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PetitePlume
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Chapitre 16 : Marcher ensemble

Le lundi matin, Agathe pénétra dans le collège, le cœur un peu plus léger que les semaines précédentes.
Mais la réalité la rattrapa vite. Dans les couloirs, les regards en coin étaient encore là, lourds de jugements silencieux.

À la récréation, alors qu'elle s'asseyait seule sous le préau, elle entendit un groupe d’élèves chuchoter non loin :

— C’est elle, la fille de la "famille d'accueil", hein ?
— Ouais, une cassos. T’as vu ses fringues ? Pff...

Agathe sentit la honte grimper en elle, comme un poison.
Elle baissa la tête, tentant de se faire toute petite.

Soudain, une voix s’éleva, forte et claire :

— Hé ! Fermez-la un peu. Vous savez rien.

C’était Julie, une fille de sa classe, courageuse malgré ses joues rougies par la colère.

Les moqueries se turent aussitôt.
Mais Agathe n’en pouvait plus. Elle ramassa ses affaires à la hâte et partit en courant vers les toilettes.

Marie, qui passait par hasard dans la cour pour déposer des papiers au secrétariat, la vit filer, les larmes aux yeux.
Sans hésiter, elle la suivit.

Dans les toilettes, Agathe était recroquevillée contre un mur, secouée de sanglots silencieux.
Marie s'agenouilla près d'elle, sans un mot, et lui tendit doucement un mouchoir.

— Viens, ma puce. On rentre, murmura-t-elle.

Dans la voiture, Agathe regardait fixement la route, les yeux brillants.
Marie respecta son silence quelques minutes avant de parler doucement :

— Tu veux m’en parler ?

Agathe renifla.

— Ils... ils pensent que je vaux rien... Que je suis qu'une assistée...

Sa voix se brisa.
Marie posa une main sur son genou, un geste simple, plein de chaleur.

— Ils ont tort. Et même si parfois tu y crois un peu... nous, on sait la vérité, Agathe. Et on est là pour te la rappeler.

Le soir, dans leur lit, Marie et Virginie discutèrent à voix basse, sous les draps.

— Ça m’a brisé le cœur, souffla Marie. De la voir comme ça...

Virginie caressait distraitement la main de Marie, songeuse.

— On doit l’aider. Lui montrer qu’elle a de la valeur. Pas juste à travers nous... À travers ses pairs aussi.

— Mais comment ?

Un sourire malin étira les lèvres de Virginie.

— J’ai une idée. Laisse-moi m’en occuper demain.

Le lendemain matin, dans le gymnase, Virginie prit la classe d'Agathe en charge.
Pas d'échauffement aujourd’hui. Elle regarda les élèves, sérieuse.

— Mettez-vous en ligne, ordonna-t-elle.
— Prenez un bandeau et couvrez-vous les yeux.

Un murmure surpris courut dans la salle, mais tout le monde obéit.

Virginie marcha lentement devant eux, sa voix douce mais ferme :

— À chaque question que je vais poser, si la réponse est oui pour vous, avancez d’un pas. Si c’est non, vous restez sur place. Ne trichez pas. Ce n’est pas une compétition.

Elle commença avec des questions anodines :

— On vous a déjà fait un câlin cette semaine ?
— Quelqu’un vous a déjà donné un surnom affectueux ?

Les élèves riaient doucement au début. Certains avançaient, d’autres restaient immobiles.

Puis les questions changèrent de ton :

— On vous a déjà insulté ?
— Quelqu’un vous a-t-il déjà fait sentir que vous n’étiez pas assez bien ?
— Vous êtes-vous déjà senti seul, au point d’en avoir mal physiquement ?
— Vous a-t-on déjà frappé ? Blessé, humilié ?

Le rire mourut. Un silence épais tomba sur le gymnase.
À chaque question, des élèves avançaient, certains hésitaient, d’autres pleuraient presque.

Quand elle estima que le moment était venu, Virginie s'arrêta.

— Maintenant... ôtez vos bandeaux.

Les élèves regardèrent autour d’eux.
Certains étaient loin devant, d’autres restés bloqués près de la ligne de départ.

Un frisson parcourut la salle.

Virginie les regarda tous, un par un.

— Vous voyez ? Vous êtes tous partis du même endroit... mais aucun de vous n'a avancé de la même façon.
Chacun porte des cicatrices que les autres ne voient pas.
Ce qui fait de vous des êtres uniques. Ce qui mérite le respect.

Elle marqua une pause, laissant le poids de ses mots descendre dans les cœurs.

— Alors, la prochaine fois que vous jugez quelqu'un sur ce que vous pensez savoir de lui… souvenez-vous : vous ignorez d’où il vient. Vous ignorez ce qu’il a traversé.

Elle avança de quelques pas, croisant le regard d'Agathe.

— À présent, mettez-vous deux par deux. Avec la personne la plus proche de vous.
Durant toute la semaine, votre destin sera lié. Vos devoirs, vos notes... tout sera en commun. Si l’un échoue, l’autre aussi.

Des protestations s’élevèrent, mais Virginie leva la main :

— Si vous n’êtes pas contents de votre binôme... tant pis pour vous. Vous apprendrez que l’amitié, le respect, la solidarité... parfois, ça ne se choisit pas. Ça se construit.

Et dans ce silence lourd d’émotions, quelque chose bascula.
Une graine fut plantée dans le cœur des élèves.

Après le cours de sport, les élèves regagnèrent la salle de français, encore un peu chamboulés.
Agathe, la tête pleine de pensées, marcha aux côtés de Julie, sa nouvelle binôme.
Pour la première fois depuis longtemps, elle sentait une petite bulle de chaleur dans son ventre : quelqu'un s'était rangé de son côté.

En entrant en classe, Marie les accueillit d’un sourire en coin, ses lunettes glissant un peu sur son nez.

— Installez-vous, fit-elle avec sa voix douce.

Elle attendit que le silence se fasse, puis, d’un ton malicieux :

— Il parait que vos destins sont liés pour la semaine. J’ai eu vent de l'idée de ma chère collègue...

Quelques rires étouffés.

Marie déposa un tas de feuilles sur son bureau, théâtrale :

— Voilà qui tombe bien : aujourd’hui, vous allez commencer une dissertation. En binôme, évidemment.

Un léger gémissement général.

— Vous devrez écrire ensemble. Un seul texte. Deux cœurs, deux têtes, une voix.
Et j'attends que votre travail reflète autant vos différences que ce que vous êtes capables de construire ensemble.

Elle fit circuler les sujets :
"Écrire, c'est révéler son monde intérieur à travers celui des autres."
"Le voyage le plus important est souvent celui que l'on fait vers soi-même."

Agathe et Julie échangèrent un regard un peu inquiet, puis un sourire timide.
Elles allaient devoir travailler ensemble... et quelque part, cela n’effrayait pas Agathe autant qu’avant.

Le soir venu, chez Marie et Virginie, l’atmosphère était douce.
Le salon baignait dans la lumière chaude d’une lampe, une odeur de chocolat chaud flottait dans l’air.

Julie était venue dormir exceptionnellement, invitée par Agathe et les deux femmes, pour leur permettre de travailler ensemble dans un cadre serein.

Quand Julie franchit la porte d'entrée, elle s'arrêta net, un peu intimidée.
Agathe, qui n'était pas beaucoup plus à l'aise, lui fit un petit signe :

— T'inquiète... Viens.

La maison sentait bon la tarte aux pommes, et dans la cuisine ouverte, Virginie et Marie s'affairaient.
Virginie fouillait dans un placard tandis que Marie, concentrée sur une casserole, lui tendait la main sans même la regarder. Virginie l'attrapa, un sourire en coin, et effleura ses doigts avec douceur. Un geste simple, mais plein d'amour.

Julie, qui suivait Agathe timidement, s'arrêta quelques secondes pour les observer.

— Ça fait... bizarre de les voir comme ça, souffla-t-elle.

Agathe se tourna vers elle, un sourire en coin.

— De les voir proches ?
Julie hocha la tête, mal à l'aise.
Agathe haussa les épaules, comme si c'était devenu normal :

— Moi aussi, au début, ça me faisait bizarre. Mais... tu verras.
Elle hésita, puis ajouta doucement :
— Elles sont... elles sont super. C’est pas juste une maison. C’est un endroit où tu peux respirer.

Julie baissa la tête, touchée sans savoir quoi répondre.

Le dîner terminé, les filles décidèrent de s'installer dans le salon pour avancer leur dissertation.
Agathe étala les carnets sur la grande table basse, pendant que Julie s'affalait sur le tapis moelleux, stylo à la main.

Dans le canapé, Virginie et Marie étaient installées côte à côte, lovées l'une contre l'autre. Marie, épuisée par la journée, avait fini par s'endormir, la tête posée contre l'épaule de Virginie, un léger sourire aux lèvres.

Le salon baignait dans une lumière douce, quelques guirlandes suspendues aux poutres diffusant une clarté chaleureuse.

Julie fronça les sourcils, triturant son stylo nerveusement.

— Rohhh, mais c’est pas possible, grogna-t-elle en tapant du pied sur le tapis. J’y comprends rien à cette phrase !

Le bruit fit sursauter Marie qui releva la tête, un peu ensommeillée, les cheveux en bataille.

— Hmm ? Qu'est-ce qui se passe ? balbutia-t-elle en clignant des yeux.

Agathe éclata de rire, et Julie, un peu gênée, sourit en coin.

— On galère, voilà tout, dit Agathe en haussant les épaules.

Marie s'étira, un sourire endormi aux lèvres :

— Eh ben... moi je peux pas vous aider. Ce serait de la triche !
Elle bâilla puis ajouta avec un clin d'œil :
— Et vu l’heure, je décrète que c’est officiellement l’heure d'aller au lit. Vous finirez demain.

Virginie, amusée, tapota la main de Marie.

— Allez, zou, les élèves au lit !

Les filles rangèrent en riant leurs carnets et montèrent à l'étage, leur sac de couchage sous le bras.
Agathe ouvrit la porte de sa chambre, laissant Julie entrer en premier.

Quelques minutes plus tard, Virginie et Marie frappèrent doucement à la porte avant de passer la tête dans l'entrebâillement.

— Ça a été, Julie ? demanda Virginie avec un sourire tendre. Pas trop bizarre, cette première visite chez tes profs ?

Julie rit doucement, secouant la tête.

— Non... C’était chouette. Vraiment.

— Tant mieux, répondit Marie en s'appuyant contre l'encadrement de la porte.
Puis, adressant un clin d’œil à Agathe :
— Allez, bonne nuit, pumpkin. Et discutez pas trop tard, les pipelettes.

Elles refermèrent doucement la porte, laissant derrière elles une chambre baignée dans une lumière douce, emplie de chuchotements, de rires étouffés, et d'une toute nouvelle promesse d'amitié.

Dans la chambre d'Agathe

La lumière de la lampe de chevet était tamisée, baignant la pièce d’une lueur apaisante.
Agathe et Julie, chacune dans leur lit de fortune — Agathe dans son lit, Julie dans un sac de couchage posé au sol — chuchotaient encore dans l'obscurité, le rire discret d'une soirée complice.

Julie, allongée sur le dos, fixait le plafond.

— Elles sont géniales, souffla-t-elle. Vraiment.

Agathe tira la couette jusqu'à son menton et hocha la tête, même si Julie ne pouvait pas la voir.

— Oui... j'espère que... que ça durera, murmura-t-elle.
Un court silence passa. Puis, presque dans un souffle :
— Et que je retournerai jamais chez mon père.

Julie tourna légèrement la tête vers elle.

— Tu mérites d'être heureuse, tu sais, glissa-t-elle d'une voix douce.

Agathe ferma les yeux, le cœur serré mais empli d’une chaleur nouvelle.

— Toi aussi, Julie. Merci d'être là.

Un silence confortable s'installa. Puis leurs respirations se firent régulières, et peu à peu, elles s'endormirent, chacune portée par ce lien fragile mais précieux qui venait de naître.

Dans la chambre de Marie et Virginie

Virginie était en train de se mettre en pyjama, tirant distraitement sur son tee-shirt quand elle sentit le regard de Marie sur elle.
Marie l’observait avec un petit sourire satisfait, adossée au lit, les bras croisés.

— Bon... admit Marie en s’approchant doucement, ton idée était pas si mal, finalement.

Virginie arqua un sourcil, faussement offensée, en croisant les bras à son tour.

— Pas si mal ?! Madame Leblanc, je prends ça pour un compliment !

Marie éclata d’un rire discret, de peur de réveiller les filles, et attrapa la main de Virginie pour l’attirer doucement contre elle.

— Plus sérieusement, souffla-t-elle, je crois que ça a aidé Agathe à se faire une amie. Et... ça, c'est énorme.

Virginie appuya tendrement son front contre celui de Marie, un sourire doux au coin des lèvres.

— Peut-être bien que j’ai encore un ou deux bons coups à jouer... murmura-t-elle, malicieuse.

Marie glissa ses mains le long du dos de Virginie, effleurant ses reins, un air mi-taquin, mi-amoureux sur le visage.

— Tu sous-entends quoi, là ? demanda-t-elle doucement.

Virginie esquissa un sourire avant de déposer un baiser léger dans son cou.

— Moi ? Rien du tout... j'agis, répondit-elle dans un souffle.

Marie frissonna sous le contact et se serra un peu plus contre elle.

— Attends... les filles pourraient nous entendre..., chuchota-t-elle, un rire dans la voix.

Virginie haussa doucement les épaules, faisant mine de s'en moquer.

— Elles dorment. Et puis... un peu d'amour, ça fait pas de mal dans une maison, non ?

Marie leva les yeux au ciel dans un faux soupir, mais son sourire tendre la trahit complètement.
Elle attrapa Virginie par la nuque et l’embrassa doucement, avec une infinie tendresse, avant de murmurer tout contre ses lèvres :

— Heureusement que je t’ai.

Virginie sourit contre elle et la fit basculer doucement dans les draps, leur rire étouffé se mêlant au bruissement des couvertures.
Elles s’endormirent là, enlacées, unies par ce lien silencieux et indestructible, pendant que dans la chambre d’à côté, Agathe et Julie, elles aussi, construisaient doucement un début d’amitié précieuse.

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