Le lendemain matin
La maison était baignée dans une lumière pâle et dorée. Le silence n'était rompu que par quelques bruits doux venant de la cuisine : le cliquetis des tasses, le glouglou discret du café qui coulait, et les murmures étouffés de Marie et Virginie.
Dans la cuisine, elles préparaient tranquillement le petit-déjeuner. Virginie, encore en pyjama, les cheveux en bataille, étalait de la confiture sur des tartines pendant que Marie versait le chocolat chaud dans deux grands mugs colorés.
— Tu crois qu'elles dorment encore ? chuchota Virginie, jetant un regard vers l'escalier.
— Laisse-les profiter, répondit Marie dans un sourire tendre. Elles ont sûrement papoté tard hier soir.
À ce moment-là, des bruits de pas légers résonnèrent sur le parquet.
Agathe apparut en haut des escaliers, les yeux mi-clos, les cheveux ébouriffés, suivie de près par Julie, qui baillait à s’en décrocher la mâchoire.
Marie étouffa un rire en les voyant arriver.
— Deux zombies en approche, annonça-t-elle en murmurant, faussement solennelle.
Agathe grogna doucement, enveloppée dans une grande couverture, et vint s'affaler sur une chaise, bientôt imitée par Julie.
— Bonjour, mes belles, lança Virginie d'une voix douce. Bien dormi ?
Julie hocha la tête en bâillant encore, pendant qu'Agathe acquiesçait en se frottant les yeux.
— On a fait que papoter... marmonna Agathe d'une voix endormie.
Marie déposa devant elles deux bols fumants, puis embrassa tendrement les cheveux d’Agathe.
— Chocolat chaud et tartines. Manger, déclara-t-elle en tapotant la table.
Agathe adressa un petit sourire timide à Julie, qui le lui rendit aussitôt. Il y avait entre elles cette connivence toute fraîche, ce lien naissant qui donnait chaud au cœur.
Marie s'adossa au plan de travail, sa tasse de café entre les mains, et observa la scène avec tendresse. Virginie la rejoignit, glissant une main dans son dos pour le caresser distraitement.
— Elles sont adorables, hein ? murmura Marie tout contre elle.
Virginie acquiesça avec un sourire doux, avant de glisser ses doigts entre ceux de Marie, dans un geste simple, devenu naturel.
Autour de la table, les éclats de rire commencèrent doucement à remplacer les bâillements, et la maison s’emplit d’une atmosphère lumineuse et tranquille.
C’était peut-être ça, être une famille : se réveiller ensemble, se chamailler pour le dernier morceau de brioche, et rire sans raison particulière.
Dans la cour, vu par Virginie
Le soleil du matin baignait la cour du collège d'une lumière pâle.
Virginie traversait les grilles, son sac en bandoulière, son café encore chaud à la main. Elle ralentit légèrement en apercevant sa classe qui se rassemblait, comme tous les jours avant le premier cours.
Un réflexe : ses yeux cherchèrent Agathe.
Elle la trouva près d'un banc, blottie dans son pull trop grand, son sac glissé sur une épaule. Julie, fidèle au poste, était là aussi, lui parlant avec enthousiasme.
Virginie observa discrètement, un sourire naissant au coin des lèvres.
Il y avait quelque chose de différent ce matin. Une légèreté nouvelle flottait dans l’air.
Elle vit Thomas, un des garçons les plus énergiques, faire un geste amical de la main en direction d’Agathe. Rien d’exagéré. Juste... naturel.
D'autres élèves passaient près d’elle sans l’ignorer ni la bousculer. Un simple « Salut » échappé d'Élisa atteignit ses oreilles.
Virginie ralentit le pas, savourant l'instant.
Elle ne voulait pas se faire remarquer, pas briser cet équilibre fragile.
Agathe, elle, semblait ne pas trop savoir quoi faire de cette normalité soudaine. Elle regardait autour d’elle avec une prudence silencieuse... avant de se laisser gagner par un sourire minuscule. Un de ces sourires qu'on offre sans s'en rendre compte, quand on commence à croire que les choses peuvent vraiment changer.
Virginie sentit un pincement au cœur.
C'était pour ces petits moments-là qu'elle faisait ce métier.
Pour ce genre de miracle discret, qui n'avait l'air de rien, mais qui voulait dire tout.
En continuant son chemin vers la salle des profs, Virginie passa devant le panneau d'affichage du collège.
Un petit attroupement s'y était formé : quelques élèves lisaient avec attention un papier fraîchement épinglé.
Curieuse, elle s'approcha à son tour.
"Résultats du vote pour le triathlon solidaire"
Le regard de Virginie parcourut rapidement les lignes.
À l'unanimité – ou presque –, les élèves avaient choisi de reverser la totalité des fonds récoltés à une association de protection de l'enfance.
Virginie sentit son cœur se serrer un peu.
Elle esquissa un sourire discret, puis baissa les yeux, émue.
Un geste simple.
Mais lourd de sens.
Dans un coin de la cour, Agathe et Julie riaient doucement.
Et Virginie, en reprenant sa route, songea qu'il y avait des jours où l'on pouvait croire, vraiment, que les choses s'amélioraient.