’eau perlent sur mon visage tandis que j’observe mon reflet dans le miroir, flou et distant. Je soupire, attrapant une serviette pour sécher mon visage. Mon esprit, perdu dans un chaos de pensées éparses et dénuées de sens, dérive alors que je retourne dans ma chambre. Sans grande conviction, j’enfile une robe noire sans manches, ornée de motifs léopard en velours. J’ajoute un foulard leopart de couleur classique, dont une extrémité tombe sur mon épaule tandis que l’autre pend dans mon dos. Je me maquille rapidement, disciplinant mes boucles brunes avant d’ajouter plusieurs bijoux argentés. Alors que je glisse mes bagues à mes doigts, mon attention est soudain attirée par une notification sur mon téléphone. Je le saisis distraitement, mais une sueur froide me traverse le dos en voyant le nombre d’appels manqués de Rose. Mes mains tremblent tandis que je lance ses messages vocaux, une boule d’angoisse grandissant dans ma poitrine.

Message 1 : « Salut Alice, je ne te dérange pas longtemps, mais ça fait quelques jours que je n’ai pas de nouvelles de mon stupide frère. J’espère que tout va bien. »

Message 2 : « Je sais, c’est peut-être rien, mais je ne peux m’empêcher de m’inquiéter un peu. Mon mari me répète de ne pas m’en faire et de profiter du voyage.»

Message 3 : « Écoute, ça commence à faire longtemps, et ni toi ni lui ne me contactez. Rappelle-moi dès que tu peux, s’il te plaît. »

Message 4 : « …Alice ? On… on est enfin rentrés d’Italie. Axel est introuvable… Est-il avec toi ? »

Message 5 : « Je ne sais pas ce qui se passe, mais je n’en peux plus. Je suis allée à son travail, et cela fait vraiment longtemps qu’il n’y est pas allé. Toi, en revanche, tes collègues t’ont vue il y a une semaine, juste avant tes congés. »

Message 6 : « Merde, Alice, réponds-moi maintenant ! J’ai déclaré sa disparition à la police. »

Je ne prends pas la peine d’écouter le reste. Mon cœur bat à tout rompre alors que je me précipite vers le quatrième étage, ma panique me rendant maladroite.

— Mathieu !

Ma voix tremble, mon souffle est saccadé alors que je marche d’un pas rapide vers son bureau. J’ouvre brutalement la porte, prête à entrer, mais une main ferme m’attrape par le bras et me tire en arrière, stoppant net mon élan. Je vacille, surprise autant par la poigne que par la douleur qui irradie de mon bras.

— J’ignore la cause de ton trouble, mais je te conjure de ne point te laisser emporter par une hâte imprudente.

Mathieu me relâche doucement, s’approchant du digicode pour désactiver les lasers qui protègent l’entrée de son bureau. Il m’observe un instant, jaugeant probablement mon état, puis incline légèrement la tête, m’invitant à entrer. Je ne perds pas de temps et m’installe sur le siège face à son bureau, le souffle encore court. Mathieu prend place sur son fauteuil, ses mouvements légèrement plus raides qu’à l’ordinaire, trahissant une douleur qu’il tente de masquer.

— Je demeure entièrement à ta disposition, Darling.

Je prends une profonde inspiration, apaisant le tremblement dans ma voix avant de lui répondre.
— Cela concerne la mort d’Axel. Sa sœur, Rose, a signalé sa disparition à la police…

Mathieu passe une main dans ses cheveux, l’air préoccupé.
— Ils ne manqueront guère de découvrir le corps sous peu.

 — Pourquoi cela n’a-t-il pas encore été fait ?
— Conformément à leurs procédés coutumiers, les gangs veillent à transférer les corps dans une ville différente de celle où le meurtre a été perpétré. L’avis de recherche, en ce sens, permettra à sa famille d’entamer promptement son deuil.

Mon regard se durcit.

-Tu es trop calme…

— J’y suis accoutumé, nul besoin de céder à la panique. Aux yeux des autorités, rien ne t’associe à ces individus. Avec le temps, tu t’y accoutumeras également.

-Et si je ne veux pas ?

— Tu peux persister à le nier, si tel est ton souhait, mais je sais pertinemment que tu as éprouvé un certain plaisir lors de ton premier meurtre. Tu n’éprouves nul désir véritable de retrouver ta vie d’autrefois. L’inspiration t’a déjà désertée dans ce monde-là.

Au fond de moi je sais qu’il dit vrai, je ne sais pas si je suis prête à l'assumer mais je dois me faire une raison. Je balaye son accusation d’un revers de la main avant de reprendre.

 — Je ne peux pas laisser Rose gérer cela seule.
— Les Corbeaux seront, à n’en point douter, d’une vigilance exacerbée après les événements survenus lors de cette soirée mémorable. Il m’est donc impensable de te laisser circuler sans la moindre protection.

Je croise les bras, la résolution ancrée dans mes gestes.
— Je ne te demande pas la permission, Mathieu. Je t’informe.

Je me lève brusquement, prête à partir, mais il m’arrête d’un geste.

— Attends… Sweetheart… Il est absolument inconcevable que tu t’en ailles seule. À mon plus grand regret, je crains de ne point être en état de t’assurer une protection adéquate. Sasha se chargera de t’accompagner..

Il se lève et s’approche lentement, s’arrêtant devant moi. Pendant un instant, il semble hésiter, puis il pose doucement sa main sur ma joue, son pouce caressant ma peau avec une tendresse inhabituelle.
— Je ne saurais tolérer qu’il t’advienne le moindre mal, en particulier par ma faute, en raison de mon imprudence et du manque de discrétion dont j’ai fait preuve dans l’exécution de ce plan. Aussi, je t’en prie, promets-moi de demeurer aux côtés de Sasha. D’accord ?

Je pose ma main sur la sienne, le regardant avec douceur.
— Je serai prudente, ne t’inquiète pas.

Il sourit faiblement, ses yeux ancrés dans les miens.
— Hélas, il m’est parfaitement impossible de contenir mon inquiétude dès lors qu’il s’agit de toi, ma Douce.

Je lui rends un sourire avant de quitter son bureau. Une fois dans le salon, je pars à la recherche de Sasha. Avant cela, je m’arrête un instant pour envoyer un message rapide à Rose, lui demandant si je peux lui rendre visite. En attendant sa réponse, le rouquin fait une apparition remarquée, une brioche coincée entre les dents, ses yeux rivés sur les photos défilant sur son appareil.

— Sasha.

Il sursaute légèrement à mon interpellation, levant les yeux vers moi, il croque un bout de sa brioche avant de me parler.

— Un problème ?                                                                                                                                       

— Aucun que je ne puisse gérer. J’ai besoin de toi pour aller en ville.                                                    

— Je vais finir par croire que je suis votre chauffeur à tous les deux, dit-il avec un soupir théâtral.                                                                                                                                                    

— Tu ne l’es pas ?

Je remarque un bref roulement d’yeux avant qu’il ne m’adresse un sourire amusé. Lorsque je descends les petites marches du perron, Sasha me suit de près, mais prend son temps, délibérément. Je l’attends à côté de la voiture, le voyant marcher avec une lenteur exagérée, son sourire taquin toujours affiché.

— Monsieur pourrait-il se presser ? dis-je avec une pointe d’agacement.                                                 

— Monsieur ? J’aime bien ça, répond-il avec un éclat dans les yeux.                                                    

— N’y pense même pas.                                                                                                                          

— Trop tard, c’est déjà fait.                                                                                                                                       

— Allez, ouvre ! rétorquai-je en levant les yeux au ciel, exaspérée.

Finalement, le véhicule est déverrouillé, et je grimpe à l’intérieur. Alors que je choisis une station de radio, Sasha me jette un regard incrédule.

— Ça te change du classique, non ? dis-je, le ton légèrement sarcastique.                                           

— C’est pire, réplique-t-il en secouant la tête.

Je le fixe, faussement indignée. Aucune critique sur Imagine Dragons ne sera tolérée. Mais il pousse un soupir moqueur avant de se concentrer sur la route. Je lui donne l’adresse de la maison de Rose, tout en jetant des coups d'œil répétés à mon téléphone. Toujours pas de réponse. Le silence de Rose ne fait qu’amplifier mon anxiété alors que le paysage urbain défile.

Lorsque Sasha gare la voiture devant une modeste maison, je me tourne vers lui.

— Tu peux m’attendre ici.                                                                                                                

— Tu veux ma mort ? rétorque-t-il, les sourcils haussés.                                                                         

— Quoi ?                                                                                                                                                      

— Si notre très cher Mathieu apprend que je t’ai laissée sans protection, je suis un homme mort.                                                                                                                                                            

— Je ne lui dirai pas.                                                                                                                         

— Je ne prends aucun risque inutile.

Il descend déjà de la voiture avant que je ne puisse protester. Résignée, je finis par sortir à mon tour. Une grande inspiration, je me dirige vers la porte et frappe doucement. Les minutes qui suivent me semblent interminables. Lorsque la porte s’entrouvre enfin, la silhouette tremblante de Rose apparaît. À la vue de mon visage, un mélange de soulagement et de colère traverse ses yeux avant qu’elle ne se décide à ouvrir complètement. Nous pénétrons dans la maison. Rose, après un rapide coup d'œil méfiant à Sasha, elle s’installe dans le salon sans lui accorder davantage d’attention. Nous la suivons en silence. Une tension pesante règne dans la pièce jusqu’à ce qu’elle prenne enfin la parole, brisant le calme oppressant.

— Je veux des explications… Tu étais au courant ? Pourquoi ne répondais-tu pas ?

Je l’interromps d’un geste apaisant de la main.

— Je suis désolée… pour tout. Si je n’ai pas répondu, c’est parce que j’ai déménagé. Là-bas, le réseau est mauvais, je n’avais pas reçu tes appels.

À mes paroles, je vois Sasha se crisper légèrement. Malgré nos relations plus cordiales, il a encore du mal à accepter que je puisse avoir un lien avec leur organisation. Je prends les mains de Rose dans les miennes et trace des mouvements réconfortants dessus. Elle lutte pour ne pas pleurer devant nous, et moi aussi, mais j’ai appris à mieux cacher mes émotions.

— Alice… je ne survivrai pas sans mon frère… Je t’en supplie, dis-moi que tu sais où il est.           

— Je…

Je jette un regard à Sasha, qui détourne les yeux, mal à l’aise. Puis, sans réfléchir, je prends Rose dans mes bras.

— Je ne sais pas…

Elle s’agrippe à moi, laissant enfin sa tristesse éclater. Ses sanglots résonnent dans la pièce, et je la serre contre moi, essayant de la soutenir, même si je me sens complètement impuissante. Le temps semble suspendu jusqu’à ce que la porte s’ouvre brusquement. Rose et moi sursautons en voyant Arthur entrer précipitamment. Il ignore ma présence et se précipite vers sa femme.

— Chérie… J’ai des nouvelles de la police.

L’espoir éclaire un instant les yeux de Rose, mais il s’éteint aussitôt lorsqu’il termine sa phrase.

— Ils ont trouvé son corps… à trente kilomètres d’ici.                                                                

— Non… Ce n’est pas possible…

Elle s’effondre à genoux, et Artur s’empresse de la rejoindre pour la soutenir.

— Alice, dit-il sèchement en me fixant. Je suis content que tu sois enfin venue… mais pars maintenant. Elle n’a pas besoin de toi.

Ses mots claquent comme une lame. Je reste figée, les larmes aux yeux, incapable de bouger. C’est Sasha qui réagit le premier, posant une main douce sur mon bras pour m’écarter légèrement.

— C’est bon, pas la peine de t’énerver, on…

— Toi, le rouquin, la ferme. T’as rien à faire ici.

Sasha fronce les sourcils, agacé.

— Hé, je sais que c’est horrible, mais je te conseille de te calmer.

Arthur l’ignore royalement et s’avance vers moi.

— Toi, tu ne remets plus jamais les pieds dans notre maison.

Je le regarde, abasourdie.

— Quoi ?

— J’ai toujours dit que fréquenter les Roy était une erreur, mais Axel et Rose n’ont pas voulu m’écouter.

— Tu es en train de me rendre responsable de sa mort ?

— Qui d’autre, salope ?

À côté de moi, Sasha se crispe. La tension est à son comble. Puis, la voix faible de Rose s’élève derrière nous.

— Arthur… arrête.

— Arrêter quoi ? De dire la vérité ? Tout le monde sait que les Roy ne sont qu’un ramassis de pourritures. Vous détruisez tout ce que vous touchez.

— Va te faire foutre, Arthur ! Axel était tout pour moi ! Jamais je n’aurais…

Ma phrase s’interrompt brutalement sous le choc d’une gifle violente. Je vacille, sonnée. Il me faut quelques secondes pour comprendre ce qu’il vient de se passer.

— Arthur ! hurle Rose, paniquée.

Quand je relève les yeux, je le vois. Sasha s’est jeté sur lui. En un éclair, il le plaque au sol et lui tord le bras dans une clé brutale. Arthur gémit de douleur.

— T’es vraiment qu’un connard. T’as parfaitement conscience de ce que tu fais… et de comment tu veux finir.

— Va te faire foutre !

Je saisis le bras de Sasha, le tirant vers la sortie.

— Sasha, arrête. Ce n’est pas ce dont Rose a besoin.

Il me jette un regard froid, mais relâche lentement sa prise et me suit.

— Merci de m’avoir défendue… mais elle n’a pas besoin de ça en plus.

— Au contraire. Elle a surtout besoin qu’on débarrasse sa vie de ce connard. Et pour être clair, ce n’est pas pour elle que je l’ai fait. Personne ne touche à ma famille.

Sans un mot de plus, il monte dans la voiture. Malgré moi, un sourire discret naît sur mes lèvres en entendant sa dernière phrase.

Le retour se fait dans un silence pesant. Je repose ma tête contre la vitre, le regard perdu dans le paysage nocturne. Une pensée me traverse l’esprit : demain, j’appellerai Rose pour lui proposer mon aide. Elle est enceinte et ne peut pas affronter tout cela seule, surtout pas avec un mari aussi… inutile. 

Une fois arrivés au chalet, je marche comme un automate jusqu’à la résidence. L’air est froid, sec, mais je ne le ressens même pas. Mon esprit est ailleurs, alourdi.

J’aperçois vaguement Mathieu, debout devant une table envahie de documents. Il lit, compare, annote. Son visage est concentré, tendu. Mais au bruit de mes pas, il lève les yeux. Son regard accroche le mien, et il me fait signe d’approcher, doucement, comme s’il avait attendu ce moment.

Je m’arrête, hésitante. Quelque chose en moi résiste encore. Sasha me dépasse sans un mot, posant une main brève mais ferme dans mon dos pour m'encourager à avancer. Il grimpe ensuite les escaliers, me laissant seule dans le silence, face à lui.

Je prends une inspiration, encore tremblante, puis avance enfin vers Mathieu.

Lorsqu’il me voit s’approcher, ses traits se détendent. Un sourire doux vient effacer la tension de son visage. Il tend la main, attrape la mienne avec une tendresse infinie, comme si elle était faite de porcelaine. Il m’attire sans un mot jusqu’au canapé, où il s’assied, me tirant doucement à lui.

Je perds l’équilibre et me retrouve à califourchon sur ses jambes. Je m’apprête à me redresser, gênée, mais il m’en empêche doucement. Sa main se pose sur ma hanche, son pouce dessinant de légères caresses circulaires, lentes, rassurantes. L’autre vient glisser derrière ma nuque, m’attirant contre lui.

Je me laisse faire. Je me fonds dans cette étreinte, le visage niché dans le creux de son cou, là où son parfum m’enveloppe, familier, rassurant. Mes mains s’agrippent à sa chemise avec une force que je n’avais pas conscience d’avoir encore. Je ferme les yeux. Enfin, je respire.

— Il ne t’est point nécessaire de faire preuve de force en tout temps… murmure-t-il contre mes cheveux.

Sa voix est basse, chaude, vibrante. Elle résonne dans ma poitrine plus que dans mes oreilles.

— Tu es en droit de faiblir. En ma présence, tu en as pleinement le loisir.

Je sens sa main remonter lentement dans mon dos, comme s’il cherchait à effacer chaque nœud de douleur qui s’était ancré en moi. Une larme s’échappe malgré moi. Je la sens glisser sur ma joue, s’écraser contre son col.

Il ne dit rien, ne commente pas. Il me serre un peu plus fort.

— Tu ne saurais imaginer l’importance que tu revêts à mes yeux, murmure-t-il. J’ai appris à me passer de bien des choses. Mais de toi… plus désormais.

Je relève lentement la tête. Son regard croise le mien, intense, presque brûlant. Il effleure ma joue du bout des doigts, recueillant une larme du revers de sa main.

— Tu es d’une force admirable… bien au-delà de ce que tu conçois. Toutefois, même les forteresses les plus inébranlables requièrent un refuge où se délester de leurs fardeaux.


Je pose mon front contre le sien. Nos souffles se mélangent. Il ferme les yeux, sa main sur ma joue, son autre main toujours ancrée à ma taille.

— Accorde-moi encore un instant de ta présence, murmure-t-il. Non pour le tumulte du monde… mais simplement pour moi.

Je hoche la tête sans un mot. Et dans ce silence-là, pour la première fois depuis longtemps, je me sens en sécurité.

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