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PetitePlume
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Chapitre 7 – Failles

La cloche du déjeuner venait de sonner, mais la cour n’était pas encore trop animée. Juste quelques éclats de voix au loin, le bruit des ballons contre les murs du gymnase, des pas pressés sur le gravier.

Léa était assise sur un banc à l’ombre d’un vieux tilleul, une thermos à la main, les épaules tendues. Abigail la rejoignit quelques instants plus tard, sandwich enroulé dans une serviette en tissu, sourire fatigué aux lèvres.

— Je te dérange pas ? demanda-t-elle doucement.

— Non, au contraire.

Abigail s’installa à côté d’elle, en silence. Un petit vent frais faisait voler quelques feuilles déjà jaunies. Elles restèrent ainsi un moment, sans parler, comme deux collègues qui avaient appris à se taire quand les mots sont de trop.

Et puis Léa lâcha, presque malgré elle :

— Elle m’énerve. Elle me trouble. Elle me désarme.

Abigail leva un sourcil, pas surprise.

— Elle te ressemble, un peu, non ?

Léa tourna lentement la tête vers elle, fronça les sourcils.

— Tu veux dire quoi, par là ?

— Je sais pas. C’est une impression. Cette façon de rester en retrait, d’avoir l’air forte tout le temps, alors qu’à l’intérieur c’est un champ de ruines. Tu sais de quoi je parle, Léa.

— C’est pas pareil.

— Non. Mais c’est pas si loin non plus. Elle est pas comme les autres, et toi non plus. Peut-être que c’est ça, le point de départ.

Léa baissa les yeux, jouant avec le bouchon de sa thermos.

— J’essaie de bien faire, murmura-t-elle. Mais je sais jamais comment m’y prendre avec elle. Un jour elle m’envoie balader, le lendemain elle me fait pleurer avec un fichier html. C’est comme marcher sur un fil. Et j’ai jamais été très douée pour l’équilibre.

— Tu l’as touchée. Même si elle le montre pas. Moi je l’ai vue changer, un peu. Ces derniers temps… elle s’ouvre. Par moments. C’est pas grand-chose, mais c’est pas rien non plus.

Léa releva les yeux, un peu perdue.

— Tu penses qu’elle va s’en sortir ?

— Elle a déjà commencé, Léa. Et toi aussi, tu l’aides à faire ce chemin. Peut-être pas comme tu l’imaginais, mais ça compte.

Un silence.

— Tu crois que je lui fais du bien ? demanda Léa, presque à voix basse.

— Je crois surtout qu’elle t’a choisie, un peu, sans le dire. Et qu’elle espère que tu resteras assez longtemps pour pas le regretter.

Léa sentit un nœud dans sa gorge. Pas douloureux. Juste… là. Présent.

Elle ne répondit pas.

Mais au fond, elle savait qu’Abby avait raison.

Abigail avait quitté le banc depuis quelques minutes déjà. Léa, elle, était restée là, immobile, les mains croisées sur ses genoux, les yeux perdus dans le mouvement des feuilles. Il ne restait que dix minutes avant la reprise du cours.

Elle s’apprêtait à se lever quand une silhouette familière traversa la cour.

Maël.

Elle marchait seule, comme souvent, les écouteurs vissés dans les oreilles, le regard accroché à un point invisible devant elle. Mais au moment de passer près du banc, elle ralentit à peine. Juste assez pour s’arrêter une fraction de seconde.

Elle sortit un écouteur. Regarda Léa. Pas dans les yeux. Juste… vers elle.

— Pour le projet, dit-elle d’une voix neutre, je continuerai toute seule. J’ai déjà une idée.

Léa hocha doucement la tête.

— D’accord.

Un silence. Léa hésita, puis ajouta, dans un souffle :

— Si t’as besoin de quelque chose… je suis là. Même en dehors du projet.

Maël resta figée une seconde. Son visage était fermé, mais ses doigts trahissaient un léger tremblement, imperceptible.

— J’ai noté, murmura-t-elle.

Puis elle remit son écouteur, et s’éloigna sans se retourner.

Léa la regarda s’éloigner, le cœur un peu plus lourd, mais étrangement plus calme. Ce n’était pas une promesse. Pas un aveu.

Mais c’était quelque chose.

Et parfois, c’était déjà beaucoup.

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