Ce château est en feu. Mais pas littéralement parlant.
Dès le matin, on peut voir une déferlée de servantes et de majordomes courir dans tous les sens, portant des documents, des tissus, des pancartes... Tout le tralala dans le but d'en finir avec ces préparatifs. On peut même en entendre certains discuter avec enthousiasme sur le sujet. Un sujet que je voulais éviter à tout prix depuis le début de cette semaine. La partie de chasse annuelle, aussi appelé le "Rossleyer Hunt". Ce jour est malheureusement arrivé et honnêtement, cela fait un moment que je me prépare mentalement à rejeter les tonnes de bijoux que je vais recevoir aujourd'hui. Des bijoux qui sont sûrement être ramassés par des servantes et m'être offert comme cadeaux en spécifiant que cela provient de mon père. C'est désespérant.
Placée devant mon miroir, les bras levés, je regarde les gens faire des retouches partout. Sur ma robe, sur ma coiffure, sur mon maquillage, sur ma cape et mon diadème... Bref, tout doit être parfait. Je peux entendre de loin ma Nanny crier sur les autres domestiques, voulant qu'on lui apporte un bijou, un parfum ou un peigne...
Cette agitation m'empêche de respirer. Je suis sûr de m'évanouir dans les secondes suivantes.
— Ouvrez la grande vitre...
— Mais princesse vous n'êtes..., ma gouvernante essaye de protester.
Elle a mal compris je crois.
— Si vous n'ouvrez pas cette vitre dans les cinq secondes qui suivent, je vous assure que mes ronces se feront un plaisir de faire des guirlandes avec vos putain de ligaments... Me suis-je bien faite comprendre ?
Tous s'arrêtent, choqués un moment, avant de se courber et d'ouvrir enfin la chose qui allait arrêter mes souffrances. J'expire avant de me diriger vers celle-ci. Une bouffée d'air me frappe au visage, enlevant toute la tension qui s'est installée dans mon corps. C'est enivrant, relaxant, exaltant. C'est comme être emporté doucement par l'ivresse des jardins et des forêts. Je rouvre mes yeux, un sourire se dessinant sur mes lèvres. Fiche que j'aime cette nature. Observant l'extérieur pendant un moment, je repense à la lettre anonyme que Sula m'a montré. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi de telles tragédies ont été cachées de l'œil du public. Je veux dire... Pourquoi ? Cela sert à quoi de sceller un passé comme cela ? Surtout quand tu sais que le public a été affecté grièvement. A force ça n'a aucun sens. On est arrivé même à un stade où le monstre est devenu une sorte... de légende ? Une histoire qui permet aux enfants de rester loin de cette forêt... Mais qui anime les gens rêvant d'aventure. Des gens comme moi.
Je mentirai si je dis que ma curiosité ne s'est pas réveillée. Au contraire.
Réarrangeant une mèche de cheveux devant mon visage, je croise mes bras avant de m'éloigner de la vitre et de regarder mes domestiques et Nanny. Celles-ci sont restées silencieuses tout le temps de ma petite pause, le regard vers le sol. Surement à cause de ma petite menace de tout à l'heure. Je ne suis pas habituellement si autoritaire. J'expire.
— Redressez-vous s'il vous plaît. Il faut que je finisse de me préparer avant que mon père ne vienne me tirer les oreilles. Hein Nanny ?
La femme me regarde stupéfaite avant de m'offrir un sourire soulagé. Je ris légèrement.
❀❀❀
Je m'ennuie.
Je déteste rester là à ne rien faire. Encore plus quand c'est pour regarder des imbéciles se tuer à une tache aussi facile. La chasse.
Une des premières choses que j'ai appris à faire en tant que royal. Le fait de repérer ta proie, de l'étudier, d'anticiper ses mouvements... Puis la tuer d'un coup de flèche. C'est pratiquement la même chose en ce qui concerne les échanges et accords avec les royaumes. Quelqu'un de naïf se fait manger tout cru dans ce domaine. Une chose que mon père a pris le soin de m'expliquer quand j'étais encore qu'une enfant.
Escortée par toute une armée de gardes, je me promène aux côtés de mes amies princesses, observant de temps en temps les candidats dans leurs progressions. Entre ceux qui attrapent des bêtes aussi facile qu'un lièvre et ceux qui croient que tuer un oiseau c'est un exploit, je ne sais pas réellement quoi penser. Rolia souffle, désespérée, en voyant un énième candidat tuer un de ces volatiles en plein envol.
— A force, on va plus pouvoir voir ces jolies bêtes battre des ailes, soupire-t-elle.
— Le niveau, comparé aux années précédentes, est bien bas, ajoute Sulla, le nez toujours fourré dans son bouquin pendant qu'elle tient les rênes. Je porte ma main à mon visage avant d'étirer un sourire forcé.
— C'est la nouvelle génération, ils apprennent, dis-je en rigolant légèrement.
Levant les yeux vers moi, mes deux amies me regardent comme si j'avais dit une bêtise. Je soupire. Celle aux cheveux flamboyants ferme son livre avant d'intervenir.
— De toute façon comme chaque année, c'est ton père, qui va attraper l'Océron d'or.
J'esquisse un petit sourire en entendant ça. L'Océron d'or est un cerf magique qui, à cette période, apparaît toujours mystérieusement dans cette partie de la forêt. Il est dit que son pelage en or peut donner prospérité et espérance à la personne qui le touche ou le porte. Pas étonnant que mon père accorde une faveur à celui qui arrive à le chasser. Même si finalement, c'est toujours lui qui arrive à l'attraper. Longue vie au roi je présume !
— Je pense que ça n'étonnerait personne. De plus, ça va permettre aux gens d'être rassurés : le roi d'Avria est encore là pour long...
Tout à coup, le son de la corne de brume annonçant la fin de la chasse m'interrompt. Les yeux écarquillés je tire sur les rênes légèrement, faisant en sorte que Hazzle arrête d'avancer. Il est juste encore trop tôt pour que la chasse se termine, sinon cela voudrait dire que quelqu'un avait réussi à attraper ce satané animal. Ce qui est, selon moi, logiquement impossible à cette heure. Jetant un œil à mes amies, je remarque qu'elles sont tout aussi choquées que moi. Quelque chose ne tourne simplement pas rond.
Faisant demi-tour, on croise des troupes qui étaient en train de regagner le château. Je les interpelle.
— Alte vous ! dis-je en le stoppant, puis-je savoir ce qui se passe ?
Mal à l'aise, le garde s'incline en détournant le regard chuchotant quelque chose rapidement à l'oreille de son collègue avant de me regarder.
— Les... Les plans ont changé votre Altesse.
Mes mains se crispent. Je n'aime pas ça.
— Que voulez-vous dire ?
Rolia croise les bras, approchant son cheval aussi agacé par tant de suspense.
— Allons ! Nous n'avons pas toute la journée messieurs !
Sous le regard dur de mon amie, je peux le sentir déglutir avant de rebaisser les yeux toujours incliner et d'ouvrir la bouche.
— Quelqu'un a attrapé l'Océron d'or votre Altesse.
Je serre les dents. Alors quelqu'un a réussi à surpasser mon paternel ? Cela ne m'aurait pas gênée, si, ma main n'était pas en jeu en ce moment. Je descends de mon cheval, voulant une réponse ferme à la question que je vais poser dans la seconde qui suit.
— Et puis-je savoir quelle est cette personne ?
— Voyons Princesse, depuis le temps vous n'êtes pas au courant ?
A l'entente de cette voix, mes épaules se contractent, un frisson me parcourant l'échine. Non... Impossible...
Rejetant ses mèches rousses en arrière, toujours avec son sourire semblant dragueur, il s'approche de moi, tenant par les pieds le cadavre de ce pauvre animal qui n'avait littéralement rien demandé à personne. L'énorme blessure due à la flèche sur son torse m'affirme une fois de plus que je ne rêve pas. Mes amies sont tout aussi choquées que moi, Sula étant la plus abasourdie des deux. Elles s'échangent un regard furtif avant de me regarder inquiète pour la suite des évènements. Geler sur place, j'observe à l'instant un de mes plus grands cauchemars se réaliser.
Il esquisse un sourire au coin agitant toujours les pieds de l'animal.
— On dirait bien que c'est moi qui l'ai cette année.
Oras.