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14 : Une couverture fragile

Gabriel

Je referme la porte derrière moi et laisse échapper un soupir. La fatigue commence à se faire sentir, mais c’est une bonne fatigue. Celle qui suit un match intense, où l’adrénaline redescend lentement, où les muscles tirent juste assez pour rappeler l’effort fourni sur la glace.

J’avance dans l’appartement, retirant ma veste au passage, et aperçois Julien affalé sur le canapé, une bouteille d’eau à la main. Il lève les yeux vers moi et esquisse un sourire fatigué.

- T’en as mis du temps, mec.

- Ouais, j’ai eu un truc à régler, je réponds vaguement en venant m’asseoir à côté de lui.

Il ne pose pas de question. Avec Julien, pas besoin de justifier chaque détail de ma vie, et c’est aussi pour ça qu’on s’entend si bien.

Je suis heureux d’avoir des potes qui ne passent pas leur temps à faire la fête après chaque match. Avec Julien, on aime bien rentrer et se poser, se détendre, plutôt que de sortir jusqu’à pas d’heure. On n’est pas de gros fêtards. Y a juste Léo qui sort de temps en temps, mais sinon, les grosses soirées, c’est uniquement quand on gagne un match important.

- C’était un bon match, je finis par dire en m’étirant.

Julien hoche la tête.

- Ouais, mais on s’est fait bousculer en deuxième période.

Je grimace en repensant au moment où l’équipe adverse avait haussé le rythme et où on avait eu du mal à suivre.

- C’est clair. On a perdu trop de palets en zone neutre.

- Et les relances étaient pas assez propres. On se mettait nous-mêmes en difficulté.

Je hoche la tête en passant une main dans mes cheveux encore humides de la douche. Julien a raison. On a eu un bon début de match, mais dès que l’adversaire a mis plus d’intensité, on a eu du mal à gérer.

- Faudra bosser ça à l’entraînement, je lâche en soupirant.

- Ouais, surtout la sortie de zone sous pression.

On continue à débriefer calmement, analysant nos erreurs, parlant des ajustements à faire. C’est un rituel qu’on a pris l’habitude de faire après chaque match. On n’attend pas le coach, on se fait notre propre analyse et on essaie de voir ce qu’on peut améliorer.

Je me lève pour aller chercher deux bières dans le frigo et en lance une à Julien, qui l’attrape d’un geste sûr.

- Tu trouves pas qu’on manque un peu de présence devant la cage ? je demande après une gorgée.

- Si, clairement. On balance trop et y a pas assez de gars qui coupent devant le gardien. Faudrait bosser les écrans et les rebonds.

Je hoche la tête, notant mentalement qu’on devra en parler au coach à la prochaine séance.

Un silence confortable s’installe. Julien fixe la télé éteinte devant lui, et moi, je laisse mon esprit divaguer un instant.

Puis, sans trop savoir pourquoi, une image de Clémence surgit dans ma tête.

Son regard légèrement perdu en montant dans les gradins, la manière dont elle s’est crispée face aux deux garces, le frisson qui l’a parcourue quand j’ai posé ma main dans son dos.

Je prends une gorgée de bière pour chasser ces pensées.

- T’as l’air ailleurs, fait remarquer Julien en me lançant un regard en coin.

- Non, juste fatigué.

Il ne me croit qu’à moitié, mais il ne pose pas plus de questions. C’est aussi pour ça qu’on s’entend bien.

On termine nos bières en silence, et je sens la fatigue me rattraper pour de bon.

- Allez, je vais me coucher, je finis par dire en me levant.

- Pareil, mec. Bonne nuit.

Je lui réponds d’un simple geste de la main avant de disparaître dans ma chambre.

Allongé dans mon lit, les bras derrière la tête, je fixe le plafond en repensant à la soirée.

J’ai dit à Clémence de ne pas trop penser à ce qu’Adèle et Victoire lui avaient raconté. Pourtant, moi, j’y pense encore.

Elles croient me connaître, mais elles ne savent rien.

Et peut-être que Clémence non plus, au final.

Le matin est calme. Enfin, presque.

Julien et moi sommes attablés dans la cuisine, chacun concentré sur son café et son bol de céréales. Après un match, on n’est pas du genre à courir partout, à organiser des fêtes improvisées comme certains de nos coéquipiers. On préfère prendre le temps de récupérer, de se reposer. On se comprend sans trop parler, et c’est aussi pour ça qu’on s’entend bien.

Je prends une gorgée de mon café quand un vacarme assourdissant résonne contre la porte d’entrée. Quelqu’un tambourine comme un forcené.

Julien lève un sourcil, interrompant son geste en plein milieu d’une cuillère de céréales.

- C’est quoi ce bordel ?

D’où on est, on ne voit pas directement la porte d’entrée. La maison est grande, et la cuisine se trouve un peu plus loin. Une porte s’ouvre dans le couloir, et une voix ensommeillée, grognon, se fait entendre.

- C’est qui le taré qui toque comme ça à cette heure-là ? râle Léo d’une voix rauque, trahissant une gueule de bois évidente.

On l’entend traîner des pieds jusqu’à la porte avant de l’ouvrir en grommelant.

- Salut, mec !

Je me fige, échangeant un regard rapide avec Julien. On comprend tout de suite qu’aucun de nous sait ce qui se passe.

- Qu’est-ce que tu veux ? grogne Léo, toujours aussi peu réveillé.

- Hé, mais je t’ai pas autorisé à entrer ! proteste-t-il en le voyant déjà pousser la porte et franchir le seuil.

Julien et moi entendons des pas dans le couloir. Léo revient vers nous en levant les mains en signe d’impuissance.

- Désolé, j’ai pas réussi à le retenir…

Théodore affiche un sourire satisfait en entrant dans la cuisine et nous scrute du regard.

- J’en étais sûr. Vous n’êtes pas ensemble.

Un silence s’installe. Personne ne comprend sur le moment de quoi il parle.

- Hein ? fait Léo en fronçant les sourcils.

Théodore roule des yeux, comme si c’était évident.

- Bah, toi et Clémence.

Je sens mon corps se tendre légèrement, mais je garde un visage impassible.

- Bien sûr que si, je réplique sans hésiter.

Il croise les bras et me fixe avec ce foutu air de mec qui pense avoir tout compris.

- Non, vous ne l’êtes pas. Clémence passait toujours du temps chez toi avant. Elle était souvent ici, et là, après un match que vous gagnez, elle n’est pas là ? Normalement, elle serait venue fêter ça avec toi, non ?

Je cherche une réponse. Une excuse. Un truc crédible qui ne va pas foutre en l’air ce foutu mensonge.

Et c’est là que ça me vient.

- Elle a eu une grosse migraine hier soir, je balance avec assurance. Elle est rentrée directement après le match. Je lui ai proposé de venir dormir ici, mais elle était trop crevée.

Julien capte tout de suite où je veux en venir et hoche la tête avec sérieux.

- Ouais, ça se voyait sur son visage, elle était KO, ajoute-t-il.

Léo, toujours adossé contre le mur, en rajoute une couche en haussant les épaules.

-C’est vrai qu’elle avait l’air fatiguée quand elle est arrivée au match.

Théodore plisse les yeux, peu convaincu.

- Mouais…

Mais au lieu de partir, il s’installe sur un tabouret et croise les bras.

- Vous savez quoi ? Je vais attendre.

Julien fronce les sourcils.

- Attendre quoi ?

- Qu’elle vienne.

Je lâche un rire nerveux.

- Théodore, t’es sérieux ?

Il hausse les épaules.

- Ben ouais. Si elle est vraiment crevée, elle se reposera chez elle ce matin, mais elle finira bien par te rejoindre, non ?

Je serre la mâchoire. Ce mec est vraiment relou.

- Elle a aussi des trucs à faire chez elle, je suppose, dis-je d’un ton que j’essaie de garder détendu.

- Et t’as même pas prévu de l’appeler ?

- Pas tout de suite, elle dort encore, j’ai pas envie de la réveiller.

Théodore me fixe un moment avant de sourire en coin.

- Vous êtes vraiment bizarres, tous les deux.

Julien soupire bruyamment et se lève.

- Bon, t’as pas autre chose à faire ? Sérieux, t’as pas une vie en dehors de Clémence et Gabriel?

Théodore rit.

- J’aime juste comprendre les choses. Et là, y’a un truc qui cloche.

Léo se passe une main sur le visage, visiblement au bout de sa patience.

- Putain, mec, va enquêter ailleurs, on comptait se reposer aujourd’hui. Tu sais, après un match, c’est important.

Il insiste bien sur le mot reposer, une manière polie de lui dire de se barrer.

Théodore hésite une seconde, comme s’il sentait qu’un truc cloche, mais finit par hausser les épaules. Il finit par se lever et lisse son t-shirt.

- OK, je vais vous laisser. On en reparlera, je garde un œil sur vous.

Julien l’accompagne jusqu’à la porte et referme derrière lui avant de souffler un enfin.

Léo secoue la tête.

- C’était quoi ce bordel ? Ce type est une vraie plaie.

Julien secoue la tête.

- Il cherche la petite bête.

Moi, je m’enfonce dans ma chaise, sentant enfin la pression redescendre.

- On a géré, mais va falloir être plus prudents.

Personne ne répond, mais on sait tous que Théodore n’a sûrement pas dit son dernier mot

Le silence qui suit le départ de Théodore est lourd.

Julien se laisse retomber sur sa chaise, croisant les bras sur la table.

- Il est complètement taré, lâche-t-il.

Léo grogne en passant une main sur son visage encore marqué par sa gueule de bois.

- Tu m’étonnes… Le mec a quand même réussi à trouver notre adresse !

Je hoche la tête, encore un peu tendu par ce qu’il vient de se passer.

- Ouais… Et si il a fait ça, c’est qu’il est vraiment prêt à tout. Il a un problème avec cette histoire.

- Non, il a un problème avec Clémence, rectifie Julien.

Un frisson me parcourt l’échine. Il n’a pas tort. Théodore est trop obsédé par cette relation, trop convaincu que c’est un mensonge. S’il continue à fouiner, il va finir par tout découvrir… et pire encore, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il pourrait s’en prendre directement à Clémence.

- Il faut qu’on trouve une solution, dis-je en m’appuyant sur la table.

- Une solution qui l’éloigne de Clémence, surtout, ajoute Julien.

Léo se lève pour aller se servir un café, toujours en traînant des pieds.

- Vous avez des idées ?

- Pas vraiment…

Julien passe une main dans ses cheveux, l’air concentré.

- On pourrait essayer de le convaincre que tout va bien et qu’il se fait des films…

- Ça marchera pas, il est déjà trop suspicieux, je coupe.

- On pourrait lui dire que Clémence et moi on traverse une période difficile et qu’elle a besoin d’espace ?

Léo éclate de rire en revenant vers la table avec sa tasse.

- Ah ouais, donc en gros, vous allez officialiser votre faux couple en inventant une fausse crise de couple ?

- C’est mieux que rien, dis-je en haussant les épaules.

Léo souffle sur son café, pensif, avant de lâcher :

- Bah, elle a qu’à venir vivre ici.

Un silence s’installe.

Julien et moi nous tournons vers lui en même temps, complètement choqués.

- Quoi ?!

Léo hausse un sourcil, comme si c’était évident.

- Bah ouais, pourquoi pas ? Il reste des chambres de libres. Et si elle vit sous notre toit, on pourra la protéger directement de Théodore. Et puis, si ce mec débarque encore, elle sera là.

Je cligne des yeux, abasourdi par la simplicité de son raisonnement.

Julien ouvre la bouche, puis la referme. Il a l’air de réfléchir à toute vitesse.

- Attends… C’est… une super bonne idée, en fait.

Je prends une inspiration lente, essayant de peser le pour et le contre.

- C’est vrai que ce serait beaucoup plus simple pour gérer la situation…

- Exactement ! renchérit Léo. En plus, si elle vit ici, plus personne ne pourra douter que vous êtes ensemble.

- Il marque un point, ajoute Julien en croisant les bras. Ça renforce votre couverture et ça empêche Théodore de venir fouiner dans son appart à elle.

Je hoche lentement la tête. C’est vrai. C’est même la meilleure solution possible.

Mais…

- Et vous croyez qu’elle acceptera ? je demande, un peu sceptique.

Léo hausse les épaules.

- Faudra voir avec elle, mais honnêtement… Si elle comprend que c’est pour sa sécurité, elle dira peut-être oui.

- Ouais… murmuré-je en passant une main sur ma nuque.

Julien tape sur la table avec un sourire.

- Alors c’est décidé. On lui propose ce soir.

Un nœud se forme dans mon estomac. Clémence va-t-elle accepter ?

Je fixe mon téléphone, le pouce suspendu au-dessus de l’écran. Le message est prêt, il ne me reste qu’à appuyer sur envoyer.

Gabriel : J’ai besoin de te parler. Est-ce que tu peux venir à la maison ?

Je prends une grande inspiration. Est-ce une bonne idée ? Est-ce trop direct ? Trop brusque ? Elle va trouver ça bizarre, c'est sûr. Mais j’ai pas vraiment le choix.

Allez, Gabriel, envoie-le.

J’appuie sur l’icône et le message part. L’écran affiche une confirmation d’envoi.

Et maintenant ?

Je reste immobile, les yeux rivés sur le téléphone, attendant une réaction. Une vibration. Une réponse immédiate.

Rien.

Julien lève les yeux de son propre portable et me scrute.

- Elle répond pas ?

Je secoue la tête en soupirant.

- Non.

Léo, qui est avachi sur le canapé, grogne en se passant une main sur le visage.

- Mec, elle a peut-être autre chose à faire que de te répondre dans la seconde, tu sais.

Sa remarque me pique. J'essaie de garder mon calme, mais l'attente me rend nerveux.

- Elle dort peut-être, propose Julien pour me rassurer.

- Ou alors, elle nous ignore, ajoute Léo avec un sourire en coin.

Je le fusille du regard.

- Elle n’a aucune raison de nous ignorer.

- Mmmh… sauf si elle commence à se douter de quelque chose.

Je serre les dents. Léo a le chic pour balancer des phrases qui foutent le doute. Et maintenant que l’idée est lancée, elle commence à tourner en boucle dans ma tête.

Les minutes passent. Dix. Vingt. Trente. Toujours aucune réponse. Mon anxiété monte en flèche. L’idée d’avoir envoyé ce message me paraît de plus en plus stupide.

Quarante minutes. Cinquante.

Je suis sur le point de ranger mon téléphone quand il vibre enfin.

Un message.

Clémence: Désolée, je dormais. J'avais pas vu ton message. Je me prépare et j'arrive.

Je souffle enfin, sentant la tension redescendre. Julien et Léo me regardent.

- Elle vient, je leur annonce.

Léo lève les bras en l’air, moqueur.

- Oh miracle, elle ne nous ignore pas !

Je l'ignore et me lève pour aller me détendre un peu avant son arrivée.

Quand elle toque à la porte, je suis déjà là. Je l'ouvre rapidement, tombant sur une Clémence encore un peu ensommeillée, les cheveux attachés à la va-vite.

- Salut, dit-elle en passant une main dans ses cheveux. Désolée, j'ai pris un peu de temps.

- T'inquiète, entre.

Elle me suit à l’intérieur, observant rapidement la maison avant de reporter son attention sur moi. 

- Qu’est-ce qui se passe ?

Je prends une grande inspiration.

- Assieds-toi, je vais tout t'expliquer.

On s'installe dans le salon. Julien et Léo nous laissent tranquilles. Mon cœur bat un peu plus vite que d'habitude.

Et je me lance.

Je lui raconte tout. La venue de Théodore ce matin. Son attitude. Son obsession. Le fait qu'il ait deviné qu'on ne sortait pas ensemble. Qu'il ait trouvé notre adresse, qu'il ait forcé l'entrée et nous ait acculés à mentir pour sauver les apparences.

Je ne cache rien. Pas cette fois.

Quand je termine, Clémence est silencieuse. Elle fixe un point invisible devant elle, comme si elle essayait d’assembler les pièces du puzzle.

- C'est… beaucoup, souffle-t-elle.

Je hoche la tête.

- Je sais.

Elle passe une main sur son visage, visiblement troublée.

- Donc… Théodore est venu ici ? Il a trouvé votre adresse ?

- Ouais.

Elle fronce les sourcils, secoue la tête, exaspérée.

- Ce mec est fou…

- Exactement. C'est pour ça qu'on a réfléchi à une solution.

Elle me dévisage, méfiante.

- Quelle solution ?

J’hésite une fraction de seconde avant de répondre :

- Que tu viennes vivre ici.

Ses yeux s’élargissent sous le choc.

- Quoi ?!

- Si tu es ici, on pourra te protéger. Si Théodore revient, tu seras en sécurité. On a de la place. C’est Léo qui a eu l'idée.

Elle me fixe, la bouche légèrement entrouverte.

- C'est… c'est une blague ?

- Non. On est sérieux.

Elle souffle, visiblement bouleversée.

Clémence reste silencieuse, le regard fixé sur un point invisible du salon. Je vois bien que l’information tourne en boucle dans sa tête, qu’elle essaie d’assembler les pièces du puzzle, d’en saisir toutes les implications.

- Wow… souffle-t-elle enfin. C’est… beaucoup à encaisser.

Je hoche la tête, croisant les bras sur ma poitrine.

- Je sais.

Son regard se relève vers moi, encore un peu perdu.

- Tu veux donc que je vienne vivre ici ? Avec vous trois ?

- C’est la meilleure solution, Clémence. Théodore est prêt à tout pour prouver qu’on ment. Il est venu ici aujourd’hui, il a trouvé notre adresse. Qui sait ce qu’il fera ensuite ?

Elle mord sa lèvre inférieure, signe qu’elle réfléchit intensément. Ses doigts jouent nerveusement avec la manche de son pull.

- Et… où est-ce que je vais dormir ? Avec toi ?

Je la regarde un instant avant de secouer la tête.

- Non, il y a des chambres libres. On ne va pas non plus exagérer.

Elle fronce légèrement les sourcils.

- Mais alors, comment on va faire ? Julien et Léo ne sont pas au courant que c’est un faux couple.

Un petit sourire étire mes lèvres.

- Eux, c’est pas un problème. Ils sont de mon côté. Ils nous couvriront.

Elle laisse échapper un léger soupir et passe une main dans ses cheveux, visiblement dépassée par tout ça.

- Franchement, je ne sais pas, Gabriel. C’est énorme comme décision…

Elle croise les bras et s’appuie contre le dossier du canapé, évitant mon regard.

- Je comprends, dis-je calmement. 

Je la vois prendre une inspiration tremblante. Elle doit se sentir piégée, coincée entre cette solution qui, objectivement, la protégerait, et tout le reste : vivre avec trois gars, devoir gérer cette mascarade encore plus intensément… ça doit être flippant.

- Je dois reflechir, finit-elle par dire.

- Prends le temps qu’il te faut. Dis-je tout en lui laissant de l’espace pour digérer tout ça.

Un silence s’installe, mais mon esprit, lui, tourne à cent à l’heure.

Théodore…

Comment a-t-il compris aussi vite que Clémence et moi ne sommes pas vraiment ensemble ?

Ça me turlupine. Oui, notre couple a été précipité, oui, Clémence et moi ne sommes pas aussi démonstratifs qu’un couple normal. Mais tout de même, il a capté trop vite.

Est-ce parce qu’il la connaissait bien avant ? Parce qu’il a senti une incohérence dans notre attitude ? Ou alors… a-t-il vu quelque chose qui lui a mis la puce à l’oreille ?

Cette histoire me donne un mauvais pressentiment.

Je relève les yeux vers Clémence. Elle a toujours l’air troublée, comme si elle essayait d’anticiper toutes les conséquences possibles d’une telle décision.

- Clémence… dis-je doucement pour capter son attention.

Elle relève la tête.

- Peu importe ta décision, on trouvera un moyen de te protéger. Mais ne crois pas que tu es seule face à ça.

Elle m’observe quelques secondes avant de hocher lentement la tête. 

- Merci, Gabriel.

Je ne réponds rien, me contentant de lui adresser un léger sourire.

Elle a besoin de temps. Je vais lui en laisser.

Mais une chose est sûre : quoi qu’il arrive, Théodore ne lui fera jamais de mal tant que je serai là.

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