Quelques semaines s'étaient écoulées depuis la rentrée. le rythme des cours était encré chez les élevés comme chez les professeur.
Ce jour là , le soleil de fin d’après-midi réchauffait encore le bitume du terrain de sport. Les 6e B, en short et baskets, trottinaient en riant autour du terrain pour s’échauffer. Le programme était intense, et chaque séance donnait son lot de défis. Virginie, fidèle à son style dynamique et impliqué, les menait dans des exercices de course, de vélo, et de tir à l’arc avec une énergie folle, observant les allures, les sourires, les respirations un peu trop rapides. Elle corrigeait les postures au passage, lançait une vanne ou un encouragement.
Lorsqu’elle demanda à la classe de se rassembler pour une première initiation au tir à l’arc elle circula parmi les élèves, ajustant la position des bras, corrigeant les mouvements d’épaule. Elle arrivait à Agathe, concentrée, silencieuse. Comme d’habitude.
Virginie se pencha pour corriger son geste, puis, d’un mouvement instinctif, remonta légèrement la manche de la jeune fille pour mieux dégager le coude.
Elle se figea.
Sous le tissu, plusieurs bleus. Vaste, violacé. Trop net. Trop rond. Ce n’était pas une éraflure de terrain, ni une trace laissée par une chute. C’était plus ancien, plus profond. Marqué.
Le corps avait parlé.
Virginie reglissa doucement la manche. Elle ne dit rien, pas tout de suite. Elle releva les yeux vers Agathe, qui fixait droit devant elle, les épaules tendues. Elle savait. Elle avait senti.
— Ça va ? demanda Virginie, doucement.
Agathe hocha la tête. Sans un mot. Sans un regard.
Virginie n’insista pas. Elle avait appris à reconnaître ce genre de silence. Ce genre de peur. Ce genre d’appel muet.
Le soir venu, dans leur salon encore imprégné des odeurs de dîner, Virginie se posa avec un peu plus de bruit que nécessaire au coté de Marie. Marie leva les yeux de son livre.
— Tout va bien ?
Virginie mit quelques secondes à répondre.
— J’ai vu un truc… aujourd’hui.
— Tu veux en parler ? demanda doucement Marie, posant sa main sur la sienne.
Virginie soupira, mordillant sa lèvre inférieure, visiblement partagée entre son envie d’agir et la prudence qui l’empêchait d’aller plus loin sans être certaine de ce qu’elle avait vu.
— C’est Agathe, tu sais, la fille de ma classe. Elle… a des bleus. Des petits, mais… ça m’a rappelé des trucs, murmura-t-elle.
Marie la regarda attentivement, cherchant à comprendre.
— Tu penses qu’elle subit des violences, comme toi… avant ? demanda Marie, la voix douce mais ferme.
Virginie se renfrogna légèrement, évitant le regard de sa femme.
— Je sais pas. Peut-être. J’ai pas envie de faire des hypothèses, mais… ces bleus m’ont fait un peu trop penser à ce que j’ai vécu. C’est difficile à expliquer, mais… ça me tord l’estomac.
Marie hocha lentement la tête, une expression de compréhension s’installant sur ses traits. Elle savait que Virginie portait encore des cicatrices invisibles, et elle était prête à l’écouter, à l’aider à poser des mots sur cette douleur. Elle se rapprocha d’elle, la prenant dans ces bras.
— Je sais ce que tu as traversé, Virginie, dit Marie doucement. Et si c’est le cas pour Agathe, on devra agir. Mais il faut être sûrs, d'abord. On ne peut pas se permettre d’agir sans être certaines. Et après, il faut une démarche où personne ne pourra nous reprocher quoi que ce soit.
Virginie la regarda alors, une lueur de gratitude dans les yeux. C’était ce genre de soutien qu’elle avait besoin, ce genre de présence tranquille mais ferme qui lui permettait d’avancer.
— Tu as raison, répondit-elle dans un souffle. Mais ça m’énerve… Tout ça. J’ai l’impression qu’il faut toujours qu’on soit à la fois prudentes et fortes, et que les autres ne voient jamais vraiment ce qu’il y a derrière nos sourires, derrière nos gestes.
Marie la serra un peu plus fort, rapprochant son visage du sien. Leurs yeux se rencontrèrent dans une tendre complicité.
— On fait ça ensemble, dit Marie d’une voix douce. Et si tu veux, je serai toujours là pour t’écouter. Toujours.
Virginie lui adressa un sourire, plus calme, plus sincère. Elle se laissa aller contre elle, elle était dans l’endroit où elle se sentait le plus en sécurité: ces bras