Leonid : présent

Coucou Leonid,
J'espère que ça va :)
Ta clé USB ne te manque pas trop ? Tu veux la récupérer, non ? J'ai un petit marché à faire avec toi. Enfin, t'as pas vraiment le choix donc je sais pas pourquoi je te demande.
Bref, j'ai une petite sœur. Je lui ai envoyé ta clé, qu'elle doit désormais considérer comme la prunelle de ses yeux.
Ta mission ? La protéger. Quand je considérerai que c'est bon, je ferai en sorte qu'elle te la redonne.
N'oublie pas de la traiter comme la princesse qu'elle est.
Signé : Sasha ;)

Comme les six autres fois, mes yeux balaient la feuille, relisent les mots de ce bâtard à mon encontre.
— Fait chier !
Les dents serrées, j'agrippe le premier vase à ma portée et l'envoie sur le mur. Il se brise dans un fracas assourdissant. Des bruits de pas attirent mon attention. Une personne. Comme prévu, la porte s'ouvre sur Alex, mon bras droit.
— Toujours aucune nouvelle ? me demande mon ami, perplexe.

— Aucune, soupiré-je.

Quand cette lettre est arrivée sur mon bureau, on a d'abord cru à un canular : la clé nous avait bien été dérobée, mais que le voleur nous envoie une lettre était inconcevable. D'un geste nonchalant, je m'allume un cigare et l'enfourne dans ma bouche. Ce dénommé Sasha doit avoir des couilles en béton pour voler un Ivanov.
— Sa petite sœur peut aller se faire foutre. Elle a quoi ? Neuf ans ? J'ai une gueule de baby-sitter ?

— En enlevant tes tatouages et ton air sévère, ça peut passer, rigole mon con d'ami.

— Ferme ta gueule si tu veux avoir des gosses.

Il éclate de rire. Putain, il est con ce con.
— Ok, ok, je m'excuse. Il lève les bras en signe de paix, un sourire carnassier étire ses lèvres.

— On a rendez-vous ce soir avec Brown. Il m'a envoyé l'adresse.

— Je t'attends dans la voiture.
Il soupire et quitte mon bureau.

Un putain de bar. Ce con de Brown a choisi un fucking bar ; autant prendre un club de strip-tease. Sérieux...
Alex et moi sortons de la bagnole, accueillis par le son assourdissant de la musique.

Kiara : une semaine auparavant

— Passeport, demande la personne à la sécurité de l'aéroport.
Je lui tends. À la lecture de mon nom son corps se tend. Glissant la main sous son bureau, elle me tend une lettre.
Arrivée au premier hôtel dans mes prix, je l'ouvre.

"Salut sœurette,

Comme je m'en doutais, c'est mon grand frère..."
Je lâche un petit soupir de soulagement, qui disparaît rapidement en lisant la suite.

"J'aurais préféré que tu ne viennes jamais en Russie, mais te connaissant, je savais que tu ne respecterais pas mes choix. Je te dois quelques explications : la clé USB appartient à Leonid Ivanov."

Ma respiration se coupe. La réputation des Ivanov n'est plus à faire. Mais mon con de frère a décidé de me refiler la clé qu'il a probablement piquée au plus gros sociopathe de cette planète : Leonid Ivanov, le parrain d'une voire des mafias les plus dangereuses du monde !
Je l'insulte de tous les noms.

"Rassure-toi, sœurette, j'ai assuré tes arrières. La seule chose que je te demande, c'est d'aller à sa rencontre. Il te protégera... de lui.
Ton frère qui t'aime."

La lettre s'arrête ici.
Des dizaines de questions fusent dans mon esprit : pourquoi mon frère considère-t-il que j'ai besoin de la protection de Leonid Ivanov ? Qui est "il" ? Où est Sasha ? Il va bien ? Pourquoi il se cache ? Et je suis si prévisible que ça pour qu'il sache dans quel aéroport je vais aller ?
Ça me vexe. Même si il n'y en a que deux dans toute la Russie.
En tout cas, une chose est sûre : je dois trouver Leonid Ivanov pour lui demander des explications sur mon frère et leur relation.
Je regarde mon bras droit en soupirant. Mais pour l'instant, je vais devoir désinfecter ma plaie.

Leonid : présent

Alex et moi pénétrons à l'intérieur du bar. La lumière tamisée et l'odeur de cigarette nous accueillent. Cette ambiance familière ne me met pas inconfortable.
Mon bras droit part chercher Brown. Moi, je me dirige vers mon endroit préféré : le bar.
L'odeur de l'alcool se fait sentir dès que je pose le verre rempli de liquide ambré sur mes lèvres. J'en prends une gorgée. Le liquide me brûle la trachée en descendant vers l'œsophage.
Alex revient et m'avertit que Brown n'est pas encore arrivé. Je lui fais signe d'aller s'amuser. Il part en sautillant comme un con.
Quant à moi, j'observe du coin de l'œil la belle espionne à la cicatrice. Elle croit que je ne la vois pas, cette conne ? Elle va probablement me suivre si je vais aux chiottes.
J'avale le reste du liquide ambré et me dirige vers les toilettes. Comme prévu, elle me suit.

Kiara : présent

Quand je suis entrée dans le bar à la suite de Leonid Ivanov, pris en filature depuis près de dix minutes, l'odeur de cigarette, le bruit des verres qui s'entrechoquent et la musique de fond posaient déjà l'ambiance.
Après m'être assise, je commande une boisson en attendant les prochaines actions de Leonid.
Quand il entre dans mon champ de vision, je le suis vers les toilettes. Il m'a remarquée, je le sais. Ce n'est pas comme si j'avais essayé de me cacher.
Arrivée dans les toilettes, Leonid fait dégager les quelques hommes présents. Puis il se tourne vers moi.
— Pourquoi m'espionnes-tu ? Qui es-tu ? m'assaille Leonid.

— Bonjour à toi aussi.

— Qui es-tu ?

— Bonjour.

Comprenant que je ne répondrai pas, il cède.
— Bonjour, ça te va. Maintenant, parle avant que je ne perde patience.

— Pour répondre à tes questions : je m'appelle Kiara. Enchantée, Leonid.

Je tends la main. Il y répond, la serrant fortement. Je garde un visage impassible malgré la douleur. Il est fort, l'enfoiré.

— Je ne vais pas me présenter, tu as l'air de déjà me connaître, Kiara. Voudrais-tu bien répondre à ma question ?
Il épelle bien les lettres de mon prénom avant de lâcher ma main.

— Je voulais te parler. Voilà pourquoi je t'ai suivi.

— Me parler ?

— Mon frère, Sasha... commencé-je.

Je n'ai point le temps de terminer ma phrase que l'Ivanov agrippe ma gorge, soulevant mon corps du sol. Ma respiration devient saccadée.
— Ce fils de pute de Sasha ! Où est ma clé ?!

Fait chier. Mon frère lui a bien volé la clé.
J'essaye de garder mon sang-froid malgré l'étranglement. Mes mains deviennent moites. Malgré tout, je dois paraître forte.

— Je te la rendrai si tu m'aides à retrouver mon frère.
Je suffoque, murmurant ces mots non sans mal.

— Tu te crois en mesure de négocier ?! Il me secoue.

— T'as besoin de ta clé. J'ai besoin de mon frère. Si tu me tues, l'emplacement de la clé disparaîtra avec moi. Choisis bien.

Il réfléchit... et enfin, il finit par me lâcher. Ses mains quittent mon cou. Ma respiration saccadée redevient normale. Il serre les poings, les dents, et finit par me donner sa réponse.

— Écoute-moi bien. À la seconde où ton enculé de frère sera retrouvé, mort ou vif, tu me rendras ma clé USB.

— Marché conclu.
J'esquisse un sourire aux lèvres. J'ai réussi.
Il me tend la main. Je la serre avec quelques a priori.