Léa était à peine entrée dans la salle des profs quand elle entendit les éclats de voix. C'était la voix de Maël, haute, presque criante, qu’elle reconnaîtrait entre mille. Elle se figea un instant avant de se précipiter dans le couloir, où elle aperçut Maël face à un professeur d’histoire, les bras croisés, le visage fermé. L'échange semblait tendu, plus que d’habitude. Les autres élèves observaient, certains se repliant dans les coins de la salle, comme s'ils savaient qu'un incident était imminent.
Léa s’approcha, d’abord inquiète, puis déterminée. Elle ne voulait pas que ça dégénère. En s’interposant entre Maël et le professeur, elle sentit une tension sourde. Mais elle savait qu’elle devait intervenir.
— Ça va ? Tout va bien ? demanda Léa, d’un ton ferme, tentant de décrypter les visages tendus autour.
Le professeur d’histoire, un homme de plus de cinquante ans avec une aura imposante, tourna son regard vers elle.
— Maël, comme d’habitude, n’en fait qu’à sa tête. Elle ne respecte rien. Elle me coupe la parole en plein cours, m’interrompt quand je parle, et refuse de participer aux exercices.
Maël, toujours aussi campée, haussait les épaules, visiblement lassée.
— C’est bon, je ne vais pas perdre de temps avec ça. J’ai d’autres choses à faire.
Léa, un peu déstabilisée, se tourna vers Maël, la prenant un instant à part.
— Maël, sérieusement, tu peux pas continuer comme ça. C’est pas comme ça que tu vas avancer. L’école, c’est important.
Elle remarqua un éclat de défi dans ses yeux, une lueur qu’elle connaissait bien. Maël n’avait jamais cherché à se conformer. Mais cette fois-ci, elle semblait particulièrement fermée.
— Je m’en fous, Léa. Je vais bientôt quitter le foyer de toute façon. Qu’est-ce que ça change si je me bats pour rien ici ? J’ai trois mois pour trouver un job. Je vais quitter ce lycée. Je n’ai rien à y faire.
Le silence se fit autour d’eux. Le professeur d’histoire se contenta de secouer la tête, visiblement excédé, et retourna dans sa salle.
Léa resta là, les bras croisés, hésitante. Elle avait l'impression que chaque geste de Maël était une porte qui se fermait définitivement. Mais elle ne voulait pas abandonner. Elle ne pouvait pas. Pas après tout ce qu'elles avaient traversé.
— Ok, Maël, dit-elle d’une voix plus calme, presque douce. Écoute, je sais que ça semble inutile. Mais tu as encore une chance. Et moi, je suis là pour t'aider. Je sais que tu n’as pas envie de me croire, mais je te promets que je vais t’aider à trouver un boulot, un vrai boulot, un truc qui te permettrait de continuer. Mais… en échange, tu dois faire un effort. Un vrai effort. Participer en cours, te montrer présente. Tu n’as plus de raisons de t’accrocher à ces murs. Mais les règles, elles sont là pour t'aider, pas pour te contraindre.
Un long silence suivit sa proposition. Maël, qui avait baissé les yeux pendant quelques instants, leva finalement la tête vers Léa. Ses yeux étaient plus sombres que jamais, comme si le poids de la situation venait de s’abattre sur elle.
— Et si je te dis que c’est trop tard ? Que je suis déjà épuisée d’essayer ?
Léa la regarda, la voix douce mais ferme :
— Ce n’est jamais trop tard. Si tu veux essayer. Mais tu dois t’investir. Ce n’est pas juste une question de finir l'année. C’est une question de te donner la chance de pouvoir avancer, de pouvoir vraiment repartir à zéro.
Maël sembla hésiter, ses poings serrés se desserrant lentement. Elle déglutit, les yeux fixés au sol.
— T’es sérieuse ? T’es prête à m’aider, même si je suis... comme je suis ?
Léa acquiesça, son regard plein de détermination.
— Oui. Et je sais que tu peux le faire. C’est pour ça que je suis là. Mais si tu veux que ça marche, ça commence par aujourd’hui.
Un silence lourd, puis Maël hocha lentement la tête, sans mot dire. Les mots de Léa résonnaient en elle, mais la question restait en suspens : était-elle prête à changer, même pour une chance d’avancer ?