Clémence
Trois semaines. Cela fait déjà trois semaines que je vis avec les garçons, et étonnamment, tout se passe plutôt bien. Ils respectent mon espace, même si ça ne les empêche pas de me taquiner dès qu’ils en ont l’occasion. J’ai pu aller à mes soirées films chez Aurélie, gardant un semblant de routine dans ce nouveau quotidien. Mais à présent, c’est une toute autre ambiance : les examens ont commencé, et je n’ai plus de temps pour moi.
J’étudie comme une acharnée. Le matin, le midi, le soir… et même la nuit. Mais ça, personne ne le sait. Les garçons pensent que je vais me coucher à une heure raisonnable, alors qu’en réalité, je révise jusqu’à pas d’heure, absorbée par mes cours et rongée par l’angoisse de ne pas être prête. Je me traîne une fatigue constante, mais je fais de mon mieux pour ne pas le montrer.
Ce matin-là, je suis à table avec un café serré, le nez plongé dans mon syllabus. Mes yeux piquent, mes muscles sont lourds, mais je tiens bon. Il ne me reste que quelques jours à tenir avant la fin des examens.
Léo débarque en premier, traînant les pieds et bâillant à s’en décrocher la mâchoire.
- T’es déjà debout ? Il fronce les sourcils en se servant un bol de céréales. J’ai l’impression que tu dors encore moins que nous, c’est flippant.
Je lève un sourcil et fais semblant de sourire.
- C’est l’impression que ça donne, mais je dors très bien, t’inquiète.
- Mouais, j’y crois moyen, rétorque-t-il en s’asseyant en face de moi.
Julien et Gabriel arrivent peu après, encore en pyjama. Julien s’affale sur une chaise tandis que Gabriel attrape une tasse de café avant même de parler.
- C’est quoi cette tête, Clémence ? T’as passé la nuit à invoquer les esprits ou quoi ?
- Pas loin, marmonné-je en refermant mon syllabus. Juste révisions intensives.
Julien sourit en coin et lance avec une fausse gravité :
- Mesdames et messieurs, voici Clémence, la seule étudiante capable de survivre sans sommeil et uniquement grâce à des polycopiés !
- Hilarant, dis-je en levant les yeux au ciel.
Gabriel s’appuie sur le plan de travail et me regarde en plissant les yeux.
- Blague à part, tu bosses un peu trop, non ?
- Je fais ce qu’il faut, réponds-je simplement.
Léo croque dans sa tartine et me pointe du doigt.
- Et c’est quoi ce cours chelou dont tu nous as parlé l’autre jour ? Celui avec le prof illuminé ?
Je pousse un soupir exaspéré et referme mon syllabus.
- Justement, parlons-en. Ce mec est une énigme. Le cours s’appelle « Histoire des institutions », mais au lieu de parler des lois et des gouvernements, il nous sort des théories sur les Illuminati !
Julien explose de rire.
- Attends, quoi ?
Gabriel fronce les sourcils, visiblement intrigué.
- C’est une blague ?
- Malheureusement, non. La semaine dernière, il nous a fait un exposé entier sur comment certaines grandes figures politiques seraient contrôlées par une élite secrète. Et la meilleure ? Il a suggéré que nos manuels scolaires sont censurés par le « Nouvel Ordre Mondial ».
- Wow, souffle Léo. C’est quoi ce type ?
- Aucune idée, mais je suis censée passer un examen avec lui, et j’ai aucune idée de ce qu’il attend de nous.
Julien secoue la tête en riant.
- Tu devrais lui dire que t’es infiltrée pour démasquer le complot et voir sa réaction.
- Très drôle. En attendant, je suis paumée. Je bosse sur ce cours, mais j’ai l’impression que c’est du vent.
Gabriel pose une main sur mon bras, ce qui me surprend un peu.
- Écoute, détends-toi un peu. Tu fais déjà tout ce que tu peux. Ce n’est pas en te rendant malade que tu vas mieux réussir.
- Facile à dire, marmonné-je en me passant une main sur le front. Vous, vous avez l’air cools, détendus… Moi, j’ai l’impression que mon cerveau est en ébullition permanente.
Léo se lève et tend la main vers moi comme s’il s’apprêtait à me tirer de ma chaise.
- Viens, on va te changer les idées.
Je secoue la tête immédiatement.
- Non, j’ai encore des trucs à voir…
- Clémence, soupire Gabriel. Tu vas péter un câble à ce rythme.
- Non, ça va. Vraiment.
Julien me fixe un moment avant de soupirer.
- Bon, OK, on va arrêter de te saouler… mais au moins, promets que si tu sens que t’es à bout, tu fais une pause.
- Promis, dis-je sans grande conviction.
Je me lève pour aller me faire un autre café, évitant soigneusement de croiser leur regard. Ils sentent sûrement que quelque chose cloche, mais ils ne savent pas à quel point. Je ne peux pas leur dire que je dors à peine, que mes nuits sont un enchaînement de lectures et de fiches de révisions. Parce que s’ils le savaient, ils essayeraient de m’arrêter. Et je ne peux pas me le permettre.
Pas maintenant.
L’air matinal est frais lorsque je sors de la maison pour monter dans la voiture de Gabriel. Trois semaines que je vis ici, et pourtant, j’ai encore un peu de mal à réaliser. Les garçons ont fini par devenir ma nouvelle normalité, même si leurs taquineries incessantes font partie du quotidien. Aujourd’hui, ce n’est pas une journée comme les autres. Aujourd’hui, les examens commencent.
- Tu es prête ? demande Gabriel en démarrant la voiture.
Je hoche la tête, mais au fond, j’ai le ventre noué. Trois semaines d’études intenses, de nuits blanches passées à relire mes cours encore et encore. Trois semaines où j’ai dû supporter les délires d’un professeur un peu trop obsédé par les Illuminati.
- Autant que possible, je suppose, dis-je en soupirant.
- Arrête de stresser, tout va bien se passer, assure Gabriel.
Je laisse échapper un rire nerveux.
- Facile à dire pour toi ! T’as pas un prof qui te parle des Illuminati en plein cours alors que ça n’a rien à voir avec la matière.
Gabriel me jette un regard en coin, amusé.
- T’exagères.
- Non, je te jure ! Monsieur Lemoine passe son temps à nous parler de complots mondiaux et de sociétés secrètes alors qu’on est censés étudier les lois et les gouvernements, J’ai plus l’impression de suivre un documentaire sur les théories du complot que des cours sérieux.
Gabriel secoue la tête en souriant.
- Ça expliquerait pourquoi tu passes tes nuits à réviser au lieu de dormir.
Je me fige légèrement avant de répondre d’un ton faussement détendu :
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
Il hausse un sourcil, mais ne dit rien. Heureusement, nous arrivons sur le parking de l’université et je peux éviter le sujet.
Je descends de la voiture et, comme toujours, je sens les regards sur moi. Mais contrairement aux premiers jours, cela ne me fait plus rien. Après tout, je suis en couple – faux couple – avec Gabriel, l’une des stars de l’université. Forcément, ça attire l’attention. Au début, c’était perturbant, maintenant, c’est juste… habituel.
- Bon, où est ta salle ? demande Gabriel en refermant la portière.
- Bâtiment C, salle 207.
Il m’accompagne en silence jusqu’à l’entrée du bâtiment. Mon cœur bat plus vite à chaque pas. Plus on se rapproche, plus l’angoisse monte.
- Et si j’oublie tout une fois devant ma copie ?
- Tu n’oublieras pas tout.
- Et si j’ai un blanc total ?
- Tu n’auras pas de blanc total.
- Mais si le prof commence encore avec ses théories et que ça me perturbe ?
- Clémence…
Je continue à débiter mes inquiétudes sans même m’en rendre compte, ma bouche fonctionne plus vite que mes pensées. Gabriel pousse un soupir, puis, avant que je ne puisse dire un mot de plus, il attrape mon visage entre ses mains et m’embrasse.
Je cligne des yeux, surprise. Mon cerveau met une seconde de trop à comprendre ce qu’il se passe. Ses lèvres sont chaudes, douces, et le temps semble suspendu. Puis il se recule légèrement, un sourire amusé aux lèvres.
- Voilà. Ça, c’était la seule façon de te faire taire.
Je reste figée, bouche entrouverte, incapable de formuler une phrase cohérente. Mon cœur bat à toute vitesse, et pas seulement à cause du stress des examens.
- Bon courage, me souffle-t-il.
Puis il me pousse doucement vers la porte de ma salle avant de faire demi-tour. Je reste plantée là une seconde, le rouge aux joues, avant de me reprendre et d’entrer dans la salle.
Je m’installe à ma place, sors mes affaires et tente de calmer les battements frénétiques de mon cœur.
Concentre-toi, Clémence. L’examen. Pas Gabriel.
Le professeur distribue les copies, et je me force à inspirer profondément. Lorsque la feuille se pose devant moi, je lis la première question. Simple. Trop simple.
Bon, ça je sais faire.
J’attrape mon stylo et commence à écrire. Petit à petit, mes pensées se fixent sur l’examen. J’enchaîne les réponses, mon cerveau tournant à plein régime. Mais entre deux raisonnements, l’image du sourire de Gabriel s’incruste dans mon esprit.
Concentre-toi, bon sang !
Je secoue discrètement la tête et me replonge dans ma copie. Les minutes passent, je grignote du temps, relis mes réponses. Finalement, lorsque le professeur annonce la fin de l’épreuve, j’ai tout rempli.
Je pose mon stylo, souffle un bon coup.
C’est fini. Enfin, le premier en tout cas. Mon cerveau bourdonne encore des calculs et des raisonnements que j’ai alignés sur ma copie, et je sens la fatigue s’accumuler dans mes muscles. J’ai besoin d’une pause. Mais je sais que ce soulagement sera de courte durée : dans à peine une heure, je devrai enchaîner avec une autre épreuve. Heureusement, j’ai prévu de retrouver Aurélie pour manger.
Je sors mon téléphone et lui envoie un message :
Clémence : Je sors, j’arrive. Tu es où ?
Elle répond presque aussitôt :
Aurélie : À la cafétéria, j’ai déjà pris nos places. Dépêche-toi, je meurs de faim !
Un petit sourire étire mes lèvres. Aurélie et son appétit légendaire… Ça me change les idées. Je me mets en route vers la cafétéria, mes jambes encore un peu engourdies par le stress de l’examen.
Je traverse rapidement le couloir, mon téléphone en main. Gabriel m’a envoyé un message :
Gabriel : Alors, survivante ?
Je souris en le lisant et tape une réponse rapide :
Clémence : À peine. Si je rate, ce sera ta faute.
Il ne me faut pas longtemps pour recevoir une réponse.
Gabriel : Évidemment, tout est toujours de ma faute. T’étais stressée, au moins ça t’a calmée.
Je roule des yeux. Il ose plaisanter, alors qu’il m’a littéralement embrassée juste pour me faire taire. Je devrais être furieuse. Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de repenser à la chaleur de ses lèvres sur les miennes.
Concentre-toi, Clémence.
J’avance vers la cafétéria où j’ai donné rendez-vous à Aurélie. Après une matinée pareille, j’ai besoin d’un moment pour respirer, et ma meilleure amie est parfaite pour ça.
Quand j’entre dans le hall, elle m’attend déjà à une table, son plateau devant elle. Elle lève les yeux et me sourit en me voyant arriver.
- Alors ? Comment ça s’est passé ?
Je soupire en m’asseyant en face d’elle, posant mon propre plateau sur la table.
- Honnêtement, je ne sais pas. Soit je réussis avec un bon score, soit je me plante complètement.
Aurélie grimace.
- Je connais ce sentiment… Mais allez, faut que tu souffles un peu avant ton deuxième.
J’acquiesce en piquant un morceau de salade avec ma fourchette.
- T’as raison… Mais franchement, entre le stress et le manque de sommeil, je suis à bout.
- Et Gabriel ? Il ne t’aide pas à te détendre un peu ? demande-t-elle avec un sourire malicieux.
Je manque de m’étouffer avec mon eau. Ah. Super.
Aurélie ne sait pas que Gabriel et moi, c’est du faux. Elle croit sincèrement que je suis en couple avec lui, et forcément, elle cherche des détails.
- Euh… Bah, il fait de son mieux, dis-je en essayant de rester naturelle.
- Son "mieux" ? Tu veux dire quoi par là ?
Je prends une grande inspiration. Pas de panique, Clémence. Trouve une excuse crédible.
- Il essaye de me faire rire, tu vois… Il trouve toujours une connerie à dire.
- Ce n’est pas totalement faux. Gabriel est incapable de me laisser stresser tranquillement, il faut toujours qu’il vienne me provoquer d’une manière ou d’une autre.
- Ça ne m’étonne pas, dit Aurélie en riant. Mais attends… Vous avez fêté vos 1 moi ensemble, au moins ?
Je manque de recracher mon jus d’orange.
- Hein ?
- Bah oui ! 1 moi, c’est symbolique. Vous avez fait un truc spécial ?
Oh bon sang.
- Euh… Non, pas spécialement, je réponds en évitant son regard.
Aurélie me lance une œillade suspicieuse.
- T’es sérieuse ? Il ne t’a même pas offert un petit truc ? Pas même une fleur ?
- Il… il m’a offert quelque chose, en fait.
Aurélie écarquille les yeux, excitée.
- Ah oui ? Quoi ?
Je réfléchis une seconde, pour trouver un mensonge crédible.
- Une bière.
Aurélie cligne des yeux, interdite.
- Pardon ?
- Il m’a offert une bière, je répète en haussant les épaules.
Aurélie éclate de rire.
- Oh putain… C’est tellement Gabriel.
Je ris aussi. Oui, ça, c’est bien Gabriel. Il n’est pas du genre romantique, et c’est peut-être ce qui rend cette fausse relation plus facile à gérer.
On continue de discuter en mangeant, et peu à peu, je me détends. Jusqu’à ce que je regarde l’heure sur mon téléphone et me fige.
- Merde, je dois y aller.
Je me lève précipitamment, attrape mes affaires et balance mon sac sur mon épaule. Aurélie me fait un clin d’œil.
- Bonne chance ! Et détends-toi un peu !
- Ouais, ouais…
Je quitte la cafétéria et me dirige vers mon prochain examen, sentant déjà l’angoisse remonter.
Allez, c’est le dernier de la journée. Tiens bon.
La salle d’examen est remplie d’étudiants aux visages tendus. Je prends place, mon cœur battant à tout rompre. J’ai beau essayer de me rassurer, mon cerveau refuse de coopérer.
Le professeur entre, nous donne les consignes, puis distribue les copies. Dès que j’ai la feuille sous les yeux, je sens un frisson me parcourir.
Ok… respire. Lis doucement.
La première question me semble abordable, mais mes mains tremblent légèrement en attrapant mon stylo. Je commence à écrire, me forçant à ignorer la boule de stress dans mon ventre.
Les minutes passent. J’enchaîne les réponses, mais mon cerveau tourne à mille à l’heure.
Est-ce que c’est vraiment ça qu’il attend ? Ou est-ce que je suis en train de me planter complètement ?
Je m’arrête un instant, ferme les yeux et inspire profondément.
Pense logique, Clémence. Tu connais la matière. Fais-toi confiance.
Je reprends l’écriture, plus concentrée. Les questions suivantes sont plus compliquées, mais je m’accroche. J’écris, rature, réécris. Le temps semble s’étirer et en même temps filer à toute vitesse.
Lorsqu’il ne reste que dix minutes, je relis ma copie une dernière fois.
Bon… Je pense que ça passe. Enfin, j’espère.
Le professeur annonce la fin. J’ai à peine le temps de relâcher mon stylo que ma copie m’est arrachée des mains. Je souffle, passant mes doigts dans mes cheveux.
Fini. Enfin.
Je range mes affaires et sors de la salle, le cœur battant encore à cause du stress accumulé.
Dès que je franchis la porte, je ressors mon téléphone. Un nouveau message de Gabriel m’attend.
Gabriel : Encore en vie ?
Je souris faiblement.
Clémence : À peine. Je vais dormir trois jours d’affilée.
Gabriel : Tu dis ça, mais on sait tous les deux que tu vas encore réviser cette nuit.
Je ne réponds pas. Parce qu’il a raison. Mais il n’a pas besoin de le savoir.
Pour l’instant, j’ai juste besoin de souffler.
Dès que la porte de la maison se referme derrière nous, je lâche un long soupir et me dirige instinctivement vers l’escalier.
J’ai perdu bien assez de temps aujourd’hui entre les trajets et la pause déjeuner avec Aurélie. Il me reste encore tant de choses à revoir avant mon prochain examen. Une soirée complète de révisions ne sera pas de trop.
Mais à peine ai-je posé le pied sur la première marche que trois paires de bras m’encerclent en même temps.
- Oh non, non, non ! fait Léo en m’attrapant par la taille pour me tirer en arrière.
- Tu vas où, comme ça ? ajoute Julien en bloquant mon passage.
Gabriel, lui, se place derrière moi, les bras croisés, m’empêchant de battre en retraite.
- Laissez-moi passer, j’ai du boulot, protesté-je en essayant de me dégager.
- Tu crois qu’on va te laisser retourner dans ta grotte alors que t’as passé la journée à trimer ? rétorque Julien en secouant la tête.
- C’est hors de question, renchérit Léo. T’as droit à une pause.
Je fronce les sourcils, cherchant une échappatoire.
- Une pause, mais j’ai des examens, moi !
Gabriel soupire et pose une main sur mon épaule pour me faire pivoter vers lui.
- Clémence, on te demande pas de tout abandonner, juste de souffler un peu.
Gabriel, qui était resté silencieux jusque-là, s’avance et secoue la tête.
- Clémence, t’as passé les trois dernières semaines à t’enfermer avec tes bouquins. T’as pas dormi correctement, t’as révisé comme une folle.
- Je dors très bien, je mens en haussant les épaules.
Léo pouffe de rire.
- Bien sûr, et moi je suis moine.
Julien secoue la tête et pose ses mains sur mes épaules
- Une heure. Après, tu fais ce que tu veux.
- Et si je refuse ?
Léo affiche un grand sourire.
- Alors on use de la force.
Je le regarde, interdite.
- Tu bluffes.
Il me lance un regard plein de défi.
- T’es sûre ?
Avant que j’aie le temps de réagir, Léo et Julien m’attrapent chacun par un bras et me soulèvent du sol.
- HEY ! MAIS VOUS ÊTES SÉRIEUX ?!
- Complètement, répond Julien
- Reposez-moi immédiatement !
- Désolé, commande refusée.
- GABRIEL, AIDE-MOI !
Je le cherche du regard, espérant un sauvetage héroïque, mais il se contente de suivre la scène en souriant.
- Je suis plutôt d’accord avec eux, dit-il en haussant les épaules.
Traître.
- Une heure de pause. Juste une heure. Après, tu pourras retourner t’enfermer dans ta grotte de savoir.
Je tente de me débattre, mais Gabriel vient m’attraper par les jambes et ils m’entraînent sans effort dans le salon.
- Une heure, Clémence, on ne négocie pas, dit-Gabriel en s’asseyant sur le canapé.
Je pousse un profond soupir et m’effondre à côté de lui, sachant que je ne gagnerai pas cette bataille.
- Vous êtes insupportables, grogné-je.
- On sait, mais on t’aime bien quand même, me répond Léo en allumant la télé.
L’écran s’illumine, et je reconnais aussitôt une émission débile qu’ils adorent regarder. Un mélange entre une télé-réalité absurde et des défis complètement idiots. Julien et Léo semblent fascinés, riant déjà devant les bêtises des candidats.
Je roule des yeux.
- C’est ça que vous voulez que je regarde pendant une heure ?
- Oui, et tu vas adorer, affirme Julien.
Gabriel attrape une couverture posée sur le canapé et me la jette dessus.
- Installe-toi et arrête de râler.
Je me retrouve coincée sous la couverture, entre Gabriel et Léo, tandis que Julien s’installe dans un fauteuil. À contrecœur, je décide de jouer le jeu. Après tout, une heure, ce n’est pas la mer à boire… même si dans ma tête, je compte déjà le nombre de pages que j’aurais pu lire pendant ce temps.
Les minutes passent et, contre toute attente, je me laisse un peu prendre au jeu. Pas que l’émission soit particulièrement intelligente – loin de là – mais voir les garçons commenter avec autant d’enthousiasme les échecs des candidats a quelque chose d’assez divertissant.
À un moment, un type à l’écran tente un saut spectaculaire au-dessus d’une piscine remplie de mousse colorée… et échoue lamentablement.
- Oh, mais quel idiot ! s’exclame Julien en éclatant de rire.
- Je parie qu’il a perdu un pari, ajoute Léo.
Gabriel secoue la tête, amusé.
- Ou alors il est juste très con.
Je souris malgré moi. Ils sont complètement immatures… mais étrangement, ça fait du bien d’être là, juste à me détendre. Pourtant, au fond de moi, une partie de mon cerveau continue à me harceler.
Tu perds du temps, Clémence. Une heure de révision en moins, c’est une heure de rattrapage cette nuit.
Je me crispe légèrement et me redresse sur le canapé.
- Bon, l’heure est presque finie, non ?
Léo sort son téléphone et vérifie.
- Encore dix minutes.
Je lève les yeux au ciel et croise les bras.
- Super.
Gabriel tourne la tête vers moi et me fixe un instant.
- Clémence… tu stresses encore.
- Je suis juste concentrée.
- Non, tu stresses. Et c’est pas bon.
Je serre les dents.
- Et vous croyez que m’empêcher de réviser va m’aider ?
Julien prend un ton moqueur.
- Oui, parce que tu vas finir par t’épuiser avant même d’avoir terminé tes examens.
- Je gère.
- Tu mens, réplique Gabriel sans détour.
Je ne réponds pas. Il n’a pas tort, mais je refuse de l’admettre.
- Bon, on va pas te forcer plus longtemps. Dès que l’émission est finie, tu peux aller faire ce que tu veux, dit Léo.
- Merci, je souffle, soulagée.
Dès que l’émission est terminée, je me lève d’un bond.
- Bon, merci pour cette merveilleuse pause, maintenant, je vais bosser.
Léo rit.
- Tu vas nous haïr si t’as une bonne note grâce à nous.
- On verra bien, dis-je en haussant les épaules.
Je prends mon sac et file dans ma chambre.
- N’oublie pas qu’on l’a fait pour ton bien ! me lance Julien en riant.
Je lève un doigt en guise de réponse. Je file déjà dans les escaliers, deux marches à la fois, et referme ma porte derrière moi.
Le silence. Enfin.
Je m’appuie contre la porte et souffle. Ils ont ruiné mon timing.
Sans perdre une seconde de plus, j’ouvre mes cahiers, aligne mes stabilos, et attaque mes révisions.
Jusqu’à très tard.
Encore plus tard que d’habitude.
Parce que chaque minute perdue sur cette foutue “pause” doit être récupérée.
Je peux tenir. Juste encore quelques jours.
Les garçons croient bien faire, mais ils ne réalisent pas que cette pause ne fait que retarder l’inévitable. Ce n’est pas une heure de détente qui va me permettre de dormir correctement. Au contraire, ça me donne encore plus de raisons de veiller tard.
Alors, comme chaque nuit depuis trois semaines, j’allume ma lampe de chevet et plonge dans mes notes.