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PetitePlume
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Chapitre 4 – L’entretien

Léa attendait dans la salle de réunion, un peu nerveuse, les mains légèrement tremblantes. C’était la première fois qu’elle organisait un entretien avec un élève, en dehors de son rôle habituel de prof principale. Elle avait eu des conversations avec ses collègues avant, certains la mettant en garde sur Maël, d’autres évoquant la distance et le manque de présence de l’adolescente en cours. Il n’était pas rare que son comportement soit noté comme « absent », qu’elle semble être là sans vraiment être là. C’était un peu ce qu’elle avait constaté lors du premier cours, un rejet total de l'exercice de présentation. Mais il y avait plus, quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore. Elle avait donc pris l’initiative de convoquer Maël, dans l'espoir de percer cette carapace et peut-être, comprendre ce qui se cachait sous ce comportement.

Lorsque la porte s'ouvrit, Léa se leva immédiatement. Maël entra, accompagnée d’un homme qu’elle prit d’abord pour son père. L’homme avait l’air un peu plus âgé, mais ses traits ressemblaient à ceux de Maël. Un visage marqué par la fatigue et une expression calme, presque distante.

— Bonjour, Maël. Bonjour… Monsieur, dit-elle en tendant la main, toujours un peu sur ses gardes.

L’homme hocha la tête et la serra brièvement. Maël ne fit pas un mouvement, se contentant de s’installer sans un mot.

Léa se força à sourire, cherchant à détendre l’atmosphère.

— Vous êtes son père ? demanda-t-elle, un peu trop vite, avant de réaliser que sa question pourrait être maladroite.

L’homme haussait les épaules, mais son regard se fit plus appuyé, comme s’il s’apprêtait à corriger une erreur.

— Non, non, je suis son éducateur, répondit-il tranquillement.

Léa sentit la gêne l'envahir, la sensation d’avoir fait une erreur qu’elle ne pouvait plus effacer. L’éducateur s'assit contre le mur tandis que Maël prenait place, sans un mot, comme si elle avait pris l’habitude de rester dans un silence presque absolu.

Léa prit une inspiration et se força à garder son calme. Elle se sentait un peu déstabilisée. Elle n’avait pas prévu que ce rendez-vous serait aussi… particulier.

— Alors, Maël, merci d’être là, commença-t-elle. Je sais que ce n’est pas facile. Je voulais juste discuter un peu avec toi, pour voir comment tu te sens, et ce que tu attends de l'année. Tu sais, en informatique, mais aussi dans ta scolarité en général.

Maël tourna son regard vers elle, mais c’était un regard fuyant, presque indifférent. Elle se sentit soudainement très consciente de la différence d'âge et d’expérience. Elle avait l’impression d’être sur le point de faire face à un mur.

— J’ai pas envie de parler, dit-elle brusquement, sans même essayer de masquer son agacement.

Léa cligna des yeux, déconcertée. L’éducateur observa la scène en silence, les bras croisés. Il ne semblait pas vouloir intervenir tout de suite.

— D’accord, répondit Léa, d’une voix douce. Mais, tu sais, parfois, ça aide de dire ce qu’on ressent. Même si c’est difficile. Je sais que tu n’es pas vraiment là dans le cours, que tu n’es pas toujours présente, Maël. Mais ce que je veux comprendre, c’est pourquoi. Pourquoi tu es si… distante ?

Maël haussait les épaules, et Léa aperçut, pour un instant, une lueur de mécontentement dans son regard.

— Peut-être que j’ai juste pas envie d’être là, répondit-elle froidement. Pourquoi vous êtes tous là à vouloir m’aider ? À me demander de « participer » et « d’être présente » ? Je suis là, je fais mon travail, je mets pas le bordel, ça suffit.

Le silence s’alourdit. Léa hésita, son esprit tournant à toute vitesse. Elle savait qu’elle ne pouvait pas forcer Maël à se confier. Mais il y avait quelque chose, une certaine douleur dans ses paroles, quelque chose qu’elle ne pouvait pas ignorer.

L’éducateur prit la parole, comme pour désamorcer la situation.

— Ce qu’elle veut dire, c’est qu’elle fait ce qu’on lui demande. Elle n’est pas là pour faire des vagues. Elle n’est pas là pour se faire remarquer, mais elle fait ce qu’on attend d’elle.

Maël garda le silence, le regard fuyant. Léa sentit un nœud se former dans sa gorge, un mélange de frustration et de tristesse. Elle avait envie de comprendre, mais il y avait comme un blocage.

— Mais… ce n’est pas une solution, Maël. Ce que je veux dire, c’est que tu peux participer à ta manière, mais il faut que tu participes. Ce n’est pas juste une question de faire le minimum. Ça ne peut pas être juste ça. Ça ne peut pas être suffisant.

Maël leva enfin les yeux, un éclair de colère traversa brièvement son regard.

— Vous voulez savoir pourquoi je réagis comme ça ? demanda-t-elle soudainement, d’une voix plus haute, plus dure. Voilà pourquoi… Voilà ce qui s’est passé l’année dernière. Mes parents sont morts dans un accident. Et depuis, je me suis enfermée dans cette connerie de… « je suis là, mais je suis pas là ». Voilà. C’est tout.

Léa resta figée, incapable de répondre tout de suite. Elle avait l’impression que le sol s’était dérobé sous ses pieds. L’éducateur ne bougea pas, mais Léa pouvait voir dans ses yeux qu’il savait. Il savait ce qu’il venait d’entendre, et la tension dans la pièce devint palpable.

Léa ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Elle n’était pas préparée à ça. Elle ne savait pas comment réagir, comment trouver les mots justes après ce qu’elle venait d’apprendre.

L’éducateur prit la parole à sa place, d'une voix plus calme cette fois.

— Merci, Maël. On peut arrêter l’entretien ici.

Maël hocha la tête sans un mot, se leva et prit son sac. Elle s’éloigna, sans même regarder Léa une dernière fois. Le silence se fit lourd dans la pièce. Léa resta un moment là, seule avec ses pensées, le cœur lourd.

Après l'entretien

Dans la salle des professeurs, Léa s'affala dans une chaise, épuisée par ce qui venait de se passer. Abby la remarqua presque immédiatement, s'approchant d'elle, un regard inquiet dans les yeux.

— Alors ? Comment ça s’est passé ? demanda-t-elle d’une voix calme, mais douce.

Léa leva les yeux vers elle, un peu perdue. Elle se sentait déstabilisée, comme si elle venait de découvrir une partie de l’histoire qu’elle n’avait pas le droit de connaître.

— Je… je ne savais pas. Je ne savais pas pour ses parents. Je ne savais pas qu’elle avait vécu ça. Tout ça, c’est tellement… c’est tellement lourd.

Abby s’assit à côté d’elle, son regard se faisant plus grave.

— Ce n’est pas facile pour elle, Léa. Ce n’est pas facile pour personne, mais pour elle… je crois qu’elle essaie juste de se protéger.

Léa baissa les yeux, ses pensées se bousculant.

— Mais pourquoi m’en parler maintenant ? Pourquoi cette colère, ce rejet de tout ce qui peut sembler « normal » ?

Abby soupira profondément, un air triste traversant son visage. Elle sembla hésiter un moment avant de parler, son regard se perdant un peu dans ses souvenirs.

— Parce que… je suis une amie de ses parents, Léa. Avant l’accident, on était proches. On se voyait régulièrement. J’ai vu Maël grandir, et je voulais l’aider quand tout est arrivé. Je voulais qu’elle ne finisse pas dans un foyer, que je puisse l’accueillir. Mais elle a rejeté ma main tendue. Elle a tout refusé. Elle… elle était trop fermée, trop blessée.

Léa la regarda, surprise. Elle n’avait pas imaginé qu’Abby était liée à cette histoire à ce point.

— C’est difficile, tu sais… Maël était encore une enfant, et puis tout a basculé. Je croyais vraiment qu’elle finirait par accepter. Mais elle m’a fait comprendre qu’elle ne voulait personne. Je pense qu’elle avait trop peur de perdre encore quelqu’un. Et puis ces derniers temps, j’ai remarqué un petit changement chez elle. C’est rare, mais des fois, je la vois être plus… elle-même. Comme avant. Plus ouverte, plus attentive. C’est comme si un peu de la Maël que je connaissais revenait, même si c’est furtif.

Léa écouta attentivement, le cœur serré. Il y avait quelque chose dans les paroles d'Abby qui l’ébranlait. Elle n’avait pas vu cette évolution de Maël. Elle n’avait pas remarqué ces moments de fragilité derrière son masque d’indifférence.

— Tu crois qu’il y a une chance qu’elle accepte enfin de se laisser aider ? demanda Léa, d’une voix qui trahissait une pointe d’espoir.

Abby sembla réfléchir un instant avant de répondre, un léger sourire triste aux lèvres.

— Peut-être… Mais il faut que tu sois patiente avec elle. Tout ne se fera pas d’un coup. Mais si tu laisses le temps faire son travail, peut-être que tu verras cette Maël-là, celle qui est plus douce, plus… ouverte. Elle pourrait enfin accepter d’avoir quelqu’un pour l’aider, mais ça prendra du temps. Ne sois pas trop dure avec elle, Léa. Il y a des petites ouvertures. Des petites fissures dans son armure. Mais ce n’est pas facile.

Léa hocha lentement la tête, se sentant plus déterminée qu’auparavant. Elle comprenait mieux Maël maintenant. Elle comprenait qu’il y avait une douleur cachée, mais aussi un petit espoir, quelque part. Elle ne savait pas si elle serait celle qui pourrait aider Maël à se reconstruire, mais elle était prête à essayer.

— Je ferai ce que je peux, murmura Léa, plus décidée que jamais à ne pas la laisser tomber.

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