Attention : transition.
En parlant de contrôle, j'ai encore mal à l'épaule.
Tu te souviens du violent coup de frein que tu avais donné pour ne pas shooter la vieille ?
Figure-toi, que parfois, je sens encore la ceinture de sécurité me retenir.
Toi aussi, ce jour-là, il avait fallu te retenir,
pour ne pas faire bouffer son dentier,
à la pauvre mémé qui n'avait même pas prit la peine de regarder des deux côtés avant de s'élancer loin des passages cloutés. A croire que vivre chaque jour, si près de la mort, ça rend audacieux ou négligeant.
Le troisième âge se croit tout permis, as-tu dit, alors que tu venais juste de l'avoir le tien de permis.
Après, on accuse les jeunes de la peste et du choléra, as-tu dit, vérifiant si ton A était bien aimanté à l'arrière de la 206.
On crache sur notre génération, mais nous on n’a pas soutenu les nazis, as-tu dit. Le respect des anciens était resté coincé par l'airbag sans doute, ou dans tes Nike sans lacets.
Puis la prochaine fois, je la pousserais dans les orties, moi, mémé, as-tu dit. Et ça m'a fait rire.
Puis, tu t'es excusé auprès de la vieille, de sa perruque et de son dentier.
Et tu l'as même aidé à porter son cabas jusque chez elle.
Tu t'es excusé de nouveau en lui disant que tu avais eu très peur,
et je me demandais pourquoi si souvent la peur se transformait en colère et la colère en méchanceté, tandis que la septuagénaire nous donnait des caramels,
mous,
qu'elle ne pouvait plus manger sans devoir nettoyer son dentier toutes les deux bouchées.
Merci.
Ah ! vous la jeunesse, a-t-elle dit, profitez tant qu'il en est encore temps.
On aurait dû lui demander de quoi on devait profiter.
Des caramels ?
Des voitures ?
Du soleil ?
Des flaques ?
Des trains ?
Des pâtes bolognaises ?
Toi tu disais qu'il fallait profiter de notre jeunesse,
et de la vie.
Mais je refusais de croire que la vie s'arrêtait en devenant vieux,
et la vieille a sourit,
comme si elle savait,
mais que c'était un truc,
qu'on devait découvrir de nous-même,
alors je cherche encore.
C'était il y a deux ans maintenant,
argh ce temps !