Clémence
Dimanche est passé à une vitesse folle. Entre les discussions sur le départ à la plage et les derniers préparatifs pour la soirée, je n’ai pas vu le temps défiler. Et maintenant… il faut que je me prépare.
Sauf que j’ai un gros problème.
Je fixe mon armoire, désespérée.
Je n’ai aucune idée de quoi mettre.
Habituellement, pour ce genre de soirée, j’aurais directement appelé Aurélie. On aurait passé une heure au téléphone pendant qu’elle m’aurait donné des conseils, qu’elle aurait critiqué certains de mes choix et qu’elle aurait fini par m’envoyer une photo de la tenue qu’elle aurait choisie pour moi.
Sauf qu’elle ne répond pas.
Depuis ce matin, aucun de mes appels ne passe. Aucun message. Rien.
Je soupire et me laisse tomber sur mon lit.
Bon. Je vais pas débarquer en jean et t-shirt non plus…
À qui je peux demander conseil ?
Mon regard dérive vers la porte de ma chambre et une idée me traverse l’esprit.
Julien.
C’est sûrement le moins chaotique des trois garçons et il a un minimum de bon goût. Léo me ferait mettre une robe bien trop courte juste pour rigoler, et Gabriel… non, pas Gabriel.
Je prends mon téléphone et lui envoie un message rapide :
Clémence : Julien, t’es là ? J’ai besoin d’aide.
Julien : ??? Ça dépend, c’est quoi cette demande cheloue ?
Clémence : J’ai pas de tenue pour la soirée.
Julien : J’arrive.
Deux minutes plus tard, on toque doucement à ma porte.
- C’est moi, annonce-t-il à voix basse. Je rentre ?
- Ouais, vite, avant que Léo capte ce que tu fais.
Il entre, referme la porte derrière lui et regarde l’état de ma chambre.
- Putain, on dirait que t’as vidé ton armoire.
- C’est un peu ce que j’ai fait, ouais, je marmonne en croisant les bras.
Julien soupire et se frotte les mains, prêt à relever le défi.
- Ok, c’est quoi l’objectif ?
- Un truc qui fasse habillé, mais pas trop. Sexy, mais pas vulgaire. Joli, mais pas too much.
Il arque un sourcil.
- Donc tu veux être canon sans en avoir l’air.
- Exactement.
- Alors défile.
Je cligne des yeux.
- Quoi ?
Il fait un geste vers le tas de vêtements sur mon lit.
- Essaie tout ce que tu veux et je valide.
Je le regarde sceptique, puis je hausse les épaules.
- Ok, mais tu me juges pas.
Je prends une première robe, un peu trop longue, et pars l’enfiler. Quand je ressors et marche vers lui, il secoue immédiatement la tête.
- Non. On dirait que t’es invitée à un mariage de tatie Huguette.
- J’ai pas de tatie Huguette.
- T’as compris l’idée.
Je soupire et repars me changer.
Deuxième tenue : une jupe et un haut à dos nu.
- Trop casual, commente Julien en faisant une moue.
Troisième tenue : une robe rouge, moulante et fendue.
- Trop sexy.
- Tu viens pas de me dire que je devais être sexy ?
- Ouais, mais là, Léo va convulser.
Je roule des yeux et retourne me changer.
Après quatre essais, je finis par enfiler une robe courte noire, simple mais élégante, avec un décolleté discret et une coupe qui met en valeur la silhouette.
Je sors de la salle de bain et marche jusqu’au centre de la chambre, attendant son verdict.
Julien m’observe un instant, puis hoche lentement la tête.
- Celle-là, elle est parfaite.
Je lève un sourcil.
- T’es sûr ?
- Clémence, t’as déjà vu Gabriel perdre ses moyens ?
Je fronce les sourcils.
- Non… ?
- Ce soir, c’est peut-être la première fois.
Je roule des yeux.
- Tu dis n’importe quoi.
Il sourit, fier de lui.
- Va mettre des talons et laisse tes cheveux détachés.
Je m’exécute et, dix minutes plus tard, je suis prête.
Quand je descends les escaliers pour rejoindre les autres, tout s’arrête.
Julien descend derrière moi, un air satisfait sur le visage, tandis que Léo, Gabriel et moi nous faisons face.
Léo est le premier à réagir.
Il cligne des yeux. Ouvre la bouche. La referme. Puis il se tourne lentement vers Gabriel avec un sourire en coin.
- Comme c’est ta fausse petite amie, je peux me la taper, s’il te plaît ?
Gabriel, qui était resté complètement figé jusqu’ici, lui envoie un regard noir.
- Essaye, et je te tue.
Léo éclate de rire et lève les mains en l’air.
- Relax, mec, c’est une blague.
Gabriel ne répond pas, mais son regard reste assassin.
Julien se racle la gorge, amusé.
- Bon, on y va ?
Gabriel détourne les yeux et se dirige vers la porte.
- Ouais.
Léo me lance un clin d'œil en passant à côté de moi.
- T’es canon, Clem.
Je lève les yeux au ciel.
- C’est bon, t’as fini ?
- J’dis juste la vérité !
Léo conduit, Julien est côté passager et je suis à l’arrière avec Gabriel. La voiture est remplie d’excitation pré-soirée, et Léo met la musique à fond, chantant faux sur toutes les paroles.
À côté de moi, Gabriel reste plutôt silencieux.
Au bout d’un moment, alors que Léo et Julien débattent sur qui va réussir à draguer le plus ce soir, il se tourne vers moi.
- T’as déjà été à une soirée comme ça ?
Je hausse les épaules.
- Pas vraiment.
Il hoche la tête, l’air pensif.
- Reste près de moi, alors.
Je fronce les sourcils.
- Pourquoi ?
- Parce que c’est facile de se faire embarquer dans des trucs qu’on contrôle pas.
Je lève un sourcil.
- Tu me prends pour une enfant ou quoi ?
- Non, dit-il en me regardant droit dans les yeux. Je te dis juste de faire gaffe.
Il marque une pause avant d’ajouter :
- Si un mec t’offre un verre, refuse-le.
Je le regarde, intriguée.
- Sauf si c’est toi ? Ou Julien. Ou Léo.
- Julien oui, Léo non sauf si tu veux finir bourrée après un verre.
- Très bien.
Il soutient mon regard, sérieux.
- Si y a le moindre problème, tu nous appelles. Ok ?
Je sens que ce n’est pas une blague.
- Ok, promis.
Quand on arrive, la fête bat déjà son plein.
Il y a du monde partout, la musique résonne dans l’air chaud de la nuit, et l’ambiance est électrique.
Léo et Julien sont déjà en mode fêtards, prêts à foncer dans la foule.
Moi ?
Je suis un peu moins à l’aise.
Gabriel le capte direct.
Il se penche vers moi et murmure :
- Reste avec moi, ça ira.
Et, étrangement, ça me rassure un peu.
L’ambiance est dingue.
La chaleur de la nuit, les basses qui font vibrer le sol, les gens qui dansent, rient, se bousculent… C’est clairement un autre monde.
Julien et Léo se sont littéralement volatilisés dès qu’on est arrivés, et Gabriel, fidèle à lui-même, est resté avec moi.
Je l’ai suivi jusqu’au bar extérieur où on a pris un verre – soft, comme il me l’a demandé – et on a discuté un moment. C’était cool.
Mais à un moment, il s’est éclipsé.
- Je reviens, m’a-t-il dit en se penchant vers moi. Tu bouges pas.
Il n’a pas précisé où il allait ni combien de temps il serait parti, et au bout de dix minutes, je commence à me sentir un peu trop seule.
Léo et Julien doivent être en train de draguer je ne sais qui, Gabriel a disparu, et moi, je suis en plein milieu d’une fête avec des dizaines de visages inconnus.
Je m’apprête à sortir mon téléphone pour appeler l’un des trois, quand deux filles s’arrêtent juste devant moi.
Je relève la tête et mon estomac se noue légèrement.
Victoire et Adèle.
- Tiens, tiens, lance Victoire en croisant les bras. Regardez qui est là.
Adèle étire un sourire en coin.
- Toute seule, en plus.
Génial.
- Qu’est-ce que vous voulez ? je demande en gardant un ton neutre.
- Oh, rien, répond Victoire en haussant les épaules. Juste discuter.
Adèle la regarde avant de revenir vers moi, son sourire s’agrandissant.
- Tu sais, c’est marrant… Depuis que t’es arrivée, Gabriel passe beaucoup de temps avec toi.
Je fronce les sourcils.
- Et ?
Victoire s’approche légèrement, son regard froid plongé dans le mien.
- Et je trouve ça bizarre, c’est tout.
- Bizarre comment ?
Elle hausse un sourcil, comme si elle savait quelque chose que j’ignorais.
- Gabriel a jamais vraiment été du genre à s’attacher.
- Peut-être qu’il a changé, je réplique sans me démonter.
- Ou peut-être que c’est du flan, répond Victoire, son regard me scannant.
- C’est clair, renchérit Adèle. Gabriel et une relation sérieuse ? Ça tient pas la route.
Je serre les dents, agacée.
- Et donc ? Vous voulez quoi ? Que je m’en aille ?
Victoire sourit doucement, presque trop gentiment.
- Non, je veux juste savoir si tu joues à un jeu… ou si t’es juste naïve.
Je m’apprête à répondre, mais une voix masculine m’interrompt.
- Wow, les filles, c’est une fête, pas un interrogatoire.
Je tourne la tête et vois Léo qui arrive de nulle part.
Victoire et Adèle se figent légèrement, avant que Victoire ne roule des yeux.
- On discute juste, Léo.
- Ah ouais ? Il pose une main sur mon épaule et me regarde. Clem, t’as envie de "discuter" ?
Je hésite une seconde, puis secoue la tête.
- Pas vraiment.
Léo sourit légèrement et lève les mains en signe d’innocence.
- Bon bah, problème réglé.
Adèle croise les bras.
- C’est quoi ton problème, Léo ?
- Moi ? Aucun. Il sourit faussement. Mais bizarrement, dès que vous êtes dans les parages, j’ai une envie soudaine de m’éloigner.
Victoire soupire, agacée.
- T’es insupportable.
- Je sais, merci.
Adèle lui lance un regard noir avant de tourner les talons, suivie de Victoire.
Léo attend qu’elles soient hors de portée, puis il me regarde.
- Tout va bien ?
Je souffle, relâchant la tension qui s’était installée.
- Ouais. Merci.
Il sourit et passe un bras autour de mes épaules.
- Allez, viens, on va te trouver un autre verre.
Et franchement, je crois que j’en ai besoin.
Après l’épisode Victoire-Adèle, Léo ne me lâche plus. Il me traîne d’un groupe à l’autre, me présente des gens, me fait rire avec ses bêtises et me force presque à profiter de la fête.
Petit à petit, la tension s’évapore.
Gabriel a réapparu un moment, échangeant un regard avec Léo avant de me demander si tout allait bien.
J’ai hoché la tête, et il n’a pas insisté. Mais j’ai vu dans son regard qu’il avait capté que quelque chose s’était passé.
Et maintenant ?
Maintenant, je danse.
Je danse avec Léo, avec Julien, avec des inconnus qui passent.
L’air est chaud, les lumières colorées clignotent sur la piste, et les basses résonnent jusque dans ma cage thoracique.
C’est grisant.
Je ferme les yeux, laissant la musique m’absorber, oubliant tout le reste.
Même Gabriel, qui me regarde de loin, une bière à la main.
Il n’a pas bougé.
Il reste en retrait, observant, comme s’il veillait.
Mais ça ne m’empêche pas de profiter.
La nuit avance, et l’ivresse de la fête se fait plus intense.
02h07 du matin
Tout bascule en une fraction de seconde.
Je suis en train de rire avec Julien près du bar quand un bruit sec et brutal éclate au loin.
Je tourne la tête.
Et je le vois.
Gabriel.
En plein milieu d’une dispute.
Avec un mec que je ne connais pas, mais qui n’a pas l’air ravi.
Il y a de l’électricité dans l’air, une tension qui grimpe en flèche.
Les voix sont agressives, les gestes saccadés.
Julien s’arrête net.
- Oh merde…
Léo surgit de nulle part, l’air crispé.
- Ça sent mauvais.
Et il a raison.
Le type pousse violemment Gabriel, qui ne bouge pas.
Mais je le connais.
Il est en train de bouillir intérieurement.
Et quand il explose, ça fait des dégâts.
- Gabriel, laisse tomber, lance Léo en s’approchant, comme pour calmer le jeu.
Mais c’est trop tard.
Le mec remet une couche, crache une insulte.
Et Gabriel pète un plomb.
Il l’attrape par le col et le plaque contre le mur.
- Répète ? grogne-t-il, la mâchoire serrée.
Les gens se retournent.
L’agitation monte d’un cran.
- Hey, calme-toi, tente Julien en avançant.
Le type essaie de se dégager, mais Gabriel ne lâche pas.
- Je t’ai dit de répéter, insiste-t-il, la voix glaciale.
- Gabriel, ça suffit, j’interviens, me frayant un chemin jusqu’à lui.
Il ne me regarde même pas.
Son regard est figé sur sa cible, une noirceur étrange dans ses yeux.
Et c’est là que je panique un peu.
Parce que Gabriel, je l’ai rarement vu comme ça.
Froid.
Calculateur.
Prêt à faire mal.
Je pose une main sur son bras.
- Gabriel!
Il tressaille légèrement.
Comme s’il m’entendait enfin.
Puis il relâche sa prise, d’un coup sec.
Le type recule, les yeux remplis de rage, mais ne dit rien.
Il sait qu’il a perdu.
Gabriel se tourne vers moi.
- On rentre.
Sa voix est basse, ferme.
Je ne proteste pas.
Il me prend par la main, sans hésiter.
Sans même un regard en arrière.
Léo, Julien, tout le monde nous regarde disparaître dans la nuit.
Et la scène a des allures de fin de film.
Gabriel m’entraîne dehors, son pas rapide, furieux.
La nuit est lourde, l’air chargé d’électricité.
Il ouvre la portière de sa voiture sans un mot.
Je monte.
Il démarre.
Et on s’éloigne de la fête dans un silence fracassant.
Le trajet du retour se fait dans un silence pesant.
Gabriel serre le volant, la mâchoire contractée, et ne dit pas un mot.
J’hésite à parler.
À lui poser les questions qui me brûlent les lèvres.
Mais son regard est dur, perdu quelque part ailleurs, et je ne sais pas si j’ai envie d’être celle qui le ramène à la réalité.
Finalement, je prends mon courage à deux mains.
- C’était qui, ce mec ?
Il ne répond pas tout de suite.
Puis, d’une voix basse et tendue :
- Personne d’important.
Je fronce les sourcils.
- Ça avait pas l’air d’être “personne”.
Il serre le volant encore plus fort.
- Laisse tomber, Clémence.
Je n’aime pas cette réponse.
Mais avant que je puisse insister, il se gare devant la maison et coupe le moteur d’un geste sec.
- Viens.
Son ton est autoritaire, mais pas froid.
Plutôt… pressé.
Je sors de la voiture et le suis jusqu’à l’intérieur.
La maison est plongée dans le noir, silencieuse.
Julien et Léo ne sont pas encore rentrés.
Gabriel se dirige vers le salon, passe une main dans ses cheveux, visiblement agité.
Et moi, je veux des réponses.
Je le rejoins et me plante devant lui.
- Gabriel?
Il ne me regarde pas.
Il fait les cent pas, son énergie presque incontrôlable.
- T’as failli te battre ce soir.
- J’ai pas envie d’en parler.
- Trop tard.
Il s’arrête enfin et tourne la tête vers moi.
Son regard est brûlant, indéchiffrable.
- Pourquoi tu fais ça ? demandé-je, doucement.
Il reste silencieux.
Je m’approche.
- Gabriel?
- Il n’attend pas.
Il me prend par la taille et m’embrasse.
Un vrai baiser.
Pas un simple contact, pas un jeu.
Un baiser profond, intense, affamé.
Comme s’il voulait me posséder, m’ancrer à lui, oublier tout le reste.
Et je me laisse faire.
Parce que je le veux aussi.
Mon cœur explose dans ma poitrine, mes mains viennent s’accrocher à sa chemise alors que ses doigts serrent ma taille avec force.
C’est violent, c’est urgent.
C’est Gabriel.
Mais aussi vite qu’il m’a embrassée, il s’arrête brutalement.
Comme s’il venait de réaliser ce qu’il faisait.
Il recule, me lâche, les lèvres entrouvertes, le souffle saccadé.
Ses yeux sont remplis de confusion.
- Merde…
Je ne peux rien dire.
Je suis encore trop secouée, trop prise dans l’instant.
Il passe une main sur son visage, puis secoue la tête.
- Je suis désolé.
Sa voix n’est qu’un murmure, rauque, coupable.
Puis, sans attendre une réponse, il tourne les talons et disparaît dans sa chambre, claquant la porte derrière lui.
Je reste là.
Seule.
Le souffle court.
Déboussolée.
Je lève une main à mes lèvres, encore brûlantes du baiser qu’il vient de me voler.
Et je ne sais pas quoi faire.
Alors, au bout d’un moment, je monte aussi et me glisse sous mes draps, la tête pleine de questions sans réponses.
Et je finis par m’endormir, troublée.
Le soleil perce à travers les volets, projetant des tâches dorées sur les draps froissés. J’ouvre les yeux lentement, encore engourdie par le sommeil… et les souvenirs de la veille qui me frappent de plein fouet.
Gabriel.
Son regard brûlant.
Son baiser.
Puis… son départ précipité.
Je me redresse en soupirant et attrape mon téléphone. Pas de message. Pas d’explication. Rien.
Mon ventre se serre. J’aurais aimé lui parler.
Mais quand je sors de ma chambre et rejoins le salon, je ne vois que Léo et Julien, affalés sur le canapé, leurs têtes enfoncées dans des coussins.
D’ailleur comment ils sont rentrés on est partie avec la voiture.
Je n’ai pas le temps de poser la question que:
- Putain, on a l’air morts, grogne Léo, la voix encore ensommeillée.
- Normal, on s’est couchés à pas d’heure, marmonne Julien.
Je fronce les sourcils.
- Où est Gabriel ?
Julien hausse les épaules.
- Toujours dans sa chambre.
Léo roule des yeux.
- Il joue les ermites. On a essayé de le faire sortir, mais monsieur "je broie du noir" veut rester enfermé.
Mon cœur rate un battement. Je veux comprendre. Savoir ce qui s’est passé dans sa tête hier soir.
Mais s’il ne veut pas parler…
Je soupire et me laisse tomber sur le canapé.
Julien se redresse légèrement et me regarde.
- Bon, on y va ?
Je fronce les sourcils.
- Où ça ?
Léo me fixe, choqué.
- Tu rigoles, là ?
Julien secoue la tête, faussement déçu.
- Clémence, Clémence, Clémence… On t’a perdu en route ou quoi ?
Léo lève les bras au ciel.
- Le shopping, meuf ! On en a parlé samedi !
Je cligne des yeux, avant de me souvenir.
- Ah, oui.
Léo pose une main sur son cœur, exagérant son expression de soulagement.
- J’ai cru que t’avais eu une commotion cérébrale dans ton sommeil.
Julien hoche la tête d’un air grave.
- Ou pire… que t’étais devenue comme Gabriel.
Je roule des yeux alors qu’ils explosent de rire.
- Vous êtes bêtes.
- Peut-être, mais maintenant, bouge-toi, on a des trucs à acheter ! s’exclame Léo en se levant d’un bond.
Julien approuve en hochant la tête.
- On part à la plage mercredi, meuf, faut qu’on s’équipe ! Maillot, crème solaire, lunettes…
Léo affiche un sourire plein de sous-entendus.
- … et une surprise pour Gabriel.
Je plisse les yeux.
- Quel genre de surprise ?
- Une belle.
Il ne développe pas. Mais vu son air malicieux, ça promet.
- Allez, on bouge !
Sans attendre, il me tire du canapé, et je n’ai pas le choix.
La journée promet d’être… intéressante.
Dès qu’on met un pied en ville, je sens que cette journée va être un véritable cirque.
Julien et Léo marchent devant moi, déjà en train de débattre sur le premier magasin à envahir.
- Bon, priorité aux vêtements ou aux conneries ? demande Léo en faisant craquer ses doigts comme si c’était une mission hyper sérieuse.
- D’abord les fringues, répond Julien. On a tous besoin de trucs pour la plage.
- Oui, mais le fun dans tout ça ?
Je secoue la tête, amusée.
- On peut essayer de faire un shopping normal, pour une fois ?
Les deux se tournent vers moi avec un air consterné.
- Clémence, commence Julien d’un ton dramatique, le shopping "normal", ça n’existe pas avec nous.
- Tu nous sous-estimes, ajoute Léo en posant une main sur son cœur.
Je lève les yeux au ciel et les suis dans la première boutique.
On commence par fouiller les rayons. Léo attrape tout et n’importe quoi, Julien sélectionne des vêtements avec un peu plus de sérieux, et moi… je finis par suivre le mouvement.
- Clémence, il te faut quoi exactement ? demande Julien, concentré sur une pile de shorts en jean.
- Un peu de tout, mais surtout des trucs légers pour la plage.
- Parfait, répond Léo en me mettant un short rose flashy dans les mains.
Je grimace.
- Je refuse d’être une pancarte fluo sur la plage.
- Trop tard, dit-il en m’ajoutant un débardeur vert néon.
Julien rit en le repoussant.
- Laisse-la respirer, Léo. Tiens, ça c’est mieux.
Il me tend un short en jean clair et un haut blanc à bretelles fines. Sobre, mais stylé.
- J’aime bien, admets-je en hochant la tête.
Léo soupire dramatiquement.
- Mais c’est trop basique !
- C’est pas toi qui vas les porter, je réplique en levant un sourcil.
Il lève les mains en signe de reddition.
Puis… je le vois attraper un vêtement, le fixer, et sourire en coin.
- Attendez, j’ai une idée.
Il disparaît vers les cabines d’essayage, et Julien et moi échangeons un regard sceptique.
- Il va encore faire une connerie, dis-je en croisant les bras.
- Oh, clairement, confirme Julien.
- Les gars, je vais vous montrer une version de moi que vous n’avez jamais vue. dit-il depuis la cabine d’essayage.
Quelques minutes plus tard, Léo ressort en robe d’été fleurie, une main sur la hanche, une pose digne d’un mannequin professionnel.
- Admirez-moi dans toute ma splendeur !
Julien explose de rire, et moi, je suis obligée de me cacher derrière mes mains pour ne pas pleurer de rire.
- T’avais conscience que t’avais pris une robe ? demandé-je entre deux éclats de rire.
Léo baisse les yeux vers lui-même et hausse les épaules.
- J’me disais bien que c’était vachement fluide comme tissu.
Puis, il fait un tour sur lui-même et prend une pose dramatique devant le miroir.
- Je suis sublime.
- T’es un désastre, oui, souffle Julien, plié de rire.
- Un désastre… mais avec du style.
Je ris tellement que j’en ai mal au ventre.
- Ok, maintenant va te changer avant qu’on se fasse virer, souffle Julien.
Mais juste avant que Léo ne reparte vers la cabine, j’ai une soudaine idée.
- Attends !
Ils me regardent, intrigués.
Et là, je chope un chapeau de paille immense, une paire de lunettes de soleil ridiculement énormes et je me tourne vers Léo.
- On joue le jeu jusqu’au bout.
Julien rit déjà en voyant où je veux en venir.
Léo prend le chapeau, l’enfile avec sérieux, met les lunettes et prend une pose digne d’un défilé de mode.
- Je suis prêt pour ma nouvelle vie.
- Une vie de touriste à la retraite, se moque Julien.
- N’empêche que j’assure, réplique Léo en faisant mine de jeter ses cheveux imaginaires en arrière.
Je ris tellement que j’en ai les larmes aux yeux.
Puis, je me rends compte d’un truc.
D’habitude, je suis plutôt raisonnable en shopping. Mais aujourd’hui ?
Je me sens bien.
Alors, je me lâche.
Je prends une robe longue fendue sur le côté, l’air déterminé.
- Ok, c’est mon tour.
Julien et Léo ouvrent de grands yeux.
- Attends, Clémence qui veut essayer des trucs cools ? dit Léo. Je dois filmer ça.
Je l’ignore et disparais dans la cabine.
Quelques minutes plus tard, je ressors avec la robe parfaitement ajustée, des talons que je viens de choper et une démarche exagérément classe.
- Tadam.
Julien siffle d’admiration.
- Ok, là, respect.
Léo cligne des yeux, impressionné.
- Attends, Clémence, c’est toi ça ?
Je fais un tour sur moi-même et souris.
- J’suis un vrai caméléon.
- J’avoue que là, t’as géré, dit Julien en hochant la tête.
Léo met une main sur son cœur.
- Je suis fier de toi.
Je ris, puis je reviens à des vêtements plus normaux. Mais cette énergie-là, je la garde.
Après les vêtements, on enchaîne avec les accessoires.
Dans un magasin de lunettes de soleil, Julien enfile une énorme paire avec des verres jaune fluo et fronce les sourcils.
- On dirait des agents secrets pourris, commente-t-il.
Léo met des lunettes en forme d’étoiles, pose ses mains sur ses hanches et prend une voix dramatique :
- Je suis une célébrité en cavale.
Moi, je prends une paire trop grande pour moi, mets une main sur mon menton et déclare :
- Léo, ton style pique les yeux.
On explose tous de rire.
Puis vient le moment le plus important : l’achat le plus stupide pour Gabriel.
- On achète quoi à Gabriel pour le faire râler ? demande Julien avec un sourire en coin.
Léo n’hésite pas une seule seconde. Il attrape une énorme perruque rose fluo et la brandit comme un trophée.
- Parfait.
Je hurle de rire.
- Il va nous tuer.
- C’est le but, réplique Léo avec un sourire diabolique.
- Il a pas voulu venir, c’est sa punition. Ajoute Julien.
Je suis morte de rire rien qu’en imaginant Gabriel avec ça sur la tête.
On achète encore des tonnes de trucs pour la plage : crème solaire, serviettes, un flamant rose gonflable géant que Léo insiste pour prendre.
- Ce sera notre mascotte de groupe, dit-il en hochant la tête.
Je secoue la tête, amusée.
Mais surtout…
On passe la journée à rire.
À oublier le reste.
Mais une chose est sûre :
Quand Gabriel verra la perruque…
Il va détester.
Et honnêtement ?
Ça me fait déjà plaisir.
Après notre journée de shopping chaotique, on rentre à la maison, chargés de sacs, mais surtout avec un moral au top.
Léo balance ses achats sur le canapé avant de s’y laisser tomber avec un soupir de satisfaction.
- Mission accomplie.
Julien s’écroule sur un fauteuil, tandis que moi, je m’étire en lâchant un petit gémissement de soulagement.
- J’ai mal aux pieds, je me plains en jetant un regard accusateur à mes nouvelles sandales.
- Mais avoue que ça valait le coup, dit Léo avec un sourire en coin.
Je roule des yeux.
- Ok, peut-être un peu.
On passe la prochaine heure à déballer nos trouvailles, essayer certains vêtements juste pour le fun, et surtout, raconter des conneries. Léo ne se remet toujours pas de ma soudaine prise de confiance pendant le shopping.
- Sérieusement, Clémence, je suis pas sûr d’avoir récupéré du choc de te voir dans cette robe.
- Ça va, t’as survécu, je réplique en croisant les bras.
Julien rit et tape dans ses mains.
- En tout cas, cette journée était parfaite.
Mais il manque quelque chose.
Ou plutôt… quelqu’un.
Et même si j’essaie de ne pas trop y penser, ça me travaille.
On est en train de regarder une vidéo totalement débile sur le téléphone de Julien quand la porte de la chambre de Gabriel s’ouvre enfin.
Un silence s’installe immédiatement.
Léo me lance un regard en coin et je hausse les épaules, aussi surprise que lui.
Gabriel descend les escaliers, l’air parfaitement normal, comme si rien ne s’était passé la veille.
Comme si notre baiser n’avait jamais existé.
- Yo, dit-il simplement en se dirigeant vers la cuisine.
On le fixe tous les trois, un peu déconcertés.
Julien est le premier à réagir.
- Yo ? C’est tout ?
Gabriel ouvre le frigo, en sort une bouteille d’eau et boit tranquillement, sans répondre.
Léo croise les bras, faussement offusqué.
- Mec, tu t’es enfermé comme un moine pendant toute la journée, et tout ce que tu trouves à dire, c’est "yo" ?
Gabriel hausse les épaules.
- J’avais juste pas envie de sortir.
Je serre légèrement les dents, mais je ne dis rien.
Ok. On fait comme si de rien n’était.
Très bien.
Julien et Léo échangent un regard complice avant que Julien ne claque soudainement dans ses mains.
- Bon, on va faire comme si on croyait à cette excuse bidon.
Léo se lève et attrape un sac posé à côté du canapé.
- Mais comme on est des amis géniaux, on t’a ramené un cadeau.
Gabriel fronce les sourcils, méfiant.
- Un cadeau ?
- Ouais, un truc indispensable pour les vacances.
Léo sort l’énorme perruque rose fluo et la brandit comme un trophée.
- Tadaaam !
- Gabriel reste immobile une seconde.
Puis, il soupire profondément en croisant les bras.
- Vous êtes sérieux ?
- Évidemment.
Julien hoche la tête gravement.
- On ne plaisante pas avec la mode capillaire.
Léo s’approche et lui colle la perruque dans les mains.
Gabriel lève les yeux au ciel.
- Vous êtes vraiment des cas désespérés.
- Et toi, t’es obligé de l’essayer, insiste Léo avec un énorme sourire.
Gabriel semble hésiter, puis pousse un nouveau soupir théâtral.
- Vous êtes de grands enfants.
Mais… il attrape la perruque et l’enfile sur sa tête.
- Merveilleux, souffle Julien en retenant son rire.
Gabriel prend un air hyper sérieux, se regarde dans le reflet d’un écran noir et fait une grimace dramatique.
- J’ai l’impression d’être un clown qui a raté sa carrière.
Je mords ma lèvre pour ne pas éclater de rire.
Mais Léo, lui, ne se prive pas.
- Mec, t’es juste iconique.
Julien sort son téléphone.
- Attends, faut immortaliser ça.
Gabriel lève une main.
- Pas de photos.
- Trop tard, dit Julien en tapotant déjà sur son écran.
Gabriel lui lance un regard noir, mais il ne semble même pas réellement énervé. Il rentre dans leur jeu, et mine de rien, ça fait du bien de le voir comme ça.
Alors moi aussi, je me laisse aller et je souris.
Peut-être que, finalement, on peut juste profiter sans se prendre la tête… pour ce soir, au moins.