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Seocha
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16. D'une feuille qui rêvait de son arbre

Trois jours durant, Charlotte n’ouvrit pas les yeux. Samirelius restait constamment à ses côtés, ne retournant pas en cours et quittant rarement son chevet, car il voulait être à ses côtés quand elle se réveillerait. Elle était là depuis le début de cette folie, et il avait besoin d’être certain qu’elle se remette complètement pour affronter tout ce qui les attendait par la suite.

Pendant tout ce temps, l’enfant dormait d’un sommeil sans rêve. Depuis quand cela n’était-il plus arrivé ? La mort n’avait jamais été calme et silencieuse, pas plus que sa vie. Alors de se retrouver ainsi, comme coupé de tout, lui fit prendre conscience qu’il fallait ouvrir les yeux. Ses paupières se relevèrent d’un coup, et elle fut un instant éblouie par la lampe de chevet allumé à ses côtés. La chaleur de la main de son Maître qui tenait la sienne permit à l’enfant de comprendre qu’elle n’était pas toute seule.

Elle cligna des yeux, et vit qu’elle était allongé dans le lit de Sam. Celui-ci était assis près d’elle, et le regard clair de la petite fille ne lui avait pas échappé. Il lui sourit de tendresse et de soulagement, et elle lui rendit de bon cœur.

—    Je vais bien, Maître, lui dit-elle.

 Des images sur les évènements qui précédaient son sommeil lui revinrent tout à coup en mémoire. Elle se redressa d’un bond.

—    Oh ! Mademoiselle Héloïse ! La bibliothèque !

—    Tout va bien, tu as sauvé la bibliothécaire à temps, et elle ne se souvient de rien au sujet de l’incident, la réconforta Sam.

—    Et… la médiathèque ? demanda-t-elle intriguée, j’ignore pourquoi, mes souvenirs sont plutôt confus.

—    Il n’y a pas de trace d’encre qui a perduré, mais avec les dégâts des vitres qui ont explosé, elle sera fermée pour un moment. Mon père a dit que les autorités avaient conclus a un défaut de fabrication des vitres qui a mené à leur soudaine explosion. Donc, tout va bien. Mais je ne pourrais pas t’y emmener le temps des travaux, nous iront à celle qui est plus proche de chez nous, d’accord ?

La petite fille hocha la tête, apaisée. Ce qui la rassurait, surtout, c’était de voir que son jeune Maître semblait aller bien. Lui qui avait pris tant de choses dans le cœur dernièrement avait encaissé cette nouvelle épreuve sans trop de dégât matériel ni psychologique. Peut-être qu’ainsi, il pourrait enfin accepter la proximité de la Chuchoteuse à ses côtés.

Le téléphone portable de Sam émit un son, et l’adolescent lâcha la main de Charlotte pour consulter sa notification et prendre un temps court avant de se décider à répondre. Alors qu’il rangeait son téléphone, le regard intriguée de l’enfant le motiva à lui donner des explications.

—    C’est mon cousin, Sirius. Il était là quand tu t’es évanouie, avec mon père et mon oncle Bernie.

—    Monsieur Bernarius Augustus Millenium était là lors de mon éveil, je me souviens, affirma-t-elle.

—    Sirius est son fils, et il voudrait me voir. Je n’ai pas osé lui parler depuis mon éveil. On s’entend plutôt bien, mais ça faisait longtemps qu’on ne se fréquentait plus, alors je n’y pensais pas. Et je crois que ce serait pas mal qu’il vienne.

—    Cela me semble une très bonne idée, acquiesça la petite fille.

La sonnerie de la porte d’entrée retentit au loin dans la maison, et Sam roula des yeux. Charlotte n’eut pas à demander pourquoi, elle ressentait parfaitement l’énergie de la personne qui franchissait la porte alors que Sandra l’accueillait.

L’adolescent prit une profonde inspiration, puis se leva. La petite fille allait en faire autant, mais il l’arrêta d’un geste.

—    Toi, tu dois te reposer. Tu as dormi trois jours, Charlotte, j’étais inquiet. Alors je veux que tu te ménages. Mye est là car j’ai accepté qu’elle m’entraîne dès que tu serais réveillée… et je voudrais que les esprits qui espionnent pour elle soient un peu moins réactifs à cafter, grommela-t-il avant de reprendre. On va au fond du terrain, donc je ne crains rien. Attends qu’on soit dehors pour aller voir ma mère et manger, elle aussi était inquiète pour toi, tu sais. A tout à l’heure !

Sur ses mots, il saisit sa veste sur le porte manteau derrière sa porte puis laissa l’enfant seule face à ses pensées.

—    Tu aurais pu attendre demain, râla Sam en guise de salutation.

Cela lui attira un regard de foudre de la part de sa mère, mais il n’en démordait pas. Mye l’attendait dans son épaisse doudoune orange vif que ses boucles brunes découpaient le long de ses épaules. Elle arborait un sourire victorieux, peinant presque à ne pas sautiller sur place en voyant son camarade descendre les escaliers pour venir à sa rencontre.

—    En fait, non, mon chou. La nuit se lève, et la lune est merveilleusement claire. C’est un soir idéal pour un nécromancien amateur à pratiquer son art !

—    Charlotte ouvre à peine les yeux, ce n’est pas très sympa de ne pas nous avoir donné au moins une heure de tranquillité. Et la nuit, il fait plus froid que de jour, je doute que ce soit plus facile pour moi, répliqua-t-il.

—    Oh que si ! s’exclama Mye avec malice. La nuit est ton élément, et le froid en fait pleinement parti. On va voir ça ensemble dehors, tu devrais rapidement comprendre.

—    Je te demanderai d’y aller progressivement, Mye, d’accord ? ajouta Sandra avant de les laisser seuls.

La jeune femme hocha la tête pour rassurer la maman, et les deux adolescents sortirent dans le jardin. Le terrain de la maison était assez grand. Voir son jardin de nuit lui rappelait la nuit où ses pouvoirs s’étaient éveillés, le mettant mal à l’aise. Il n’aimait pas se souvenir de cette nuit-là. Cependant, on ne pouvait nier que c’était une belle nuit : il n’y avait pas de vent, le ciel était clair et les étoiles scintillaient en spectatrices discrètes. La lune elle-même trônait parmi les astres, reine nocturne bien qu’elle ne soit pas entière. Le froid était cependant bien là : il mordait les joues et pinçait les oreilles de Sam sans ménagement. Il enfonça ses mains refroidies au fond des poche de son manteau. Dire que dans moins d’un mois, l’hiver serait officiellement là !

—    On va choper la crève, ce soir, grommela-t-il en laissant échapper une petit nuage de buée.

—    Tu es vraiment un bébé ! s’exclama Mye qui n’avait pas l’air d’être incommodé par la température.

Elle s’arrêta devant le vieux chêne qui marquait le fond du jardin. L’arbre était dénué d’une grande partie de ses feuilles qui offrait un tapis mordoré tout le long de ses racines. Sam aimait venir lire sous les branches bien feuillus lors des belles journée de printemps ou en été, mais alors que l’hiver était si proche, le vénérable végétal était bien mois accueillant.

Mye se faufila sur la première grosse branche qui lui permettait de s’asseoir avec l’agilité d’une panthère, et sourit, satisfaite.

—    Il n’y a pas meilleur endroit pour commencer ta leçon, Samy Sam ! Le sceau de ta famille est si puissant ici que tu ne crains aucune attaque en réponse à tes pouvoirs, et cet arbre t’apprécie aussi.

—    Euh… merci.

En fait, il ne savait pas vraiment quoi répondre. Il n’avait jamais pensé que l’arbre du jardin puisse avoir un esprit. Par contre, le fait que sa maison soit protégé par un sceau, il n’en avait aucune idée. En soi, ça le rassurait, mais il glissa dans un coin de sa tête qu’il faudrait que son père lui explique en quoi consistaient ces sceaux, et où ils pouvaient se trouver en dehors de la maison.

La voix de la chuchoteuse rompit soudain le fil de ses pensées.

—    Tu es un Nécromancien, Sam. Avant même que n’entre en jeu le Pacte de ta famille, cela signifie que tu appartiens de facto à la Nuit, à la Lune, aux Ténèbres, à la Glace et aux Enfers. Tu es un manipulateur de la Mort, avec tout l’attirail qui va avec. Cela signifie aussi que, lorsqu’il fait froid dans une nuit sombre où la lune est aussi claire, tu peux utiliser tes dons aussi facilement que tu respires. Ce soir, pour toi, c’est vraiment du gâteau.

—    Dans ce cas, râla Sam en haussant un sourcil, explique-moi pourquoi je me gèle ?

Mye roula des yeux en haussa les épaules, comme s’il lui demandait si le soleil brille quand il fait jour.

—    Parce que tu bloques ton flux, évidemment ! A force de refuser ta nature, tu es complètement fermé. Il faut que tu acceptes de faire partie de ce tout, de reconnaître ta juste place dans l’univers. Une fois que tu y arriveras, tu pourrais te balader tout nu au pôle Sud que tu ne craindrais absolument rien !

Sam la dévisagea, suspicieux. Est-ce qu’elle se moquait de lui ? Cela l’irritait autant que le froid qui ne le lâchait pas un instant. Elle n’avait aucun intérêt à se moquer, alors qu’elle savait à quel point il lui avait été difficile d’accepter qu’elle lui donne des leçons.

La jeune femme bondit de sa branche avec la grâce d’un chat, et elle ramassa une feuille morte jaunie avant de se redresser et planter son regard noir et brillant dans celui de l’adolescent.

—    Tu n’es pas un garçon normal. Tu n’es pas un enfant fragile. Tu n’es pas faible. Tu es Nécromancien.

Elle saisit l’un des poignets de Sam et sortit la main de sa poche, avant de lui déposer la feuille dans sa paume. Il la laissa faire avec incompréhension, ne voyant pas où elle voulait en venir. Mye retint en elle un soupir s’exaspération.

—    Es-tu donc si bête ? Tu as le don de rendre la vie ! Tu l’as fait avec Charlotte, et tu peux le faire avec tout ce que tu veux. Cette feuille, aussi. C’est ça, ton exercice, ce soir. Tiens-la bien, et imagine-là avant qu’elle ne soit sèche et craquelée entre tes doigts. Au printemps, elle était une feuille sans doute bien verte et vigoureuse, attachée à sa branche. Remonte le temps pour elle. Visualise-là en vie. Prête-lui un peu de ta vie.

Convaincu que ce n’était pas une plaisanterie, Sam décida de tenter réellement l’entrainement pratique. Rêver, imaginer, il savait très bien faire. Il sortit son autre main pour enfermer la feuille dans la cage de ses phalange, puis, il ferma les yeux. Cela devait faire peu de temps qu’elle était tombée, elle n’était pas en miette mais cassante. Il la voyait, agitée sous les vents, résistant aux intempéries, alors que le froid s’intensifiait. L’arbre devait l’abandonner, c’était un juste retour dans le cycle de la nature, et elle permettrait à l’arbre de survivre à l’hiver en pourrissant pour le nourrir à ses pieds. C’était ainsi. Sa petite vie avait fini, et la mort avait pris la suite pour elle comme pour toutes les autres feuilles qui ne cessaient plus de tomber.

Une brise agitait la feuille entre ses doigts. Le jeune homme tenta de percevoir la naissance de cette feuille, son bourgeon discret sur la branche où elle est apparue, et ses rainures et veinules parcourues de sève lors du printemps cajoleur qui l’avait vu naître. Elle voudrait tant retrouver son arbre et apprécier le soleil, encore et encore !

La feuille entre ses paumes s’amollissait, et les fissures qui la déchiraient avaient disparues. Elle tournoyait, chatouillant le jeune homme qui ouvrit ses yeux, et constata que ses mains avaient pris cette teinte bleue qu’il craignait, mais fut surpris de constater qu’il n’avait pas mal du tout. Ecoutant son instinct, il tendit les bras vers l’arbre et libéra la feuille, qui s’envola pour retrouver le chêne qui l’appelait, se fixant solidement, verte forte, sur sa branche. Le bois du quercus s’illumina d’une aura bleue, et soudain, comme un ballet inversé, toutes les feuilles tapies au sol s’envolèrent, tournoyant et se teintant de vert avant de se fixer à leur tour à leurs branches respectives, rendant au vénérable végétal la force et la verdure de son plus beau printemps.

Lentement, Sam abaissa ses bras, et l’aura bleue s’éteignit doucement du chêne. Le froid glissait le long de sa chair, mais il ne ressentait aucune contracture, aucune douleur comme c’était le cas auparavant. Cependant, cette sensation de froid restait désagréable pour lui, qui détestait le froid.

Constatant ce qu’il avait fait, la fierté fit rapidement place à la crainte. Il avait réussi à rendre vie à une feuille, et à rendre à un arbre son printemps. C’était magnifique, mais n’était-ce pas contre nature ? Il devait affronter l’hiver, et il s’y préparait. Est-ce qu’avoir retrouvé ses feuilles n’allait pas le faire souffrir et l’achever cet hiver ?

Mye se plaça à ses côtés, lui souriant avec cette éternelle étincelle malicieuse dans son regard, parfaitement contente. Un air que n’appréciait que moyennement Sam, venant d’elle.

—    Et bien, quand tu t’y mets, tu ne chômes pas, toi ! Tu as donné à cet arbre l’allure d’un Eternel. Tu es vraiment doué ! le félicita-t-elle.

—    Avec l’hiver, ce n’est pas dangereux pour lui ? demanda-t-il perplexe.

—    Tu lui as octroyé une quantité très importante pour un arbre, tu sais, le rassura-t-elle, il lui faudra de longues années avant qu’il ne perde de nouveau ses feuilles, je pense. Et ce, peu importe l’intensité des hivers qu’il aura à affronter. Bravo, boyscout ! La prochaine fois, il faudra apprendre à doser l’énergie qui tu y mets, parce que sinon, tu vas t’épuiser. Comment tu te sens ?

Sam prit un instant pour donner une réponse au plus juste.

—    Je ne me sens pas du tout fatigué. Je n’ai pas mal non plus.

—    Et tu as encore froid ? interrogea-t-elle non sans malice.

—    Oui, toujours. Mais je ne ressens pas de douleurs dans mes mains ou mes bras, contrairement à avant.

—    Tes douleurs étaient dû à tes blocages. Pour le froid, c’est pareil. Tu le ressentiras jusqu’à ce que tu acceptes ton élément. Regarde comme ce que tu as fait est fort ! Si tu te lâchais, tu pourrais écraser tous les démons qui croiseraient ta route !

Le jeune homme eût du mal à contenir un sourire de fierté. Il ne connaissait pas encore l’ampleur de ses capacités, mais il devait bien se l’avouer : ce qu’il venait de réussir était quand même sacrément cool. Il jeta un regard vers ses mains qui avaient permis ce petit miracle. Autant, la douleur n’était plus là, autant leur lueur bleue ne faiblissait toujours pas après une telle utilisation. Il ne faisait aucun effort particulier pour manier son don, alors il n’arrivait pas à savoir ce qu’il devait faire pour s’arrêter.

—    Mye, comment je fais pour éteindre cette lumière bleue et qu’on puisse retourner au chaud pour ce soir ?

Mye se tourna vers lui, ses boucles brunes dansant le long de son visage, pour observer Sam de pied en cap. Elle tapota le coin de sa joue, plissant légèrement les yeux, puis hocha la tête.

—    On dirait que tu as fait venir beaucoup de pouvoir dans tes mains, et apprendre à refluer sa puissance est plutôt compliqué pour toi, ce soir. C’est sans doute l’effet de la lune. Le plus simple serait simplement d’évacuer ce trop-plein. On va faire quelque chose de discret, ce sera assez simple. Allez ! Bras vers le sol, paumes ouvertes, et tu fermes les yeux.

—    Qu’est-ce que tu vas me faire faire ? demanda l’adolescent inquiet.

—    Tu vas apprendre à ressentir ton environnement avec ton pouvoir. C’est tout simple ! Ca s’approche assez de la méditation : en fermant les yeux, tu vas essayer de visualiser la source de ton pouvoir, au niveau de l’estomac. Tu éteins le robinet, puis tu vas faire remonter ce qui reste d’énergie le long de tes bras et de tes doigts. Ensuite tu vas imaginer que tu lui fasses toucher le sol. Tu diffuses tout ce qu’il y a en trop et tu recrées ce qui t’entoures avec ce que tu auras pu identifier.

—    Je ne suis pas très convaincu…

—    Ne fais pas l’enfant ! Je vais te guider, au début.

Sam n’était pas du tout convaincu de la méthode que proposait sa camarade. La dernière fois qu’il avait eu un surplus, il avait ressuscité Charlotte. Il n’avait pas l’intention de réitérer l’expérience ce soir. Il pensa à Winifred, qui s’était engagée la première à lui donner des leçons. Charlotte lui avait raconté qu’elle était une maîtresse très douce et patiente. Il aurait largement préféré suivre ses leçons particulières avec elle. Quand est-ce qu’il pourrait la relancer sans la blesser ? Il n’oserait jamais. L’autre choix n’était autre que son propre père, mais entre le fait qu’il n’avait pas de temps à lui dégager et le fait qu’il n’avait pas envie que la leçon tourne en confrontation, le garçon s’estimait chanceux d’avoir évité une telle situation.

Résigné, il prit une grande inspiration : il fallait suivre les consignes de cette étrange lutine qui, en début de tout, était la première à lui enseigner quelque chose et obtenir un résultat.

Les paupières closes, il positionna ses paumes ouvertes vers le sol. Mye posa son poing au niveau du plexus solaire.

—    C’est ici qu’est ta source de pouvoir. Tu la sens ? C’est une orbe qui tourbillonne en toi. Des fils s’échappe le long de tes organes, de tes veines, de ta respiration. Coupe-les, ralentis les tours de cette orbe comme tu ralentirais tes battements de cœur.

La pression légère que la jeune femme exerçait l’aidait à se concentrer. Petit à petit, l’image se forma dans son esprit. Il ne savait pas trop s’il s’agissait de son imagination où de sa réelle capacité, mais une pelote de lumière du même bleu que la lueur de ses mains s’effilochait, s’apparentant presque à un petit soleil qui n’émettait ni chaleur ni froid. Il posa des mains invisibles qui en caressa la surface, la rendant progressivement lisse, gardant celle belle forme de sphère.

—    Tu t’en sors très bien ! l’encouragea Mye en retirant délicatement son poing. Maintenant, évacue les fils hors de ton corps. Essaie de voir le monde qui t’entoure avec ton don.

Plus facile à dire qu’à faire ! maugréait Sam, qui faillit perdre toute sa concentration. Il s’appliqua cependant à remonter chaque fibre de son pouvoir, éparpillé en lui, vers ses bras. Il sentait l’énergie glisser le long de ses veines, chauffant légèrement sa peau avant de le mordre de froid, son épiderme se parcourant de frissons qui ne cessaient pas. Les fils faisaient comme des nœuds, et celui lui arrachait des grimace de douleurs, mais le jeune homme serra les dents : il voulait arriver à faire cet exercice jusqu’au bout. Des aiguilles gelées lui transpercèrent soudain la pulpe des doigts pour s’enfoncer dans la terre dure et compacte à ses pieds. Il prit conscience qu’il retenait sa respiration, comprimant l’énergie qui trainait dans ses poumons, et il expira soudain, faisant vibrer l’air autour de lui.

Le vent caressait avec paresse son visage, s’éparpillant lentement de la terre aux feuillage du chêne revigoré devant lui. L’herbe ondoyait paresseusement, et les milliers d’insectes qui grouillaient dans la flore tout autour de lui donnait le rythme d’une mélodie qu’il ne connaissait pas. Son cœur en battait le tambour, dans les crissements des feuilles qui dansaient et les bruissement des ailes d’animaux au loin. Il avait conscience de Mye et voyait parfaitement son sourire derrières ses paupières closes. Il entendait sa mère boire une tasse de thé fumant dans la maison, et Charlotte qui l’observait depuis la fenêtre de sa chambre. Il percevait les voisins, les animaux, et même le sol qui vibrait, étouffée sous des tonnes de goudron le long des villes. Il entendait la vie grouillant des clairières et de la garrigue non loin.

Tout se fondait en un tout. Sam n’était plus sûr de toucher terre, se sentant aussi léger que l’air qui l’enlaçait, touchant la merveille qu’était la vie dans ce monde.

C’est alors qu’il l’a ressenti. Elle. Une fille, il n’en avait pas le moindre doute. Il ressentait sa présence à travers chaque pore de sa peau, comme si elle en était la prolongation naturelle. Elle était pleine de cette lumière douce qui n’appartenait qu’à la lune elle-même, si bien qu’il n’arrivait pas à distinguer les traits de son visage. Elle était radieuse, simplement, et dansait avec émerveillement. Il pensait qu’elle était seule, mais une ombre s’infiltrait dans sa lumière, l’étreignant de Ténèbres. La Lune dansait avec son ombre, sans savoir qu’elle s’éteignait.

—    Ne fais pas ça ! hurla Sam en tendant la main pour les arrêter.

Un battement de cœur lui fit perdre conscience, et il s’écroula sur le sol, évanoui. 

***** 

Oh non ! Je lui ai fait du mal !

Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Tout était pourtant parfait !

Nous étions enfin seuls, enfin heureux.

Je n’avais jamais dansé avec personne, et soudain, il me donnait des ailes. Bercée dans le bonheur que c’était d’être dans ses bras, je me sentais belle et unique ; comme la lune parmi les étoiles dans la nuit.

Je voulais tellement lui dire…

J’étais enfin décidé à lui avouer…

Je voulais qu’il sache les émotions qu’il faisait naître en moi.

Je me suis tellement entraîné pour arriver à prononcer ces mots que j’ai préparé rien que pour lui !

Mais ce n’était pas ma faute, je le jure.

Je te le jure !

Je n’ai rien pu faire. Je ne sais pas ce qui a pu se passer.

Il y avait une voix, dans ma tête, que je ne connais pas.

Une voix, terrifiée, qui m’intimait d’arrêter.

Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé.

Comment mes doigts ont pu le brûler ?

Son cri de douleur, quand il s’est détaché de moi.

Mon cœur perclus de douleur de voir ses blessures sur ses mains parfaites…

Comme je m’en veux !

J’ai tellement pleuré, implorant son pardon.

Je pleure encore.

J’ignore si je le reverrai demain.

Il n’a rien dit.

Et son regard étrange, avant de disparaître…

Pour peu, je jurerais qu’ils étaient rouge sang.

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