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Chapitre 27 – Le grand oral

Léa se tenait droite, dans l’un des gradins de l’amphithéâtre, son badge de professeur bien visible sur la poitrine, comme un rappel tacite de sa fonction. Elle n’avait pas l’intention de se laisser emporter par les émotions. Elle n’était pas là pour ça. Elle était là pour superviser l’épreuve du grand oral, pour s’assurer que tout se passait dans les règles.

Elle était une spectatrice. Une observatrice.

Mais, dès que Maël se leva pour commencer, quelque chose en elle se serra. La jeune fille, qui semblait pourtant calme, posée, n’avait pas l’air d’être simplement là pour passer un examen. C’était comme si elle portait le poids de tout ce qu’elle avait traversé, et que ce discours en était l’aboutissement, la libération.

Maël prit une profonde inspiration. Elle leva les yeux vers l’auditoire, puis se tourna vers le jury et, enfin, vers Léa, une fraction de seconde, comme un écho entre elles. Puis elle commença.

— "La résilience", dit-elle d’une voix ferme, mais chargée de sens, "n’est pas un concept abstrait. C’est une réalité crue. C’est la manière dont on se reconstruit après avoir été brisé. Et croyez-moi, la vie, parfois, nous brise."

Léa fixa son regard sur Maël. Elle essaya de rester professionnelle, de ne rien laisser transparaître. Mais c'était difficile. Trop difficile.

Maël continua, sa voix prenant de l’ampleur, comme une mer qui monte :

— "J’ai grandi dans un silence. Celui de la perte. Le silence de l’absence. Le silence d’un foyer qui s’éteint, d’un amour qui s’érode. Et puis, il y a ce vide, cette sensation que le monde a continué sans vous, que vous avez été laissée de côté. J’ai connu ce silence. Celui qui vous fait croire que vous n’existez plus vraiment. Que, quelque part, vous êtes invisibles."

Léa sentit un frisson lui parcourir l’échine. Maël n'était pas en train de réciter un discours académique. Elle parlait de l’intérieur. De ce qu’elle avait vécu.

— "Mais ce silence, il y a un moment où il devient insupportable. Il devient cette prison dans laquelle on se cache. Parce qu’il est plus facile de s’enfermer que de se confronter à ce qu’on a perdu. Mais parfois, au fond de cette souffrance, un seul regard peut suffire."

Léa se redressa légèrement, ses doigts serrant le bord de son carnet de supervision. Le regard de Maël s’était fait plus perçant à cet instant, comme si elle savait qu'elle allait dire quelque chose de plus personnel, plus intime.

— "Ce regard... c’est celui d’une personne qui vous voit, même quand vous avez l’impression de n’être plus que des ombres. C’est ce regard qui vous dit : Je te vois. Je te reconnais. Ce n’est pas un regard qui attend de vous que vous soyez fort. C’est un regard qui vous accepte tel que vous êtes. Brisé. Fragile. Mais vivant."

Le temps sembla s’étirer. Léa, là, assise au fond, fit un effort pour ne pas flancher. Chaque mot de Maël lui perça le cœur comme une flèche. Elle était là, en tant que professeur, mais elle ressentait tellement plus. Ce regard qu’elle venait de décrire, Maël le lui avait offert. Et Léa savait ce que ça signifiait. Elle le savait mieux que quiconque.

Maël marqua une pause, jetant un dernier regard à l'auditoire avant de reprendre, d’une voix un peu plus faible, mais toujours aussi profonde.

— "La résilience, ce n’est pas revenir à ce que l’on était. Ce n’est pas juste réparer ce qui est brisé. C’est s’accepter, se reconstruire sur les débris, et trouver un équilibre. Ce n’est pas un retour, c’est un changement. Et c’est peut-être là la plus grande force de toutes : ne pas chercher à redevenir ce qu’on était, mais accepter d’être quelque chose de différent. Quelqu’un de différent. Mais quelqu’un qui choisit d’avancer."

Le silence s’installa un instant, lourd de sens. Léa sentit son souffle s’accélérer. Elle avait envie de fuir, de sortir, de crier. Mais elle resta là, figée, professionnelle. Elle devait garder cette distance. Mais elle n’arrivait pas à oublier la résonance des paroles de Maël, les échos de leur propre histoire, celle qu'elles partageaient sans jamais la dire tout haut.

Le jury commença à réagir, mais Léa ne bougea pas. Elle était prise dans cet instant, dans la véracité de ce qu'elle venait d'entendre. Elle parlait d'elles, bien plus que d’un simple sujet d’oral.

Quand Maël eut terminé, elle baissa les yeux sur son carnet, tout en évitant de croiser son regard. Il y avait quelque chose de presque cruel dans cette vérité qu’elle ne pouvait ignorer.

La salle se vida. Maël sortit dans le couloir, sans se presser, sans vraiment regarder autour d’elle. Léa attendit quelques secondes, essayant de maîtriser les vagues de sentiments qui la submergeaient. Puis, sans réfléchir, elle se leva.

Elle avait décidé de la rejoindre. Pas en tant que professeur, mais en tant que… quelque chose d’autre.

Les couloirs étaient presque vides, à part quelques élèves qui s’agitaient. Mais Maël était là, un peu à l’écart, attendant probablement qu’on vienne lui dire quelque chose. Léa s’approcha lentement, sa présence suffisante pour attirer son regard. Maël la vit avant même qu'elle n’arrive à sa hauteur.

Léa n’hésita pas. Elle la prit dans ses bras, sans un mot, sans un regard vers les autres, juste le besoin de l’étreindre, de dire ce que ces mots n’avaient pas dit. Et puis, dans un élan irrépressible, elle l’embrassa. Un baiser, rapide, intense, comme un souffle qu’on ne pouvait plus retenir.

Quand elles se séparèrent, Maël, un peu confuse, chercha à dire quelque chose, mais Léa la fit taire par un simple regard.

Et puis, dans un souffle, Lina murmura, de l’autre côté du couloir :

— Enfin.

Léa sourit sans répondre, prenant conscience que, désormais, elles avaient traversé quelque chose ensemble. Et ça, rien ni personne ne pourrait l’effacer.

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