Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
PetitePlume
Share the book

Chapitre 5 : Se rapprocher d’elle

Point de vue : Virginie

Depuis le jour du cours de tir à l’arc, Virginie observait Agathe avec plus d’attention. Elle ne se contentait plus de corriger une posture ou de lancer une plaisanterie. Elle scrutait ses gestes, sa façon de marcher, de lever les bras, de réagir aux consignes. Et parfois, elle remarquait des choses. Une grimace à peine perceptible. Une raideur dans l'épaule. Une gêne quand il fallait changer de tenue pour l’EPS.

Ce jeudi-là, en cours d’EPS, elle demanda à ses élèves de faire des étirements à deux, par binôme. Elle circulait entre eux, rectifiait une posture, encourageait un effort. Quand elle arriva près d’Agathe, en train de s’étirer les bras avec une camarade, elle s’accroupit doucement.

— Tu peux lever un peu plus le coude ? Comme ça, regarde…

Elle approcha sa main, et sans vraiment y penser, elle effleura à nouveau le bras de la jeune fille.

Elle sentit la crispation immédiate.

Et elle vit, sous la manche légèrement retroussée, un autre bleu. Différent de celui de l’autre jour. Plus jaune sur les bords, signe qu’il guérissait. Mais un autre, quand même. Trop proche, trop fréquent.

Elle ne dit rien. Mais son regard croisa celui d’Agathe.

Et dans ce regard, il y avait la peur.

Point de vue : Marie

Marie aussi avait remarqué des choses. Agathe portait toujours des vêtements amples, même quand il faisait chaud. Elle se tenait voûtée, comme pour disparaître. Et chaque fois qu’on parlait de famille en classe, même de manière anodine, son regard devenait vide. Absent. Lors d’une conversation avec Virginie, elles avait convenu qu’elle essayerai une approche pour lui parler

Marie l’avait appelée à la fin d’un cours.

— Agathe, attends deux minutes…

La jeune fille s’était figée, ses doigts se contractant autour de la lanière de son sac.

— Tu as l’air épuisée ces derniers temps. Si quelque chose ne va pas… tu sais, on peut en parler. Parfois, c’est plus facile quand on n’est pas toute seule.

— Oui, oui, ça va, répondit-elle trop vite, les yeux fuyant.

Marie s’était mordue la lèvre, hésitante. Puis elle tenta :

— Tu sais, parfois, quand quelque chose ne va pas, ça peut aider d’en parler. Je peux t’écouter, ou même t’aider

Agathe resta silencieuse, regardant le sol.

— On pourrait peut-être… en parler avec tes parents ? Juste voir comment on pourrait t’aider un peu, si jamais…

Elle n’eut pas le temps de finir. Agathe recula d’un pas, raide comme un fil tendu.

— Non ! C’est bon… je vais mieux dormir, Je vous jure… c’est rien.

Elle essaya un sourire, rapide, trop large, faux.

— Je veux pas causer de souci.

Puis elle attrapa son sac et quitta la salle en vitesse.

Marie resta figée un instant, ravalant un soupir. Elle comprit, dans ce petit recul, ce trop plein d’empressement, qu’elle avait touché un point sensible. Elle n’avait pas voulu blesser. Mais c’était dit. Et Agathe s’était refermée comme une huître.

Le soir, chez Marie et Virginie

— J’ai vu d’autres bleus, murmura Virginie, le visage fermé. Certains plus anciens, d’autres plus récents… vu la couleur.

Marie ferma les yeux quelques secondes, les lèvres pincées.

— J’ai essayé de lui parler, moi aussi… Mais je me suis plantée. J’aurais peut-être dû m’y prendre autrement.

— Tu lui as dit quoi ?

Marie soupira, commença à raconter en tournant en rond dans la cuisine, incapable de tenir en place. Son agacement envers elle-même débordait dans chacun de ses gestes.

— J’ai dit un truc du genre… "Tu sembles fatiguée. Si quelque chose ne va pas, on peut peut-être en parler à tes parents." Et là… j’ai vu son visage se fermer. Tout de suite. Comme un mur qui tombe. Quand toi, t’as eu besoin de parler, j’ai réussi à trouver les mots. Mais là…

Virginie s’approcha, doucement, et la prit dans ses bras.

— Hey… t’as fait de ton mieux. Mais c’est pas la même chose. J’étais plus mature, je subissais plus rien… et surtout, je suis amoureuse de toi.

Sa voix tremblait légèrement, et des larmes perlèrent au bord de ses yeux en évoquant son propre passé. Elle inspira, reprenant le contrôle.

— Elle va se fermer, maintenant. Faut qu’on fasse attention. On peut pas la perdre.

Elles se regardèrent longuement, sans rien dire. Un silence épais, chargé de peur et de détermination.

— Et moi… j’ai peur de ce qu’on va découvrir, avoua Marie dans un souffle. J’ai vu la peur dans son regard. Et si c’est bien ce qu’on croit… il va falloir être fortes. Et très prudentes.

Marie sentit les bras de Virginie se resserrer autour d’elle, son souffle chaud dans son cou.
— On fera ce qu’il faut. Ensemble, murmura Virginie.

Elles restèrent là un moment, bercées par le silence et les battements rassurants de l’autre.

Puis Marie releva la tête, le regard un peu humide, mais déterminé.
— Je veux vraiment l’aider, tu sais… Je crois que je m’attache à elle.

Virginie lui répondit d’un sourire tendre, ses pouces effleurant les joues de sa femme.
— Moi aussi. Et c’est pour ça qu’on doit faire les choses bien. Pour elle.

Un silence plus doux les enveloppa à nouveau, comme un cocon. Marie attrapa la main de Virginie et la serra fort.
— On la laissera pas tomber.

— Jamais, souffla Virginie. On est deux.

Et dans ce simple "on", il y avait tout. La force, la peur, l’amour, la promesse.

Point de vue : Agathe

Pourquoi est-ce qu’elles s’intéressaient à elle maintenant ? Pourquoi elles voyaient, alors que personne d’autre ne voyait jamais rien ?

Elle sentait leurs regards, leurs gestes doux, mais précis. Et ça lui faisait peur. Elle n’était pas prête.

Elle se souvenait encore des mots, ceux de son père, murmurés froidement un soir où elle avait voulu dire quelque chose à une voisine.

« Si tu causes des problèmes, je te jure que tu le regretteras. Et personne te croira. »

Elle voulait faire confiance. Vraiment. Mais à quoi bon ? Chaque fois qu’elle hésitait, qu’elle voulait parler, quelque chose en elle criait non. Le risque était trop grand. Mais parfois, une toute petite voix au fond d’elle soufflait : et si, cette fois, c’était différent ?

Et quand la professeure avait mentionné son père, son cœur avait bondi dans sa poitrine. Elle avait entendu son ton calme, mais elle avait vu son visage. Qu’est ce qu’elle savait vraiment? Si jamais elle convoquait son père… ce serait encore pire. Bien pire.

Elle devait trouver un moyen de les faire lâcher. Qu’elles arrêtent de vouloir l’aider.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet