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11 : Le courage de l'instant

Clémence

Je me lève en traînant des pieds, le réveil affichant 5h30. La pièce est encore plongée dans l’obscurité, mais je n’ai pas le choix, il faut que je me mette à bosser. Je me dirige, les yeux encore lourds de sommeil, vers la kitchenette pour me préparer un café bien fort. Le silence est presque assourdissant, bien plus qu’à l’habitude. Aurélie ne rentre jamais le mardi soir, préférant se perdre dans des bras étrangers. Je ne compte plus les fois où elle est revenue au matin, me racontant, avec une candeur déconcertante, ses escapades nocturnes. Mais ce matin, l’absence de sa voix qui râle ou de la musique qui résonne à travers les murs me laisse un drôle de vide.

Je prends une première gorgée de café, espérant que la chaleur me réveille un peu. Il me reste tellement à réviser. Mon regard se pose sur l’horloge : j’ai une demi-heure avant de devoir partir pour les cours, et il faut absolument que je sois prête. Enfilant rapidement un jean et un pull confortable, je me dirige vers la salle de bain. Même pas le temps de me regarder dans le miroir, je n’ai qu’une idée en tête : être prête à temps et réussir à réviser avant que ma journée ne commence vraiment.

Je jette un œil furtif à mon téléphone pendant que je me brosse les dents. Toujours rien. Pas de message, pas de notification. Je n’ai pas de temps à perdre. Une matinée chargée m'attend.

- Génial! Je marmonne.

Si Gabriel ne m’envoie pas de message, tant pis. J’improviserai. De toute façon, ce plan n’a même pas vingt-quatre heures et il commence déjà à montrer ses failles.

Je me mets ensuite à réviser tout en enfilant mes chaussures. Ce matin, c’est biochimie et statistiques avancées. La biochimie me donne toujours du fil à retordre, surtout avec toutes ces molécules et leurs structures complexes. J’ai l'impression que chaque chapitre est plus difficile que le précédent. Et les statistiques… ne m’en parle pas. Entre les matrices et les probabilités, j’ai parfois l’impression de tourner en rond. Mais je dois m’y attaquer, coûte que coûte. L’examen est dans trois jours, et je n’ai pas de temps à perdre.

Avant de partir, je jette un coup d’œil à mes notes éparpillées sur la table de la cuisine. Ce n’est même pas un travail facile à retenir, c’est un vrai casse-tête. Mais je fais de mon mieux pour condenser les informations dans ma tête, même si je me doute que l’immense majorité de ce que je révise s’effacera dès que je franchirai le seuil de la porte.

Je sors de ma chambre, descend les escaliers du bâtiment et pousse la porte d’entrée. La fraîcheur du matin me fait frissonner légèrement, mais ce n’est pas ça qui me fait m’arrêter net sur le seuil.

Adossé à une voiture, Gabriel m’attend, les bras croisés et un sourire amusé sur les lèvres.

- Bonjour, mon ange.

Je plisse les yeux, interloquée.

- Pourquoi es-tu là ? On devait se retrouver à l’université.

Gabriel hausse les épaules, l’air nonchalant.

- C’était plus simple comme ça. Je serai votre chauffeur aujourd’hui, mademoiselle.

Je lève les yeux au ciel, à moitié soulagée, à moitié agacée par son attitude. Ce mec a un talent certain pour faire comme si tout était parfaitement normal. Ce n’est pas que je n’aime pas l’idée, mais le fait qu’il me surprenne ainsi me met toujours un peu mal à l’aise.

Je m’installe à côté de lui et il démarre la voiture, un air détendu sur le visage. La voiture roule en silence pendant quelques minutes, et l’atmosphère qui s’installe entre nous est presque légère. Gabriel met de la musique et commence à tapoter le volant au rythme de la chanson. J’essaie de me concentrer sur l’air qui passe par la fenêtre, mais les pensées tourbillonnent dans ma tête. Mon regard s’égare sur la route et je m’enfonce un peu plus dans mon propre stress. Est-ce qu’on va être vus en arrivant à l’université ? Est-ce qu’on attire déjà l’attention, même en voiture ? Que vont penser les autres ?

Je sens une tension qui se forme dans mes épaules. Je serre mes mains sur mon sac, les doigts crispés. C’est idiot, je le sais, mais tout ça me met mal à l’aise. Mon cœur commence à battre un peu plus vite. Et si on nous regardait ? Si quelqu’un venait me parler, me poser des questions sur cette situation qu’on n’a pas encore vraiment définie ?

- Ça va ? me demande Gabriel, sans détourner les yeux de la route. Son ton est léger, mais je perçois un petit éclat d'inquiétude dans sa voix.

Je prends une profonde inspiration, puis j’essaie de cacher le stress qui commence à m’envahir.

- Oui, c’est juste… c’est un peu bizarre, tu ne trouves pas ? Je me force à sourire, mais c’est difficile.

Gabriel hoche la tête et, avant même que je puisse en dire plus, il ajoute d’un ton décontracté, comme s’il voulait me déstresser un peu :

- Tu sais, tout le monde ici est concentré sur ses propres affaires. Si quelqu’un nous regarde, c’est juste parce qu’on est un peu différents, mais ce n’est pas plus grave que ça. Si tu veux, on peut juste ignorer les regards. Personne ne va venir te poser des questions.

Je fronce les sourcils.

- Tu es sûr ?

Il me lance un petit sourire en coin, sa voix plus douce cette fois.

- Bien sûr. En plus, c’est moi qui suis censé être le mec un peu bizarre avec la voiture, alors toi, tu ne risques rien. Puis, qui sait ? Peut-être qu’ils vont admirer ton goût pour les chauffeurs privés.

Je souris malgré moi. L'idée de Gabriel me rassure, même si la situation reste étrange.

Le trajet jusqu’à l’université se fait dans une atmosphère presque légère. Gabriel met de la musique, tapote le volant au rythme de la chanson, et me lance quelques regards en coin, l’air de s’amuser de la situation. Moi, je suis partagée entre amusement et nervosité. Cette mascarade semble déjà bien réelle, mais ses mots m’apaisent un peu.

En arrivant sur le parking de l’université, je me rends vite compte qu’on est loin d’être discrets. Plusieurs étudiants tournent la tête vers nous alors que Gabriel coupe le moteur. Il sort de la voiture comme si de rien n’était et vient ouvrir ma portière avec un sourire en coin.

- Mademoiselle, nous sommes arrivés.

Je descends, tentant d’ignorer les regards curieux qui nous scrutent.

- T’es obligé d’en faire autant ? je souffle entre mes dents.

- Évidemment, sinon c’est pas drôle, répond-il en riant doucement.

Mais à peine avons-nous fait quelques pas qu’une silhouette familière se plante devant nous, nous bloquant le passage. C’est lui. Théodore. Il est là, les bras tendus, comme s’il voulait nous empêcher d’avancer. Son regard passe de moi à Gabriel avec un mélange de colère et de surprise, ses yeux lançant des éclats sombres, comme des éclats de verre brisé. Je sens immédiatement une tension dans l’air, quelque chose de lourd et d’inattendu.

- Alors c’était donc ça ?! Tu m’as largué pour lui ?! s’exclame-t-il, furieux, sa voix trahissant toute l'amertume qu'il ne parvient plus à dissimuler.

Je cligne des yeux, abasourdie par son culot. Il n’a vraiment aucune décence. Il ose se tenir là, face à nous, comme si c’était moi la fautive. Ses mots m’atteignent, mais je suis trop choquée pour réagir immédiatement.

- Pardon ? Tu racontes n’importe quoi, Théodore, rétorqué-je, agacée, mes bras croisant instinctivement ma poitrine. Je suis fatiguée de ce genre de scène, de ses accusations incessantes.

Théodore ne se laisse pas impressionner et fait un pas en avant, me forçant à lever la tête pour lui faire face. Son regard est brûlant, presque accusateur, comme s'il cherchait à me faire sentir coupable. Il veut que je ploie sous son regard, mais il ne m’aura pas.

- Ah ouais ?! Tu me fais la morale, tu dis que c’est fini, et le lendemain, tu sors avec ce type ? Il pointe Gabriel d’un geste brusque, comme si sa simple présence était une preuve de trahison. Le mépris dans ses yeux est palpable.

Gabriel, jusque-là silencieux et observateur, se redresse légèrement. Il prend une grande inspiration et, avec une calme glaciale, croise les bras, son regard rivé sur Théodore. Je peux sentir qu’il commence à en avoir assez, lui aussi.

- « Ce type » est juste là, tu sais, il peut t’entendre, dit-il d'un ton sec, son regard ne quittant pas Théodore, son ton aussi implacable que l’acier. Il n'a pas l'air d'avoir l'intention de se laisser marcher sur les pieds.

Mais Théodore l’ignore royalement. Il me fixe à nouveau, et je vois bien que, dans sa tête, il a déjà tiré des conclusions. Il ne veut pas comprendre, il préfère accuser.

- T’es vraiment qu’une hypocrite, Clémence. Il crache presque les mots, les jetant comme des flèches acérées, visant droit au cœur. Un mélange de dédain et de rancune se lit dans ses yeux, et ses mots me frappent de plein fouet, comme une gifle en plein visage.

Je sens la colère monter en moi, m’envahir progressivement, telle une marée montante. Il ne manque pas d’air, ce type. Je suis prête à exploser, prête à mettre fin à tout ça.

- Tu sais quoi, Théodore ? Tu m’as saoulée. Tu ne supportes pas que je tourne la page et que je passe à autre chose ? C’est pas mon problème. Je laisse échapper un éclat de voix, bien décidé à lui tenir tête. Mes jambes tremblent légèrement, mais ma voix reste ferme, presque froide. Il a assez joué avec mes nerfs.

Théodore ricane, un sourire mauvais se dessinant sur ses lèvres, comme s’il venait de trouver la faille dans mon discours. Un sourire qui n’augure rien de bon, un sourire plein de mépris. Il se croit plus malin, il croit qu’il peut encore me blesser.

- Ah ouais ? T’as tourné la page ou tu me trompais déjà avec lui avant même qu’on se sépare ? Parce que, franchement, vu la vitesse à laquelle tu t’es recasée, c’est louche. Ses mots me frappent comme un coup de poing. Il essaie de me faire douter, de semer le trouble dans mon esprit. Mais il ne sait pas à quel point il se trompe.

Avant que je puisse répondre, ou même réagir à sa provocation, Gabriel intervient d'une voix tranchante, son regard maintenant dur comme de la pierre.

- Peut-être que si t’avais passé moins de temps à jouer au grand macho jaloux, elle t’aurait pas largué, non ? Les mots de Gabriel tombent comme un couperet, tranchant et implacable. Il ne cherche même pas à dissimuler son agacement. Il ne va pas laisser Théodore me rabaisser davantage.

Les amis de Gabriel, qui ont assisté à toute la scène de loin, s’approchent maintenant, les uns après les autres. Léo, toujours aussi moqueur, ricane, visiblement ravi de la situation. Il semble prendre un malin plaisir à voir Théodore dans une position aussi inconfortable.

- Ah bah voilà pourquoi il intervenait à chaque fois que Théodore s’en prenait à elle ! Petit cachotier, va ! dit-il en se moquant, un sourire en coin. Léo, avec son humour décalé, n’a pas l’air d’être du genre à prendre la situation trop au sérieux, mais il ne manque jamais une occasion de faire une remarque.

Julien, lui, tape dans le dos de Gabriel en riant, comme si l'humiliation de Théodore était la meilleure partie du spectacle. Son ton est plus léger, mais il y a un brin de fierté dans ses yeux. Gabriel n’a jamais été du genre à laisser quelqu’un s’en prendre à ses proches, et tout le monde le sait.

- Faut croire que t’étais pas juste un chevalier servant, hein ? Julien lance la phrase en plaisantant, mais il y a quelque chose de sincère dans sa voix. Gabriel a toujours été là pour nous, pour me protéger, et ça, tout le monde l’avait bien vu.

Théodore, furieux et désormais rouge de colère, s’apprête à répliquer, à lancer une nouvelle attaque. Mais avant qu’il ne puisse sortir un mot de plus, je fais un pas en avant, mes mains serrées en poings. Je suis prête à en finir, à ne plus laisser ce type me faire du mal, à ne plus le laisser jouer avec mes émotions.

Et là, ma main s’abat sur sa joue avec un claquement sonore, résonnant dans l’air autour de nous. C’est comme si le temps s’était suspendu un instant. Le bruit de ma gifle résonne dans le silence, et tout autour de nous, les regards se tournent vers nous. Le choc est palpable.

Théodore reste là, les yeux ronds, comme s’il n’avait pas compris ce qui venait de se passer. Il touche sa joue, encore sous le choc, comme s’il ne croyait pas ce qu’il venait de vivre. Il me dévisage, sans savoir s’il doit être furieux ou choqué. Mais dans ses yeux, il y a une sorte de reconnaissance. Il sait qu’il a franchi une ligne qu’il ne peut pas revenir en arrière.

Je le fixe intensément, mon souffle rapide, mes yeux flambant de colère. Il m’a poussée trop loin, et maintenant, il doit assumer.

- Ça, c’est pour toutes les conneries que t’as pu me dire, je lance froidement, mes mots tranchant l’air autour de nous. Ma voix est claire, dénuée de tout sentiment. Je n’ai plus rien à lui prouver. Il m’a blessée, il m’a manipulée, et ce silence après ma gifle est tout ce dont il a besoin pour comprendre que je suis en train de tourner la page.

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