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Chapitre 31

Les petits villages aiment les drames. Ils s’en nourrissent comme les sangsues ont besoin de sang. Les riverains allaient être servis. Elle était à genoux, sur le sol de la chambre d'hôpital, et elle le priait de revenir à elle. Les médecins lui avaient laissé jusqu’à ce soir pour décider. Un mois qu’il était dans le coma. Il n’est plus là, madame, lui avait-on dit, c’est les machines qui le maintiennent. Comment ne pouvait-il être plus là, alors qu’elle sentait le sang pulser sous sa peau ? Elle avait avalé un parpaing et il lui pesait sur l’estomac. Il était naïf, il était rêveur, il était parfois un peu trop optimiste, et il était certainement de trop tête en l’air, mais il n’avait jamais été cruel, alors pourquoi il lui faisait ça, à elle, maintenant. Elle se rétama un peu plus contre le lit de son amant, avec son corps flasque et son mental de flaque d’eau. Elle l'implora, qu’il ouvre les yeux maintenant, et qu’il lui dise quoi faire.

Les pipelettes allaient en parler au café le lendemain matin pendant qu'un couple d'amoureux manquant de pudeur se bécoteraient sans gêne. Comment l’amour pouvait-il encore exister alors que le sien était allongé sur un lit d'hôpital, relié de part et d’autre à des machines par des tuyaux ? Oui, on allait parler du drame des gens du café Bohème, tels des gamins puérils à un cours de mathématique parlant du bisou de Pierre et Lou sous le préau.

Elle avait envie de disparaître, de se noyer dans son aquarium, même si elle était un chouia trop grande pour ça. Disparaître saperlipopette, disparaître ça ne devait pas être si compliqué ! Il suffirait d'un subterfuge pas trop capillotracté et pouf comme un lapin qui au lieu de sortir du chapeau s'évaporerait sous les yeux de son magicien, ils s'envoleraient de ce minable bled, aux ragots plus baveux que des escargots, hermaphrodites et magiques bien entendu, sinon ce serait trop triste. Elle devenait comme lui. Elle délirait. Elle laissait la folie s’emparer d’elle. Elle se perdait dans des scénarios improbables. Elle se lançait des paris, si j’arrive à manger dix sablés en une seule bouchée, il ouvrira les yeux demain. Elle essayait d’embellir ce monde. Parce que ça, ce corps froid sur ce lit froid, avec des tubes lui sortant de toute part, et des bip bip de tout côté, ce n’était pas possible. Cela ne faisait aucun sens dans sa tête. 

Lui, il mettait de la magie dans ce monde, c’était son dada. Il pouvait le faire encore une fois, ouvrir les yeux et dire abracadabra. 

Pourtant cette fois elle avait bel et bien l'impression que ça ne suffirait pas. Que ce soit le musicien ou le magicien, son amant ne se réveillait pas, malgré tous les bisous de véritable amour qu’elle lui donnait. Ses baguettes n'étaient que de farine, et ses espoirs en miettes. Elle se retrouvait plus bas que terre, à ramasser les quenouilles de joie qu'ils avaient fait tomber, lorsque leurs proches les laissèrent se casser les quenottes sur le béton des jours dures, et les mirettes. Leurs parents n’étaient même pas venu les voir, que ce soit les siens ou ceux de son amant. Leur fils allait mourir, et ils gardaient leur rancœur bien ancrée au creux de leur tripes. Le monde de leur fille s’écroulait, et ils ne tendaient pas les bras pour la rattraper : “on t’avait dit, nargua une voix au bout du combiné, que seules des larmes t’attendaient avec cet énergumène.” Et pourtant, ils ne savaient pas, ils n’avaient pas entendu tous leurs éclats de rires, et à quel point la vie était légère à ses côtés, à quel point elle valait le coup d’être vécu quand il lui souriait. Elle avait raccroché. Seule, avec ce corps, vivant, mais pas vraiment d’après les médecins.

Elle signe.

Trois heures et deux sourires de cactus plus tard, elle se retrouvait seule dans leur maison. Le canapé sentait la clope et le Ricard, elle ne se souvient même plus pourquoi, ni comment, mais les faits étaient là. Elle aurait voulu foutre le feu à la maison, et s’allonger confortablement dans leur lit pour bruler avec. La vie l'avait klaxonné avant de se barrer en cacahuète, elle voulait s'envoler sous sa couette. Non, tout ça n'était qu'illusion, c’était un rêve, un cauchemar. Elle fermait fort les yeux, se pinçant pour se réveiller. Rien. Elle étouffait sous ses draps. 

Et il était là, auprès d’elle, ouvrit les bras dans lesquels elle se précipita.

— Mens moi pas, je me mens déjà bien assez.

Il ne répondit pas. Il n’était déjà plus là. Son cerveau était trop fatigué pour faire durer l’illusion plus longtemps. Elle cria “Je m’en fou.”. Et elle pleura toute la nuit. C’était un secret entre elle et son oreiller. Et elle espérait secrètement que bientôt, l’un deux soit muet comme une tombe.

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