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1 - 1. Tout est de la faute de Murphy
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1. Tout est de la faute de Murphy

Sam n’était pas d’accord. Il ne voulait pas aller en cours ce matin, et sa mère ne pouvait que soupirer devant son fils têtu. C’était un refus total.

— Si tu n’es pas prêt dans les cinq minutes qui viennent, j’appelle ton père.

Ebouriffant ses cheveux sombres d’un geste contrarié, il se leva. Ce n’était pas juste. Elle avait toujours l’argument de son père pour le faire obéir. Avec le ton strict et sévère qu’il avait, ainsi que sa présence qui le faisait curieusement ressembler à un vampire, comment ne pas craindre de le fâcher ? Pourtant, Samirelius Justus Millenium ne comptait vraiment pas aller en cours ce matin.

Pas après ce qu’il s’était passé hier. La plus grande honte de toute une vie. Pourtant, il s’était assuré du moindre de ses gestes. Tout aurait dû être gagné d’avance. Il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait fallu que les choses tournent ainsi.

Avec un long soupir, il attrapa négligemment quelques vêtements. Il enfila son tee-shirt tout en se disant qu’il était un peu juste aux épaules. C’était désagréable. Il était grand et sportif, et les vêtements étroits lui donnaient la sensation d’être maladroit. Il continua à s’habiller rapidement, repensant à la journée précédente. Il noua ses lacets. Prêt à partir, il n’avait trouvé aucun indice qui pourrait lui donner une réponse.

Andrea Naphim avait l’air d’un ange, et sa beauté était à couper le souffle. Ses longues boucles blondes encadraient son visage au teint clair et à la peau satinée, un doux parfum de rose et de vanille flottant toujours auprès d’elle. Ses yeux étaient d’un bleu si profond que le ciel semblait fade à côté de son regard étincelant. Plutôt petite, elle était aussi fine et gracile qu’une fée. Il ne lui manquait que les ailes pour s’envoler, et Sam se sentait stupide à côté d’elle.

Elle était aussi brillante que lui se sentait sombre, avec sa tignasse d’ébène indomptable et son teint olivâtre qu’il tenait de sa mère. Même ses yeux, pourtant verts, paraissaient noirs tellement ils étaient foncés. Du haut de ses quinze ans, il ne se rendait peut-être pas compte du charme méditerranéen qu’il avait hérité de sa branche maternelle. Il était peu sûr de lui, et avait l’impression d’être empoté dès qu’il bougeait. Pourtant, c’était un jeune homme vif et intelligent, déjà en terminale et un atout majeur pour son équipe de rugby. Apprécié de tous ceux qui le fréquentaient, il n’avait aucune raison de penser que quelque chose puisse mal tourner. Encore moins sa déclaration à Andrea. Il avait mis un temps fou pour se décider. Il avait passé des heures à choisir ce qu’il allait faire, à chercher la rose blanche idéale à laquelle il avait noué un ruban rouge et une lettre contenant ses sentiments puis un rendez-vous après les cours.

Il voulait lui prouver qu’il était sincère et romantique, même si c’était clairement vieux jeu, et espérait avoir toutes ses chances d’y arriver. Une fois la rose et la lettre déposées dans le casier de la jeune fille, une longue journée s’était écoulée, faisant stresser Sam à chaque minute. L’avait-elle vu ? L’avait-elle lu ? La rose avait-elle tenu toute la journée sans se faner ? Avait-elle aimé ? S’était-elle moquée ? Il se noyait dans ses questions, et avait encore plus peur des réponses qu’il pourrait avoir à la fin des cours.

Le soir même, il attendait près de la grille, à l’endroit prévu. Il saurait enfin s’il avait une chance avec elle. Oui ou non ? Ou peut-être qu’il fallait qu’elle réfléchisse. Mais enfin, il aurait sa réponse.

Mais il ne pouvait pas s’attendre à ça.

Lorsque la belle Andrea sortit, elle essaya de l’ignorer. Il l’interpella alors, et elle se planta sans un mot devant lui, ses splendides yeux bleus rivés dans les siens avec une rare colère, puis le gifla. Elle lui jeta sa rose qui était devenue entièrement noire, comme si elle avait été calcinée, ainsi qu’un papier brûlé où ne paraissait plus que sa signature, Sam Millenium.

— Plus jamais !

Elle s’enfuit alors, les larmes au bord des yeux, et, comme tout le monde assistait à la scène, ce fut le râteau le plus magistral qui lui ait été infligé.

— Tu es prêt, Samy ?

Sa mère appelait à l’autre bout du couloir, le ramenant au présent. Décidément, elle était pressée aujourd’hui. Il n’allait cependant pas raconter à sa mère ce qui lui était arrivé. C’était la première fois qu’il avait le cœur brisé, d’accord, mais pour rien au monde il n’en parlerait à ses parents. Il ne fallait pas exagérer non plus. Ce n’était pas le genre de choses qu’il voulait raconter.

Il fallait qu’il se rende à l’évidence : il était une victime de la loi de Murphy : ce qui peut arriver de pire arrivera, et c’était exactement ce qu’il ressentait. Ce ne pouvait être que ça. Tout était de la faute de Murphy.

*****

Devant le lycée, Sam mit un temps avant de se décider à descendre de la voiture. Le cœur battant, il n’osait imaginer ce qu’on pouvait dire de lui. Ce qu’Andrea avait pu dire de lui.

Lorsque sa mère allait lui adresser la parole, il se rendit compte qu’il n’avait que deux choix : l’affronter elle ou sa honte. Sandra avait toujours été une championne pour deviner ce qu’il n’allait pas chez son fils. Il refusait de lui avouer. Il aurait trop honte. Il opta alors pour la fuite de la voiture et avança courageusement vers le portail.

Une fois sa mère repartie, ses sombres pensées reprirent le dessus. Il lui semblait que tout le monde ricanait sur son passage. Il était même persuadé d’avoir entendu des filles de la classe d’Andrea murmurer à son passage.

— Il est d’un macabre, je n’aurais jamais cru ça. »

— Moi je ne comprends toujours pas, pourquoi une rose noire ? »

Sam se réconforta en se disant que, heureusement, personne ne connaissait sa famille.

Dans le cas contraire, il aurait été fini, classé à jamais, et il n’avait pas mérité ça !

Arriva alors, juste derrière lui, Andrea. Il se maudit intérieurement. Il avait tellement l’habitude de passer par ce couloir pour l’apercevoir qu’il n’avait pas songé un seul instant qu’il rencontrerait à nouveau la jeune fille ce matin... Qu’il était bête ! Mais il n’y pouvait plus rien maintenant… et Andrea le dévisageait, le regard furieux, ou triste peut-être, il ne savait pas bien. Mais lui était rouge comme une pivoine. Aucun mot n’arrivait à sortir de sa bouche. Son cœur s’emballait comme un millier de chevaux de courses alors qu’il n’arrivait presque plus à respirer, tellement il craignait d’aggraver la situation entre eux. Pourtant il aurait voulu la saluer, lui demander pardon, n’importe quoi.

Pas une seule phrase intelligible n’arrivait pas à sortir.

Et puis qu’est-ce qu’elle avait l’air lumineuse ! Quel dommage que les traits de la peine se dessinaient sur son adorable visage !

Soudain elle s’apaisa, sa tristesse comme envolée, et lui sourit. Sam n’osait même plus cligner des yeux, de peur que ce sourire si envoûtant ne disparaisse.

— La cloche a sonné, Sam.

Il n’avait rien entendu, mais, effectivement, les couloirs se vidaient à une vitesse fulgurante, et Andrea elle-même le dépassa pour rejoindre sa salle. Il n’arriva qu’à bafouiller brièvement.

—  Je te jure, ce n’était pas une rose noire mais une blanche…

Elle ne le laissa pas finir, posant son doigt sur sa bouche, son sourire devenu malicieux et ses yeux pétillants de joie. Tout en elle semblait dire qu’elle connaissait la vérité. Mais comment pouvait-elle savoir alors qu’elle l’avait royalement jeté hier ? Sam ne comprenait décidément pas. Et d'être resté à réfléchir au pourquoi du comment sa rose blanche était devenue noire, et que sa lettre ait ainsi été brûlée, un surveillant eut l’aimable attention de le mettre en retenue pour la fin de la journée avant de l'accompagner jusqu’à sa salle de cours…

*****

— Chuchoteuse, Chuchoteuse, tu es qu'une sale rapporteuse... » chantonnait une fille étrange en retenue.

Elle avait les cheveux qui ondulaient, reflétant les tons chatoyants de l’automne. Sa peau avait un teint légèrement plus clair que celui de Sam et des yeux noirs rieurs, comme si le monde entier à ses yeux était une vaste plaisanterie. Sa bouche dessinait un large sourire, laissant apparaître des fossettes qui la rendaient plutôt jolie. Elle était la seule fille en retenue et semblait tout droit sortie d’un livre. Sam l’imaginait bien, au-delà du jean et du haut scintillant qu’elle portait, vêtue en gitane, comme Esméralda de Victor Hugo, par exemple.

Mais elle n’était pas aussi belle et fascinante que sa chère Andrea, il en était certain, mais bon. Haussant les épaules, il s’assit auprès des autres collés.

Il prit place près d’un camarade de classe qu’il connaissait depuis la maternelle, Terry

Brown, l’être qui lisait les comics plus vite que son ombre, et le questionna, puisqu’il était arrivé avant.

— C’est qui ? Je ne l’avais jamais vu avant celle-là…

— Camilla Cruz, elle a débarqué ici la semaine dernière… elle donne l’air d’être en vacances depuis qu’elle est au lycée celle-là !

Sam haussa encore les épaules. Elle faisait ce qu’elle voulait, tant qu’elle ne l’embêtait pas. Il avait déjà assez d’ennuis comme ça pour le moment !

En entendant son nom, cependant, Camilla fronça le nez et tira la langue à Terry Brown, avant d’esquisser un sourire malicieux à Sam qui, décidément, la trouvait extrêmement bizarre.

Alors elle se leva pour s’installer près d’eux.

— Toi, tant que tu seras comme ça, tu n’iras pas loin, Superman…

Puis en s’adressant à Sam, elle ajouta, comme ravie.

— Toi, tu as une odeur qui me plaît bien ! Appelle-moi Mye, ok ?

— Mais tu t’appelles Camilla… essaya de dire Terry avant d’être coupé par le regard glacé qu’elle lui jeta.

— Mye, appelle-moi Mye, ça ira largement. Et toi Quasimodo, tu devrais te taire, ça irait bien mieux pour toi !

Décidément, cette fille avait un don pour donner des sueurs froides. Sam préféra juste lui dire ce qu’elle voulait pour qu’elle le laisse tranquille.

— Ok, Mye. Arrête d’embêter ce pauvre Terry, on a des devoirs à finir, tant qu’à faire…

— Pour ce que ça te sert, à toi, les devoirs ! souffla-t-elle à Sam.

Camilla alla alors s’installer derrière eux, apparemment convaincue qu’il devait être totalement idiot ou quelque chose de ce genre. Terry et lui échangèrent un regard parfaitement compréhensible : cette nana était folle, il valait mieux se faire oublier d’elle. Au moins, après ça, elle les avait laissés tranquilles. Ils achevèrent leurs devoirs à voix basse, en espérant qu’elle ne vienne plus les gêner.

Mais Sam ne pouvait ignorer le regard insistant qui pesait dans son dos.

*****

Bon sang, qu’elle est bizarre celle-là ! s’exclama Terry une fois sorti du lycée.

— Légèrement flippante, oui, approuva Sam d’un signe de tête.

— Elle n’arrêtait pas de te fixer, tu devrais faire attention… je te parie qu’elle va te traquer maintenant. Elle en est totalement capable !

— Ah ? s’exclama Sam en repensant alors à la rose noire et à sa lettre brûlée, Tu crois que…

— Ben elle est du genre. Ça expliquerait beaucoup de choses… parce que bon, ce n’est vraiment pas ton style d’offrir des roses noires…

Repensant alors à toute cette affaire, puis à l’entrevue qu’il avait eu avec Andrea, il soupira. Terry posa sa main sur l’épaule de son ami, car il pouvait comprendre le tourment d’une première peine de cœur.

— Elle te pardonnera. Pour la rose noire et tout le reste. Ça s’oubliera vite, ne t’inquiète pas…

Sam ne savait pas trop ce qu’il en était. Andrea était si fascinante. Comment pouvait-il en être autrement ? Terry, qui l’observait, décida de singer l’air sérieux de son ami avant d’éclater de rire. Avec de grands gestes, il reprit son histoire.

— Tu verras, tu t’approcheras en bombant le torse comme un de ces super-héros au slip sur le pantalon, tu t’avanceras contre elle, la fixant dans les yeux…

— Arrête…dit Sam alors que ni lui ni Terry ne se rendaient compte que ce dernier était sur la route à présent.

— …tu la prendras dans tes bras et tu l’emb…

Sam n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit.

Ni de voir le danger.

Ni même de le retenir.

Il n’eût même pas le temps d’ouvrir la bouche pour le prévenir.

L’adolescent disparut comme par magie alors que le bus klaxonnait et freinait comme si toute la ferraille gémissait d’horreur.

Mais c’était trop tard.

Le bus avait fauché Terry.

— Te…Terry… TERRY !!!

Sam se rua vers la façade du bus, affolé, avant qu’un attroupement ne se forme autour de l’accident. Terry était méconnaissable, sali de son propre sang et semblant aussi désarticulé qu’un pantin privé de ses fils.

— Terry ! Tiens bon, je vais appeler les secours ! Terry ! Reste avec moi, Terry !

Mais Terry n’avait aucune réaction. Il ne respirait même plus, son regard se perdant désespérément dans le vide. Sam tremblait de tout son être, il avait du mal à sortir son téléphone portable et à composer le numéro des secours. Même s’il était là, même s’il espérait de tout son être que les pompiers arrivent et le sauvent, Sam sentait du plus profond de son âme qu’il était déjà trop tard.

Terry était déjà mort, et personne n’arriverait plus jamais à lui permettre de lire encore ses comics, se moquer encore de ses amis, aller au cinéma et buller dans son monde.

Tout son être vibrait de cette réalité.

Soudain, un frisson glacé lui parcourut l’échine. Il releva la tête et vit la chevelure d’automne si particulière qui l’avait gêné quelques instants auparavant. Elle inondait toute cette réalité avec un certain air de supériorité. Elle ne prononçait pas un mot, mais son attitude hurlait pour elle un : « Je vous l’avais bien dit ! »

Mye.

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