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PetitePlume
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Chapitre 3 : Une élève différente

Le soleil de midi baignait la cour du collège d’une lumière douce quand Marie rejoignit la cantine, son sac en bandoulière et un léger sourire aux lèvres. La matinée s’était bien déroulée. Elle était encore habitée par le calme feutré de sa salle de classe, par les visages nouveaux, curieux, parfois nerveux, qu’elle avait commencé à apprivoiser.

Elle aperçut Virginie déjà installée à une table, en grande conversation avec deux collègues d’EPS, visiblement en train de plaisanter autour d’un plateau bien rempli. En voyant Marie s’approcher, elle se redressa un peu et lui adressa un clin d’œil complice.

— Alors ? demanda Virginie alors que Marie prenait place à ses côtés. Tes petits sixièmes ont survécu à leur première matinée ?

— Plutôt bien, oui. Ils sont attentifs, un peu impressionnés... mais très mignons. J’ai un bon pressentiment. Et toi, tu as déjà eu des classes ?

— Pas encore. Cet après-midi j’attaque les 5e et les 6e. Mais ce matin, j’ai déjà dû rassurer deux élèves perdus qui cherchaient leur salle à l’autre bout du bâtiment… Elle rit doucement. Le traditionnel baptême du feu.

Autour d’elles, les conversations allaient bon train. Les profs principaux échangeaient leurs premières impressions, souvent enthousiastes, parfois un peu plus circonspectes.

— J’ai hérité d’un groupe très bavard, grommela un prof d’histoire, mais bon, c’est toujours comme ça au début…
— Moi, j’ai une élève qui a déjà perdu sa fiche d’emploi du temps, dit une autre en secouant la tête. À croire qu’elle s’est évaporée.

Marie écoutait tout en mangeant par petites bouchées. Elle était là, au milieu des siens. Ce rituel du déjeuner entre collègues, ces éclats de voix, ces récits de rentrée un peu cocasses, c’était une autre manière de reprendre pied dans la réalité du collège.

Virginie posa brièvement sa main sur la sienne, un simple contact, discret mais chargé de tendresse.

— Tu fais toujours ton effet, tu sais, souffla-t-elle avec un sourire. On m’a dit que les 6e B avaient eu de la chance de tomber sur toi.

Marie baissa légèrement les yeux, un peu gênée par le compliment, mais touchée.

— J’essaie juste de faire au mieux. Chaque année, c’est une aventure différente.

Les plateaux se vidaient, les voix s’apaisaient. Bientôt, il serait l’heure de repartir vers les salles, vers les cours, les copies, les rituels.

Mais pour l’instant, c’était encore le moment du lien, de la complicité, du partage.

Point de vue Marie

C’était officiellement le premier vrai cours de l’année. Marie se tenait devant sa classe de 6e B, cette même classe qu’elle avait accueillie le matin en tant que professeure principale. Mais cette fois, elle portait une autre casquette, celle de professeure de français. Elle le savait : pour beaucoup d’élèves, ce changement subtil de posture pouvait être un peu déroutant.

Elle sourit doucement, puis annonça avec humour :

— Ce matin, j’étais votre prof principale. Cette heure-ci, je suis votre professeure de français. Je reste ouverte à toutes vos questions… mais à la fin du cours seulement. Pour l’instant, on va se concentrer sur une matière qui, j’en suis sûre, va vous passionner : le français.

Quelques élèves ricanèrent. Marie n’en prit pas ombrage. Elle savait très bien que le français ne remportait pas toujours tous les suffrages, surtout quand il fallait conjuguer ou analyser un texte. Mais elle avait appris, au fil des années, à désamorcer les réticences avec une touche d’ironie et une bonne dose de bienveillance.

Elle se mit à arpenter la salle, calmement, expliquant les grandes lignes du programme de l’année : la lecture de contes, de poèmes, les premières rédactions, la grammaire aussi — parce qu’il le fallait bien. Elle parlait avec une voix douce mais assurée, ponctuant ses phrases d’anecdotes, rendant chaque point un peu plus vivant, plus proche.

Pendant qu’elle parlait, elle observait. Elle avait cette capacité à analyser une classe presque instinctivement. Déjà, elle distinguait les "intellos" qui prenaient des notes avec un sérieux presque attendrissant, les "bavards" qui chuchotaient en pensant passer inaperçus, les "clowns" qui tentaient de capter l’attention par un regard ou un sourire exagéré. Elle notait mentalement, sans juger, simplement pour apprendre à connaître.

Et puis, il y avait cette élève, Agathe Gérard. Elle l’avait déjà repérée ce matin : discrète, presque effacée. Maintenant qu’elle était assise à sa place, le regard fixé sur son cahier, elle semblait encore plus repliée sur elle-même.

Marie s’approcha doucement de son bureau, comme au fil d’une promenade naturelle à travers la classe. Elle jeta un œil rapide sur le cahier d’Agathe : tout était soigneusement recopié, l’écriture appliquée, un peu tremblante. Elle ne dit rien, ne la força pas à parler. Elle nota juste, intérieurement : élève sérieuse, mais méfiante. À apprivoiser avec douceur.

Le cours continua tranquillement. Marie prenait le temps d’installer son rythme, de créer ce climat rassurant qu’elle affectionnait tant. Il ne s’agissait pas seulement de transmettre un savoir, mais de créer un espace où chaque élève pouvait se sentir écouté, reconnu.

À la fin de l’heure, elle laissa quelques minutes pour les questions. Une main se leva timidement au fond de la classe. Marie sourit : le lien commençait à se tisser.

Point de vue de Virginie :

Après la pause de l’après-midi, c’était au tour de Virginie de récupérer les 6e B dans la cour. Elle les attendait, mains dans les poches, adossée au mur de pierre chaude du bâtiment principal. Dès qu’elle les vit arriver, elle leur fit signe de se ranger en deux lignes.

— Allez, en rang par deux, on y va tranquille. C’est pas l’armée, mais un peu d’ordre, ça fait pas de mal.

Elle les mena jusqu’à une salle de classe classique, pas le gymnase. Pour ce premier cours, elle savait qu’aucun élève n’aurait encore pensé à prendre une tenue de sport.

— Installez-vous où vous voulez, lança-t-elle en s’asseyant avec nonchalance sur le coin de son bureau. J’suis pas une prof "nian-nian". Moi, c’est Madame Leblanc, votre prof de sport.

Elle vit les regards perplexes se croiser entre les élèves, et ne put s’empêcher de sourire. Elle connaissait la suite par cœur.

— Avant que toutes vos questions fusent, enchaîna-t-elle, le sourire taquin, oui, je connais votre prof de français. Non, je ne vous dirai pas pourquoi on a le même nom. Et oui, je sais que c’est cruel de pas vous le dire. Mais faut bien que je m’amuse un peu aussi. Vos théories sont toujours géniales, j’en fais une collection d’ailleurs.

Quelques rires s’élevèrent. L’ambiance était posée : vivante, détendue, propice à l’échange. Virginie adorait ce moment où elle brisait la glace. Elle sentait déjà certains élèves se détendre, sourire, oser parler.

— Pour simplifier les choses, vous pouvez m’appeler par mon prénom : Virginie. Ça n’enlève rien au respect que vous me devez. C’est juste plus clair, vu que "Madame Leblanc", ça fait doublon avec... l’autre Madame Leblanc. Et je vous préviens, y a pas de compétition entre nous, hein, elle est bien plus sage que moi.

Elle expliqua ensuite pourquoi ils n’étaient pas au gymnase aujourd’hui : pas de tenue, pas de panique. La prochaine fois, ils se retrouveraient directement dans la cour et iraient ensemble jusqu’au bâtiment de sport, juste à côté du collège.

Puis elle passa au contenu de l’année.

— On va fonctionner par trimestre. Le premier, ce sera triathlon : Mais attention, pas un triathlon classique. Ici, on oublie la natation. Cette année, ce sera course, vélo, et… tir à l’arc, pas forcément dans cet ordre. Le deuxième, on retrouve la natation, et le troisième, basket. Et pour le triathlon, y a une motivation en plus : on va courir pour une cause. Une vraie.

Les regards s’étaient recentrés sur elle. Même les plus dissipés semblaient curieux.

— Pendant vos heures de vie de classe, vous choisirez une association à défendre. Ensuite, on fera une élection pour désigner celle qu’on soutiendra tous ensemble. L’idée, c’est de mêler sport et action civique. Vous allez transpirer pour une bonne cause.

Elle avait ce talent naturel pour parler aux ados, les entraîner avec elle sans en avoir l’air. Elle ponctuait son discours de clins d’œil, de mimiques, de petits gestes familiers mais jamais déplacés.

Et pourtant, malgré l’ambiance bienveillante, elle en remarqua une, au fond de la classe, qui restait fermée. Agathe Gérard. Elle ne participait pas aux échanges, baissait les yeux dès qu’on s’adressait à elle. Une ombre parmi la lumière.

Virginie le nota, silencieusement. Elle ne forcerait rien. Mais elle garderait un œil sur elle.

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