â Faites attention Ă vos appuis !
Je saute puis m'Ă©lance vers le mannequin, en lançant un petit cri de guerre, dĂ©terminĂ©e Ă le terrasser. Tenant fermement mon Ă©pĂ©e d'une main, toujours avec Ă©lan, je pivote pour embrocher le pantin de paille et de bois, coupant sa tĂȘte d'un coup sec. Je suis d'humeur Ă me battre aujourd'hui. Virant mon regard sur le cĂŽtĂ©, je change de main avant de faire un pas en arriĂšre ajustant ma position. Une pluie de flĂšche dĂ©ferle sur ma gauche, se dirigeant vers moi. Mais je ne bronche pas. Utilisant mes coups d'Ă©pĂ©e comme dĂ©fense, je fonce vers l'autre mannequin, cette fois-ci un automatique, utilisant mon Ă©pĂ©e comme une lance afin de toucher son bouton d'arrĂȘt qui se trouve sur son torse. L'entraĂźnement se termine enfin.
Essoufflée, je lÚve les yeux vers M. Doufus, qui applaudit mon exploit.
â Excellent ! Commence-t-il. Vous avez rĂ©ussi Ă dĂ©jouer l'ennemi en seulement une minute trente, sans flancher une seconde, tout en utilisant une nouvelle technique que vous avez appris rĂ©cemment. DĂ©cidĂ©ment, comparĂ© Ă vos premiers entraĂźnements, vous vous amĂ©liorez.
J'esquisse un sourire ravi avant de réarranger ma queue de cheval.
â Oh j'ai encore beaucoup Ă apprendre vous savez, je rĂ©ponds doucement. Ce rĂ©sultat n'est que le fruit de votre expertise.
â Vous me flattez, votre majestĂ©. Mais je vous assure que je ne trouverai jamais meilleur Ă©lĂšve que vous.
Rigolant légÚrement, je retire mes gants avant de les poser dans les mains d'une servante à cÎté de moi. En réalité, j'ai utilisé les quartiers libres que j'avais ces derniÚres semaines pour perfectionner cette technique. Utiliser les coups d'épée pour stopper des flÚches n'est pas une chose facile. Prenant un mug, je me désaltÚre tout en m'asseyant et en enlevant à coup de pied mes bottes. Je suis épuisée.
â Veillez bien Ă vous reposer. J'ai entendu par le bien de votre pĂšre que vous accueillerez les royaumes voisins en fin de matinĂ©e ? Dit mon instructeur en rangeant le matĂ©riel.
Je regarde le sol.
â C'est exact. Cela fait partie de mon devoir. Il faut qu'ils soient bien installĂ©s afin d'ĂȘtre prĂȘts pour la partie de chasse...
Il pose soudainement une main sur mon épaule, laissant apparaßtre un léger sourire malgré sa moustache.
- Alors ne vous ménagez pas trop. Sérieusement. Je dirai bonjour à ma femme pour vous.
Et il s'en va ranger les restes des armes, me laissant seule sur mon banc. Je souffle en regardant le ciel remplit de nuages. Le problĂšme avec cet endroit c'est que partout oĂč tu vas, il t'est constamment rappelĂ© que ta vie tourne autour de la couronne qui est sur ta tĂȘte. Je soupire de fatigue, en m'allongeant sur le banc de la cour. Dans ces moments, l'air pur de la nature est un vrai dĂ©lice. Fermant les yeux quelques secondes, je profite de ce petit moment de rĂ©pit avant d'ĂȘtre interrompue par une petite voix fluette.
â Princesse Lily ?
Reconnaissant la personne qui me parle, je me relÚve. Je dois avouer qu'elle m'a fait peur. La jeune fille me fixe avec ses yeux couleur saphir, avant de rire légÚrement, ses tresses brunes tombant sur ses épaules. Je lui souris à mon tour.
â C'est la deuxiĂšme fois que je vous trouve allongĂ©e en dessous de l'abri des chevaliers. Maman m'a dit qu'il vaudrait mieux pour vous que vous retourniez dans votre chambre.
â S'il te plait Samira, Ă©pargne-moi ces idioties, je lamente en me rallongeant. Une petite sieste ne fait de mal Ă perso... Attends une seconde.
Je me relĂšve.
â Tu m'as caftĂ© Ă ta mĂšre ?
Elle met ses mains devant sa bouche avec un air innocent. Quelle vraie petite chipie. Secouant la tĂȘte le sourire au coin, je tends mes mains vers elle, la chatouillant soudainement. Elle pouffe de rire en se tordant.
â Ah non ! Haha ! S'il vous plaĂźt! Je ne recommencerai pas!
â Vraiment ? demandant d'un air amusĂ©.
â O-Oui Oui ! Je vous jure ! S'il vous plaĂźt Princesse !
J'arrĂȘte de la chatouiller, lui permettant de reprendre son souffle.
â Et comment pourrais-je en ĂȘtre sĂ»r ? je lui demande d'un air un peu moqueur, remettant mes chaussures.
Faisant une petite grimace, elle sort une petite fiole de la poche de sa jupe avant de me la confier. Je la fixe stupéfaite.
â Car je vous aide Ă faire vos escapades ? un air de malice et d'interrogation dans les yeux.
â Okay tu es pardonnĂ©e.
Prenant la fiole, je me lĂšve prĂ©cipitamment avant de courir vers les Ă©curies, la mettant dans la poche de mon pantalon. Me suivant au pas, Samira s'approche de la porte de l'endroit avant de l'ouvrir pour moi et d'accourir vers un des chevaux. Mon Ă©talon gris clair, Hazzle. Entrant dans son petit espace, j'ouvre une malle oĂč est placĂ© un manteau pourpre ainsi que des gants blancs et un petit sac de piĂšces. On dirait que c'est reparti pour un tour.
Alors qu'elle sort mon cheval doucement, j'enfile mon léger déguisement avant de poser et de sangler la selle de Hazzle.
â Tu t'en iras longtemps ? m'interroge-t-elle. Je peux sentir un peu de tristesse et le fait qu'elle est troquer le vouvoiement par le tutoiement...Il n'y a que elle et Nanny que j'autorise Ă le faire dans le staff. Je lui caresse lĂ©gĂšrement la joue avec le dos de mon index.
â Ne t'en fais pas. Je reviens toujours, je la rassure. De toute façon, je risque d'ĂȘtre dans de beaux draps si je m'Ă©clipse trop longtemps. Vu qu'aujourd'hui est un jour important...
Retrouvant son sourire, nous sortons de l'écurie pour nous diriger vers une porte secrÚte se trouvant à l'arriÚre de la cour. Je me retourne vers elle.
â Maintenant, c'est Ă toi de jouer, dis-je calmement. Il ne faut pas que les servantes, ou encore pire M. Doufus, dĂ©couvrent que je suis partie du chĂąteau. J'aurais de gros problĂšmes sinon.
â Promis jurĂ© ! elle rĂ©pond en Ă©tirant son petit doigt.
Riant, je lui serre lĂ©gĂšrement le petit doigt avant de sortir la fiole d'Ă©lixir. Je monte l'Ă©talon, prĂȘte Ă partir. Alors que je me dirige, prĂȘte Ă avaler le liquide, je l'entends s'Ă©crier.
- N'oublie pas que l'effet s'estompe Ă partir de midi !
Souriant au coin, j'avale l'Ă©lixir. ImmĂ©diatement, la couleur de mes cheveux change, troquant sa douce couleur rose pastelle pour un noir corbeau, s'illuminant au soleil. Seuls mes yeux restent encore les mĂȘmes. Les cheveux au vent, je lui lance un dernier regard avant de m'Ă©lancer vers la capitale.
âââ
Arrivant en trottant doucement, je jette un Ćil de droite Ă gauche aux diffĂ©rents magasins et stands se trouvant sur la place. Un grand Ă©criteau dorĂ© avec marquĂ© "Bienvenue Ă Rossleyer !" se prĂ©sente devant nous m'indiquant que j'ai atteint ma destination. Humant l'air, je souris sentant la bonne odeur des pĂątisseries et des spĂ©cialitĂ©s du royaume. Les rires des enfants et la tchatche matinale des ouvriers annonce de suite l'atmosphĂšre joyeuse qui rĂŽde dans ces lieux. Je ne me lasserai jamais du train-train euphorique de cette ville. Elle est tout simplement magnifique. Descendant de mon Ă©talon, je tiens les rĂȘnes pour qu'il me suive puis, commence Ă me diriger entre la foule de gens et de commerçants. J'arrange ma capuche sur ma tĂȘte pour tout de mĂȘme cacher mon visage. MĂȘme si j'ai confiance en mon camouflage, je ne veux pas prendre de risque. Me faufilant dans la foule, un des stands attire mon attention soudainement. Une vieille dame, habillĂ©e de vĂȘtements avec un air assez usĂ©, vendant ses pĂątisseries qui ont l'air plutĂŽt allĂ©chantes mais qui pourtant n'attire aucuns clients. Son expression de marbre me laisse un petit pincement au cĆur.
Allant doucement vers elle, elle relĂšve la tĂȘte doucement vers moi, un air stupĂ©fait sur le visage. Je la souris gentiment, prenant une pĂątisserie formant une rose. La pancarte dit que c'est Ă la confiture de fraise.
â Puis-je ?
Un peu hésitante, elle finit par acquiescer, me laissant manger dans sa création. Immédiatement, la saveur de la fraise arrive dans ma bouche, accompagnée d'un léger goût de cannelle. La pùte au premier abord croquante fond en bouche comme une légÚre mousse qu'on pose sur la langue. Je ferme les yeux en savourant ce délice.
â Mmmh ! Oh Arsia c'est si bon ! je m'Ă©crie. Comment les gens peuvent passer Ă cĂŽtĂ© de ça ?
Le visage de la dame se relÚve d'étonnement avant de me laisser un maigre sourire. Il est hors de question que je la laisse comme ça. Prenant une autre confiserie en main, je me tourne vers la foule à la recherche de la parfaite cible. Un petit garçon prÚs de sa mÚre me regarde avec curiosité, me laissant comprendre qu'il m'a non seulement entendu, mais aussi était devenu intéressé de ce que j'avais dans la main. C'est la cible parfaite !
M'approchant de lui, je lui tends le petit gĂąteau. Il recule un peu par crainte. Je le rassure.
â N'aies pas peur. Je t'assure que c'est super bon.
Incertain au dĂ©but, sa curiositĂ© l'emporte et s'empresse de prendre cet objet de mystĂšre et de le mettre dans sa bouche. Ăcarquillant les yeux, il Ă©tire un large sourire avant d'aller rejoindre sa mĂšre pour lui en informer, partageant sa dĂ©couverte aussi aux gens autour de lui. Je souris. AprĂšs un petit moment, le stand de la dame commence Ă se remplir de clients, voulant Ă leur tour, goĂ»ter les choses que la gentille dame a Ă offrir. Un sourire reconnaissant et chaleureux apparaĂźt sur son visage.
â Merci beaucoup jeune fille, dit-elle d'une voix faible mais pleine d'Ă©motions.
On dirait que mon plan Ă fonctionnĂ©. Glissant une des petites piĂšces sur sa table, je m'Ă©clipse doucement tirant les rĂȘnes d'Hazzle, souhaitant que de bonnes choses arrivent Ă cette femme aimable.
âââ
Arrivant devant un petit magasin liĂ© Ă un bĂątiment, j'attache les rĂȘnes de mon Ă©talon Ă un barreau en bois, avant de pousser la porte en verre de l'endroit. Enlevant ma capuche doucement, je regarde l'univers qui s'ouvre autour de moi. Des milliers de livres surplombent les Ă©tagĂšres de bois, reposant surement attendant qu'un acheteur les choisissent. Des vases et des tableaux dĂ©corent le paysage alors qu'un long tapis bleu nuit couvre le sol en bois. Je hume l'air de l'atmosphĂšre boisĂ© et ancien de l'espace, remplissant mes poumons de l'univers plaisant dans lequel je viens d'entrer. Je me rĂ©jouis. C'est pour ça que j'adore la librairie. Elle renferme tous les univers. Fictif, comme rĂ©el. Quelque part, c'est grĂące Ă ses nombreuses pages que l'on connaĂźt notre monde. C'est grĂące Ă elles qu'on peut continuer Ă vivre cette vie.
Marchant doucement sur les planches, je fais glisser ma main sur les livres, fascinĂ©e par ces Ćuvres faites maison passionnĂ©es. Soudainement, l'escalier grince, me faisant comprendre qu'une personne arrive dans ma direction, enlevant ma capuche, je me tourne vers l'individu me faisant l'honneur de sa prĂ©sence. Son dos droit, il fait taper sa canne sur le plancher, s'approchant de moi, le sourire aux lĂšvres. Ses cheveux noirs, lĂ©gĂšrement gris attachĂ©s en queue de cheval, la barbe taillĂ©e avec prĂ©cision. Il rĂ©ajuste ses boutons de manchette en argent et son broche-col Ă©meraude avant de me fixer avec des yeux d'une Ă©gale couleur. Le reconnaissant je m'approche de lui, se posant fermement avec une mĂȘme assurance. Il me tend un livre.
â Cela fait longtemps Princesse Lileia... ou devrais-je dire Lily.
Je lui souris doucement Ă mon tour, prenant le livre de ses mains.
â Moi aussi je suis contente de te revoir...
Sépia.