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Chapitre 7

Pour se rendre au café, elle traversait le parc. Mercredi, l’endroit se trouvait envahi de bambins et de poussettes. Les balançoires grincent, comme si le passé voulait dire quelque chose. “Au revoir” sans doute. C’est toujours ce que les balançoires veulent dire.

Heureusement, il était trop tôt, les mômes étaient encore au fond de leur draps faisant des rêves extraordinaires avant que maman ne viennent tout interrompre en les réveillant. La bonne femme du café était en retard, elle hata le pas. Ce matin elle ressemblait à un bouquet de fleurs sur le paillasson d’une maison dont la courtisée serait partie en vacances. Les cauchemars avaient envahi sa nuit, déjà bien trop courte. Au fond de sa couette, elle avait battu en retraite, et laissa les larmes l'assiéger. 

Elle courait presque maintenant, haletante. Comme si elle avait soudainement oublié que c’était elle la patronne du café, et qu'elle n'avait de compte à rendre à personne, si ce n’est son banquier. A croire que les vieilles habitudes ont la vie dure. Elle a peur. Peur de louper l’entrée des artistes. Elle vit pour les voir se réveiller, depuis son poste de concierge sur la terrasse de son café. Elle a si peur qu’ils n’ouvrent plus leurs yeux. Leurs beaux yeux où elle voit ce temps qui lui manque tant. Leurs beaux yeux où elle voit l’espoir, l’avenir, et l’amour certains soirs, comme s’il était encore là. Comme si elle avait le droit de dormir et de rêver. Comme si elle pouvait y croire. Le temps s’est rafraîchi, l’été touche à sa fin. Le béton est froid désormais, et leurs mains toujours glacées. Vite jouer un morceau, un air, n’importe quoi, pour se réchauffer. 

Et le café ouvre.

Enfin, ils peuvent entrer, boire leur première boisson chaude, traîner un peu, en attendant que le soleil se lève un peu plus haut dans le ciel. Elle les accueillerait bien toute la nuit, les seules fois où elle a essayé, elle a reçu des plaintes des voisins. Une fois, ils ont même appelé les flics. Alors, les musiciens de rues n’ont plus voulu dormir au chaud du café. Elle n’a pas insisté. Par peur qu’ils ne viennent plus du tout. 

— Un jour on sera connu. Les gens feront des centaines de kilomètres pour venir nous écouter. Mais on vous gardera toujours une place au premier rang, promettaient-ils.

Ils dorment dans le froid, mais ils ont des rêves pleins la tête. Elle aussi elle en avait, il n’y a pas si longtemps que ça. Ouvrir un café avec lui, et vivre longtemps… Comment son cœur peut encore la pincer, alors que ça fait des années qu’il ne bat plus ? 

Pourvu que leurs tendres espoirs deviennent réalité, pense-t-elle, nous sommes bien assez nombreux à nous être laissé avaler par cette vie, en oubliant d’y prendre du plaisir. Pourvu qu’un jour ils se produisent devant une foule en folie, et que plus jamais ils n'aient à poser leur tête sur un oreiller de ciment.

Pourtant, au fond d’elle, son estomac se noue. Jamais elle ne l’avouera, mais une petite voix égoïste se fait entendre dans ses entrailles. Pourvu que rien ne change. Pourvu qu’ils ne m’abandonnent pas eux aussi. Elle ferme les yeux et voit ce monde où ils restent ses musiciens à elle, et qu’elle est la seule à voir leur talent. Il ne faut pas la juger durement. Son coeur ne supporterait pas un nouvel abandon. 

Elle apporta trois tasses de café, et très vite, il fallut en apporter d’autres. Les musiciens de rues furent rejoints par leur bande, des artistes, des étudiants… Leur chaleur réchauffait le café. Neuf heures sonna l’église. Et comme s’ils devaient aller pointer, tout ce petit monde se leva. Il était l’heure d’aller chanter, peindre, écrire et apprendre. Il était l’heure pour les vrais clients, ceux qui paient, les habitués, et les occasionnels, et faire les sandwichs qu’elles proposaient à quatre euros cinquante le midi, et que les ouvriers du coin venaient réclamer pour casser la croûte. 

Il est temps.

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