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33 : Révélations

Clémence

Cela fait maintenant une semaine que Gabriel agit comme si de rien n'était. Chaque matin, il vient me chercher, m'amène à l'université, comme au début de cette fausse relation. Pas un mot en plus, pas un mot en moins. Juste un "Bonjour" mécanique, un "Bonne journée" rapide, et on passe la journée sans se parler davantage. Ça fait mal, mais je m'y suis fait. En tout cas, je crois que je m'y fais.

Le lundi soir, quand je suis arrivée à la résidence, j'ai tout raconté à Manon. Je lui ai expliqué que Gabriel voulait prendre ses distances, que c'était soi-disant le mieux pour tout le monde. Et bien sûr, je lui ai rappelé comment il m’avait fait comprendre que rien ne s’était passé lors de la première soirée, après qu'il m'ait embrassée. Le lendemain, il n’a même pas quitté sa chambre. Et puis, comme si de rien n’était, il a continué sa routine habituelle.

Manon a été furieuse, elle m'a dit qu'il n’avait aucune idée de ce qu’il voulait, et que son comportement n’était pas digne de lui. Elle était prête à le confronter, mais je l’ai calmée. Je savais qu’elle avait raison, mais je ne pouvais pas faire face à une confrontation directe. Pas encore.

Au fur et à mesure de la semaine, je l'ai observé, je l’ai vu se comporter avec la même froideur. Chaque matin, il me souriait vaguement avant de m’amener à l’école. Ce n’était même plus un sourire chaleureux. Il me traitait comme un collègue, presque comme une inconnue. Et ça me brisait un peu plus chaque jour.

Aujourd’hui, alors qu’on marche tous les deux sur le campus, je finis par ne plus tenir. C’est comme si j’avais besoin de parler à quelqu’un, de mettre des mots sur ce que je ressens. Je me tourne vers Manon pendant la pause de midi, alors qu’on est toutes les deux installées sur un banc au soleil, et je lui confie ce qui me pèse depuis quelques jours.

- Manon, ça me manque. Tout ça me manque. Le temps passé avec lui, même quand c’était juste des petites discussions sur des trucs sans importance. Mais là, c’est… différent.

Manon me fixe, une lueur de compréhension dans les yeux, avant de sourire doucement, mais d’un sourire un peu triste.

- Clémence, c’est parce que tu es amoureuse.

Je lève les yeux vers elle, stupéfaite, et je me mets à rire nerveusement.

- Non, non, tu te trompes. Je ne suis pas amoureuse de lui. C’est juste… je sais pas… c’est juste que je suis perdue dans tout ça, et son comportement me perturbe. C’est difficile de savoir comment réagir.

Manon hausse un sourcil, ne croyant pas une seconde à ce que je viens de dire.

- Si tu dis ça, c’est probablement parce que tu as des sentiments pour lui. Tu sais, je vois bien comment il te regarde, même si tu veux ignorer ça. Mais lui, il ne semble pas voir les choses de la même façon.

Je ferme les yeux un instant, soupirant profondément. Manon n’a pas tort. Tout me crie que je suis attachée à Gabriel, même si je refuse de l’admettre. Mais je n’arrive pas à croire qu’il ressente la même chose. Il agit comme s’il n’y avait jamais rien eu entre nous, comme s’il n’était même pas touché par ce qui s’est passé. Et ça, ça me tue.

- C’est ça qui me fait mal. Son comportement me fait penser qu’il ne ressent rien pour moi. Que tout ça, pour lui, ce n’était qu’une illusion.

Je sens le poids de ses mots m’enfoncer un peu plus dans la réalité. Une réalité qui ne me plaît pas du tout.

Manon pose sa main sur la mienne, un geste de réconfort, mais aussi de compréhension.

- Clémence, tu sais, parfois, les gens ont du mal à gérer leurs sentiments. Peut-être que lui aussi, il est perdu. Peut-être qu’il est juste… effrayé par ce qui se passe entre vous. Mais toi, tu sais ce que tu ressens, non ? Tu n’as pas besoin d’attendre qu’il fasse un premier pas.

Je soupire, son regard insistant me forçant à réfléchir. Peut-être qu’elle a raison, mais une part de moi a du mal à accepter l'idée de tout perdre à cause de son silence. Et peut-être aussi parce qu’il a choisi de prendre ses distances, et moi, je ne suis pas prête à tout gâcher en espérant qu’il se réveille.

- Mais pourquoi il agit comme ça, alors ? Si c’était juste un jeu, pourquoi est-ce qu’il a été aussi gentil, aussi proche au début ? Pourquoi m’embrasser si c’était pour me fuir après ?

Manon se penche un peu plus près de moi, et je sens une énergie nouvelle dans ses yeux.

- Clémence, parfois les gens, ils ne savent pas comment gérer leurs émotions, même quand ils ressentent des choses. Ils ont peur, ils prennent des décisions qu’ils regrettent ensuite, ou qui les laissent juste dans le flou. Peut-être qu’il ne sait même pas ce qu’il veut. Mais toi, toi tu sais ce que tu ressens, et ça, c’est déjà un pas en avant. Ne laisse pas son comportement te détruire. Ce n’est pas toi qui dois t’adapter, c’est lui qui doit comprendre ce qu’il veut.

Je hoche la tête lentement. Ce qu’elle dit a du sens, mais ça ne change rien à la douleur qui me ronge. Si Gabriel ne veut pas de moi, alors je dois le laisser partir. Mais tout ce que je ressens, c’est cette étrange sensation de vide qui s’installe petit à petit, chaque jour un peu plus. La question est : jusqu’à quand vais-je pouvoir le supporter ?

La réponse arrive vite car...

Le lendemain matin, je me sens déjà sur le point de craquer avant même d'arriver à l'école. Je marche à ses côtés, les yeux fixés sur le sol, essayant de ne pas croiser son regard.

Une tension sourde s’est installée dans ma poitrine, comme un poids invisible qui m’écrase un peu plus à chaque pas. J’ai l’impression d’être prise au piège dans une bulle étouffante, incapable de respirer correctement. Tout mon corps est tendu, mes poings serrés dans les poches de ma veste, mes épaules crispées comme si j’essayais de me protéger d’une attaque invisible.

Et en un sens, c’est le cas.

Gabriel est là, à quelques centimètres de moi, mais il est aussi terriblement loin.

Cette semaine a été un enfer. Un supplice silencieux, une torture insidieuse qui me ronge de l’intérieur. Chaque matin, il est venu me chercher comme si rien n’avait changé. Chaque matin, il m’a adressé ces mêmes mots anodins, ce sourire poli, cette distance soigneusement calculée. Chaque matin, j’ai encaissé, j’ai gardé la tête haute, j’ai joué mon rôle, exactement comme lui, comme si rien n'avait changé. Mais tout a changé. Tout a changé pour moi, et je n'en peux plus.

Aujourd’hui, je n’y arrive plus.

J’ai l’impression qu’une fissure s’agrandit en moi, menaçant d’exploser à tout moment.

J’entends le brouhaha des étudiants autour de nous, les rires, les discussions animées, des éclats de voix qui se mélangent sans que je parvienne à les comprendre. Tout me paraît flou, étouffé, comme si j’étais sous l’eau.

J’avance mécaniquement, mes jambes bougent par habitude, mais mon esprit est ailleurs.

Et puis on arrive devant les portes de l’université.

Et c’est là que ça me prend.

- Bonne journée, Clémence.

Sa voix est posée, neutre. Son sourire… figé. Froid. Factice. Et comme tous les matins, il essaye de me donner un petit bisou.

Mais la, c’est la goutte d’eau.

Je m’arrête net.

Mon cœur bat à une vitesse affolante, mon estomac se tord douloureusement, et mes muscles se raidissent.

C’est fini. Je ne peux plus.

Je me tourne brusquement, sentant la colère enfler dans ma poitrine comme une vague incontrôlable. Mon souffle est court, mes mains tremblent légèrement, et je sens une bouffée de chaleur monter le long de ma nuque.

- Gabriel, arrête, je ne peux plus.

Ma voix claque dans l’air, plus forte que je ne l’avais prévu.

Il se fige, visiblement surpris. Son regard croise enfin le mien, et pour la première fois en une semaine, j’y vois quelque chose d’autre que cette façade indifférente.

- Quoi ?

Il fronce les sourcils, l’air perdu. Comme s’il ne comprenait pas.

Comme si je parlais une langue inconnue.

Je serre les dents, une boule douloureuse coincée dans ma gorge.

- Ce jeu… ce rôle de fausse petite amie… c’est terminé ! Je n’en peux plus de ça, je n’en peux plus de ce putain de mensonge.

Les mots sortent tous seuls, portés par ma frustration, par cette colère que j’ai accumulée depuis des jours.

Gabriel me fixe, l’incompréhension toujours peinte sur son visage.

- Mais… Clémence, je comprends pas…

Je lève une main pour le faire taire, incapable d’entendre une de ses excuses creuses.

- Non, tu comprends rien !

Ma voix tremble sous l’émotion. Je me rends compte que des dizaines de regards se sont tournés vers nous, que les conversations autour se sont atténuées, mais je n’en ai rien à foutre.

- Ça fait une semaine que tu fais comme si de rien n'était, que tu agis comme si ce qu'on vivait n'avait aucune importance.

Je marque une pause, reprenant mon souffle, sentant mon cœur cogner contre mes côtes.

- Tu m'emmènes à l’université tous les jours, tu me parles comme si tout allait bien, mais tu me fuis dès que les choses deviennent réelles.

Je plisse les yeux, le défiant du regard.

- T’es juste… un putain d’hypocrite.

Là, je le vois.

Le léger tressaillement dans sa mâchoire, la crispation de ses doigts.

Il serre les poings.

- C’est pas vrai… commence-t-il, mais je le coupe immédiatement.

- Bien sûr que si !

J’ai envie de rire, mais je suis trop en colère pour ça.

- Tu veux savoir ce que je vois ? Je vois quelqu'un qui a peur. Quelqu'un qui préfère faire comme si rien ne s'était passé, comme si rien n’avait compté, juste parce que ça l’arrange.

Je secoue la tête, amère.

- Mais moi, je peux pas. Je peux plus.

Je croise les bras sur ma poitrine, comme pour contenir le tremblement de mes doigts.

- Je suis fatiguée, Gabriel. Fatiguée de ce rôle, fatiguée de jouer la petite copine qui ne sert à rien.

Mon regard se durcit.

- Je n'ai jamais voulu ça.

Je sens une brûlure derrière mes paupières, mais je refuse de pleurer. Pas maintenant. Pas devant lui.

- Tu sais quoi ? C’est fini.

Je secoue la tête, comme pour appuyer mes mots.

- Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi si c’est pour continuer à me faire traiter comme ça.

Un silence pesant s’abat sur nous.

Je tourne les talons, prête à partir.

Mais au dernier moment, une impulsion me retient. Je me retourne une dernière fois.

- Et arrête de faire semblant.

Je marque une pause, laissant mes mots le frapper en plein cœur.

- Tout le monde voit bien que tu t’en fous.

Les secondes s’étirent, et Gabriel ne dit toujours rien.

Rien.

C’est ça, le pire.

Je ravale ma douleur et détourne les yeux.

C’est fini.

Je fais quelques pas, m’éloignant de lui, et c’est alors que mon regard croise celui de Manon.

Elle me fixe avec intensité, et dans ses yeux. Et bien que ce soit son frère, je vois tout, du soutien, de la fierté, une forme de soulagement aussi, comme si elle attendait que j’arrive à ce moment.

Elle savait.

Elle savait que ça devait arriver.

Et moi aussi, au fond.

Mais avant que je ne puisse repartir, une voix s’élève derrière moi, plus douce, plus mielleuse.

- Oh, Gabriel…

Un frisson de dégoût me traverse.

Je me fige.

Je connais cette voix.

Lentement, je me retourne.

Victoire.

Elle s’est avancée jusqu’à Gabriel, un sourire aux lèvres. Elle pose une main sur son bras, pressant légèrement ses doigts contre son avant-bras, se rapprochant de lui avec une aisance qui me révulse.

- J’ai entendu ce qu’elle vient de dire…

Elle parle tout bas, mais je l’entends parfaitement.

Elle se hisse légèrement sur la pointe des pieds, ses lèvres frôlant presque son oreille.

- Si tu as besoin d’une fausse petite amie… je suis toute disposée à jouer ce rôle pour toi.

Elle marque une pause, et je peux presque sentir son sourire s’élargir.

- Je suis très douée pour ça.

J’ai envie de vomir.

La rage explose en moi d’un seul coup, si violente qu’elle me brûle de l’intérieur.

Je m’approche d’eux, mon regard vrillé sur Gabriel.

Il ne réagit pas.

Rien.

Je sens quelque chose se briser définitivement en moi.

- Vas-y, Gabriel. Accepte. Ma voix est glaciale. Au moins, tu n’auras pas de groupe de groupies pour te poser des questions sur ta fausse relation.

Un silence s’installe.

Il ne dit rien.

Il ne fait rien.

Je détourne le regard et pars, sans attendre une seconde de plus.

C’est fini.

Je marche d’un pas rapide, le cœur battant à tout rompre, la mâchoire serrée au point d’en avoir mal.

Je ne sais même pas où je vais.

Tout ce que je sais, c’est que je dois m’éloigner.

J’ai la gorge nouée, le ventre tordu, une boule de colère et de tristesse coincée dans la poitrine. J’ai envie de crier, de frapper quelque chose, d’exploser, mais à la place, je marche.

- Clémence !

Je reconnais immédiatement la voix de Manon derrière moi, et en une seconde, elle est à ma hauteur.

- Tu sais quoi ? dit-elle, son regard brillant d’une lueur malicieuse. Aujourd’hui, on sèche les cours.

Je fronce les sourcils, prise au dépourvu.

- Quoi ? Mais Manon, on peut pas, les études c’est important.

Elle roule des yeux, exaspérée.

- Oui, blablabla, les études, l’avenir, la responsabilité… Je sais tout ça. Mais là, tout de suite, ce qui est important, c’est que t’ailles pas t’enfermer en cours en ruminant cette histoire.

Je croise les bras, hésitante.

- Mais...

- Pas de “mais” ! m’interrompt-elle en me saisissant le poignet. Tu viens, c’est pas une option. T’as besoin d’un vrai break, et moi, j’ai besoin de me défouler en regardant des films et en mangeant de la merde.

Je la regarde, cherchant une excuse, une raison de refuser. Mais la vérité, c’est qu’elle a raison.

Je suis à bout.

J’ai besoin de souffler.

Alors je lâche un soupir et capitule.

- Ok… mais juste pour aujourd’hui.

Son sourire s’élargit.

- Évidemment, ma chère, juste pour aujourd’hui ! dit-elle en me prenant par le bras et en m’entraînant en direction du campus.

On traverse le chemin menant aux résidences étudiantes, et c’est là qu’elle apparaît.

Aurélie.

Je la vois avant qu’elle ne nous remarque, et tout de suite, mon estomac se noue d’irritation. Elle a toujours cette même attitude faussement douce, cette posture calculée, ce regard de biche inoffensive qui cache un serpent venimeux.

Quand elle nous aperçoit, son visage s’illumine d’un sourire compatissant.

- Oh Clémence, je suis tellement désolée, dit-elle d’un ton mielleux en s’approchant. J’ai entendu pour toi et Gabriel… vraiment, si jamais tu as besoin de parler, tu peux toujours m’envoyer un message.

Manon lève les yeux au ciel, déjà prête à la remettre à sa place, mais cette fois, c’est moi qui prends les devants.

Je me tourne vers Aurélie et la fixe droit dans les yeux, un sourire froid aux lèvres.

- Oh vraiment ? Tu veux que je t’envoie un message ?

Elle hoche la tête avec une expression faussement concernée.

- Oui, bien sûr, entre filles, on doit se soutenir.

Je ris, un rire sec et amer.

- C’est marrant, parce que la dernière fois que t’as voulu “soutenir” une fille, c’était pour lui planter un couteau dans le dos.

Elle écarquille légèrement les yeux, feignant la surprise.

- Mais qu’est-ce que tu racontes, Clémence ?

Je fais un pas vers elle, baissant légèrement la voix, mais mon ton est tranchant comme une lame.

- Tu crois que je suis stupide ? Que j’ai oublier?

Elle ouvre la bouche, mais je continue sans lui laisser le temps de répondre.

- Tout ce que t’as fait, c’est jouer la fille parfaite pendant que tu foutais la merde en sous-marin. Et que tu te tapais mon ex!

Son sourire s’efface lentement, et elle recule d’un pas.

- Mais je..

- Non, tais-toi.

Ma patience a atteint sa limite.

- T’as passé des semaines à me regarder de haut, à essayer de me rabaisser en douce, et maintenant que j’ai enfin envoyé chier Gabriel, tu viens jouer la confidente ? T’es ridicule, Aurélie.

Je lui adresse un dernier regard dédaigneux.

- Alors ton message, tu peux te le garder. Et ton soutien aussi.

Un silence pesant s’installe.

Aurélie reste figée, la bouche entrouverte, incapable de trouver quoi répondre.

À côté de moi, Manon sourit, visiblement satisfaite.

- Bien envoyé, murmure-t-elle.

Et sans attendre, on la laisse plantée là et on reprend notre route.

Manon claque la porte derrière nous, comme pour marquer une séparation nette entre la merde de la journée et la soirée qui nous attend. Elle se tourne vers moi, les mains sur les hanches, son regard pétillant de cette lueur malicieuse que je connais par cœur.

- Ok, maintenant qu’on est débarrassées d’Auripute, on va se faire une vraie soirée de consolation.

Je souffle un rire, fatiguée mais amusée par son énergie.

- On a des provisions ?

Son sourire s’élargit alors qu’elle se penche sous son lit, fouille quelques secondes et en sort un énorme sac en plastique qu’elle balance sur la table basse avec fierté.

- Chips, bonbons, chocolat… J’ai tout prévu.

Je lève les yeux au ciel, les bras croisés.

- T’avais déjà décidé qu’on sècherait les cours, hein ?

Elle me lance un clin d’œil et s’effondre sur le lit avec un soupir satisfait.

- Évidemment.

Un sourire naît sur mes lèvres. Elle me connaît trop bien. Elle savait que j’allais dire non. Et elle savait que j’allais finir par dire oui.

Sans attendre, je me laisse tomber à côté d’elle sur le lit, prenant un paquet de bonbons au hasard dans le sac. Elle allume Netflix, et quelques minutes plus tard, nous sommes plongées dans une comédie débile, les bras pleins de snacks, nos pieds emmêlés sous la couette.

Mais ce n’est que le début.

- Ok, stop, pause, s’exclame Manon au bout de vingt minutes, attrapant la télécommande et stoppant net l’image d’un acteur qui se prenait un énorme gâteau en pleine figure. On ne va pas juste regarder un film comme des vieilles mamies.

Je tourne la tête vers elle, une frite en mousse coincée entre les dents.

- T’as une meilleure idée ?

Elle se redresse en tailleur, les yeux brillants.

- OUI.

Elle bondit hors du lit et ouvre son placard, farfouille quelques secondes et en sort… une bouteille de tequila.

Je fronce les sourcils.

- T’as caché une bouteille d’alcool dans ton placard ?

Elle me lance un regard faussement innocent.

- C’était pour une occasion spéciale. Et devine quoi ? C’est une occasion spéciale.

- Manon… je soupire, partagée entre amusement et exaspération.

- Allez, juste un shot. Pour fêter ta liberté retrouvée.

Je roule des yeux, mais je tends la main.

- Un seul.

Elle rit en versant le liquide dans deux petits verres en plastique.

- Bien sûr, juste un…

On se regarde un instant, puis on trinque avant d’avaler cul sec.

La brûlure descend le long de ma gorge, et je grimace en secouant la tête.

- C’est immonde.

- Ouais, mais c’est efficace.

Elle se rallonge sur le lit et attrape une poignée de chips, les lançant en l’air avant d’essayer de les attraper avec sa bouche. Elle en loupe la moitié, et je ris en voyant une chip se coincer dans ses cheveux.

- T’es conne, je souffle en retirant la pauvre victime salée de sa tignasse.

- Merci, j’essaie.

Une heure plus tard, la bouteille est entamée, les paquets de bonbons vides jonchent le sol et on a complètement laissé tomber le film.

- Ok, question existentielle, commence Manon, les yeux mi-clos. Si t’avais une machine à remonter le temps et que tu pouvais changer un seul truc dans ta vie, ce serait quoi ?

Je réfléchis une seconde, mes doigts jouant avec une peluche posée sur l’oreiller.

- Je n’aurais jamais accepté d’être la fausse copine de Gabriel.

Elle hoche la tête d’un air dramatique.

- Ouais, ça se tient.

- Et toi ?

Elle réfléchit un instant, puis son regard devient sérieux.

- J’aurais mis de la crème solaire cet été.

Je cligne des yeux, avant d’exploser de rire.

- T’es vraiment irrécupérable.

- Je sais.

On rit encore, un rire pur, sans arrière-pensée, juste deux filles en train d’oublier, l’espace d’une nuit, toutes les merdes du monde extérieur.

Et putain, ça fait du bien.

Vers minuit, alors que le sommeil commence à me gagner, Manon bouge sous la couverture et murmure :

- Hé, Clémence ?

- Mmh ?

- T’es mieux sans lui.

Je reste silencieuse un moment, puis je murmure :

- Je sais.

Et pour la première fois depuis des jours, je le pense vraiment.

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