LOKI
Thor ne le comprenait pas. Il ne comprenait rien et il ne le comprendrait jamais !
La décision fut vite prise : Loki se saisit de son sac pour y fourrer quelques affaires, l’argent subtilisé dans la caisse de l’épicerie, des barres chocolatées, ses dagues, et tout ce qui pouvait lui être utile. Vivre avec presque rien, il connaissait. Il emporta tout de même un gros ouvrage qu’il avait chapardé à la bibliothèque, dans le rayon « magie asgardienne ». Un livre traitant des sorts et des invocations. La seule chose utile qu’il avait dénichée dans cette ville de malheur !
Il avait été stupide ! Stupide de penser que les choses allaient s’arranger, stupide de penser qu’il pourrait tout reprendre à zéro ! Lui qui espérait oublier enfin son passé. Vivre, au lieu de survivre. Être accepté. Mais à peine Thor avait-il prononcé son nom que les habitants de la Nouvelle Asgard s’était mis à le dévisager avec crainte et défiance. Parfois, ils les entendaient murmurer sur son passage : « Pourquoi nous l’a-t-il ramené, celui-là ? Il ne dupe personne. » ou encore : « Ils ne nous a pas causé assez d’ennuis comme ça ? ». On l’avait rejeté. On l’avait méprisé. En fait, cela ne le changeait en rien de ce qu’il avait connu jusqu’ici. Une nouvelle vie, un nouveau départ ? C’est cela, oui ! Mensonge ! Thor lui avait menti. Et il continuait encore à lui mentir en ne voulant pas lui dévoiler la raison de toute cette haine, de tout ce dédain. Qu’à cela ne tienne ! Loki le découvrirait seul. De toute manière, il n’avait besoin de personne. Tout comme Serrure. Tout comme Lucas !
Car il avait bien du mal encore à définir qui il était. Les souvenirs de son enfance sur Asgard se percutaient à ceux de son enfance terrienne. Deux vies, un seul corps. C’était peut-être trop ? En tout cas, cela le plongeait dans la confusion et il aurait eu besoin qu’on lui explique, qu’on l’aide ! Mais non. Tout ce qu’il avait obtenu, c’étaient des regards dédaigneux et un rejet constant.
Et voilà que Thor lui-même le menaçait ? Alors c’était décidé : il n’avait plus rien à faire ici.
Et ainsi, Loki s’enfuit. Escalader la gouttière fut un jeu d’enfant. Il rejoignit la gare routière à pied puis attendit le premier bus en direction de Horten, la grande ville des environs. Une fois assis dans le car, il sortit son vieux baladeur. Celui qu’il avait ramené de Paris, l’une des seules choses lui restant de sa vie en France. La tête appuyée contre la fenêtre, il lança une chanson de sa playliste et regarda s’allumer les premières lueurs de l’aube. Était-il triste ? Non ! Déçu, à la limite. Pourquoi serait-il triste ? Parce que Thor ne le comprenait pas ? Parce qu’il lui avait fait croire qu’il allait enfin rentrer à la maison ? Pfff… Il n’allait pas pleurer pour si peu. Il avait surmonté bien pire.
***
Une fois à Horten, Loki dut attendre que les commerces ouvrent. Alors il déambula un temps sur l’allée portuaire, les mains dans les poches, le regard rivé sur les bateaux amarrés. Je peux toujours rejoindre l’Italie, se dit-il. Au moins, là-bas, il fait moins froid. Le vent renvoyait une odeur iodée qui inonda ses narines. Loki était fatiguée. Il devait bien l’avouer. Alors que, assis sur banc, il observait le lever de soleil sur le large, une femme l’aborda :
— Bonjour.
Il se retourna. Derrière elle se tenait un homme, accompagné d’une gamine qui ne devait pas avoir plus de trois ou quatre ans. La petite famille parfaite, de toute évidence. Loki sentit comme une pointe de jalousie lui piquer la poitrine.
— Tu es tout seul ici, mon garçon ?
Pas de réponse, aussi insista-t-elle :
— Où sont tes parents ?
Ça lui donna presque envie de rire. Du sadisme involontaire ! Elle était bonne celle-là.
— Ils sont morts.
Il garda un temps le silence, avant d’ajouter :
— Et le pire, c’est que ne m’en souvient même pas…
Sa réponse inquiéta la femme qui se mit à s’agiter :
— D’accord. Écoute, ne bouge pas. Je reviens.
Elle alla rejoindre son époux pour récupérer le téléphone dans son sac à main, mais quand elle rebroussa chemin, Loki avait déjà disparu.
***
Il remonta l’allée commerçante, jusqu’aux portes d’un magasin de jeux vidéo. Sur la vitrine était écrite : Jeux, comics et café connecté. Il entra. Le gérant, debout derrière sa caisse, l’observa avec surprise lorsqu’il déposa des billets sur le comptoir.
— J’ai besoin d’internet.
— D’accord… mais pourquoi ?
— Pour un devoir d’école.
Il n’alla pas chercher plus loin et le guida vers un ordinateur, au fond de la pièce. Loki prit place. L’informatique, il aimait ça. Il avait appris à s’en servir en autodidacte, avec les différents téléphones qu’il avait volés ou en utilisant ceux des appartements qu’il avait squattés. Ce n’était pas Big Tomy qui allait lui apprendre à faire des tableurs Excel. Se débrouiller tout seul ! Avancer tout seul ! Il n’avait jamais connu que ça, et il avait été bien sot d’avoir pensé que cela pouvait changer.
Le navigateur ouvert, il tapa quatre lettres : Loki. Autant commencer par le début ? Il tomba aussitôt sur un site dédié à la mythologie nordique. Il lut : Loki le dieu de la malice, de la discorde et des illusions. Entité aussi fourbe qu’irresponsable et impulsif. Premier choc. D’accord ! Ça annonçait la couleur. Il continua : Fils du géant des Glaces, Laufey. Deuxième choc. Comment ça fils de Laufey ? C’était stupide ! Il était le fils d’Odin. Il descendit la page, mais rien dans ce descriptif n’alla pour le rassurer. Encore et toujours, il était décrit comme une divinité malfaisante, à qui on ne pouvait pas faire confiance.
Un lien l’attira alors en bas de l’article. En grosse lettre, il pouvait lire : Loki – attaque de New York. Il cliqua. Les images et les textes qui s’affichèrent alors le plongèrent dans un état d’angoisse terrible. « Loki, prince renié d’Asgard, responsable de l’invasion sur la ville » « des victimes impossibles à dénombrer » « assassinat à Berlin : le criminel asgardien Loki exécute un homme en lui arrachant un œil. »
Les mots défilaient. Des photos, toutes plus terribles les unes que les autres, ou toujours, ce dieu malfaisant, cet être abject apparaissaient. Lui. Dans un autre corps. Plus grand, mais avec ces mêmes cheveux noirs et ces mêmes yeux perçants. Lui, dans un costume de guerre, la tête couronnée d’un casque aux cornes dorées. Des chiffres. Des bilans. Tous ces morts… il s’arrêta sur la photo d’un monument dédiée aux victimes de l’attaque de New York. Dessus étaient gravés des centaines de noms. Sa main se mit à trembler autour de la souris, et il poussa un gémissement plaintif, un mélange d’incrédulité et de peur. Son cœur s’emballa.
— Eh ! Tiens.
Loki sursauta. Le gérant de la boutique déposa un gobelet devant lui.
— Un chocolat chaud. Cadeau de la maison. C’est rare de voir des gamins étudier à cette heure-là. Avoue-le : tu t’y prends à la dernière minute ? Tu étudies quoi, au juste ?
Il se pencha et poussa un sifflement de surprise.
— Loki ? Sérieux ? Ils vous font faire des recherches sur ça à l’école, maintenant ?
— Vous le connaissez ? demanda l’enfant.
— Bien sûr, s’esclaffa l’autre. Qui ne le connait pas ? Une belle enflure. Il a créé un vrai cataclysme à New York. Tous ces morts… ça avait choqué le monde entier, à l’époque. Heureusement qu’il n’est pas venu semer le chaos ici, hein ? Faut dire qu’avec la Nouvelle Asgard juste à côté, on flippe bien dans le coin.
— Vous vous méfiez des Asgardiens ?
— Bien sûr ! Regarde ce que l’un d’entre eux à fait à lui tout seul. Mais bon… a ce qui parait, il n’était pas très bien vu chez lui non plus. Il a causé de sacrés dégâts dans son propre royaume, celui-là. Un sale type, obnubilé par le pouvoir.
Ça expliquait le comportement des asgardiens à son égard, mais à bien y réfléchir, Loki aurait finalement préféré ne pas savoir.
— Et… il n’a rien fait d’autre ? De bien, je veux dire…
Le gérant éclata de rire.
— Ah, non, petit. Ce type-là, c’était clairement un être maléfique. Heureusement que les Avengers lui ont mis la main dessus. C’est son frère, Thor, qui l’a ramené pour qu’il soit jugé dans son royaume. Mais beaucoup aurait préféré qu’il soit condamné ici, sur Terre, pour toutes les atrocités qu’il a commises. Si tu vois ce que je veux dire…
L’homme passa un doigt sous sa gorge afin de mimer la lame d’un couteau. L’image était très explicite et le cœur de Loki manqua un battement. Il se sentit pâlir.
— Mais… pourquoi il a fait ça ? Pourquoi attaquer New York ?
— Qu’est-ce que j’en sais ? Il était givré, voilà tout. Des cinglés machiavéliques, y en a beaucoup trop à mon goût dans l’univers. Mais bon, ne t’inquiète pas. Il a fini par avoir ce qu’il mérite.
— Comment est-il mort, au juste ?
— Je sais pas… Moi je pense que c’est son frère Thor qui l’a… Eh ! Tu vas où ? Et ton chocolat chaud ?
Il se sentait mal. Il devait sortir d’ici, et vite. Il traversa la boutique en courant et ne s’arrêta qu’une fois dans la rue. L’air frais ôta un peu cet étau qui lui encerclait le crâne. Pourquoi ? Pourquoi son ancien lui avait agi ainsi ? Pourquoi Thor ne lui avait rien dit ? Un être maléfique… Un assassin ? Un homme que tout le monde préférait savoir mort.
Il quitta les axes principaux pour s’engager dans de petites ruelles désertes. Là, entre deux bennes à ordure, il se laissa glisser sur le sol, le dos contre le mur. Il manquait d’air. Il suffoquait. Ses bras pressaient son sac contre lui comme un bouclier. C’était un cauchemar… ça ne pouvait pas être vrai ! Bien sûr, il n’était pas stupide. Il savait que si Thor ou les autres s’évertuait à lui cacher les actes de son ancien lui, c’est qu’il y avait une raison. Mais ça, jamais il n’aurait pu y songer. C’était lui le méchant de l’histoire. Le seul à blâmer. Est-ce que…
Une lueur illumina le goudron tout autour de lui. Une lueur verte dérangeante, presque électrique. Malgré son cœur palpitant, Loki se figea. Ça provenait de l’intérieur de son sac. Lentement, les gestes incertains, il l’ouvrit pour en extirper le livre d’invocation. La lumière émanait des pages de l’ouvrage. Il lui sembla alors entendre comme une voix, un murmure prononcer son nom :
« Loki… »
Il resta figé. Totalement paniqué. C’est… C’est le livre qui m’appelle ? Il finit par l’ouvrir et les pages se mirent à défiler toutes seules, comme si une main invisible les tournait. Elles s’arrêtèrent subitement et le jeune garçon lut alors le titre qui s’inscrivit en grosses lettres « Invocation des vies antérieures ». Cette découverte le laissa pétri d’angoisse. Comment… Comment est-ce possible ?
« Tu veux des réponses ? Je peux te les fournir… Lis le livre. Lis, et je te dirais ce que les autres te cachent. »
Cette voix… Elle lui semblait étrangement familière. Trop, même. Il se redressa un peu et vérifia que personne ne l’observait. À gauche, à droite… la rue était déserte.
« Tu as le droit de savoir. »
Il hésita, oui. Mais pas longtemps. La tentation était trop grande. Car, après tout, il avait le droit de savoir ! Il devait savoir. Alors il lut. C’était des phrases anciennes, en asgardien. Un dialecte qu’il comprit sans difficulté, comme s’il l’avait toujours parlé. Comme s’il l’avait toujours connu. Et alors qu’il prononçait les dernières syllabes, que les mots de la formule s’envolaient par sa bouche, vint le flash. Une lumière aveuglante. Loki se recroquevilla sur lui-même, pressant le livre contre sa poitrine, comme par peur qu’on le lui arrache. Quand enfin, il put rouvrir les yeux, le décor qui l’entourait avait complètement changé. Il se releva, chancela, tourna sur lui-même... Plus de rue, plus de goudron. Il se trouvait dans une immense salle chimérique, sans murs ni plafond. Des flammes vertes serpentaient sur le sol, formant une sorte de cercle tout autour de lui. Et au centre, posé sur un piédestal, reposait un casque d’or. Celui avec les longues cornes courbe. Le sien. Celui de son moi passé.
« Prends-le. Retrouve ce qui est à toi. »
Loki sursauta avant de tourner en tous sens. Personne. Pourtant, il sentait comme une présence par-delà les flammes émeraude. Là, dans la pénombre, quelqu’un l’observait.
— Qui est là ?
Sa voix résonna en un écho dérangeant, comme si elle se répercutait dans un monde sans fin ni frontière.
« Prends le casque, Loki, et tu sauras. »
Il rangea le livre dans son sac, avant de s’avancer avec précaution. Il craignait presque de tomber dans un piège à chaque pas. Son regard ne pouvait se détacher de l’étrange couvre-chef sur son piédestal. Ce casque… Il le fascinait tout autant qu’il le terrifiait. Arrivé à portée, il étendit les bras en direction de la parure, mais hésita encore. Il tremblait.
« N’aie pas peur, petit Loki. »
Après une dernière inspiration, il referma sa prise. Ses doigts rencontrèrent le métal, aussi froid que la glace, et les flammes enflèrent tout autour de lui. Elles s’élevèrent si haut dans le ciel qu’il dut fermer les yeux pour ne pas finir aveuglé. Puis un rire retentit. Sinistre. Effroyable. Regrettant son imprudence, Loki essaya de lâcher le casque, mais impossible : il semblait coller à ses paumes.
— Tu vois ! Ce n’était pas si difficile ?
Cette voix… la même que dans la ruelle, sauf que cette fois-ci, elle provenait d’une source bien physique. Loki releva la tête. Derrière l’estrade, à quelques mètres à peine de lui, se tenait un homme vêtu d’une tenue asgardienne et muni d’une longue cape verte. Il n’eut aucun mal à le reconnaître : il l’avait aperçu sur des dizaines de photos quelques minutes plus tôt. C’était Loki ! C’était lui. Son lui d’avant.
L’enfant s’étrangla. Il suffoqua. Il trembla. Que venait-il de faire ?
— Et bien… On dirait que je te fais de l’effet. Mais rassure-toi, petit, je ne vais pas te manger. Pas pour tout de suite, du moins…
Comme il ne bougeait pas, son double adulte sembla s’agacer. Il l’observa un temps, avant de se mettre à tourner autour de lui tel un vautour.
— Il y a des ressemblances, je l’admets… mais tout de même, tes traits sont plus grossiers. À la limite, le nez... je préfère peut-être le tien. Ou les yeux verts, ça, j’adore ! Très jolie. En revanche, ton accoutrement… Excuse-moi ! Tu t’es pris pour une racaille ? C’est quoi ce blouson et ce jean ?
Toujours pas un mot, et son ancien lui soupira. D’un seul geste de la main, il fit apparaître un trône derrière lui, et Loki aurait parié qu’il s’agissait de celui d’Odin. Le même, mais fait d’une pierre entièrement noire. Son double s’y jeta, avant de balancer nonchalamment ses jambes par-dessus l’accoudoir.
— Dis quelque chose. Ouvre la bouche ! Ça fait des années que je suis coincé ici, j’aimerais bien avoir une discussion constructive pour une fois.
— Tu… Tu es Loki. L’ancien Loki.
— En vérité, je suis le vrai Loki. Toi… tu n’es qu’une pâle copie.
Le regard perçant de l’homme le fixa avec un amusement dérangeant. Son sourire… il y avait quelque chose de malsain derrière.
— Pas facile d’être un Loki, hein, petit ?
— Pourquoi ?
— Pourquoi quoi ?
— Pourquoi tu as fait ça ? New York ? Toutes ces trahisons…
— Rectification : pourquoi toi, tu as fait ça ?
Il lui balança un énième sourire sadique. Il jouait avec lui. Il prenait plaisir à lui faire peur. À le torturer, c’était une évidence.
— C’est simple mon garçon ! Pour rétablir l’ordre des choses.
— Quelle ord…
— Ne me coupe pas la parole, tu veux ?
Il se redressa pour croiser ses jambes et poser le menton sur ses doigts entrelacés.
— On nous a toujours menti. On nous a toujours manipulés. Odin, Thor… toute notre royale famille ! Sauf qu’ils n’étaient même pas notre famille. Odin nous a gardés comme un trophée de guerre.
— Non, murmura l’enfant.
— Oh, mais si ! Tout le monde s’est toujours moqué de nous, tout le monde nous a toujours dissimulé la vérité. Tu veux une preuve ? Est-ce que Thor a été honnête avec toi, depuis qu’il t’a retrouvé ? Que te cache-t-il d’autre, hum ?
— Il… Il avait sans doute une bonne raison pour…
— Oh, arrête de faire dans le sentimental, tu veux ? Ça ne sert à rien, à part attirer des problèmes. Thor ne vaut pas mieux que les autres. Regarde-toi aujourd’hui. Tu es seul contre tous. Tout le monde veut ta peau… tout comme c’était le cas pour moi. La malédiction des Loki. Ça fait mal, hein ?
— Qu… Qu’est-ce que tu veux ?
— C’est toi qui m’as invoqué, crétin ! Ce n’est pas moi qui veux quelque chose.
Loki resta coi, statique, le casque toujours entre les mains.
— Tu veux que je te libère ?
— Si tu me le proposes avec une telle gentillesse, je ne dis pas non…
— Tu rêves !
Il venait de répondre avec plus d’ardeur, plus de conviction, et son changement de comportement sembla surprendre son interlocuteur.
— Eh bien, voilà ! ricana son double. Ça arrête de trembler comme une petite fleur fragile. Ça a du répondant.
Il serra le poing, comme un supporter en train d’encourager son équipe favorite :
— C’est bien ! Continue comme ça ! Ça, c’est un vrai Loki !
— Ça suffit !
Il venait de crier. Il en avait assez vu, assez entendu.
— Je vais te révoquer. Je vais te renvoyer là d’où tu viens.
Réaction surprenante : son double se mit à rire et reprit sa pause grotesque sur son trône fictif.
— Bien, fait donc. Je ne peux pas t’en empêcher, de toute manière ? Je suis mort. Au revoir, alors. Bye bye. Tchao. Bisous.
Loki resta interdit. Sa version adulte observa tranquillement ses ongles avant de lui adresser un regard las :
— Toujours là ? Qu’attends-tu ? Je croyais qu’on s’était tout dit.
— Qu’est-ce que tu peux m’apprendre d’autre ?
Un éclat de satisfaction illumina le visage de l’ancien Loki, et il se pencha, comme pour lui murmurer un sombre secret :
— Oh, tellement de choses, petit. Comme, par exemple, comment retrouver tes pouvoirs. Comment te défendre face à l’adversité, car soyons honnête : vu ce qui t’attend, tu n’es pas prêt. Avec ce faible corps, là, et ces réflexes d'huître... bwa.
— Tu peux m’enseigner la magie ?
— Mon cœur…
Loki se leva, et posa une main sur sa poitrine :
— Je peux t’apprendre bien plus que ça. Tu pourras redevenir celui qu’on était. Le…
— Je ne suis pas toi !
— Ah, si ! Enfin, c’est un peu compliqué, c’est vrai. Disons que nous sommes deux filaments issus de la même corde, vois-tu ?
— Mais tu es mort !
— Techniquement, oui. Je te l’accorde. Mais Méphisto est un petit filou. Lorsqu’il nous a ramenés, il nous a comme divisés. Tu as grandi de ton côté, tu as pris ta propre conscience, ta propre vie, ta propre morale… Mais je vais te confier un secret, mon petit chat :
Il leva une main vers l’enfant :
— Toi…
Puis il la ramena contre sa poitrine :
— Moi… Nous sommes la même personne ! Et je possède tout ce savoir, toutes ces choses qui te manquent pour survivre. Car soyons honnêtes : je ne te donne pas une semaine avant de te faire tuer. Tu as tellement d’ennemis…
— Quels ennemis ?
— Tout le monde te déteste, petit !
— Non… Je… Je vais rattraper les choses avec les asgardiens. Je vais…
— Oh, arrête, veux-tu ? Les asgardiens, ce n’est qu’un caillou dans ta chaussure. Moi je te parle des rochers, des montagnes qui te barreront la route. Comment réagiront les humains lorsqu’ils apprendront ton identité, d’après toi ? Ils réclameront vengeance, voilà tout ! Ton âge, ton apparence n’y changeront rien. Ils seront nombreux à vouloir t’éliminer…
— Qui ?
— Je dirais bien la Terre entière, mais ce serait… ah, non. En fait, c’est bien ça ! Le monde entier est contre toi, petit ! Et figure-toi que tu n’es pas de taille à l’affronter.
— Et toi… tu veux m’aider ?
Son double pinça les lèvres avant d’agiter les mains, comme s’il hésitait :
— Disons que je n’ai rien de mieux à faire, tu vois ? Alors si cela me permet de sortir d’ici, je veux bien sauver tes petites fesses de mioche impertinent… et te proposer un relooking, par la même occasion. Il devient urgent de faire quelque chose, là.
— Très bien.
Son double tapa dans avec entrain dans ses mains :
— Parfait ! Je savais que tu étais intelligent. Tu vois, c’est tout nous, ça ! Nous ne sommes pas peut-être pas les plus musclés d’Asgard, mais notre cerveau est… de.. Eh ! Que fais-tu, là ? Non ! Repose ça… Non. Arrête, je te dis !
L’enfant s’était avancé vers le piédestal pour y déposer le casque. Celui-ci se détacha enfin de ses mains, et il se saisit du livre dans son sac.
— À quoi tu joues, morveux ?
— Tu vas m’aider, expliqua l’enfant sans daigner lever les yeux. Mais c’est moi qui dicte les règles !
Un silence pesant s’étendit, puis son double éclata de rire :
— J’aurais dû m’en douter ! Perfide, comme son aîné. C’est tout moi, ça !
Loki releva sur lui des yeux noirs :
— Je ne suis pas toi. Je ne le serais jamais !
— C’est ce qu’on verra, releva l’autre sur le ton du défi. Alors ? Que me prépares-tu ? j’ai hâte, cela fait si longtemps que je n’ai pas eu de surprise !
Loki feuilleta le livre à grande vitesse, mais ses mains tremblaient. Derrière sa détermination et son apparente assurance, il n’en menait pas large. Faisait-il une bêtise ? Sans doute. Mais il n’en était pas à sa première, et Loki avait raison : seul, faible, dénué de mémoire et de pouvoir, il finirait par se faire tuer. L’apparition de ce fragment de son lui passé était peut-être une chance, après tout. Oui, c’était risqué de le faire sortir de sa prison mystique, mais il lui suffisait de trouver un moyen de le contrôler. De le réduire en un état inoffensif.
Loki s’arrêta sur une page. Le titre du sortilège le happa : « Emprisonner un esprit dans le corps d’un animal ». Parfait ! Ce n’était pas si compliqué que ça à exécuter, en plus.
— Oh, oui ! jacassa l’autre. Vas-y ! Transforme-moi en tigre. Ou non ! En cheval ! J’adore les chevaux !
— La ferme !
Il devait se concentrer. Loki ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis commença à lire la formule. De l’autre côté de son estrade, son double n’en cessait plus de pouffer.
— Comme c’est exaltant !
Alors qu’il prononçait l’incantation, les flammes autour d’eux s’agrandirent. Leur éclat de jade se refléta à l’infini, puis soudain, son double se tordit. Comme prit d’une vague de douleur, il se plia en deux et son corps mua. Son lui passé se contracta, se disloqua… Seul resta son rire sournois. Puis un souffle balaya la prison spirituelle, et les flammes s’éteignirent d’un coup. Le noir. Plus rien.
Le décor revint lentement, mais ce n’était plus la dimension spectrale. Plus de flamme. Loki reconnut la ruelle, ses poubelles, ses murs encrassés… Et sur le goudron, là, juste devant lui, devant le livre d’incantation grand ouvert, se tenait un oiseau. Un corvidé.
« Une pie ! s’exclama l’oiseau d’une voix désincarnée. Tu es sérieux ? Tu m’as transformé en piaf ? »
Loki referma le livre. L’oiseau de malheur sautilla sur le goudron.
— Ça te va bien, je trouve, se moqua l’enfant.
« Ça manque cruellement de classe, mais soit ! Après tout, il y a des avantages à être un oiseau. J’ai toujours rêvé de m’envoler pour pouvoir ch… »
— Tais-toi ! coupa-t-il. Tu ne parleras que quand je te l’ordonne, désormais.
« Ça ressemble cruellement à un manque de respect envers ses aînés, ça ! »
Loki rangea le livre dans son sac avant d’étudier l’animal avec attention. Un long bec, des plumes noires et blanches…
— Je vais t’appeler Ikol, finit par déclarer l’enfant.
« Je te demande pardon ? Une anagramme ? »
— Comme le Loki dépareillé que tu es.
L’oiseau lui adressa un regard glacial, et il lui sembla percevoir une lueur rougeâtre malfaisante au creux de ses rétines.
« D’accord, Kid ! »
— Ne m’appelle pas comme ça !
« Mon grand, tu m’as donné un surnom débile, j’en fais tout autant ! »
Loki ne chercha pas la confrontation. Un bruit vint le faire sursauter. Des passants… il attrapa l’oiseau d’une seule main et l’obligea à entrer dans son sac.
« Ah non ! Pas ça ! Je t’interdis de… »
— C’est moi qui décide !
Il referma la lanière avant de balancer sans ménagement le sac sur son épaule. À l’intérieur, Ikol poussa une sorte de croassement suraiguë et sa voix raisonna à l’intérieur de sa tête :
« Ça, tu vas me le payer, Kid ! »
— C’est ce que nous verrons.
Et il se releva pour quitter cette infâme ruelle.
Loki n’avait pas trouvé ce qu’il espérait. Du moins, pas comme il l’espérait. Il était encore empli de doutes, mais désormais, il se sentait moins démuni. Si son double pouvait lui apprendre à se défendre, c’était un bon point de départ. Car Ikol, aussi fourbe soit avait vu juste : des ennemis, il en aurait à n’en plus savoir quoi faire.
ANECDOTES
IKOL
Ikol ! Enfin ! La pie, indétachable du personnage de Kid Loki ! Ikol qu’on adore, qu’on déteste aussi. Surtout à certains moments. Vous verrez... Ikol est un fragment de l’ancien Loki. Du Loki originel dans les Comics. Donc, dans cette fanfiction, oui ! On peur dire que vous avez le Loki de Tom Hiddleston sous forme de piaf !
Ikol va être un challenge car je veux respecter au plus le personnage, mais dur dur car le Loki de la CMU était plus «gentil» surtout sur la fin, ou il semblait enfin décidé de suivre et aider son frère, en les accompagnant après le Ragnarok.
J’ai malheureusement dû un peu le noircir, pour que ça marche. Ikol, le petit diable sur l’épaule de Kid n’est donc pas QUE son lui passé. C’est le PIRE de Loki, là ou Kid est sencé être LE MEILLEUR. Kid Loki et Ikol sont une sorte d’oposition fascinante, obligé de coopéré par intérêt, même si on se doute que dessous ce cache une lutte d’un même personnage. Et bien entendu, ce «pacte» mènera forcément ) un conflit : Ikol n’agit jamais par charité. Il désire quelque chose. La question donc, dans cette lutte, est : qui en sortira vainqueur ? Les deux Loki pourront-ils recoller les morceaux ?
NB : Parfois, sur certaines iamges, Ikol ressemble à un «corbeau» mais c’est bien un pie. Simplement, il est parfois représenté comme une pie noire, et une pie étant un corvidé, ça ressemble forcément à un corbeau... Pour ma part, je lui ai donné son apparence de Pie Voleuse classique