Le rendez-vous avec le principal s’était bien passé, et Agathe était soulagée d’avoir partagé la nouvelle avec l’établissement. Le soutien de l’école ne faisait aucun doute, mais il restait la grande inconnue : son père.
Le lendemain, c’était au tour d’Agathe de rencontrer l’avocat. Marie et Virginie l’avaient accompagnée, comme à chaque étape importante, mais c’était un moment plus particulier. La situation devenait de plus en plus réelle, et la pression était palpable.
Dans le petit bureau de l’avocat, une atmosphère tendue s'était installée.
— Écoute, Agathe, il faut que tu saches que ton père n’a pas l’intention de rendre les choses faciles. Il a envoyé une lettre à notre cabinet en indiquant qu’il voulait s’opposer à l’adoption, et il a engagé un avocat. Mais le plus inquiétant, c’est qu’il a aussi fait des menaces plus personnelles. Des menaces qui touchent… Marie et Virginie.
Les mots durs de l’avocat firent sursauter Agathe. Elle serra les poings, la gorge serrée.
— Que… qu'est-ce qu'il a dit exactement ? demanda-t-elle d’une voix tremblante.
L’avocat s’éclaircit la gorge, avant de répondre lentement :
— Il a menacé de s’en prendre physiquement à vous deux, Marie et Virginie, si jamais vous persistez dans cette démarche. Il a dit qu’il "ne tolérerait pas qu’on lui prenne sa fille".
Agathe sentit son cœur s’arrêter un instant. Son père, bien qu’il ait été un tyran de loin, semblait prêt à tout pour la récupérer. Mais il n’était plus qu’une ombre menaçante du passé, non ?
— Vous voulez dire… qu'il pourrait faire du mal à Marie et Virginie ? interrogea-t-elle, les yeux grands ouverts, une peur sourde se réveillant en elle.
L’avocat la fixa sérieusement.
— Oui, c’est une menace sérieuse. Vous devez être sur vos gardes. Nous allons essayer de renforcer la sécurité autour de vous, mais il faut vous préparer à ce que ce soit difficile. Ce n’est pas seulement une question juridique, c’est devenu une question de sécurité.
Quelques jours plus tard, un incident se produisit. Marie et Virginie sortaient du collège. Agathe était déjà rentrée, accompagnée de Julie. Alors qu’elles approchaient du parking, un homme qu’elles n'avaient pas immédiatement reconnu s’approcha d’elles. Ses yeux étaient remplis de colère, et son pas lourd ne laissait rien présager de bon.
C’était Ruddy Gérard.
— Vous croyez vraiment que vous allez me voler ma fille comme ça ? cracha-t-il en s’approchant, les poings serrés. Vous n’avez rien compris, hein ?
Marie et Virginie s’arrêtèrent immédiatement, un frisson glacé parcourant leur échine. L’homme se tenait devant elles, menaçant, sa présence imposante. Virginie prit la main de Marie avant de se mettre devant elle.
— Vous pouvez bien vous entourer d’avocats, de juges, de toute la paperasse du monde, mais je suis son père ! Et je vais la récupérer, peu importe ce qu’il faudra faire. Vous n’êtes rien pour elle !
Virginie, plus calme que jamais, tenta de garder son sang-froid.
— Nous sommes ses mères maintenant, Mr Gérard. Agathe est bien plus en sécurité avec nous qu’avec vous.
L’homme éclata d’un rire amer.
— Sécurité ? Vous croyez que vous la protégez ? Vous n’avez même pas idée de ce que je suis prêt à faire pour récupérer ce qui m’appartient. J’ai tout le temps qu’il faut, et si je dois vous faire comprendre que vous ne pouvez pas jouer à la famille avec ma fille, je le ferai !
Il s’avança d’un pas lourd, et là, pour la première fois, Marie et Virginie se rendirent compte de la violence dans ses yeux. Mais, au moment où l’atmosphère devint insupportable, un professeur sortit du bâtiment et s’approcha, perturbant la confrontation.
— Monsieur Gérard ! Vous devez partir immédiatement ! ordonna le professeur, reconnaissant l’homme. Je vais appeler la sécurité.
Ruddy Gérard lança un dernier regard furieux à Marie et Virginie, puis se détourna brusquement, avant de disparaître dans la rue.
Le cœur de Marie battait à tout rompre. Elle se tourna vers Virginie, son regard empreint de détermination.
— Il va falloir être prêts, vraiment prêts. Il ne reculera devant rien.
Virginie prit Marie dans ses bras, la serrant fort.
— Il a fait sa première erreur aujourd’hui. Il sait qu’il a affaire à nous. Et on ne le laissera pas nous faire peur.
Le soir, en rentrant chez elles, Marie et Virginie étaient plus silencieuses que d'habitude. L’atmosphère était différente, plus tendue. Elles ne voulaient pas qu’Agathe s’inquiète, alors elles décident de ne rien lui dire ce soir-là. Elle avait le droit à une soirée tranquille avant le début du procès demain.
Julie et Agathe étaient dans la chambre, Marie et Virginie en profitaient pour échanger sur ce qui s’était passé.
Marie souffla, le regard sombre :
— Il est prêt à tout. Et nous aussi. Ce n’est plus seulement une question d’adoption, c’est une question de survie pour Agathe.
Virginie hocha la tête, et un lourd silence s’abattit sur la pièce. Mais leurs mains, jointes sur la table, étaient plus fortes que jamais.