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PetitePlume
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Chapitre 1: Premier jours

C’était son premier jour.
Son sac à la main, Léa Dumas se tenait devant l’établissement, droite mais le ventre en vrac. Un grand bâtiment gris, inconnu, presque intimidant. À travers les grilles, elle distinguait à peine les élèves déjà présents dans la cour : une masse noire de petites têtes agitées, des voix qui fusaient, des rires, des éclats de chaos ordinaire.

Elle aurait préféré être ailleurs. Dans son lycée d’enfance, dans sa ville. Là où tout aurait eu un sens. Mais la première affectation, c’est rarement un choix. L’éducation nationale en avait décidé autrement. Alors elle était ici. Dans cette ville qu’elle ne connaissait pas. Dans ce lycée qu’elle n’avait jamais vu. Sans repères. Sans visages familiers.

Dans sa main, elle serrait un courrier officiel. Le nom du proviseur y était inscrit : Monsieur Gauthier.
Il fallait maintenant trouver son bureau.

Elle entra dans la cour, hésitante, cherchant du regard quelqu’un qui pourrait l’aider. Mais avant même d’oser interpeller qui que ce soit, une voix grave et sèche la sortit de sa torpeur :

— Vous êtes en retard, mademoiselle Dumas. Venez, c’est par ici. Ça se passe dans l’amphithéâtre.

Le proviseur en personne. Il la dépassa déjà d’un pas vif, sans vraiment l’attendre. Léa inspira profondément et le suivit.

Ils traversèrent un couloir, deux escaliers, et débouchèrent dans une grande salle où quelques adultes s’agitaient encore en préparation. Monsieur Gauthier grimpa sur la scène, lui tendit une pile de documents, et désigna le pupitre. Il y avait là les plannings, les horaires, les noms des élèves. Trop d’infos à absorber. Trop vite.

Puis, les élèves commencèrent à entrer. Un flux continu, bruyant. Certains la regardaient à peine, d’autres chuchotaient déjà. Quelques profs la saluèrent d’un sourire poli. Léa les remercia d’un hochement de tête, sans réussir à s’ancrer. Elle se sentait flottante, étrangère.
Fragile.

La cloche sonna.

Monsieur Gauthier prit la parole. Son ton était formel, mais efficace.

— Bonjour à toutes et tous. Bienvenue pour cette rentrée. Je vous présente votre professeure principale, Madame Dumas. Elle enseignera également l’une de vos matières, vous le verrez dans l’emploi du temps. Je vais maintenant lui laisser la parole pour l’appel.

Un petit silence. Léa s’approcha lentement, ajusta les feuilles, tenta de déglutir discrètement. Sa voix tremblait un peu.

Elle commença à lire les noms, les uns après les autres. Des « Présent » marmonnés, des soupirs, des regards distraits. Certains élèves répondaient à peine, d’autres à contretemps. Elle tentait de garder le cap.

Puis, soudain, elle s’arrêta une seconde.
Là, au fond de l’amphithéâtre. Une élève la regardait.

Pas comme les autres.
Pas avec moquerie. Pas avec distance.
Avec… autre chose.

Quelque chose d’étrangement stable. Comme une présence. Un ancrage.

Un sourire, à peine esquissé, mais clair.
Et Léa, sans savoir pourquoi, sentit une chaleur étrange lui monter au cœur. Comme si, dans ce regard, il y avait un soutien silencieux. Comme si cette élève lui disait sans parler : Je te vois. Tu vas y arriver.

Elle se racla doucement la gorge et reprit l’appel.
Mais le nom qu’elle avait lu un instant plus tôt, celui qu’elle n’oublierait pas, s’était imprimé quelque part en elle.

Maël.

L’appel terminé, Monsieur Gauthier reprit la parole quelques instants pour conclure les consignes générales. Puis il se tourna vers Léa avec un sourire de convenance :

— Je vous laisse les emmener dans votre salle de classe. Vous pourrez leur présenter les emplois du temps et les documents nécessaires.

Léa hocha la tête, remercia le proviseur d’une voix presque inaudible, puis descendit de l’estrade avec la pile de feuilles toujours serrée contre elle.
Les élèves se levèrent dans un brouhaha de chaises. Certains rigolaient déjà, d’autres pianotaient sur leur téléphone à peine sorti. Elle dut hausser un peu la voix pour se faire entendre :

— Euh… Suivez-moi, s’il vous plaît. On va dans la salle 204.

Elle ouvrit la marche, les pas un peu pressés, son sac battant contre sa hanche. Derrière elle, les voix fusaient encore, rieuses, nonchalantes. Elle se sentait minuscule, noyée dans leur énergie débordante. Mais elle tenait bon. Elle respirait, une marche après l’autre.

Arrivée devant la porte de la salle, elle fouilla sa poche pour en sortir la clé. Mais au même moment, un coup de vent — ou un geste trop brusque — fit échapper les dossiers qu’elle tenait. Les feuilles volèrent en éventail à ses pieds, s’éparpillant dans le couloir.

— Oh, mince…

Elle se pencha aussitôt, les joues en feu, les doigts tremblants. Des rires légers s’élevèrent derrière elle, pas vraiment moqueurs, mais pas non plus compatissants.

Et puis, sans bruit, quelqu’un s’accroupit à côté d’elle. Une main fine ramassa les feuilles les plus éloignées. Quand Léa leva les yeux, elle reconnut le visage de l’élève du fond.
Maël.

Leurs doigts se frôlèrent sur une feuille. Un contact infime. Une étincelle presque imperceptible, mais suffisante pour que Léa sente son cœur louper un battement.
Maël ne dit rien. Elle lui tendit simplement les feuilles avec un petit sourire tranquille, presque complice.

— Merci… souffla Léa, un peu surprise.

— C’est rien, répondit Maël. Faut pas les laisser vous bouffer dès le premier jour.

Un clin d’œil, puis elle se releva, laissant Léa encore un peu abasourdie, le cœur battant plus fort qu’elle ne l’aurait cru.

Une fois la porte ouverte, les élèves s’installèrent en ronchonnant à propos de la chaleur, des tables bancales, des fenêtres qui coinçaient. Léa retrouva une contenance tant bien que mal, posa les feuilles sur le bureau, et reprit la parole.

— Bon… On va commencer par les plannings. Je vais vous distribuer vos emplois du temps. Vous verrez, il y a quelques trous, des heures de perm… et beaucoup d’heures de cours.

Un léger rire collectif. Elle esquissa un sourire.

— Vous aurez aussi à repérer vos différents professeurs. Moi, je suis donc votre professeure principale. Et… je vous accompagnerai cette année en informatique.

Un murmure parcourut la classe. Quelques élèves semblaient soulagés, d’autres déjà résignés.

— Pas de panique, dit-elle, un peu plus à l’aise. Je suis là pour vous faire progresser, pas pour vous torturer. On va prendre le temps, chacun à son rythme.

Elle releva les yeux vers la salle. Et croisa de nouveau le regard de Maël. Toujours aussi tranquille. Toujours ce demi-sourire. Léa sentit un frisson lui glisser dans la nuque.

Elle détourna vite les yeux. Reprit la distribution des papiers.
Elle devait rester concentrée. Maîtriser cette nervosité nouvelle.
Ce n’était que le premier jour, après tout.

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