Luxure...
Je passe entre les gens à pas lents, observant distraitement les corps qui bougent. Certains dansent sur une plateforme et s'exhibent de façon intéressante sous le regard d'une foule de mâles excités. D'autres se frottent comme s'ils étaient en rut et prêts à s'accoupler ici-même, dans un des coins le plus sombre ou sur un de ces nombreux sièges.
Les flashs lumineux par intermittence me dérangent moyennement. Ma vision infernale ne me permet de voir que la chaleur et les tons allant du rouge au noir. Mon odorat et mon ouïe sont bien plus développées. Les mélanges de bruits sur lesquels ces créatures remuent sont d'ailleurs presque assourdissants, mais je suis habitué au chaos. Par contre, l'infinité d'odeurs de synthèse qui sature l'air de ce lieu de débauche me pique les naseaux ! Je comprends pas pourquoi les humains et les vampires adorent s'en couvrir, eux qui accordent une attention exacerbée à l'hygiène et la pureté.
Incommodé, j'éternue et refreine de justesse mon réflexe de me secouer. Quelques une des personnes qui me croisent me regardent bizarrement. Je les toise en retour et continue d'avancer, une grimace de dégoût sur la face.
Sans ma fourrure, toutes ces particules du monde terrestre s'accrochent directement à ma peau. Je me sens toujours poisseux quand je me métamorphose en bipède. Une sensation particulièrement désagréable. Mais comme disent les humains, la fin justifie les moyens.
Je tire sur le col d'un des bouts de tissus que j'ai dû enfiler pour me balader parmi eux. Des vêtements, qu'ils appellent ça. Encore un des accessoires de leur monde qui semble tout droit sorti des entrailles de l'Enfer. L'odeur des produits étranges dont je me suis moi-même tartiné m'accroche aux narines et se mêle aux autres effluves ; l'air pollué d'alcool fort, de sueur, de semence et d'autres fluides sécrétés par ce condensé d'excitation.
J'éternue une deuxième fois.
Putain... Il est où, mon Aubrey ?
C'est souvent ici qu'il vient chercher les mâles qu'il encule. Je l'ai pisté encore quelques nuits pour en être sûr. Et je compte plus le regarder de loin, en train de baiser toutes ces larves.
Cette nuit, il sera à moi. Ou à personne.
L'horreur que les terrestres appellent musique cogne contre mes tempes. Son rythme lourd et marqué m'inspire la cadence brute de coups de bassin acharnés. Je suis pas le seul, visiblement. Un des mecs que je croise plonge son regard bestial dans le mien. Malgré l'air saturé, je reconnais bien son odeur terreuse.
Celle des loups.
Je m'arrête et penche légèrement la tête. Un sourire vicieux s'affiche sur ses lèvres rosées. Ses petites mains accrochent le tissu qui me couvre, il presse son bassin contre ma cuisse et se hisse vers mon oreille.
— Tu sens le canidé, mais... en plus féroce. T'es quoi au juste ?
Il se redresse pour me regarder dans les yeux alors que je lâche :
— Sans doute ton pire cauchemar.
Son sourire lubrique s'élargit.
— Je le saurais, si t'étais un abruti de loup-garou.
— C'est pas ce que j'ai dit.
Il fronce ses sourcils épais, avant de ricaner.
— Si tu prétends être plus dangereux qu'eux, je demande à voir !
Je me suis enfilé une ribambelle de lycanthropes, loups comme loups-garous, et jusqu'ici, aucun ne m'a déçu.
Celui-ci est chétif, mais me plaît quand même.
Le peu de tissu qui le couvre expose sa chair blême. Je lui saisit la croupe d'une main ferme. Il rit en se collant un peu plus à moi, puis me lèche le cou. Je lui attrape la gorge et passe ma langue sur mes crocs au lieu de mes babines. Une sensation qui me fait toujours assez bizarre. J'ai beau les utiliser au quotidien, je suis pas habitué à les toucher.
Le sale goût sur mes canines me tire presque une grimace de dégoût. C'est celui de la pâte fade dont les humains se servent pour l'hygiène de leur gueule. J'en ai avalé une bonne quantité. C'était juste infect.
L'eau avec laquelle je me suis rincé n'était pas mieux...
Je scrute le visage soumis du petit lycan avec satisfaction. La dernière fois que j'ai pris forme humaine pour en monter un doit remonter à une décennie. Mais l'odeur de mouille et le regard dépravé de celui-ci crie qu'il a un besoin urgent de se prendre de bons coups de bite. Je déplace ma main pour tâter la sienne entre ses jambes quand un fumet plus familier détourne mon attention.
Aubrey.
Mes yeux suivent d'eux-mêmes son sillage. Je ne vois que son dos, mais je reconnaîtrais son corps et son aura entre mille. Il est passé à côté de nous et avance vers l'endroit où tous ces gens s'abreuvent.
Visiblement, il n'est pas seul !
Un grognement grossit dans ma poitrine et remonte dans ma gorge. Je repousse le lycan sans ménagement. Dépité, il me hurle après quand m'engage à leur poursuite.
— Hé ! Où tu vas, connard ?
Je pense même pas à le mater. Ma cible, c'est le nouveau parasite qui s'accroche à mon humain.