Je suis bête. Idiote même.
Je me suis jetée dans la gueule du loup par peur de savoir ce qu'il allait m'arriver après. Ou est ce que je l'ai fait par pure curiosité ? Je ne sais pas. Je suis juste intriguée.
Regardant la chambre à couché qu'on m'a léguée, je souffle essayant de réguler ma respiration afin de commencer la journée. Tout s'est passé extrêmement vite, j'ai à peine pu fermer l'œil de la nuit. Après avoir accepté l'offre, le présumer Lord (c'est comme ça qu'on l'appelle ici apparemment) a appelé pour s'occuper de moi. Vu la coiffure qu'elle avait, je suppose qu'on l'a réveillé en trombe. Elle s'est empressée de suivre ses ordres, m'emmenant dans cette chambre beaucoup trop bien rangé pour que ce soit celle d'une servante. Elle m'a même aidé à me laver et à m'habiller d'une robe de chambre, et est repartie aussi vite qu'elle est venue. Cette attention est louche maintenant que j'y pense, mais je dois avouer que sur le coup je voulais juste retrouver des forces. Après cela trou noir, j'ai dormi comme un bébé dans le lit King size jusqu'à ce qu'une autre servante vienne me réveiller aux premières heures. Maintenant, me voilà, habillé d'une robe mauve, d'un corsage serré et d'un tablier blanc ainsi que des bottes noires. Mes cheveux relevés en chignon, je me retourne dans le miroir en face du lit, regardant mon reflet pour savoir si aucun défaut ne me tape dans l'œil. Tout est parfait. Je doute cependant que je vais rester ainsi à la fin de la journée. Brusquement, on toque à la porte. Ravalant ma salive, je lisse ma tenue avant de me tourner vers la porte, laissant échapper un "entrée" si inaudible que je me demande comment quelqu'un à pu m'entendre. Entrant dans ma chambre, je remarque que c'est la même femme qui m'avait la proposition quand j'avais essayé de m'échappé. Sa frange émeraude bordant son visage, elle m'adresse l'un de ses plus grand sourire, comme si je n'avais pas essayé de m'enfuir la dernière fois.
— Eh bien ! Quelle rapidité ! Je ne m'attendais pas à te voir prête de si bon matin, dit-elle en croissant les bras.
Je regarde ailleurs un sourire timide sur mes lèvres.
— Je ne voulais pas...
— Hihi ! Je plaisante voyons détend toi.
Et je reste planté là comme une loutre alors qu'elle glousse. En toute honnêteté, je me doute bien qu'il y a des fous ici. Cependant, même si son humour ne m'atteint pas forcément, ça bonne humeur elle, me perce comme le bout d'une flèche. Lui lâchant un petit sourire, je remarque qu'elle s'est rapprochée de moi, les mains jointes. Ses yeux passent en revue la chambre doucement, examinant chaque détail avec soins. En toute honnêteté, je n'avais pas touché à grand chose, à part au lit que j'avais prit soin de refaire. Enfin... essayé de refaire. Son regard se pose sur moi.
— Je n'aurais pas pensée que tu voudrais te rendre utile.
Je reste silencieuse. En réalité, je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça. Une manière d'effacer les traces ? De faire bonne impression ? Je ne sais vraiment pas.
Voyant que je ne cille pas, son sourire s'agrandit. Elle me tourne le dos, se dirigeant vers la porte comme si de rien était, les mains derrière le dos. Ne bougeant pas, je l'observe ouvrir la porte avant de s'arrêter dans l'embrasure de la porte soudainement. Son grand sourire ne la quitte pas. Il y a quelque chose de... Chaleureux dans celui-ci.
— Au faite, je m'appelle Verra. Désolé pour la mauvaise impression que l'on t'a donnée.
Je la regarde, étonnée. Venait-elle de s'excuser ?
— Tu as dû le remarquer mais on n'a pas vraiment l'habitude de recevoir des inconnus... Encore moins de les traiter de la sorte.
Un frisson me parcourt l'échine. C'est comme si elle voulait faire connaissance avec moi. Elle continue de parler.
— La première chose dont nous allons nous occuper, ce sont les cuisines. Notre Lord aime bien manger quelque chose de consistant avant de commencer la journée. Sais-tu cuisiné ?
Je la regarde interloquée. Elle est vraiment...
— Eh bien...
— De toutes façons, il n'aura pas vraiment le choix. Le ventre vide ne lui va pas tellement au teint.
Je me surprends à glousser. Elle arrive à détendre l'atmosphère, briser la glace. Je m'en veux à l'instant d'avoir pensée qu'elle était folle. Elle à l'air aussi de bien connaitre le Lord en question. Me faisant un petit signe de la main, je commence à la suivre, fermant la porte derrière moi. Les couloirs sont calmes. Une petite agitation matinale peut se faire sentir mais elle est si infime, qu'on ne remarque rien. Chaque personne que l'on croise s'occupé de ses affaires. Gardes ou femmes de chambres, du moment que tu t'occupes de tes affaires tout se passe bien.
— Tu ne m'as toujours pas dit comment tu t'appelles ?
Je tourne ma tête, interrompue dans mon observation. C'est vrai que je n'ai rien vraiment dit depuis qu'elle est venue. Qui pourrait me plaindre après tout ? Cependant je ne peux pas lui dire mon vrai nom. Je doute que la famille royale soit très appréciée ici.
— Lily... Je m'appelle Lily.
— Lily ? Jolie.
Les raccourcis aussi ça marche ? Il n'a jamais été officielle dans les deux cas. Seule mes proches m'appellent comme ça généralement.
— Quoi qu'il en soit, Lily, insiste-t-elle. Bienvenue dans le domaine In Gracia. Ne t'inquiète pas, tu vas vite prendre ton pied ici.
Je n'espère pas. Faisant un petit sourire crisper, nous finissons par nous arrêter devant une grande porte en métal. Verra se tourne vers moi, les lèvres toujours étirées dans un sourire enthousiaste.
— Nous y sommes. Tu verras ! Les gens sont très accueillants ici. Je me demande s'ils ont refait ces choux à la confiture de fruits sauvages...
Ouvrant la porte, mes yeux s'écarquillent. J'ai déjà vu mainte fois la cuisine du château dans mon enfance, mais je dois avouer que celle-ci est peu commune. Il y a le nécessaire, certes. Sacs de farines, sucres, eau et bien d'autres denrées indispensables. Il y a aussi de l'argenterie, des ustensiles, ainsi que plusieurs grandes tables alignées qui servent surement de plans de travail. Cependant, ce n'est que je n'ai pas anticipé ce sont les divers feux de bois allumer sur le sol, entourés de sphères et de plantes magiques, le tout gérer par ce qui semble être... Des fées ? J'ai l'impression de rêver. Ces petites créatures virevoltent, rigolent, s'assurant de leurs petites mains que les feux ne s'éteignent pas. Une sorte de danse innocente qui émerveille mes sens. C'est juste magnifique.
Interpeller par le bruit de la porte, tous les regards sont braqués dans notre direction. Je me sens soudainement très petite.
— Verra ! Ma chère !
Notre attention se tourne vers la voix féminine. Verra esquisse un sourire avant de s'approcher de la propriétaire de celle-ci.
— Madame de Proséanti.
— Oh je t'en prie ! s'exclame cette dernière, faisant un petit geste de la main. Depuis le temps qu'on se connait. Je garde ta fille je te signale.
La jeune femme aux cheveux émeraudes rigole, avant de secouer la tête et de recommencer à discuter un peu avec elle. Je profite de ce léger moment pour observer cette très chère "Madame de Proséanti". Elle est de petite taille, des cheveux roux court entourant son léger visage rond et ses traits matures me disant qu'elle est déjà surement dans la cinquantaine... ou la quarantaine. Des yeux de la même couleur, seul son tatouage en forme de trèfles sur sa joue et ses ailes font la différence. Ils sont tous les deux d'une belle couleur violette. Portant une tenue de servante, un grand tablier ainsi qu'une toque viennent la distinguer des autres. Elle doit sûrement être la chef de cet endroit.
Je suis tout à coup interrompue en entendant mon prénom.
— ... et je te présente Lily, s'enjoue Verra. Une nouvelle arrivante.
Je déglutis légèrement, un petit sourire forcé se plaquant sur mon visage. L'attention sur moi était déjà assez oppressante comme ça. Merci Verra !
Les yeux auburn de la femme se posent sur moi, me regardant de haut en bas. C'est dans ses moments là que je me demande si je n'ai pas une mèche qui dépasse.
Seigneur, ai-je un truc au visage ?
Ses yeux s'écarquillent alors qu'elles portent ses mains sur son visage.
— Par Leibrum, mais qu'est ce qu'elle est maigre ! A peine si elle a de la peau sur les os ! crie-t-elle de stupeur, s'approchant de moi pour regarder ma taille. Dis- moi mon enfant, est ce que tu te nourrie bien ?
Ah oui, c'est vrai que je n'avais rien mangé depuis hier.
Les joues rougies, je secoue légèrement la tête, l'indignant encore plus. Mon regard se tourne vers Verra qui laisse échapper un petit rire nerveux. Dans sa position, elle doit surement être aussi gêner que moi. Ils n'avaient qu'à me nourrir tiens !
Secouant la tête de droite à gauche, elle s'éclipse rapidement avant de revenir précipitamment avec un plat remplit de diverses pâtisseries à peine sorties du four. L'odeur est si alléchante que mon ventre grogne d'impatience. Je me mords la lèvre inférieure, essayant tant que bien que mal d'avoir de la retenue. Un petit sourire éclaircie le visage de la petite dame en voyant mon expression. Je rougis de gêne détournant finalement les yeux.
— Oh ne te gêne pas voyons ! Ils sortent à peine du four, dit-elle en les posant sur la table juste devant moi. Régale-toi et n'en laisse pas une miette !
Timidement, je tends ma main vers l'assiette prenant ainsi ce qui semble être, un beignet à la crème. Plongeant mes dents à l'intérieur de celui-ci, j'ouvre les yeux, mes sens ayant soudainement mit en éveille par un tourbillon de saveur. Machant dans la nourriture, je m'empresse de prendre une autre dent dans le beignet, le dévorant sans laisser de miette. C'est juste succulent !
Mon attention est finalement regagnée par le petit bruit qu'émettent les mains de ladite "Madame de Proséanti". Elle semble enjouée.
— Oh regarde moi ça Verra ! Elle à l'air de ne pas avoir manger pendant des heures.
— Oui c'est le cas de le dire, s'exprime-t-elle, la bouche serrée. Mais ce n'est pas pour ça que nous sommes ici.
Tendant l'oreille, je regarde la jeune femme aux cheveux vert du coin de l'œil. Ça me concerne, donc ça m'intéresse.
— A vrai dire, Lily sera ton apprentie aujourd'hui.
Je manque de m'étouffé en entendant la nouvelle. Je n'avais visiblement pas relevé le sous-entendu dans sa question de tout à l'heure.
Moi ? Une apprentie cuisinière ?
Ils sont véritablement à court d'idées. La suite de l'annonce vient d'ailleurs confirmer mes propos.
— Ce sera d'ailleurs elle qui va préparer le petit déjeuner du Lord, sort-elle en posant finalement son regard sur moi.
— Oh ?
Tous les regards se tourne sur moi surpris et je me fige. J'espère sincèrement qu'elle blague là. Malheureusement pour moi, son sourire carnassier m'annonce la couleur et vient ruiner tous mes espoirs. La main devant la bouche, je vois Madame de Proséanti lâcher un petit hoquet de surprise.
S'il vous plaît, dites-moi que c'est un cauchemar...
La femme rousse se tourne vers moi, tout aussi surprise que moi. On dirait qu'on ne s'attendait vraiment pas à cette annonce. Moi, spécialement. Me qualifier de médiocre serait euphémisme.
La dernière fois que j'avais essayer de cuisiner quelque chose, j'avais cinq ans. Mon père était très occupé et on m'avait dit qu'il n'avait pas mangé de la journée. Alors, avec toute ma gentillesse et ma naïveté, j'ai décidé de lui cocoter une soupe.
Seul bémol ? Je ne savais pas lire une recette. Ni dosé par la même occasion.
Résultat ? Tout le pays pensait que quelqu'un avait tenté d'empoisonner le roi. Ce n'est que le lendemain, en demandant l'avis de celui-ci sur le repas qu'ils ont comprit que je voulais faire lui faire plaisir.
Depuis j'ai été banni des cuisines.
Une soudain flash me passe, réalisant quelque chose.
J'ai été banni des cuisines. Je ne sais pas cuisiner et le Lord veut que je cuisine pour lui. Il n'est pas au courant.
Une pensée malsaine me prend et je me dépêche de terminer mon assiette.
Il veut que je lui prépare à manger ? Très bien.
Me plaçant aux côtés de la chef, j'affiche mon plus beau sourire à Verra, celle-ci me répondant par un haussement de sourcil. Je glousse gaiement avant de prendre les mains de la cuisinière, celle-ci me regardant complètement perdu par les évènements.
- Je vous jure que vous ne serez pas déçu de moi Madame. Vos repas fait sont faits avec tellement d'amours. C'est avec une immense joie que je serai votre apprentie.
Celle-ci d'abord surprise, sourit finalement sincèrement, une petite larmichette s'échappant de son œil. Je m'en veux presque de l'avoir berné ainsi.
— Oh oh... Mon enfant ! Bienvenue dans la famille ! Oh ! Et appelle moi Lola ! On va faire le repas du siècle ! clame-t-elle en tapant des mains tout en se dirigeant vers les fourneaux.
Souriante, je tourne la tête vers Verra qui me lance un sourire crispé. Elle sait que je prépare quelque chose. Je cache un petit rire avec ma main avant de filer sous l'aile de Lola.
Effectivement, ce sera un mémorable festin.
❀❀❀
Ce sont les mains derrière le dos que je me tiens aux côtés de Verra et de la chef toute souriante. Mon bourreau va arriver d'une minute à l'autre et honnêtement, j'ai du mal à cacher l'excitation qui crépite dans mes veines. Le regard soutenu de ma supposer gouvernante (car oui, effectivement, c'est elle qui s'occupe de tout d'après Lola), m'indique que je commets une grave erreur, mais je m'en fiche. Le mal est déjà fait et je ne compte certainement pas reculer maintenant. Mon besoin de vengeance a besoin d'être assouvis et je n'ai toujours pas digérer la manière dont il m'a tenue dans les couloirs. Encore moins, la manière dont j'étais attachés en prison.
Ce fils de pute allait payer.
En commençant par son palais.
Sans attendre, des majordomes annoncent la venue du dit Lord, ouvrant les portes sur la victime de mes manigances. Automatiquement, tout le monde baisse les yeux en le voyant arriver. Il n'y a que moi cependant ne plie pas à ses ordres. Habillé d'une chemise blanche et d'un pantalon sombre, il dépasse tout le monde avec sa grande taille, imposant sa présence à tout le monde dans la pièce. L'air blasé et les cheveux détachés, celui-ci scrute la pièce de ses yeux brillant renvoyant sa crinière noire en arrière. Son regard finit par se poser sur moi, me détaillant de haut en bas, attendant surement que je fasse comme les autres. Comme réponse, je lui adresse un petit sourire au coin.
C'est ça bouffon, regarde-moi bien.
On se soutient finalement du regard, s'en foutant royalement de ce que pense les autres. Après quelques minutes, il s'assoit avec nonchalance, fixant la table pleine de nourriture. Il doit surement se douter que je prépare quelque chose. Le stresse monte d'un cran craignant qu'il voit ma supercherie.
Il n'est pas dupe.
Je ravale ma salive alors qu'il prend un des donuts du bout des doigts. Ses yeux vifs se relèvent vers moi, perçant mes yeux, comme s'il lit en moi. La tension palpable de tout à l'heure revient, électrisant toute la pièce et chaque chose qui s'y trouve. Je me demande si mes collègues la sente eux aussi. Endurent-ils aussi ce sentiment ? Je ne pense pas.
Il se lève soudainement de sa chaise, ses pas lourds faisant grincer le plancher de la pièce. Dans sa main droite, le pauvre donut à la crème qui attend d'être manger par ses soins.
Il avance avec lenteur, faisant le tour de la table, regardant chaque viennoiserie avec soins, puis, il relève la tête. Je le regarde. Il nous scanne. Il cherche la personne qui a voulut gâcher sa belle journée dés le matin. Puis, il recroise le mien. Je lui affiche mon plus beau sourire, mais intérieurement, je prie pour que mes jambes ne flanchent pas. Il est énervant.
Soudainement, ses lèvres s'étirent.
Bordel de merde. Il sait.
Sans me quitter des yeux, il s'approche, s'arrêtant à quelques centimètres de mon visage. Son souffle chaud me caresse la joue, un léger grognement s'étouffant dans sa cage thoracique. Mais le plus flagrant ? Ses pupilles.
Il me détaille, brûle mon âme avec toute la volonté du monde, se moquant ouvertement de mon petit plan foireux. Mon sourire disparait aussitôt.
Bourreau : 1, Lily : 0
Il lève la main sans briser le contacte.
— Tout le monde... Dehors ! gueule-t-il avec violence. J'ai besoin d'être seule avec la petite nouvelle.
Ni une, ni deux, la pièce se vide, me laissant seule avec l'objet de mes cauchemars.