Le local sentait le café tiède et les meubles en bois brut. Sur le mur du fond, une fresque colorée avait été peinte par un ancien résident d’un foyer partenaire. En lettres sobres, au-dessus de la porte d’entrée, on pouvait lire :
« Au-delà du tableau – Accompagnement numérique et solidaire ».
Une femme entra, en jean et pull simple, les bras croisés, un garçon d’une quinzaine d’années dans son sillage. Il tenait son sac contre lui, l’air fermé.
— Il a quitté le foyer cette semaine, dit-elle doucement. Il sait pas encore ce qu’il veut faire. Mais il code un peu, et il écoute plus qu’il en a l’air.
Un rire léger répondit à la remarque.
— Parfait. Il est pile au bon endroit, alors.
La voix appartenait à Maël. Assise derrière une grande table couverte d’ordinateurs, de dossiers et de mugs dépareillés, elle se leva lentement. Elle tendit la main au garçon.
— Salut. Moi c’est Maël. J’étais comme toi, avant. C’était y a cinq ans. Je savais pas où j’allais, mais quelqu’un m’a juste appris un truc simple : qu’il fallait apprendre à voir… autrement.
Elle lui fit un petit clin d’œil, puis lui montra un poste libre, un peu à l’écart.
— Tu veux t’installer ici ? On commencera tranquille. Tu verras, on est pas pressés.
Le garçon acquiesça d’un léger hochement de tête et suivit Maël jusqu’à l’ordinateur. Lorsqu’elle s’agenouilla pour brancher un câble, une silhouette s’approcha en silence derrière elle.
Léa.
Elle portait un manteau clair, les cheveux un peu ébouriffés, un sac à l’épaule. Elle resta un instant à regarder Maël, sans rien dire. Puis elle s’accouda doucement à la table, juste à côté, et glissa sa main dans celle de Maël.
— Je suis fière de toi, murmura-t-elle.
Maël leva les yeux vers elle, surprise d’abord, puis souriante. Son regard s’attarda sur Léa, plus longtemps que nécessaire. Dans ses pupilles, il y avait la même intensité qu’autrefois — mais adoucie. Assumée.
— Je crois que c’est toi qui m’as appris à voir au-delà du tableau, répondit-elle. Maintenant, c’est à moi de transmettre.
Elles se regardèrent un instant, sans rien ajouter. Dehors, le soleil perçait à travers les vitres. Le local était calme. Les jeunes travaillaient en silence, une playlist douce en fond. Et dans ce lieu modeste, transformé par une idée née d’un regard, l’avenir avait le goût d’une promesse tenue.