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PetitePlume
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Chapitre 14 – Silence

Les jours suivants eurent une saveur étrange. Comme un hiver soudain, tombé sans prévenir.

Léa marchait dans les couloirs sans lever les yeux. Croisait parfois Maël de loin, mais ne s’arrêtait pas. Elle n’avait pas le droit. Officiellement, rien n’avait été dit aux élèves. Mais les regards, eux, savaient. Et Maël, surtout, savait.

Les cours étaient devenus mécaniques. Léa parlait, corrigeait, animait. Mais quelque chose s'était éteint dans sa voix. Dans son regard. Un fil avait été tranché.

Et Maël… Maël retombait.

Maël ne participait plus. Elle arrivait en retard, parfois pas du tout. Une remarque acerbe à un professeur. Une absence injustifiée. Une tension qui revenait, insidieuse, comme une habitude dont on croyait s’être défait.

Léa faisait mine de ne rien voir. Elle s’interdisait même de vérifier si la lumière était allumée dans l’appartement du dessus lorsqu’elle passait devant la librairie.

Jusqu’à ce samedi matin.

On frappa à sa porte. Léa, encore en pyjama, les cheveux en bataille, ouvrit sans réfléchir. Nora, emmitouflée dans un manteau long et une écharpe en laine, lui sourit doucement.

— T’as une tête de lendemain de tempête, dit-elle en entrant sans attendre l’invitation.

Léa referma la porte, un peu prise de court.

— J’ai pas eu le courage de me lever tôt, murmura-t-elle.

— Ça tombe bien. Je suis pas venue pour du café mondain.

Nora s’installa sur le petit canapé, retira son manteau avec lenteur. Son regard scrutait Léa, mais sans jugement.

— Tu sais pourquoi je suis là.

Léa s’assit en face, une tasse entre les mains même si elle ne buvait pas.

— Je me doute, oui.

— Elle est pas bien, Léa. Je le vois. Elle fait semblant quand elle passe à la boutique, elle dit bonjour, elle aide… mais elle est ailleurs. Elle bouge comme si elle s’excusait d’exister. Et moi, ça m’inquiète.

Léa baissa les yeux. La tasse fumait à peine.

— On m’a demandé de prendre mes distances.

— Je sais.

Silence.

— Et tu fais quoi, toi, avec ça ? Tu t’exécutes ? Tu regardes une gamine s’effondrer doucement sans rien dire ?

Léa releva les yeux. Il y avait de la fatigue, de la colère retenue, et surtout cette impuissance qui lui collait à la peau depuis trop de jours.

— Je ne sais plus comment faire juste. Si je m’approche, je suis en faute. Si je m’éloigne, je la perds. Et je crois qu’elle le sait. Je crois que c’est pour ça qu’elle recommence. Parce qu’elle croit que je l’ai abandonnée.

Nora hocha lentement la tête. Puis elle se pencha légèrement vers elle.

— Alors trouve une autre manière. Une manière qui ne ressemble pas à ce qu’on t’impose. Mais fais quelque chose. Parce que moi, je veux bien être là, je veux bien ouvrir ma librairie, lui laisser la chambre, lui donner une structure… mais c’est toi qu’elle écoute, Léa. C’est toi qu’elle regarde, même quand tu fais semblant de pas la voir.

Un silence épais tomba entre elles.

Puis Nora reprit, plus douce :

— T’as pas besoin de faire un grand geste. Mais faut qu’elle sache que t’as pas disparu. Qu’il reste quelqu’un de stable, même si c’est discret. Parce que sinon… elle va vraiment croire qu’elle mérite d’être seule.

Léa ne répondit pas. Pas tout de suite. Mais quelque chose, en elle, se redressa doucement. Un éclat fragile, encore caché sous les doutes. L’envie de ne pas lâcher.

Elle releva les yeux vers Nora, et murmura :

— Merci d’être venue.

— Je suis venue pour elle. Mais aussi pour toi.

Et dans ce matin gris, entre deux silences, quelque chose recommença à battre doucement.

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