LOKI

 Tu es la meilleure version de toi-même.

C’est ce que Loki essayait de se répéter encore et toujours, tout en essayant d’omettre les petites phrases assassines d’Ikol.

« Sérieusement ? Peux-tu me dire ce que l’on fait là ? Je te rappelle que le danger rôde tout autour de toi, et toi, tu joues au petit bambin bien obéissant… C’est quoi la prochaine étape ? Vivre comme tous ces humains pathétiques ? Tu vas aller à l’école ? Entrer à la fac, puis payer des impôts ? Un peu d’ambition, que diable ! Tu es Loki Lofeyson, héritier légitime de Jot… »

— La ferme !

L’oiseau lui adressa un regard noir alors qu’il enfilait ses écouteurs dans les oreilles.

— Je ne veux plus t’entendre.

La chanson « too bad for us » de Rosé démarra et coupa les remarques désobligeantes de la pie bavarde. Loki attrapa le sceau, avant de s’approcher du mur et de tirer sur la bâche. Son œuvre se dévoila. C’était dommage quand même… il n’était pas si mal, ce tag.

L’enfant se saisit de l’éponge pour commencer à frotter le crépi. La peinture se dilua, en formant des traînées colorées qui s’écoulèrent dans l’herbe. En dix minutes à peine, Loki en avait plein le blouson et les chaussures. Il pesta : ses tennis préférés. Tant pis ! Ikol serait ravie de lui conseiller une nouvelle paire, même si l’enfant était bien décidé à ne pas suivre les conseils vestimentaires de la pie. Cet oiseau de mauvais augure semblait tout faire pour le formater à son image. Qu’il essaye ! Il n’était pas au bout de ses peines.

La discussion avec Thor l’avait fait réfléchi. Son frère avait raison : c’était encore à lui de décider qui il allait devenir. Il ne pouvait pas effacer les actions de son lui passé, mais il pouvait commencer par réparer ses propres erreurs. Alors, il avait essayé de rattraper les choses. À commencer par Sif : il était entré dans sa salle de bain en passant par la fenêtre, et lui avait déposé un sèche-cheveux tout neuf sur le lavabo. Puis il avait dessiné au rouge lèvre sur le miroir : « <3 sorry <3 . L ». Bon… C’était un rouge à lèvres Dior, hors de prix, mais c’était l’attention qui comptait, non ? Et on ne se refaisait pas du jour au lendemain, après tout…

Après ça, Loki avait commencé à reboucher tous les trous du jardin de Dagmar, mais il n’agissait que de nuit. Il ne voulait pas être surpris, au risque qu’on l’accuse encore de préparer quelques mauvais coups. Et puis, moins il y avait de regards accusateurs, mieux il se portait.

Une nuit, il était rentré, les vêtements recouverts de boue et le corps harassé. Thor, qui jouait à une partie en ligne de One Shoot Line, se retourna pour le dévisager dans un sourire moqueur :

— C’est dur d’être quelqu’un de bien, hein, petit frère ?

Loki se laissa tomber sur le canapé, juste à côté de lui, la tête entre les coussins.

— Tes chaussures ! râla Thor.

— Tu pourrais m’aider, quand même, se plaignit l’enfant.

— Non, c’est à toi de réparer tes erreurs, Loki. Il n’y a que comme ça que tu apprendras. Au fait, j’ai vu avec Brunehilde tout à l’heure : elle veut que tu ailles t’occuper de nettoyer le box de Warsong demain.

Loki poussa un long gémissement plaintif. Qu’on l’achève ! Il aurait peut-être dû choisir l’Italie, finalement.

— Va te laver, conseilla Thor tout en poursuivant sa partie. Tu mets de la boue partout et je ne sais pas si tu l’as remarqué, mais j’ai fait le ménag… Non ! Mais Eh ! Il nous fait quoi cet imbécile ! Les gars, visez Killer414 ! Cet idiot est en train de se la jouer solo !

Loki resta un temps, affalé sur le divan, incapable de bouger ses muscles ankylosés, puis il prit la direction de l’étage.

Et il poursuivit son labeur. Les jours d’après. Et encore les jours d’après. Il lui fallut bien trois nuits pour retirer complètement sa fresque. Et dire qu’il l’avait faite en quelques heures à peine… Son talent artistique n’était pas apprécié à sa juste valeur.

Ne lui restait plus qu’à remplacer les fleurs de Dagmar, à présent. Sauf que les plantes, ce n’était pas vraiment son rayon. Il n’y connaissait rien. Il avait bien entendu songé à aller arracher ceux du jardin municipal pour remplacer celle qu’il avait détruite, mais cela semblait peu « convenable ». Le mieux était donc d’en acheter de nouvelles. Après avoir vidé les poches de Thor – son frère n’avait clairement pas besoin d’autant d’argent – Loki se rendit à l’épicerie. Malgré l’expansion du village depuis quelques années, il n’y avait pas de grande surface à La Nouvelle Asgard. Mais Loki se dit qu’il trouverait bien de quoi faire dans cette boutique de quartier.

La cloche sonna quand il poussa la porte, mais avant de faire deux pas, il s’arrêta. Une femme, accoudée au comptoir, était en train de parler avec la commerçante. En le voyant entrer, elle riva sur lui ses deux grands yeux noirs, et le garçon ne put retenir une grimace. Il recula, avant de tourner les talons. Tant pis pour les fleurs !

— Loki !

Sif se redressa, les poings sur les hanches. Malgré ses excuses, il fuyait la guerrière comme la peste. S’il y avait une personne à la Nouvelle Asgard qu’il n’avait pas envie de croiser aujourd’hui, c’était bien elle.

— Viens par ici. Tout de suite.

Malgré son envie irrépressible de fuir, il obéit, la tête basse. Dans son dos, il sentait le poids du regard d’Ikol, resté à l’extérieur, et la voix du volatile ne tarda pas à raisonner dans son crâne :

« C’est un gentil, Loki, ça ! Mais, oui ! Allez, donne la patte ! »

— La ferme, murmura-t-il, les dents serrées, alors qu’il arrivait à la hauteur de la guerrière.

Crispé, les mains dans les poches de son blouson, il attendit que Sif prenne la parole, mais elle se contenta de le dévisager. Lui en voulait-elle pour le coup du rouge à lèvres ? Ça partait quand même d’une bonne attention, à la base…

— Tu fais quoi demain matin ? demanda finalement la guerrière.

— Hein ?

— Rendez-vous à huit heures sur le terrain d’entrainement. Et prends des affaires de rechange.

Loki écarquilla les yeux.

— Mais qu’est-ce que…

— Puisque tu restes à la Nouvelle Asgard, il est temps que tu te comportes en vrai asgardien. Je vais te transformer en épéiste. Et fais-moi plaisir, mange de la protéine. Regarde-toi : on dirait une brindille. 

— Tu… Tu vas m’apprendre le maniement de l’épée ?

—  Mon message n’était pas clair ?

« Chouette ! railla la voix d’Ikol. Elle va t’apprendre à jouer avec un bâton, maintenant… »

Loki avait du mal à y croire. Et dire qu’il y avait encore deux jours, Sif voulait l’expulser de la Nouvelle Asgard. Thor lui avait-il parlé ou… ou est-ce que son changement de comportement avait vraiment porté ses fruits ? La commerçante derrière son comptoir le coupa dans ses réflexions :

— Tu voulais quelque chose ? 

— Heu, oui… des fleurs.

— Des fleurs ? se moqua Sif. Quoi ? Tu veux les offrir à qui ? Tu as encore quelque chose à te faire pardonner ?

— Non, des fleurs pour planter. Pour mettre dans le jardin de Dagmar.

Les deux femmes s’échangèrent un regard qu’il eut bien du mal à décrypter.

— Tu ne trouveras pas ça ici, petit, répondit la commerçante. Surtout que Dagmar avait des plantes rares.

— Pas le genre de plantes qu’on trouve entre le rayon des surgelés et celui des conserves, tu vois ? appuya Sif.

— Où est-ce que je peux en trouver, alors ?

— Et bien, je crois que Dagmar a pour habitude de se rendre dans une jardinerie, dans la zone commerciale de Horten.

— D’accord

Il tourna les talons, mais Sif le héla aussitôt :

— Eh ! Tu vas où comme ça, le mioche ?

— Bah… A Horten.

— Non. C’est hors de question

Loki se mit aussitôt sur la défensive. Réparer ses bêtises, d’accord, mais les interdictions, cela l’avait toujours débecté.

— Tu ne quittes pas la ville tout seul. C’est dangereux dehors.

— J’ai vécu un an seul dans les rues de Paris ! Alors Horten… Excuse-moi…

— Ce n’est le problème ! Un gosse ne se balade pas tout seul. Si tu veux aller à Horten, tu n’as qu’à demander à ton frère de t’accompagner.

— Thor a joué toute la nuit... et a vidé deux barils de bière au passage.  Je ne crois pas qu’il soit en état d’aller où que ce soit avec qui que ce soit.

— Tant pis, alors. Les fleurs de Dagmar peuvent attendre. Maintenant file, avant que je perdre le peu de patience que tu m’as laissé ces derniers jours.

Loki haussa les épaules avant de passer la porte.

— Pas de bêtises, Loki ! cria Sif avant qu’elle ne se ferme.

L’enfant remontait la ruelle, les mains dans les poches de son blouson, lorsqu’Ikol vint se poser sur son épaule.

« Tu ne comptes pas y aller, rassure-moi ? »

— À la jardinerie ?

« Non, crétin ! À son entrainement débile ! »

— Eh bien, si. Pourquoi ? Ton premier conseil n’était-il pas de me préparer à affronter des ennemis ?

« En les tapant avec un bâton ? Pardon ! Laisse-moi rire. Les marteaux et les épées, laissent ça à Thor ! Ce ne sera pas en faisant des moulinets du poignet que tu vas survivre. Ta seule chance, c’est la magie ! Les sortilèges. Tu as ça dans les veines. Laisse-moi te dire une chose : tu es un sorcier, Harry ! »

Loki lui adressa un regard amusé. Voilà que cette vieille pie faisait de l’humour ?

— Je ne savais pas que tu étais fan de Harry Potter.

« On captait super bien le câble, sur Asgard. Mais trêve de plaisanteries ! Ce sont tes dons pour la magie que tu dois améliorer, pas le combat à l’épée. »

— Mais je m’entraine aussi à ça ! Regarde ce que j’arrive à faire.

Il dressa une main et l’une de ses dagues apparut. Loki pouvait « ranger » des objets dans une dimension qu’il était le seul à pouvoir ouvrir. Une sorte de besace magique, en somme. Cette technique lui aurait été tellement utile dans les rues de Paris…

Il lança la dague, qui disparut dans un flash, avant de réapparaître dans son autre main.

« Wahou ! Génial. On va pouvoir faire un spectacle de kermesse. »

— Je trouve ça bien !

« Petit, ce n’est même pas le quart de la moitié du tiers de ce que tu devrais être capable de pouvoir faire ! »

— Eh ! Je n’ai pas eu plusieurs siècles comme toi pour m’entrainer et étudier la magie. Laisse-moi du temps.

« Le temps, tu en manques cruellement. Je veux bien t’aider et t’enseigner ce que je sais, mais il va falloir que tu arrêtes de te perdre, en tentant vainement de gagner l’affection des asgardiens. Crois-moi, pour eux, tu ne resteras jamais qu’un parasite bon à être écraser ! »

— Tu as tort. Ils commencent déjà à m’accepter. Regarde Sif ! 

« Ah, oui ! Dame Sif… ma vieille camarade. Quelle pimbêche, celle-là ! Et toi, tu vas devenir son gentil toutou ? Tu vas lui obéir au doigt et à l’œil ? C’est ça ? »

— Non. Je n’obéis que si j’ai envie, Ikol.

« Prouve-le. »

— C’est ce que je fais. Regarde !

Il pointa le bâtiment qui apparaissait juste en face d’eux. La gare routière.

« Attends ! piailla la pie. Tu vas sortir de la Nouvelle Asgard ? »

— Exactement. On va à Horten.

« Ça me fait mal de l’admettre, mais pour le coup, Sif a raison ! Tu n’es pas en sécurité, dehors. Et si quelqu’un était à ta recherche ? Au hasard… une bande de guignols encapés qui se font appeler les Avengers ? »

— Arrête ! Tu t’inquiètes pour rien. Personne ne sait que je suis sur Midgard. Comment auraient-ils pu l’apprendre ?

« Heu… Et si tu t’étais fait balancer par l’un de tes grands copains asgardiens ? Toute la ville sait que tu es là, morveux ! »

— Bon ça suffit. Tu parles trop. Rentre là-dedans.

Il ouvrit son sac à dos, mais la pie claqua du bec avant de prendre son envol.

« Non merci ! Je suis claustrophobe et je n’aime pas qu’on me prenne pour un… Piarg ! »

Loki venait de l’attraper par la queue, pour l’enfourner sans ménagement dans le sac.

— Tu peux te moquer de moi autant que tu veux, Ikol, mais je te rappelle que c’est moi qui décide.

« Nous verrons bien qui de nous deux gagnera à la fin, Kid », répondit l’oiseau, vexé. 

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LE CONTEUR

Fin du deuxième épisode : à la base, les épisodes 2 et 3 étaient regroupés, mais cela faisait un pavé, alors j’ai coupé pour alléger.

En plus d’initier le personnage d’Ikol, cet épisode creuse la relation et le rapprochement entre les deux frères. Thor, qui doit assumer ses responsabilités, mais aussi apprendre à communiquer s’il veut aider son cadet à ne pas replonger dans ses erreurs passées. Loki, qui doit apprendre à faire confiance aux autres. Mais surtout, avoir confiance en lui, en sa capacité à devenir quelqu’un de bien.

Bien entendu, avec Ikol dans les parages, une tension se dessine : Loki ne doit pas récupérer les souvenirs de son ancienne vie, au risque d’être submergé par la rage et la colère. Mais sa curiosité et la crainte de multiples ennemis l’amène à pactiser avec un fragment de son lui passé... et cette ancienne vie, toute aussi drôle et pêchue qu’elle puisse être, a bien des plans en tête...

KID LOKI ET THOR

Si au début, leur relation était clairement basée sur de la méfiance, on commence à sentir une évolution, surtout du point de vue de Loki. Dans les Comics, Kid va tout de suite accrocher avec son frère. Il va se montrer très enthousiaste à le suivre, et va alors tout faire pour tenter de gagner l’affection de son ainé. Ce qui va le conduire à commettre pas mal de bêtises…

Dans la Fanfiction, on est sur un Kid beaucoup plus réservé, qui va devoir évoluer avant d’accorder sa confiance. Avec son passé, le Kid du roman est bien plus brisé et blessé que le Kid des Comics. Mais même si les choses semblent s’améliorer, croyez-moi, rien n’est gagné...

(fanart by Fermium)