Mes chaînes se resserrent de plus en plus sur son cou, comprimant sa poitrine alors qu'il commence à agoniser. Je vais le réduire en poussière. L'imbécile.
Je le vois se débattre, essayer de me donner des coups de sabots mais je suis trop loin de lui. Tout est rouge. Tout rouge. Extrêmement rouge pour que la raison puisse avoir quelconque portée sur mes actions actuelles. Dans les faits, j'avoue que je n'avais pas envie qu'elle intervienne. Ce serait futile, inutile dans une situation pareille. Je suis juste trop énervé. Beaucoup trop énervé face au fait qu'il lui tient les poignets de cette manière. Beaucoup trop énervé face à sa langue de vipère qui lui chuchote quelque chose à l'oreille. Beaucoup trop énervé de voir leur deux corps collé l'un à l'autre comme ça sur la piste. Beaucoup trop énervé en la voyant tanguer, tenant à peine debout sur la musique.
Beaucoup trop énervé quand je vois que son visage blêmit face à ses mots.
...Juste beaucoup trop énervé face au fait qu'elle se mette en danger.
Bordel.
Pourquoi elle et Verra son allez là ? Cet antre empeste l'ivresse et le danger. Il n'y a pas pire endroit pour une mortelle. En tout cas pour elle. Qui sait ce que cet imbécile de Reiton avait en tête ? Il aurait pu se servir d'elle ou pire encore-...Je ne sais même pas pourquoi je suis hors de moi. Tellement que je veux tout fracasser.
N'est ce pas ce que je voulais ? Qu'elle meure, afin d'éviter le pire ?
...
...Suis-je au final plus agacé contre mon incertitude ?
Agacé contre moi-même ?
Mes dents grincent et je finis par scruter ma victime. Elle continue de se débattre, son visage devenant rouge par le manque d'air. Gémissant de douleur, le métal lui laisse des traces de brûlures de plus en plus conséquentes. Il n'y a pas que le sel qui peut tuer un fae. A la rigueur, ces petits grains cristallisés n'est rien face à ce truc.
Tout type de fers pourrait juste immoler.
D'où le fait que la plupart de nos objets ici sont issus d'une matière alternative, solide, tout aussi efficace. A base de plantes qui dégagent une substance pouvant prendre forme et se solidifier. C'est plus sécuritaire et ça permet d'éviter de nombreux accidents. Enfin...presque.
Et je suis l'exception à la règle.
Personne. Mais je dis bien, personne ne sait ce que j'ai vraiment vécu, ni ce qui m'est arrivé. Ou m'arrive en soit...Je peux sentir ma chemise, sûrement devenue entièrement écarlate, me coller à la peau si visqueusement que je risque de la jeter parce qu'elle est devenue irrécupérable. Ils ne savent pas quel type de fleuve traverse mes veines. Un fleuve pareille pouvant éliminer quiconque essayerait de s'y désaltérer. Mes siens en tout cas, ne peuvent pas m'approcher quand je suis blessé. La peau du bas mon dos me brûle et mes plaies se sont impérativement ouvertes pour faire sortir mes objets de torture. Mais qu'importe.
— Par Leibrum Drale, arrête ! Tu vas le tuer ! intervient Verra, affolée par la scène.
C'est quoi cette expression ? C'est à cause d'elle que tout ça ce passe là maintenant. Je la fusille du regard, rugissant presque comme réponse à ses plaintes.
— Tu te moques de moi là !?
— Attends une minute..., essaye-t-elle, mais là n'est plus le moment d'attendre.
— Elle ne doit pas sortir du domaine ! Encore a-t-elle moins le droit d'aller se promener comme bon lui chante!
Elle s'arrête et se pince la lèvre inférieure, évitant mes yeux. Je suppose qu'elle ne s'attendait pas que je m'agace comme ça. Je suis tout de même le Lord de cet endroit ! Quand bien même je ne lui prends aucunement la tête car elle est utile et a de très bon conseils. Ou encore le fait que c'est la seule proche qui me reste encore ici....Ça ne veut pas dire qu'elle doit prendre un malin plaisir à défier mes décisions ! Elle a dépassé les bornes. Même si honnêtement elle avait déjà prévu d' outrepasser ces limites vu ce que j'ai entendu il y a juste quelque minutes. Mon attention est redirigée encore une fois vers le barman. Je le lâche en le laissant se remettre. Encore un petit peu et j'allais vraiment le tuer et brûler tout son être. Une trace noir montant jusqu'à ses joue et s'élargissant aussi sur son torse. Ses veines aussi ressortent. Effectivement, je n'y suis pas allé de main morte. Je fais la moue, voyant déjà les représailles avenir.
Reiton est le fils de Lola. Son fils unique.
Quand bien même sa gentillesse n'a pas de limite, sa progéniture par contre a hérité du caractère sournois et espiègle de son père. Il se bourre la tête d'idées fixes, et utilise sa beauté naturelle ainsi que sa nature de fae pour mettre les gens à sa guise. Sa mère le chouchoute tellement que ça l'aveugle, ne voyant en lui que quelqu'un perdu qui a besoin d'amour. Et il est loin d'être dupe sur ce sujet. J'entends déjà ma cuisinière débarqué dans mon bureau prête à démordre.
En soit ça je peux gérer. Mais j'essaye juste de comprendre. Pourquoi Verra l'a amenée ici ? Elle sait très bien qu'il n'est pas fiable.
Je scrute la jeune femme a la chevelure verte, inquiète pour son "amie". Elle relève sa tête sur ses genoux et soupire en dégageant son visage. Ce qu'elle fait actuellement est si contradictoire à ses actions que je me demande sincèrement quelles étaient ses intentions.
Avait-elle fait exprès de l'emmener ici ?
Outre la soi-disant raison de passer du temps, avait elle un certain leitmotive ? Avait-elle d'autres projets en tête en voulant se rapprocher d'elle ?
Je ne peux décidément pas comprendre. Mes oreilles sifflent et je finis par lorgner aux alentours. La plupart du public est parti, d'autres sont encore évanouis et certains sont juste choqués et apeurés. La fête est finie. Autant déguerpir nous aussi.
M'avançant devant les deux femmes, je prends celle évanouie dans mes bras ignorant la douleur générée par les chaînes au bas de mon dos. Son aura est toujours aussi forte, aussi fleurie malgré le fait qu'elle soit complètement dans les vapes.
Comme si sa propre magie veille sur elle.
Elle est endormie mais je peux voir la rougeur de ses joues, la douceur des ses traits. Ses lèvres légèrement entrouvertes avec une respiration calme, tandis que certaines de ses boucles épouses les côtés de son visage. Des mèches sensuelles tombent sur son cou et ses épaules, nu pour le bien de l'imagination.
...Est-ce cette expression si calme...Qu'elle ferait après une nuit de caresses ?
Après l'avoir, imbriqués, enchevêtrés de toutes les manières possibles jusqu'à ce que sa voix se déraille ?
Ma gorge devient sèche et je refoule ces désirs interdits au fin fond de mon être. Autant fermer les yeux quand le moment est mal choisi. La personne est mal choisie elle aussi, mais je suis déjà convaincu qu'elle m'a ensorcelée. Jetée un sort si puissant que tout est pratiquement enflammé. Elle tient juste l'allumette qui allume le brasier. Un brasier interdit dont je voudrais à tout prix me passer, pour le bien de tout le monde.
Chassant ces dernières pensées, je me dirige vers la sortie, Verra me suivant au pas. Le nuit était déjà bien tombée, et le calme qui règne est parfait pour les malins du soir. Vu le grabuge qui c'est passé ici, les bruits doivent sûrement déjà commencer à courir que j'ai fait une apparition peu clémente à "La Tanière des Aïeux". J'espère juste que peu de gens ont remarqué qu'elle est une mortelle. Ou la mortelle qui loge au domaine, si j'en crois les dires que les murs ont des oreilles... Il faut que je touche quelque mots à Sierra. Il faut qu'on rentre. Mon attention se reporte à la jeune femme dans loger dans mes bras de manière si innocente.
Oui, je répète, la fête est finie.
Il est temps que la réalité revienne dans les esprits.
❀❀❀
— Je peux savoir à quoi tu joues Drale ? Faire un brouhaha comme ça, presque un jour avant le Baptême...
Un râle d'irritation me prend en même temps que Verra termine son travail dans mon dos religieusement. Si elle, elle est silencieuse, la fille de l'Elfe Suprême cependant à décider de faire passer son énième caprice. Debout devant moi, les bras croisés, les traits de son visage plissé, elle me toise de ses deux sapphires bien brillants. Les légères tapes de ses chaussures montrent son agacement et un énième soupir me prend.
Comme si j'avais des comptes à lui rendre.
C'est pas comme si sa langue n'était pas bien pendue.
Voyant le peu d'importance que je porte à ses paroles, elle se rapproche de mon visage, ses cheveux fouettant le vent comme un lasso qu'on me jette à la figure. Mais elle ne va pas me lâcher en fait ?
— Drale je te parle-
— Et je t'entends très bien Sierra, je souffle me levant de la chaise une fois mes blessures complètement fermées. Je n'ai rien à te dire.
— Rien à me dire ?! Non mais je rêve, crie-t-elle alors qu'elle tape sur le bureau, plaquant ses deux mains fermement. Je me débat chaque jour pour maintenir ce domaine. Sa réputation, son organisation. Je travaille d'arrache pied pour cet endroit et toi tu viens tout gâcher pour...cette humaine ?
Je tiens son regard un moment alors que je m'affale sur le fauteuil en face d'elle. Si elle a le don de me lasser généralement avec ses remarques, celle-ci en particulier me fait tiquer. Me prenant à rebrousse-poiles. Je serre le poing.
— Je ne t'ai jamais demandé de venir t'occuper de mes affaires. Ni t'ai-je demandé de te pavaner dans les couloirs et de faire comme si tu étais ma femme. Alors autant, que je ne fait pas fit de toi pour l'instant, ni de tes sautes d'humeur, ne cherche pas justement à ce que je te remarque. Car ça ne sera pas ce que tu espères. Tu peux, donc, disposer... Et puis j'ai cru comprendre que tu aimais bavarder ?
Elle me regarde, comme si je venais juste d'éteindre tout en elle. Comme si je venais juste d'écraser ses derniers espoirs. En soit je l'ai fait, et sûrement pas de la meilleure des manières. Mais ça faisait trop longtemps qu'elle prenait ses aises. Maintenant elle veut se mêler aussi de ces affaires là aussi. Dépassant une ligne qu'elle ne doit pas franchir et surement essayant de trouver un autre moyen d'avoir ce qu'elle veut.
Et en aucun cas je lui donnerai ce plaisir.
Il est temps que ça cesse. Que cette "relation" cesse.
Le noir qui passe dans mon regard lui fait bien comprendre qu'elle doit s'aventurer sur ce terrain. Elle se mord déjà les doigts assez ici. Serrant les poings, elle baisse la tête, réprimant sûrement ses protestations. Puis elle tourne les talons, les claque doucement sur le sol avant de fermer la porte dans un grand fracas. Prenant une inspiration, je fixe maintenant celle aux yeux améthystes. Sa bouche est si scellée, qu'on dirait qu'elle attend. Sagement et patiemment son tour avant de tout lâcher. Il faut aussi que je parle avec elle pour savoir ce qui lui a pris. En train de ranger le fameux flacon qui était censé apaiser mes douleurs, je me lève d'un coup et la stop, agrippant son poignet. Interdite, elle hausse un sourcil avant que je la tire vers la porte séparant ma chambre de mon bureau.
Dans un silence de mort, nous nous avançons près du lit, où la jolie figure s'y repose. Depuis qu'on est arrivé, elle ne s'est pas réveillée. Sa respiration est cependant normale, alors que je présume que tout va bien. Je zieute sur ma gouvernante chef. Elle la fixe, un mélange d'émotions passant dans ses yeux. Mais je connais très bien ce regard languissant. Ils sont pleins de regrets, de culpabilité. Cependant je peux voir que ses actions précédentes ont été probablement, très méditées. Son regard amical n'est plus. Il ne reste que du vide.
— Maintenant explique moi.
— Je n'ai rien à dire..., murmure-t-elle d'un ton neutre.
— A d'autres, veux-tu ?... Est-ce à cause d'Aram ?
Elle serre les poings puis les relâche, essayant de faire passer la tension. Puis, son regard pèse sur moi. Je vois bien qu'elle cherche ses mots. Après tout, j'ai évoqué un sujet sensible. Je m'assieds sur le lit une main sur l'épaule de la mortelle, mes deux billes immobiles sur la dormante silhouette. J'expire puis secoue ma tête, abaissant les paupières. Quelle journée.
— Tu sais quoi, c'est pas grave.
— Qu'est ce que tu veux dire ? demande-t-elle surprise que je la laisse aller comme ça avant qu'elle m'avoue tout.
Je penche la tête pour rencontrer ses prunelles.
— Je veux dire que de toute façon ce n'est pas vraiment moi que tu as trahis. Mais elle. Moi je n'ai fait qu'intervenir dans tes plans...ou les foirer.
Me dévisageant un moment, elle rebondit sur le sujet. Sûrement pour enlever cette atmosphère pesante. Et sa propre mauvaise conscience.
— D'ailleurs, je peux savoir ce que tu faisais là ? Tu nous espionnait ou ?
Espionner est un fort mot honnêtement. On va dire que je m'assurais que rien ne puisse exacerber la situation déjà très compliquée. Je n'ai pas envie qu'elle tombe sur d'autres gens mal intentionnés comme Reiton, qui puisse l'utiliser pour leurs propres objectifs. Ça pourrait très mal tourné, surtout avec elle et ses pouvoirs. Elle pourrait détruire plus de choses qu'ils ne pensent, en la détruisant elle-même. Surement un des points communs que j'ai avec elle.
Je me racle la gorge évitant le regard suspicieux de mon interlocutrice.
— Je m'assurais juste que tu ne faisais pas de bêtises. Vu que tu m'as dit que c'était ton amie...
— Je ne t'ai jamais dit de manière explicite que c'était mon amie...
Ah...Lapsus.
— De toute façon c'est pas comme si tu le cachais non plus, j'essaye. Vu ce que tu m'avais dit.
Elle me toise avant de reporter son attention vers le falcon qu'elle était censé ranger. Au moins, elle n'insiste pas.
Je prends la fiole de ses mains et l'ouvre, regardant la quantité restante.
Cela semble suffisant.
Prenant une dague qui était cachée derrière un de mes livres, je me coupe la peau sous le regard horrifié de ma gouvernante en chef.
— Attend attend attend, tu fous quoi là ?! T'es devenu dingue ?!
Un rictus apparaît au coin de mes lèvres, alors que le sang cuivré doucement coule, se transformant en une petite chaîne métallique. Une fois que la longueur me convient, je referme la plaie grâce au liquide brillant. Verra croise les bras, désapprouvant déjà l'idée que j'ai derrière la tête. S'inquiète-t-elle maintenant de son futur ? Ce serait touchant si elle n'avait pas déjà commis quelque chose de répréhensible. Qu'elle se taise. C'est en partie de sa faute si on en est là. Je lui souris et regarde l'autre aux boucles rose qui dort paisiblement dans mon lit. Elle ne se doute pas une seule seconde de ce qui va lui arriver.
— Avec le Baptême du Fairy Pond qui presse, je veux juste m'assurer qu'elle ne s'échappe pas.
Et pour cela, rien de tel qu'une bonne laisse en fer, vous ne trouvez pas ?