Apprendre sur l'histoire des royaumes est la seule chose ici qui ne me donne pas envie de crier. Je suis bien contente d'être née dans un endroit aussi mystique. Aussi magique. Mme Fourlamine est aussi une excellente professeure. Elle donne envie de fouiller et d'en savoir plus. Donnant de la vie à ses récits et à ses cours, de ses yeux bleus rayonne toute la magie d'Avria. Cela doit être à cause d'elle que j'ai envie de tout explorer maintenant. Quelque part, elle m'aide aussi à redécouvrir les racines de mes pouvoirs magiques. Car oui, seuls les héritiers des royaumes en possèdent. Je les ai hérités moi aussi d'ailleurs. Apparemment dès ma naissance j'arrivais à faire virevolter des feuilles d'arbres autour de mon berceau sans lever le petit doigt. En tout cas, c'est ce que Nanny me disait.

Alors que je relis les manuscrits dans la salle de cours, la porte s'ouvrit d'une envolée avant de se refermer au pas. Laissant voler ses cheveux blonds de droite à gauche, mon instructrice réarrange ses lunettes avant de poser sa tonne de livres sur son bureau. Ramassant les quelques papiers qui étaient tombés sur le sol, elle finit par me guetter avec son regard. Souriante, elle décide d'enfin m'adresser la parole.

— Prête pour ton évaluation finale princesse ?

— Toujours, dis-je d'une voix déterminée, un pétale de rose volant dans ma main.

Échouer ne faisait pas partie de mes habitudes. Surtout pas dans cette matière.

— Alors commençons !

Tout a coup, les portes de la salle se ferment d'un grand fracas. Doucement, l'environnement change, laissant place à un vide majestueux. Les tables et les chaises s'envolent avant de disparaître sous un nuage de poussière d'étoiles. Les murs et les différents tableaux laissent place à un blanc marbre, s'effaçant ainsi de notre champ de vision. Devant moi, un cercle magique d'une couleur orangée scintille, un dessin d'une rose venant accompagner cette douce forme. Je lance un regard interrogateur à ma prof qui me répond dans la foulée.

— Ne t'inquiète pas, c'est tout à fait normal. Installe toi doucement dessus et on commencera ainsi l'examen.

Suivant ses indications sans broncher, je place mes deux pieds sur celui-ci avant d'être soudainement envolée sur une plateforme de bois et de ronces. Les barres d'un pupitre et un écran se présentent soudainement.

— Bien. Maintenant que tout est bien installé, je pense que l'on va commencer, s'enthousiasme-t-elle.

D'un claquement de mains, l'écran soudainement scintille avant de faire défiler diverses images. Le défilement s'arrête sur une en particulier, m'indiquant sur quoi on va commencer. On dirait bien que les choses vont se faire de manière aléatoire.

— Ton évaluation finale veux tester ta manière de restituer les faits. Tu auras devant toi, une image présentant un événement précis de l'histoire. Fait attention à chaque détail et surtout... N'oublie pas d'être le plus exact possible.

Hochant la tête, je regarde l'image de plus près afin de l'examiner. J'esquisse un sourire triomphant sachant que celle-ci n'avait aucun secret pour moi.

L'histoire des royaumes est bien connue de tous d'une manière générale. Alors que la planète se formait, quatre mages, fils de la déesse de la lumière Arsia, décidèrent de diviser les terres en plusieurs royaumes. Avria a été construite par le fils aîné, Leibrum, mage de la nature et des sols. Le deuxième fils, Osarus, créa Orcasium, un royaume dirigé par la magie des vents, doux comme violents. Le troisième, Boshcamp, pouvait contrôler l'eau à sa guise, créant ainsi Amaré, considéré comme le royaume le plus beau et le plus scintillant des quatre. Le petit dernier, Riucus, ayant hérité de la chaleur des flammes, décide de créer Ribbleciux, un royaume fait de chaleur et de lumière, pouvant rassurer quiconque qui s'en approche. Ils dirigeaient tous les quatre la planète en harmonie. Jusqu'au jour où Osarus perdit la tête. Jaloux de l'attention que les gens portaient à ses trois autres frères, il essaya de montrer qu'il était toujours plus fort que Leibrum, plus majestueux que Boshcamp, ou plus rassurant que Riucus. Mais n'arrivant jamais à atteindre ses objectifs, celui-ci tomba dans une colère noire, développant des pensées assez sombres pour envahir tout son royaume. Après quelque temps, les gens d'Orcasium commencèrent à se disputer fréquemment, à commettre des crimes, à voler, à guetter de la richesse. Mais surtout ils commencèrent à pratiquer la magie noire, une magie qui ne pouvait être enseignée que par un mage qui a assombri son cœur. Les trois frères n'ayant pas d'autres choix que de le punir, décidèrent d'enfermer le royaume d'une barrière magique, gardée par deux gardes célestes. Personne n'est autorisé à sortir ou même entrer à Orcasium depuis ce jour. En tout cas, c'est ce qui est dit.

Sur l'image, quatre hommes sont dessinés. Trois étant dans une zone de lumière, entourés d'enfants, alors qu'un seul est en train de périr dans l'ombre. Au-dessus de leurs têtes, des symboles, indiquant leurs différents pouvoirs : une feuille pour le premier, une goutte d'eau pour le second, une flamme pour le troisième, ainsi qu'un nuage virevoltant pour celui mit de côté. Comprenant rapidement la scène, je mets mes mains sur la barre avant d'ouvrir la bouche.

— L'événement représenté est "La Jalousie d'Osarus". Un événement qui se passa en l'an 17, après que les différents royaumes eurent été construits, je commence. Les trois frères dans la lumière représentent ceux qui ont été aimés par la population. Dans l'ordre : Leibrum le mage de la nature, Boshcamp mage capable de contrôler les eaux et Riucus, mage de feu. Le fait aussi qu'ils soient entourés d'enfants habillés de blanc, tous souriant jusqu'aux dents. L'homme seul avec une expression irritée dans l'ombre est le dernier frère, Osarus, étant mit sur le côté par pratiquement tout le monde. C'est aussi le moment où celui-ci va commencer à haïr ceux qui l'entourent. Assombrissant son cœur pour devenir un créateur du chaos. L'expression faciale et l'atmosphère obscure mettant l'accent sur ce changement en lui. En d'autres termes, c'est une représentation illustrant la première partie du troisième tome des "Mémoires d'un naturaliste", où Leibrum raconte les faits selon sa perspective.

Reprenant mon souffle, je jette rapidement un œil à mon instructrice qui me regarde avec admiration. Son sourire satisfait m'indique alors que je suis sur la bonne voie.

— C'était parfait Lily ! Tu as même réussi à adapter la scène à un des fameux grimoires de Leibrum. Impressionnant !

J'échappe un léger petit rire à ce compliment. Lire les mémoires de mon ancêtre faisait partie des premiers livres qui m'ont intéressé. Il a une manière de raconter les faits avec précision et calme. Tout se ressent à travers les mots.

Je sors de mes pensées soudainement à cause de la voix de ma prof.

— Bien ! Encore neuf images à traiter sur dix. On a qu'une heure après tout ma chère.

Confiante, je hoche la tête, attendant avec impatience la prochaine illustration qui allait se montrer.

Sans surprise, l'intégralité du contrôle finit par se passer ainsi. A chaque image, j'avais cinq minutes de réflexion avant de donner mon interprétation et explication. Puis je passais à la suivante.

Il ne me reste plus que vingt minutes à parler avec deux images encore à aborder. Je dois avouer que tout cela commence à me fatiguer. J'ai de la chance, j'ai déjà presque fini avec l'avant-dernière.

— ... C'est pour ça que cette image couvre le milieu de la "Genèse Céleste". Elle montre que la déesse Arsia ne voulait pas se séparer de ses enfants sans leur donner une part d'elle. Une particularité que l'on trouve seulement dans cet ouvrage. C'est intéressant de voir que ses fils ne l'ont pas mentionné d'ailleurs. Ils aimaient pourtant tellement leur mère... Mais bref, voilà, je termine doucement.

La jeune femme aux cheveux blonds tape des mains, triomphante.

— Parfait, parfait, parfait ! Plus qu'une illustration à couvrir ! C'est merveilleux... Totalement merveilleux ! Passons à la suivante.

Rougissant légèrement de gène, je souris. Si ça continue, je suis sûre d'attraper la grosse tête après la fin de ce contrôle. Je souffle aussi de soulagement. Ce truc est long, j'ai faim, soif et j'ai juste envie de prendre l'air en toute honnêteté.

Alors que la prochaine image commence à apparaître, je baisse la tête en fermant les yeux, le temps de me remettre en état quand j'entends un petit cri de stupeur. Ouvrant un œil, je zieute mon instructrice. Son comportement généralement joyeux laisse place à une expression pleine d'étonnement presque d'horreur. Mais qu'est-ce qui lui arrive ?

Je tourne la tête pour me retrouver nez à nez avec une illustration que je n'attendais pas.

Oh putain..., je chuchote intérieurement. Devant moi, une image représentant des tonnes d'arbres. Assez pour dire que c'est une forêt. Elle est entourée de poussières d'étoiles vert foncé, accompagnée de ce qui ressemble à plusieurs yeux rouge sang, qui se distinguent dans la pénombre. Au-dessus de cette forêt, une silhouette d'homme étendant ses bras, ses mains dirigés vers la verdure en dessous de lui, comme s'il veut nous montrer son travail. Il porte un sourire presque machiavélique. Une autre silhouette est en plein milieu de l'image. Cependant seule la blancheur de ses yeux est visible. Elle semble se confondre à la forêt comme si elle était au cœur de celle-ci.

Il m'est interdit de connaître l'intérêt derrière cette illustration. Ni même savoir qu'il en existe un. Encore moins détenir la sagesse de son sens. Mais étonnamment je l'ai. Cependant, je ne suis pas sûre que dire à haute voix ce savoir soit une bonne idée.

— E-Eh bien quelle surprise eum..., intervient-elle, On dirait bien qu'il y a un bug dans le devoir. Q-Quel dommage !

Son sourire gêné m'indique qu'elle ne voulait en aucun cas que je tombe sur ça. Malheureusement pour elle, j'ai bien l'intention de terminer ce devoir. Il n'est pas question que je le recommence.

— Mme. Fourlamine... Vous avez bien dit que si on n'arrive pas jusqu'à la fin du devoir, je devrais le recommencer ultérieurement ? N'est-ce pas ? Et que cela prendrait plusieurs mois avant que le conseil m'accorde une seconde chance ?

Elle semble hésitante en premier lieu, avant d'acquiescer doucement, affirmant mes doutes. Déterminée, je scrute l'image une dernière fois pour être sûr de ce que je vais dire avant de donner ma réponse.

— L'image ici illustre le dernier livre caché des "Mémoires d'un naturaliste", je débute lentement. Le cinquième livre pour être précise. Il illustre plus la dernière partie de l'ouvrage où Leibrum nous explique comment la forêt "Gracia", forêt qui lie tous les royaumes, s'est transformée en ce qu'on appelle la "forêt interdite". Rempli de vengeance, Osarus trouva un moyen de s'échapper de son royaume par le biais de cette forêt. Mais comme celle-ci est un symbole de son lien avec ses frères, il aurait décidé d'assombrir cette forêt avec sa magie noire créant ainsi des créatures et monstres très dangereux pour les mortels. C'est pour ça que l'on peut apercevoir une silhouette qui étend ses mains machiavéliquement vers la forêt. La poussière d'étoile désigne la magie de la forêt assombrie par Osarus. De plus, un monstre en particulier serait sorti du lot et aurait été désigné comme le "Chef de la forêt interdite", le Lord. C'est d'ailleurs ce que représente la grande silhouette noire au plein milieu de l'image. Plusieurs histoires disent qu'après cela, beaucoup de disparitions eurent lieu. Si un jour quelqu'un décide d'y aller, il y a bien des chances que jamais on ne le retrouve...

En terminant ma phrase, je lève mon regard doucement vers ma prof qui me regarde avec abasourdissement. Ses yeux sont si écarquillés que je suis sûre qu'ils sont capables de sortir de leur orbite.

Ayant complété avec brio le test, la session se termine, permettant à la salle de cours de reprendre sa forme initiale. Un diplôme écrit sur du papyrus apparaît dans mes mains certifiant que j'ai terminé mes études dans cette matière. Je souris en le regardant. Je n'étais pas obligé de faire cette évaluation en toute honnêteté. J'avais déjà passé l'examen final des royales depuis des décennies. J'ai juste choisi de continuer pour atteindre un objectif personnel. C'était un long parcours certes. Mais il était récompensé et reconnu de tous. En plus d'être une princesse... Je suis enfin devenue une historienne de haut degré, accomplissant ainsi trois ans d'étude de l'histoire en plus des études normales et certifiant ainsi mes connaissances. Je suis vraiment fière.

— Vous avez vu Madame ! J'ai réussi ! J'ai...

Mais alors que je relève la tête, je remarque qu'il n'y a personne. La porte de la salle est entrouverte, signalant le fait que mon instructrice s'est éclipsée après la fin de la session. Ses affaires encore sur le bureau m'indiquent aussi qu'elle est partie précipitamment. Je baisse la tête, une pointe de déception amère en bouche.

Je n'ai jamais fait grandement attention au fait qu'on me cache des choses. Je le sais, juste que ça ne m'affectait pas réellement avant.

Je suppose qu'il y a une première fois à tout.