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PetitePlume
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Chapitre 12 : L’alliée

Il était un peu plus de huit heures quand Virginie et Marie se levèrent, encore marquées par la nuit agitée. Le silence dans la maison était inhabituel, presque suspendu. Agathe dormait encore, profondément, comme si son corps profitait enfin d’un moment de répit.

Virginie envoya un message à Anaïs, l’infirmière du lycée. Il fallait qu’elle vienne voir les blessures d’Agathe au plus vite.

Dans le salon, Marie et Virginie s’étaient installées côte à côte sur le canapé, blotties l’une contre l’autre. Ni l’une ni l’autre ne disait un mot ; elles attendaient Anaïs dans une sorte de calme nerveux.

Agathe finit par sortir timidement de la chambre. Elle entra dans le salon, hésitante, gênée par ce qui s’était passé la veille. Elle semblait plus petite, comme si elle voulait disparaître. Virginie leva les yeux, lui sourit doucement et tapota la place à côté d’elle.

— Viens t’asseoir, ma puce. Je vais te préparer un chocolat chaud.

Agathe hocha la tête et s’approcha. Elle s’assit en silence, observant les deux femmes sans vraiment savoir où se mettre. Un instant plus tard, Virginie revint avec une grande tasse fumante qu’elle posa doucement dans ses mains.

Un coup frappé à la porte fit sursauter Agathe. Elle serra sa tasse, le souffle court.
— C’est juste Anaïs, la rassura Marie en posant une main sur son épaule. Elle est là pour t’aider.

Agathe acquiesça, sans oser parler.

Anaïs entra, un sac à la main, le visage sérieux mais doux. Elle s’accroupit devant Agathe avec un regard bienveillant.
— Bonjour Agathe. Je suis juste là pour regarder si tout va bien, d’accord ? Rien ne t’oblige à me parler. Mais si tu veux, je suis là.

Elle examina les bleus, les coupures, les marques. Puis elle se redressa, son regard croisant celui de Marie et Virginie.
— Il faut qu’elle aille à l’hôpital. Il y a des blessures qui doivent être examinées plus précisément, et ça nous permettra de faire un certificat médical.

Agathe pâlit, mais Marie se leva aussitôt.
— On y va toutes les trois. Tu n’es pas seule, d’accord ?

Point de vue d’Agathe

La voiture roulait lentement. Elle regardait les immeubles défiler par la vitre sans vraiment les voir. Tout en elle tremblait, à l’intérieur comme à l’extérieur. L’hôpital l’angoissait. Elle n’aimait pas les endroits trop blancs, trop silencieux, trop... désinfectés. Il y régnait une odeur de froid et de produits chimiques qui lui retournait le ventre.

Marie avait glissé sa main dans la sienne en entrant dans la salle d’attente, un geste discret mais réconfortant. Virginie ne disait rien, mais elle lui jetait régulièrement des regards inquiets, prêts à parer à tout.

Quand son nom fut appelé, Agathe sentit son cœur s’emballer. Elle se leva lentement, suivit l’infirmière, et entra dans une petite pièce aux murs pâles. Un bureau. Une table d’examen. Une chaise. Elle s’assit, le dos droit, les mains crispées sur ses genoux.

Quelques minutes plus tard, le médecin entra. Une femme d’une cinquantaine d’années, les cheveux tirés en un chignon lâche, des lunettes au bout du nez. Elle portait une blouse blanche froissée, et un badge avec son prénom : Docteure Élise Garnier.

Elle lui adressa un sourire tranquille, pas forcé.

— Bonjour Agathe. Je suis la docteure Garnier. Je vais juste t’examiner pour voir comment tu vas. Rien de méchant, d’accord ?

Agathe hocha la tête, sans oser parler. Sa gorge était nouée.

— Si quelque chose te met mal à l’aise, tu me le dis, d’accord ? Rien ne se fera sans ton accord.

La docteure s’assit en face d’elle, prit quelques notes, puis releva les yeux.
— Tu n’es pas obligée de me dire ce qui s’est passé. Mais parfois, mettre des mots dessus, ça aide. Même juste un peu.

Agathe regarda ses mains. Ses ongles rongés. Ses phalanges rouges. Elle n’avait pas envie de parler. Mais... il y avait ce regard, en face. Pas un regard qui jugeait. Un regard qui écoutait. Et ça, c’était rare.

— Ma mère est morte quand j’étais petite, souffla-t-elle. Je me souviens même plus de son visage. Juste... une odeur de lavande. C’est tout ce qu’il me reste.

Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle les ravala.

— Après, mon père a commencé à boire. Ça a pris de la place. Trop de place. Il criait souvent. Puis... il a commencé à frapper.

Sa voix tremblait, mais elle continuait, comme on ouvre doucement une porte trop longtemps fermée.

— Au début, c’était juste quand il avait trop bu. Puis... même quand il était sobre. Je savais jamais ce qui allait déclencher la colère. Un mot. Un regard. Un plat raté.

Elle se tut un instant, reprenant son souffle.
— Et hier soir... c’était pire que d’habitude. J’ai eu peur qu’il me tue. Alors j’ai appelé Mme Leblanc. J’ai... j’ai rien réfléchi. J’ai juste appelé.

Le silence tomba, pesant. La docteure posa doucement sa main sur le bureau, ouverte, paume vers le haut. Elle n’essaya pas de la forcer, juste... une présence.

— Merci de m’avoir raconté tout ça, Agathe. Tu es très courageuse. Ce que tu as vécu est injuste, inacceptable. Et ce n’est pas de ta faute. Tu entends ? Ce n’est jamais ta faute.

Agathe hocha la tête, les lèvres serrées.

— Je veux pas y retourner... souffla-t-elle dans un sanglot retenu. Je veux plus jamais y retourner.

La docteure hocha la tête à son tour, avec une détermination douce.

— On va faire ce qu’il faut pour que tu sois en sécurité. Tu n’es plus seule. Tu es entre de bonnes mains maintenant. Et on va t’accompagner, pas à pas.

Pour la première fois depuis longtemps, Agathe sentit une étincelle en elle. Pas encore de l’espoir. Mais une possibilité.

Point de vue de Marie et Virginie

Dans une salle attenante, le médecin venait de finir son rapport. Une policière était là, accompagnée d’un lieutenant. La discussion était formelle, mais tendue.

— Elle va être prise en charge rapidement par un foyer d’accueil, dit le lieutenant. On va activer les procédures.

Virginie fronça les sourcils, se tourna vers Marie.

— Non. On ne peut pas la laisser aller là-bas. Souviens-toi, l’année dernière on a fait les démarches pour adopter. On a toutes les habilitations, non ?

Le lieutenant haussa un sourcil, surpris.
— Vous êtes bien enregistrées dans la base en tant que candidates à l’adoption, oui. Mais je dois vérifier pour un placement d’urgence. C’est un cadre différent. Je me renseigne.

— Faites vite, dit Marie, le regard ferme.

Quelques instants plus tard, elles retrouvèrent Agathe, qui les attendait dans un petit couloir, les yeux fatigués mais plus vifs.

— On t’emmène avec nous, murmura Virginie. On va tout faire pour que tu restes à la maison.

Quelques heures plus tard, le lieutenant revint vers elles, un dossier sous le bras.

— Il faudra qu’une assistante sociale vienne évaluer votre logement, mais vous avez effectivement les qualifications nécessaires pour l’accueillir en tant que famille d’accueil. Vu la situation, ce sera rapide.

Marie hocha la tête avec gratitude, tandis que Virginie esquissa un sourire fatigué.

— Une chance que tu connaisses les rouages, murmura Marie.
— C’est pas une chance, répondit Virginie. C’est une revanche.

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