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Seocha
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22. Le Lien

—    Tu appelles ton rat Bulle ? s’étonna Sirius. Mais pourquoi ça ?

—    Quand je l’ai lavé, il avait l’air d’aimer ça, se justifia l’adolescent en donnant à manger à Bulle. Il est très intelligent, tu sais.

—    Ta mère n’a pas hurlé ? En général, personne n’aime les rats.

—    Moi non plus, mais Bulle est à part. Il connaît déjà les règles de la maison, et ma mère est d’accord tant qu’il n’abîme rien, ne va pas à la cuisine ou dans sa chambre. Et toi alors, ton voyage avec ton maître Avallach ?

—    On a dû aller jusqu’au Honduras, c’était incroyable, là-bas !

Sirius était revenu d’un voyage trois jours après que Sam ait guéri Bulle. Il pouvait difficilement raconter à Sam les détails de sa mission. De ce qu’il avait pourtant laissé comprendre, des traces suspectes de tentatives d’ouvertures ont été détectées là-bas.

Le grimoire de la famille, dans le bureau de son père, remonta dans les pensées de l’adolescent. Il avait tenté de tirer les vers du nez à Sirius, encouragée par Charlotte, mais son cousin était resté ferme sur ses positions. Il n’avait pas reçu l’autorisation pour divulguer de telles informations, même à l’héritier légitime de la branche principale de la famille. Si Justus n’avait rien dit jusque-là à Sam, il ne pouvait pas défier son autorité sans risquer d’être jugé comme Traître.

Le cœur lourd, il avait quand même eu envie de partager ses sentiments à ce sujet à Siegfried, en évoquant juste des « secrets de famille » qui le chamboulaient. Son ami aux allures de viking l’avait laissé parler sans le juger, et s’est montré réconfortant : après tout, il suffirait d’attendre, pour qu’il sache tout de sa famille. « Le Temps est toujours un Allié », avait-il dit avant de retourner à sa mécanique. Son ami était vraiment un passionné de moto, et il passait un temps fou à retaper celle qu’il avait récupéré. A force, l’intérêt de Sam pour les bécanes grandissait, au point de songer sérieusement à en avoir une, une fois qu’il serait en âge de conduire.

—    Alors, c’est cette Winifred Newlin, ancienne Enfant de Lumière, qui t’instruit ? Et ça donne quoi, comparé à Mye ? interrogea le cousin avec curiosité.

—    C’est bien mieux de l’avoir comme professeur. Je progresse à vue d’œil, même moi, je m’en rends compte. Je sais mieux gérer mon énergie dans mes mains maintenant, et elle m’apprend l’art des pentacles.

Sirius écarquilla les yeux de surprise.

—    Les pentacles ? C’est plus un truc d’ensorceleur, non ?

La réaction de son cousin n’étonnait pas Sam. Winifred, à ce sujet, était une véritable pépite d’informations. Elle-même utilisait les pentacles, puisqu’elle ne pouvait plus utiliser ses dons d’Enfant de Lumière, sans être devenue ensorceleuse.

—    Les alchimistes s’en servent aussi. Ils ont élevé l’art des pentacles en tant que science. C’est extrêmement pointu et précis comme savoir, je ne m’y attendais pas. Et Winifred est d’une patience d’ange avec moi.

—    Je n’ai jamais appris les pentacles, admit le jeune homme blond. Je suis plus dans la manipulation de l’eau, en fait.

—    Tu peux contrôler l’eau, vraiment ? questionna Sam, piqué de curiosité.

—    C’est un peu plus subtil que ça, commença Sirius. Je peux emprunter sa puissance, mais je ne peux pas créer une vague, par exemple. Je te montrerai un jour, mais c’est difficile à expliquer. Deviens vite un véritable Nécromancien, qu’on puisse partir en mission ensemble !

Charlotte, discrète, ne quittait pas les deux adolescents du regard. Elle n’osait pas dire qu’elle s’inquiétait de plus en plus pour son Maître. Bien qu’elle soit heureuse que son institutrice aide réellement Sam dans ses dons de Nécromancie, elle sentait quelque chose de mauvais se préparer. Elle le flairait de plus en plus fort, depuis que Sam avait découvert le Grimoire familial.

Siegfried rôdait toujours trop près de son Maître. Et l’absence du Maître de la famille Millenium devenait un peu trop longue. Avec son Maître qui prenait à peine conscience de ses responsabilités, elle se résignait à rien dire, de peur de l’effrayer. 

La petite fille s’était relevée pour servir Sam, mais elle ne se rappelait pas à quel point la vie était compliquée. Combien de temps encore resterait-elle debout pour aider son Maître ? Elle aurait voulu l’assister pendant des années. Son regard vide lui rappelait constamment qu’elle n’était pas en vie, et que son temps était compté. Un rêve impossible, donc.

Lorsqu’elle faisait le point sur son état, l’appel du sommeil et de la Mort ne venait pas. La fin de son service n’était pas encore à l’ordre du jour, et aucun signe d’épuisement ne se manifestait réellement en elle. Hormis lorsqu’elle avait utilisé ses propres forces pour sauver Samirelius. Elle ne ressentait aucun vide d’énergie pour le moment. C’était bien. Elle espérait ainsi voir son Maître assez sûr de lui pour se protéger tout seul, quand son heure serait venue.

Le sommeil emporta avec douceur Sam, le soir-même, comme tous les autres soirs. Ses paupières closes l’emportaient au loin dans la noirceur de la nuit, alors que son esprit s’envolait plus loin encore, englouti par un raz de marée.

L’adolescent émergea dans un lieu sombre, avant de voir en face de lui cinq bougies allumées en face de lui. En s’approchant de ces longues colonnes de cire, il s’aperçut que de curieux symboles y étaient gravés. Il y vit des dessins de soleil et de lune, avant que les flammes ne se mettent à violemment grandir, et ce si brusquement qu’il faillit se brûler. Il se recula alors, ébloui, et lorsqu’il se retourna, le décor avait changé.

Il se trouvait au bord d’une rivière où l’eau noire coulait doucement, presque au ralenti, au milieu des rochers. Près de la rive brûlait un feu de camp où six rondins de bois faisaient offices de sièges pour les campeurs qui auraient dû se trouver là. Sauf qu’il n’y avait personne.

Le jeune homme s’approcha de la rivière et vit alors une silhouette à moitié immergée dans l’eau. Il appela la personne, mais elle ne répondait pas. Intrigué, il avança dans l’eau qui n’était ni chaude ni glacée. Il atteignit alors la personne et lui intima de se retourner en posant sa main sur son épaule.

C’était Alice des Cendres. Le visage en pleurs, elle le reconnut immédiatement et se blottit dans les bras de Samirelius, fondant en larmes. Sans réfléchir, Sam la tira pour la sortir de l’eau et l’emmener s’asseoir prêt du feu. Il resta près d’elle, la réconfortant maladroitement, jusqu’à ce que ses sanglots cessent pour qu’elle puisse parler.

Une fois apaisée, la jeune fille réussit enfin à articuler.

—    Il a disparu. Celui que j’aime a disparu et je ne pourrais jamais le retrouver !

—    Que s’est-il passé, Alice ? Que lui est-il arrivé ? demanda le garçon intrigué.

—    Il est parti parce que je lui ai fait mal. Un éclair de lumière l’a soudainement brûlé quand je l’ai touché. Si j’ai fugué, c’était pour le retrouver, mais en vain. Et maintenant, Mère m’a reprise !

—    Ta mère ?

Sam se rappelait brièvement de ce qu’Alice des Cendres avait dit au sujet de sa mère, qui l’enfermait et la méprisait. Que s’était-il passé ? Il ne connaissait rien de la vie de cette jeune fille, mais il voulait l’aider à tout prix.

Près de lui, l’adolescente déversa un flot de paroles sans être en mesure de s’arrêter.

—    Cela faisait des mois qu’elle m’avait oublié en me laissant croupir chez ma gouvernante ! Si tu savais avec quel mépris elle me toisait, quand elle a trouvé mon refuge ! Au moins, je l’ai désarçonnée. Elle ne s’attendait pas à ce que je parle et entende ses pensées ! Malheureusement, avec elle, même savoir parler est inutile. Elle est bien plus sourde que moi ! Sais-tu ce qu’elle a pensé quand elle a compris que je pouvais faire illusion de la normalité ? « Ouf, on va pouvoir la marier et recevoir une dot conséquente. » Elle veut me marier, maintenant ? Mais c’est quoi, son délire ? Elle veut me teindre les cheveux et me faire rencontrer mes frères et sœurs. Est-ce que je ne suis qu’une erreur de la nature qui doit se battre pour avoir l’air normal ? Pour être vendue au plus offrant ? Je ne suis vraiment que ça, de la marchandise ? Rien d’autre ? Rien de plus que ça ?

Sam plongea son regard dans le sien, l’empêchant de replonger dans ses larmes, et lui prit les mains avec douceur et fermeté.

—    Alice, calme-toi, la rassurait-il d’une voix sûre. Tu n’as rien de monstrueux. Ta mère ne te connaît pas, alors tu peux l’affronter. Puisque tu lis dans les pensées, tu peux t’en servir pour t’en sortir. Tu n’es pas un monstre, sinon je le suis bien plus que toi.

—    Qu’est-ce que tu racontes ? Toi, tu n’as rien de monstrueux. Tu es beau, tu es normal, et tu n’as aucun handicap.

Un petit rictus échappa à Sam. Quitte à rêver, autant parler avec honnêteté.

—    Je suis un Nécromancien. Je pratique la magie des Morts. C’est l’héritage que j’ai reçu il y a peu.

Curieusement, la réaction d’Alice n’était pas du tout celle qu’il s’était attendu à voir, même en rêve. Celle-ci n’avait fait qu’hausser les épaules.

—    Nécromancien ? Pourquoi pas. Tout est possible dans les rêves alors je peux bien te croire.

—    C’est mon rêve, souligna Sam. Je me suis endormi dans ma chambre il n’a pas longtemps.

—    Je te certifie que c’est le mien, s’écria la jeune fille. Je me suis endormie dans la nouvelle cellule qu’est ma chambre verrouillée. A moins que… tu crois que nous partageons un rêve ?

—    C’est possible, admit Sam, ça ne me surprendrait même plus, avec tout ce que j’ai vécu ces derniers temps ! Mais alors, pourquoi rêvons-nous ? Où sommes-nous ?

Vous êtes ici car vous êtes les premiers à vous être trouvés.

Ce n’était pas une voix qui parlait. Des scintillements sonores très clairs résonnaient dans l’air autour d’eux, qui formaient des mots, en même temps que les étoiles.

Samirelius Justus Millenium, tu dois trouver les Quatre autres Puissances et t’allier à eux. C’est ton rôle, car il faut que la fin se fasse de tes mains.

—    Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Et pourquoi ?

Tu sauras. Alice des Cendres, tu dois t’éveiller. Ton rôle n’est pas de pleurer sur ton sort pour l’Eternité. Cherche tes égaux et alliez-vous au Lien.

—    De quoi parlez-vous ? s’exclama Alice qui se cramponnait aux bras de Sam comme une bouée de sauvetage.

—    Il parle de moi, je suis le Lien, admit Sam en même temps qu’il le disait à voix haute.

Le simple fait de l’admettre fit vrombir les feuilles, la rivière, et même l’air autour de lui. Le reconnaître enfin l’apaisait. Le jeune homme posa sur son amie un regard apaisant.

—    Il faut me retrouver, Alice. Je t’aiderai à trouver celui que tu cherches. Fugue et rejoins-moi dès que tu le pourras. On nous doit des explications, et ensemble, nous saurons tout.

—    Mais comment je saurais que je n’ai pas rêvé ? Si tout ça n’est qu’un rêve, cela ne vaut pas le coup, soupira-t-elle. Je suis fatiguée.

—    J’ai une idée.

—     

N’ayant rien d’autre sous la main, Samirelius ôta son tee-shirt gris, et le mit à Alice qui se laissa faire sans résistance. Les joues de l’adolescente chauffèrent malgré elle. Le jeune homme avait le torse plutôt bien dessiné en plus de son joli visage. Le tissu sentait l’automne, le sapin et la brioche.

—    Si tu as le tee-shirt en te réveillant, ou que tu en sens juste la texture au réveil, c’est que tu n’as pas rêvé. Et moi non plus.

D’instinct, Sam s’avança lentement et posa son front sur celui d’Alice. Il voulait lui transmettre des images de sa maison, du funérarium de son père ainsi que de son lycée, qu’elle puisse savoir où chacun de ces lieux se trouvait. Alice était réceptive. Il continua donc à lui montrer des images de ses parents et celui de Charlotte. La jeune fille intégrait les lieux et les visages dans sa mémoire comme s’il s’agissait de ses propres souvenirs.

—    Avec ça, tu pourras me retrouver, affirma-t-il. Je t’aiderai.

—    Tu me le jures ? s’enquit la jeune fille en proie au doute.

—    Sur mon sang et mon nom, s’exclama Sam avec solennité, moi, Samirelius Justus Millenium, je te jure à toi, Alice des Cendres Paloma, de t’aider et de te protéger de quiconque te voudras du mal. Tu me crois, maintenant ?

—    Je te crois, acquiesça-t-elle après un silence.

Samirelius avait juré de tout son cœur, car son être entier voulait se vouer à sa protection sans qu’il ne comprenne pourquoi. Il ne mentait pas. Alice le ressentait de toute son âme. Comme s’il était en prolongement d’elle-même. Comme s’ils se connaissaient depuis toujours.

Elle lui sourit. Un vent inexplicable arrachèrent les adolescents qui s’accrochaient solidement par les mains. Le réveil arrivait.

—    Je te retrouverai dès que je le pourrais, je te le jure ! cria Alice avant de disparaître.

Sam se réveilla en nage. Charlotte n’était plus dans la chambre. Mais son lit était trempé, et plus de tee-shirt. Aucun doute là-dessus.

Il avait bien revu Alice des Cendres.

***** 

On me secoue comme un vieux prunier. Plusieurs claques m’endolorissent les joues.

Qu’ai-je fait ?

J’ouvre les yeux mais n’entend aucun reproche. Le mépris et le dégoût qu’éprouve ma mère qui me punit, par contre, je les entends bien. Je n’ai même pas envie de lire sur ses lèvres pour savoir de quoi il en retourne.

Soudain, je comprends.

Mes draps sont mouillés.

Et je porte un tee-shirt d’homme sur moi.

Ainsi donc, je dois retrouver Sam, le Nécromancien.

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