Quelques jours plus tard, le soleil filtrait doucement à travers les rideaux entrouverts. La lumière dorée baignait la chambre d’un éclat tendre, presque irréel. Il faisait encore frais, mais sous la couette, le monde semblait figé dans une bulle de chaleur et de calme.
Léa était déjà réveillée. Allongée sur le côté, elle observait Maël dormir à ses côtés. Ses cheveux en bataille, sa respiration calme, l’ombre de ses cils posée sur ses joues. Les draps descendaient jusqu’à la chute de ses reins, dévoilant juste assez de peau pour faire naître un frisson de tendresse.
Avec lenteur, Léa tendit la main et fit courir ses doigts du haut de son dos jusqu’à sa taille. Une caresse presque imperceptible, attentive, précieuse.
Maël bougea légèrement, un soupir lui échappa, puis un murmure, la voix encore rauque du sommeil :
— Je veux bien que tu me réveilles comme ça tous les matins…
Léa sourit, penchée au-dessus d’elle.
— Ça pourrait être possible, tu sais, souffla-t-elle.
Elle déposa un baiser sur son épaule, puis un autre, plus haut. Elle remonta lentement vers son oreille, effleurant sa peau du bout des lèvres. Entre deux baisers, elle murmura avec un éclat malicieux dans la voix :
— T’es officiellement plus mon élève… On peut faire tout ce qu’on veut, maintenant.
Maël ouvrit un œil, un sourire en coin.
— C’était pas déjà le cas ? répliqua-t-elle d’un ton faussement innocent, en se retournant pour se glisser sur Léa, ses bras s’enroulant autour de son cou.
Elles restèrent ainsi quelques secondes, respirant l’une l’autre, les regards mêlés.
Puis Léa, le cœur battant un peu plus fort que d’habitude, la regarda sérieusement.
— Viens vivre avec moi. Officiellement.
Le silence qui suivit était doux, presque solennel.
Maël resta figée un instant, les yeux plantés dans ceux de Léa. Elle cligna doucement des paupières, comme si elle vérifiait qu’elle avait bien compris.
— T’es là pratiquement tous les jours, murmura Léa. C’est juste… rendre les choses un peu plus vraies.
Maël l’observa, silencieuse encore, puis son visage s’éclaira. Elle hocha la tête, presque timidement.
— Oui. Bien sûr que oui.
Léa la saisit contre elle et l’embrassa avec une tendresse plus brûlante qu’un simple « bonjour ». Ce n’était pas seulement un baiser : c’était une promesse, une reconnaissance, une joie douce.
Puis, dans un éclat de rire, elle repoussa les draps et sauta du lit.
— Allez, hop, debout. Habille-toi.
Maël la suivit du regard, encore étourdie par l’instant.
— Quoi ? Déjà ?
— J’ai une surprise pour toi.
— Une surprise ?
— Une vraie. Tu vas adorer.
Maël haussa un sourcil, intriguée. Mais elle se leva sans protester, attrapant ses vêtements dans le tas posé sur la chaise.
— J’espère que ça vaut la peine d’être tirée du lit après une déclaration pareille, grogna-t-elle dans un sourire.
Léa lui lança un regard complice.
— Promis. C’est un saut, mais du genre qu’on n’oublie pas.
Elles marchèrent main dans la main jusqu’au centre-ville. Léa guidait Maël à travers les rues familières, un sourire énigmatique aux lèvres. Elle ne voulait rien révéler, malgré les regards insistants de Maël et ses questions à peine déguisées.
— Tu sais que je déteste les surprises, râla doucement Maël.
— Tu vas aimer celle-là. Fais-moi confiance, répondit Léa, ses doigts serrant un peu plus les siens.
Elles s’arrêtèrent devant une devanture discrète, un ancien local encore nu, les volets métalliques partiellement relevés. L’odeur de peinture fraîche flottait dans l’air. À l’intérieur, quelques meubles épars, des cartons, un ordinateur sur une table de fortune. Une grande baie vitrée laissait entrer la lumière du jour, baignant la pièce dans une chaleur tranquille.
— C’est… quoi, ici ? demanda Maël, intriguée.
— C’est à toi, répondit Léa.
Maël cligna des yeux. Léa s’approcha d’un carton, en sortit une petite plaque encore emballée dans du papier bulle, et la tendit à Maël.
— C’est pour ton projet. Ton vrai départ.
Maël défit l’emballage. Sur la plaque, en lettres sobres et élégantes, était inscrit :
Au-delà du tableau
Accompagnement numérique et solidaire
Elle resta figée un instant, la plaque entre les mains, les yeux accrochés aux mots. Puis elle releva lentement le regard vers Léa.
— C’est le nom que j’ai choisi, murmura cette dernière, incertaine.
Elle ajouta, un peu vite :
— Et si ça te plaît pas, on peut changer. C’est pas figé.
Un silence. Puis un sourire. Doux. Lent.
— J’adore, répondit Maël.
Léa laissa échapper un souffle. Elle détourna brièvement le regard, presque gênée, avant d’expliquer :
— Quand je t’ai entendue parler de ton projet, de ce que tu voulais faire… Je sais pas. Ce nom m’est venu. Je me suis dit que ça collait.
Elle hésita.
— Que ça te ressemblait. Que ça racontait… comment tout a commencé.
Maël hocha la tête. Elle tenait toujours la plaque contre elle, comme si elle y cherchait une force.
— C’est toi qui m’as donné cette idée, Léa.
Elle marqua une pause, le ton plus grave, plus doux.
— C’est grâce à toi que j’ai construit tout ça. Si t’avais pas été là… rien de tout ça n’aurait vu le jour.
Mais Léa secoua la tête avec tendresse.
— L’idée, elle était déjà en toi.
Elle s’approcha d’un pas.
— Moi, j’ai juste allumé la lumière.
Leurs regards s’accrochèrent, se soutinrent. Sans rien dire de plus, Maël posa la plaque contre la table. Elle s’avança, passa ses bras autour de Léa.
— T’as été la première à vraiment me voir, murmura-t-elle.
— Et toi, tu m’as appris pourquoi j’enseigne.
Elles se retrouvèrent dans un baiser. Lent. Assumé. Un baiser qui n’était plus volé, ni retenu, ni même interdit. Juste là, à leur place, à leur rythme, dans un espace qu’elles avaient construit ensemble.
Le monde pouvait bien attendre.