Kiara : présent

Burg
Finissant de vomir, je tire la chasse d'eau. Ma main passe sur mon visage, essuyant les larmes séchées au coin de mes yeux. Les cauchemars dont je suis victime pourrissent mes nuits. Les rendent infernales.

– Super Kiara, avance encore un peu.
J'acquiesce aux dires du médecin, faisant un pas de plus dans l'eau mouvementée de la machine d'aquacycling. Ma jambe épuisée finit par lâcher, entraînant mon corps dans sa chute. Je me maintiens tant bien que mal à la barre en métal. Les infirmiers sur le qui-vive m'aident à me relever.

– On arrête pour aujourd'hui.
J'acquiesce, quittant la salle de rééducation trempée jusqu'à l'os.

En entrant dans ma chambre, la première chose que je vois se trouve être mon père tenant dans ses bras un bouquet de pivoines.

– Engelos. Soufflé-je, plus qu'heureuse de le voir. Sa main se lève, caressant ma joue.

– Tu as pleuré ?
Me questionne-t-il, inquiet.
Malgré l'air froid que j'arbore, Engelos, lui, me voit comme je suis. Pas la membre de gang froide et sanguinaire, mais Kiara. Juste Kiara.
– Un cauchemar, c'est tout, ne t'en fais pas. Il acquiesce, retirant sa main de ma joue. La petite lueur passant dans son regard me fait tiquer.

– Il se passe quelque chose ?

– Ton frère.
Commence-t-il. Mon cœur rate un bond. Mon grand frère a disparu il y a un an. Sa réapparition soudaine est donc un mystère.
– Parle.
Ordonne-je.

– Une clé USB ainsi qu'une lettre sont arrivées en son nom.

– Donne.
Il me tend les objets de convoitise. Ma main se met à trembler sous l'émotion. Ressentant mon stress, mon père pose sa main sur la mienne, je l'en remercie intérieurement.
Enfin, je me décide à ouvrir la lettre :

Salut soeurette,
J'espère que ça va. Je suis désolé pour mon absence prolongée.
Mais une mission m'empêche de revenir.
La clé USB jointe, je te demande de la cacher s'il te plaît.
Considère-la comme la prunelle de tes yeux et ne me cherche pas.
Un jour, tu sauras tout, je te le jure.
Signé : ton frère qui t'aime, Sasha.

– D'où a été envoyée la lettre ?

– De Moscou.

– la Russie ? Le questionne-je, choquée. Il acquiesce.

– Que vas-tu faire de ça ?
Il pointe la minuscule clé USB.

– Tu te doutes bien que je ne te le dirai pas.
Même si Engelos est un homme de confiance, l'idée de trahir Sasha m'écœure. Un petit rire lui échappe.

– Le médecin veut que tu restes en observation ce soir à cause de ta chute précédente.
Je soupire avant d'acquiescer.

Une fois Engelos parti et une douche prise, je passe à l'action.
J'attrape mon couteau, entré dans l'hôpital par des manigances plus que douteuses.
Je prépare mon matériel sur le lavabo :
Une aiguille et du fil volé aux infirmières.
Mon couteau gravé.
Et la minuscule clé USB.
J'inspire.
J'expire.
La pointe du couteau s'enfonce dans mon biceps droit. La douleur est soutenable.
J'incise une dizaine de centimètres. Le sang s'écoule de la plaie, coulant dans le lavabo jusque-là immaculé.
Sans plus de cérémonie, je glisse la clé USB dans l'ouverture.
La douleur éprouvée n'est rien comparée à tout ce que j'ai enduré.
Une fois désinfecté grâce au savon liquide, j'attrape l'aiguille, je la plante dans mon bras. Ma main reproduit les mouvements habituels.
Une fois la plaie suturée, je désinfecte une nouvelle fois, comme à l'accoutumée.
Sasha serait déçu s'il savait ce que je fais pour cacher sa clé.

Ma main gauche attrape la lettre de mon frère. Je la relis, savourant son écriture.
Une petite larme perle au coin de mes yeux. Je l'essuie rapidement.
Je la repose, reprenant ma respiration.
J'agrippe mon briquet.
Pressant avec une certaine hésitation sur le bouton.
La flamme jaillit.
De ma faible main droite, je balance la lettre dans le lavabo.
Jetant le briquet sur celle-ci.
La flamme qui jaillit de cet acte me provoque la nausée.
Burg
Une nouvelle fois, je vomis dans les toilettes. Mon corps est secoué de violents frissons, faute des traumatismes dont je suis victime.

– Tu ne peux pas y aller ? Kiara, tu es encore en convalescence.
Affirme Engelos.

– Ça va aller, d'accord, Engelos ? Je dois y aller pour Sasha.
Ne connaissant pas le contenu de la lettre désormais carbonisée, il m'a été facile de lui mentir sur son contenu. J'en suis d'ailleurs désolée.
Il soupire.
– Ok... mais je viens avec toi.

– Bien sûr que non. Tu restes ici. Le gang a besoin de son chef.

– Tu es ma seconde.

– Sasha est ton second. Je suis la remplaçante. Et je retrouverai ton second.

– Prends soin de toi... s'il te plaît.

– Je te le jure.

Les regards curieux s'attardent sur la cicatrice de mon visage. Je les ignore, me concentrant sur le hublot de l'avion.
L'avion finit par atterrir sur le sol gelé de la Russie.