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Seocha
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23. Désaccords

—    Ce ne serait guère judicieux, Maître, affirma Charlotte. Les Chuchoteurs ne diront rien au sujet de cette prophétie.

Dès son réveil, il n’avait pas pu échapper au regard de l’enfant. Elle, qui ne dormait pas, n’avait pu être que spectatrice des conséquences de l’étrange rêve de Sam. Le jeune homme n’avait même pas chercher à nier, et s’était confié à cœur ouvert à elle, sur Alice des Cendres et la Voix.

Malheureusement, bien que la petite fille soit une excellente confidente, elle n’avait aucune réponse à lui apporter. De plus, elle avait raison : les Chuchoteurs gardaient précieusement la moindre information sur la prophétie du Lien et des Cinq Puissances. Mye ne dérogeait pas à la règle : elle se ferait un malin plaisir à le rendre chèvre, mais pas de le renseigner.

Quelqu’un devait bien savoir quelque chose autour de lui !

—    Je ne vois pas ce que je peux faire, grommela-t-il. Devrais-je en parler à Sirius ? Ou à mes parents ?

—    Cela serait plus sage, approuva Charlotte, le front plissé de réflexion. Je crains cependant que cela ne les rendent plus inquiets sur les dangers qui vous menacent. Le Grimoire Ancestral des Millenium pourrait peut-être vous renseigner…

—    Tu n’as pas tort, mais je doute que ma mère reste aussi calme si elle me retrouve une nouvelle fois dans le bureau de mon père sans son autorisation, la coupa Sam avant de lâcher un soupir. Et Papa qui ne rentre toujours pas…

Il était rare que son père s’absente aussi longtemps sans sa mère. La plupart du temps, cela durait l’espace d’un week-end, pas plus. Sinon, ils partaient tous les trois, ou alors, il allait chez Terry pour leur laisser leur moment en amoureux.

Sa bouche laissa échapper un rictus teinté d’amertume. Au fond, qu’est-ce qu’il savait des absences de son père ? On ne part pas aussi longtemps pour des séminaires dans le domaine funéraires aussi souvent, aussi longtemps. Que faisait réellement son père, à cette heure ?

—    Est-ce coutumier que ses absences soient aussi longues ? l’interrompit l’enfant dans ses pensées.

—    Pas constamment, il n’aime pas beaucoup rester loin de ma mère, expliqua-t-il. Mais il lui donne sans cesse des nouvelles, alors si elle n’est pas inquiète, c’est qu’il n’est pas en danger.

Le regard de la petite fille se perdit au loin, alors qu’un sourire tendre se dessinait sur ses lèvres.

Sam n’avait jamais osé poser des questions sur son passé. Charlotte était une enfant très jeune. Que pensait-elle quand elle voyait son Maître autant entouré de ses parents, alors que les siens devaient être décédés depuis longtemps ?

Comme si elle lisait dans ses pensées, la petite fille reprit la parole.

—    Je ne me souviens que peu de mes parents. Cela fait bien longtemps que les choses s’effacent de ma mémoire.

—    Veux-tu en parler un peu ? l’encouragea l’adolescent en lui prenant la main avec douceur.

—    Il n’y a rien à dire, lâcha-t-elle après un long silence. Mon père était de haute naissance. Pas ma mère. Elle était dame de compagnie de l’épouse de mon père. Je ne les ai pas beaucoup vus. J’ai grandi parmi les gens du personnel et je n’avais pas le droit de dire qui j’étais.

Les doigts de Charlotte se crispèrent dans la paume de Sam, qui ne disait rien. La tristesse dans les yeux de l’enfant était telle que les larmes lui montaient.

—     Puis un jour, je suis morte, continua-t-elle d’un ton plus dur. Je ne me souviens plus comment ni pourquoi. La seule chose que je sais, c’est qu’aucun des êtres qui m’ont engendré ne m’a enterré. J’ai espéré et attendu qu’ils viennent me voir sur ma tombe. Juste une fois, et j’aurais pu reposer en paix. Ils ne sont jamais venus. Je n’ai donc pas eu la chance d’avoir des parents liés qui me protégeaient.

Sans même s’en rendre compte, il enlaça l’enfant de toutes ses forces, alors que les larmes qu’elle ne pouvaient verser fendaient les joues de son jeune Maître.

Comment avait-on pu délaisser une petite fille si gentille, adorable, serviable ? Comment ses parents avaient pu l’ignorer jusque dans la mort ? Elle méritait vraiment une famille. Elle avait le droit d’être une enfant aimé. Il se surprit à penser qu’il aimerait retrouver ses parents, rien que pour qu’ils s’agenouillent devant elle et qu’ils lui demandent pardon de l’avoir abandonné.

Charlotte, dans sa chair, percevait le tumulte des émotions de son Maître. Le cœur de celui-ci tempêtait contre son oreille, et cela réchauffait le sien. Samirelius était un cœur pur et innocent. C’était pour cette raison qu’elle l’avait choisi. Et le temps lui avait donné raison. Elle savait qu’à ses yeux, elle était vraiment de sa famille.

Si elle devait retomber en poussière au lendemain, elle serait heureuse. Car elle était sincèrement aimé par quelqu’un qui se souciait d’elle.

Il restèrent ainsi un moment, le temps de s’apaiser, avant de mettre fin à leur étreinte. Après tout, ils devaient élaborer un plan.

—    Vous savez qu’Alice des Cendres Paloma est une Puissance, réfléchit Charlotte. Nous savons, à notre connaissance qu’elle est liée à la Lune et qu’une ombre tente de la corrompre. Il me semble que Mademoiselle Alice est une personne très sensible. L’important est de savoir qui est l’ombre qui la menace.

—    En quoi Alice est-elle reliée à la Lune ? l’interrogea Sam, surpris.

—    Votre vision de la Lune et de son ombre, vous souvenez-vous ? Si j’en crois ce que vous me dites, cela correspond à Alice des Cendres et son soupirant, déduisit-elle. Vos récits correspondent. C’est vous qui l’avez repoussé pour la protéger.

L’adolescent écarquilla les yeux, sous le choc.

—    Tu dis que c’est de ma faute si Alice a perdu l’homme qu’elle aime ? articula-t-il avec difficulté.

—    Elle dansait avec l’ombre qui cherche à la corrompre, argumenta l’enfant. Il est dangereux pour elle. Elle ne devrait pas le retrouver.

—    Mais elle l’aime ! insista Sam. Et si… lui aussi, il l’aimait ? Si c’était juste une erreur ? Comme moi avec Andrea ? se prit-il à espérer.

—    Andrea est de nature différente à la vôtre expliqua Charlotte. C’est un cas extrêmement particulier qui n’est pas aisé à résoudre. Pour cette ombre, même s’il l’aimait, ce serait juste triste.

Son regard d’azur se perdit au-delà de la fenêtre.

—    Pourquoi ?

—    Parce que rien ne peut changer la nature profonde des choses, déclara-t-elle. Il serait juste malheureux car il ne peut pas aller contre lui-même. Vous imaginez-vous, Maître, faire souffrir celle qui règne en votre cœur juste parce que vous faîtes ce pour quoi vous êtes né, et que la seule chose que vous pouvez faire, quoi qu’il arrive, c’est cela ? Si tant est que cette créature ait une âme, je le plains amèrement d’être l’ombre qui corromprait par amour un être tel que la Puissance Alice des Cendres est.

Chacun des mots déchiquetaient les espoirs de Sam pour sa nouvelle amie. Il ne pouvait qu’imaginer la douleur de celle-ci, si les théories de Charlotte étaient exactes. Peut-être était-ce parce qu’il était le Lien, mais la connexion qui existait déjà avec elle était si forte qu’il pouvait savoir à l’avance comment elle réagirait.

—    Qu’est-ce qu’on doit faire ? suppliait-il presque. J’ai juré à Alice des Cendres que je l’aiderai. Elle est éperdument amoureuse de cette personne. Si son cœur était brisé, rien ne pourrait la guérir de la douleur qui s’emparerait de son cœur.

—    Maître, vous êtes le Lien qui relie les Puissances entre elles. Aidez-la, oui, mais à sécher ses larmes quand le moment sera venu. Cela suffira. Ne retrouvez pas l’ombre. Seul le malheur arriverait alors.

Sam soupira, dépité. Il avait besoin d’air. En s’excusant auprès de l’enfant, il saisit sa veste et sortit se dégourdir les jambes. Charlotte, habituée des réactions de son Maître quand les choses devenaient pesantes, préféra le laisser tranquille, et s’attabla au bureau avant de faire ses exercices.

Sans en avoir vraiment conscience, ses pas le menèrent vers un box au pied d’un immeuble, où la silhouette d’un géant blond reconnaissable entre mille travaillait sur sa moto. Au fond du box, les carcasses de vieilles bécanes s’amoncelaient. 2taient-elle fonctionnelles où les avaient-il récupérés pour les pièces ? En tout cas, c’était impressionnant, Sam ne savait plus ou poser le regard. Bien concentré sur le moteur, Siegfried n’entendit pas son ami arriver, mais se fendit d’un sourire quand il le salua avant de lui montrer son bijou.

—    Tu as vu ? Elle est pratiquement opérationnelle ! Plus que quelques réglages, un coup de peinture et la route sera à moi ! s’exclama le viking avec enthousiasme.

—    La chance ! Qu’est-ce que j’aimerai savoir en faire ! s’exclama Sam avec envie.

—    Je peux t’apprendre, si tu veux, proposa Siegfried d’un air malicieux.

—    C’est légal ? hésita l’adolescent.

—    Ça dépend.

—    Ça dépend de quoi ?

—    Si on se fait attraper, rit de bon cœur son ami.

La curiosité l’emporta sur la prudence, L’envie dévorante de conduire une moto offrait une tentation bien trop grande pour refuser. Siegfried sortit alors deux Ducati parmi les véhicules engrangés dans le box, avant de les préparer à prendre la route, avec des vestes, des gants et des casques de protection. Il prit le temps d’expliquer à l’adolescent comment démarrer la moto, la conduire en changeant les vitesses, et, lorsqu’il fut parfaitement à l’aise, les deux jeunes gens quittèrent le garage et prirent la route sous le ciel morne et gris de l’automne.

En rentrant chez lui, Sam était impatient de raconter son escapade improvisé à son cousin, venu dîner le soir-même. Celui-ci écoutait son récit avec beaucoup de patience, les mâchoires serrées. Charlotte, elle, ne pouvait pas savoir ce qu’était une moto, mais Sirius comprenait parfaitement l’enthousiasme que Sam pouvait avoir pour de telles machines.

Le récit de Samirelius ne provoqua absolument pas la réaction attendue chez Sirius. Au lieu d’être enjoué ou envieux, il parut plutôt froid et en colère. S’il n’y avait pas Charlotte dans la pièce pour tempérer les deux adolescents, Sirius aurait sans doute immédiatement crié.

—    Tu te rends compte à quel point ce que tu as fait était dangereux ? s’écria-t-il.

—    Ça va, on n’a pas été attrapés par les flics ! souffla Sam sur la défensive.

—    Avec tout le mal qu’on a à te protéger, tu penses réellement que ton seul souci, ce sont les flics ? s’énerva Sirius, exaspéré.

—    Comment ça, me protéger ?! s’emporta le jeune homme. Plus rien n’est arrivé ces derniers temps ! Même mon père en a profité pour partir tellement c’est calme ! Et même toi, tu es parti avec ton Maître. Mye elle-même me laisse tranquille ces derniers temps, c’est dire si tout est calme ! J’ai bien le droit de m’aérer la tête, moi aussi, non ?

—    Je n’en reviens pas ! Tu crois qu’on s’absente juste parce que ce sont les vacances ? En plus, avec Siegfried… le type le plus douteux de cette planète !

—    Douteux ? répété l’adolescent interloqué. Il n’est pas plus douteux que toi, que je sache !

—    Tu rigoles ? Tu ne sens vraiment rien de bizarre, chez ce type ? interrogea Sirius ahuri devant la réaction de son cousin.

—    Mis à part qu’il m’a laissé conduire une moto sans permis, non, je ne vois pas ce qu’il a fait de mal ! lança Sam qui ne comprenait pas ou voulait en venir son cousin.

—    Tu te rends quand même compte que personne ne peut l’approcher ? C’est pour ça qu’il est dangereux ! Je ne sais pas qui il est, et pourquoi il a un tel effet sur les gens, mais ce type peut t’isoler de nous tous. Il t’expose ouvertement à l’hérétique qui veut ta peau ! D’ailleurs, si ça se trouve, l’hérétique c’est lui ! cracha-t-il avec colère.

—    Ne sois pas bête ! répliqua Sam sur la défensive. Si c’était vraiment lui, il m’aurait tué depuis longtemps, non ? Siegfried n’est pas dangereux, il ne me veut aucun mal.

—    Siegfried est dangereux ! Je te prouverai à quel point tu as tort et combien tu es inconscient !

Furieux, Sirius sortit de la chambre de son cousin en claquant violemment la porte. Bien décidé à prouver ses dires, il fallait qu’il contacte Mye. Et aussi son oncle. Il devait protéger son cousin, même si ce devait être malgré lui.

Allongé sur son lit, Sam pesta. Non seulement il avait réussi à gâcher son plaisir de la journée, mais en prime, il avait insulté son ami ! Il n’en revenait pas que son cousin soit si vindicatif envers quelqu’un qu’il n’avait jamais vu, uniquement parce qu’il passait plus de temps avec un autre que lui. De colère, il se jeta sur sa console pour se défouler rageusement dans un jeu de combats.

Charlotte, silencieuse, s’était fait oublier dans la pièce, restant la témoin privilégié de la dispute. Personne ne lui avait demandé son avis sur ce fameux Siegfried : elle en était plutôt soulagée. Son Maître n’aurait pas apprécié sa réponse. Elle craignait par-dessus tout le sentiment de fragilité et d’inutilité que procurait cette personne par sa simple présence.

La seule chose qu’elle était en mesure d’affirmer, c’était qu’il pourrait lui faire perdre la vie, et qu’elle ne pourrait pas rester auprès de son Maître à cause de lui.

Pourtant, était-il mauvais ? Samirelius n’avait pas tort : l’étrange viking aurait pu le tuer bien des fois, mais il n’avait procuré que du bien-être et du repos à l’adolescent qui se perdait. S’il pouvait être dangereux pour elle, il ne l’était pas pour Sam.

En tout cas, pas pour le moment.

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