Taylor

Je monte les escaliers. Visiblement, personne n'a fait attention à moi.

—Madelynn ? appelle une voix derrière moi.

Je me retourne et vois Léo, rentrant et encore habillé d'un manteau. Je lui fais signe de me suivre. Je monte les marches quatre à quatre. J'arrive dans un couloir. J'ouvre les portes comme je peux jusqu'à tomber finalement sur ce qui me semble être la chambre de la brune. Mes actions se succèdent dans la panique et l'adrénaline, l'alcool comme multiplicateur de mes sens et des sensations. Entre-temps, Léo m'a rejoint.

—Qu'est-ce qui lui arrive ?

Il est affolé lui aussi.

J'allonge Madelynn sur son lit et lui mets une couverture sur les jambes. Sa robe est remontée et laisse voir sa petite culotte. Je rougis avant de m'empresser de monter la couverture à sa taille.

—Will et Noah l'ont fait boire.

—Non, ça ne peut pas simplement être ça, intervient Léo. Madelynn tient l'alcool, elle ne serait pas dans cet état si c'était juste à cause de sa boisson.

Il me lance un regard furieux. Je fronce les sourcils et sent la colère monter en moi.

Les enfoirés...

—Ils sont où ? me demande Léo.

—En bas, dans le jardin.

—Je vais aller vérifier ce que je pense, dit-il avant de me laisser seul avec Lynn.

Je hoche la tête. Si elle a été droguée... Je me mets à tourner en rond dans la pièce. Je ferme la porte de la chambre pour tenter de recouvrer mes esprits hors du brouhaha de la soirée.

C'est quand j'ai renversé mon verre sur Will. Elle est partie avec eux et puis je ne l'ai pas revu avant qu'elle ne s'enfuit vers le jardin.

Merde !

J'envoie valser un classeur du bureau.

Evidemment, je me rends compte de mon acte et le remets à sa place. Je fulmine, me met à ronger mes ongles rageusement. Ma haine ne se dirige plus seulement vers Will et Noah, mais aussi contre moi-même. Je fais les cent pas sans parvenir à me calmer.

Je cogite et me gifle mentalement. Soudain, Madelynn émet un murmure en bougeant. Je reviens immédiatement à côté d'elle. Ma haine est précédée par mon inquiétude. Je m'assieds sur le bord du lit et passe une main dans mes cheveux. Étrangement, la voir me calme un peu. Je tends la main pour caresser sa joue où les traces de ses larmes ont formé de fines lignes à travers son maquillage. Sa bouche s'ouvre pour laisser s'échapper un air chaud.

—C'est de ma faute Lynn. Désolé.

Elle gémit de nouveau et cette fois-ci elle ouvre les yeux. Je retire ma main.

—Taylor ?

—Comment tu te sens ?

Elle ne me répond pas et porte une main à sa bouche dans un spasme. Je comprends immédiatement et me précipite dans la salle de bain que j'ai découverte plus tôt. Je trouve une bassine que je ramène à Madelynn, penchée sur le bord de son lit.

Je regroupe ses cheveux pour les maintenir en arrière alors qu'elle régurgite tout l'alcool qu'elle a bu. C'est-à-dire trop peu pour justifier la situation.

Une fois qu'elle a fini, elle se redresse et passe ses mains sur son visage. Elle paraît encore embrouillée. Ses yeux restent vitreux et elle ne tient pas réellement droite mais au moins elle est consciente.

Je repars chercher un verre d'eau dans la salle de bain. Par chance, j'y trouve un gobelet rouge à moitié vide. Je le rince et le remplit avec de l'eau pour le ramener à la brune. Elle me remercie doucement et boit quelques gorgées.

—C'est Noah qui m'a... commence-t-elle avant de reprendre son souffle. C'est Noah qui m'a donné le verre, un shot, précise-t-elle en fronçant les sourcils, cherchant dans ses souvenirs.

J'acquiesce en la recouchant.

—Repose-toi, tout va bien maintenant, je suis là.

Elle se rallonge mais garde les yeux ouverts. Elle fixe pendant quelques instants le plafond puis son regard dérive vers moi pour finir par revenir vers le lustre au-dessus de nos têtes. Ses yeux s'humidifient. Elle commence à pleurer. Je me rapproche tandis qu'elle essuie ses larmes rageusement tout en cachant son visage avec ses mains. J'attrape ses poignets et plante mon regard dans le sien.

—Ils t'ont fait quelque chose Madelynn ?

Elle sanglote de plus belle. La rage me consume mais face à elle, je me contiens et attends qu'elle me parle. Ma patience est mise à rude épreuve. Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller retrouver ses types et de les mettre par terre une seconde fois. Mon attention reste fixée sur Lynn.

Cette dernière se rassoit, tentant de respirer à travers les spasmes. Je la maintiens droite en passant un bras dans son dos.

—Will m'a... Il m'a...

Ses sanglots l'étouffent, elle pleure à chaudes larmes. Je la prends instinctivement dans mes bras. Son matelas m'accueille alors que je m'assieds contre sa tête de lit en la gardant contre moi. Je le sens s'agripper à mon débardeur.

—Je suis là, ça va aller.

Elle prend quelques minutes avant de réussir à former une phrase :

—Il m'a embrassé, de force.

Je l'écarte de moi. Son regard est brisé. Là, juste dans mes bras se tient Madelynn Parker, traumatisée et terrifiée.

Elle vient d'être agressée.

—Il a posé ses mains sur mes hanches et... elle se racle la gorge puis porte ses doigts à sa gorge et à ses lèvres, il m'a embrassé et étranglé et...

Ses yeux semblent lui rejouer la scène, je la vois partir dans ses souvenirs. Je dois trouver un moyen de la garder avec moi, consciente.

Une idée...

Mes lèvres se plaquent sur les siennes. Elle ne se débat pas, au contraire, elle se détend. Ma main se pose sur sa joue. Notre baiser est délicat et protecteur. Je la sens se pencher encore plus vers moi. Je m'écarte rapidement en me rendant compte que je viens de faire la même chose que Will : l'embrasser sans son consentement. Je regrette déjà mon acte et me confonds en excuses :

—Désolé. Je-

—Ne t'excuse pas, répond-elle doucement.

Elle attend quelques secondes avant de reprendre :

—Tu... Tu m'as enlevé la sensation de... et...

Elle baisse le regard. Je lui relève le menton avec ma main et prends son visage en coupe. Son mascara a coulé, son rouge à lèvres aussi, ses cheveux sont en bataille et pourtant, je la trouve tout aussi magnifique que lorsqu'elle dansait quand je suis arrivé. Mon cœur se serre lorsque je repense à ses yeux terrifiés de tout à l'heure. À présent, ils sont plus calmes, apaisés. Une ombre les ternit toujours, mais ils ont retrouvé leur couleur noisette. Son corps n'a plus de spasmes, mais ses mains sont toujours accrochées à mon débardeur.

—Où t'a-t-il embrassé ? dis-je doucement.

Elle me regarde, sans défense. J'ai un élan de protection pour elle. Ses mains se serrent sur mon tissu. J'essuie du pouce les larmes qui coulent encore.

—Dans le cou...

Je hoche la tête et m'approche doucement. Ma main glisse de sa joue à son épaule et mes lèvres trouvent son cou bouillant. Elle écarte ses cheveux de sa peau puis acquiesce doucement pour me signifier son accord. Je lui fais plusieurs petits baisers avant de m'écarter de nouveau.

—Où d'autres ?

—Il a... elle déglutit. Il m'a forcé les lèvres.

Elle a les joues rouges.

Ce n'est plus la Madelynn féroce, elle a ôté son masque.

Il lui a été arraché.

Devant moi se trouve une Madelynn sensible et sans muraille, sans filtre. Elle me regarde, ses yeux noisettes innocents sont hypnotisants.

J'approche de nouveau mes lèvres des siennes. J'attends son accord une nouvelle fois, nos bouches à quelques millimètres l'une de l'autre. Elle incline sa tête vers la mienne alors que sa main attrape mon col pour m'attirer à elle. Nous embrassons une seconde fois, et j'efface toutes traces du passage de Will. Je pose mes mains sur ses hanches et la laisse mener la danse timidement. Nous restons ainsi quelques secondes avant qu'elle ne recule. Je rougis en me rendant compte de ce qu'il vient de se passer.

J'ai repoussé Anyka tout-à-l'heure, mais une chose est sûre : jamais je ne pourrais repousser Madelynn.

Jamais.

Elle marmonne :

—Je t'ai vu avec Anyka...

Je souris : je savais qu'elle allait m'en parler, mon intuition me l'avait prédit.

Mon amie avait posé ses lèvres sur les miennes et c'est à ce moment-là que Madelynn nous avait bousculé. Je l'avais vu partir dehors et j'avais voulu la rejoindre. Cependant, j'ai bien pris le temps d'expliquer à Anyka qu'elle ne m'intéressait pas, malgré toutes ses qualités et j'ai été surpris de voir qu'elle l'a bien pris. Ensuite, j'ai foncé dans le jardin, Anyka à ma suite. C'est là que nous sommes tombés sur la scène. Will embrassant Madelynn qui se débattait et Noah, filmant la scène.

Rien que d'y repenser, mon sang bout dans mes veines. Je reviens au moment présent et pose mes yeux sur Madelynn qui fixe ses doigts, dans l'attente de ma réponse.

—Anyka ne m'intéresse pas.

Je relève sa tête pour déposer un chaste baiser sur sa joue. Elle ne fait aucun commentaire et finit par se rallonger.

—Madelynn je-

—Chut, me coupe-t-elle, viens.

Je ne me fais pas prier et m'allonge à côté d'elle, par-dessus la couverture. Elle semble retrouver ses esprits peu à peu. Elle pousse un soupir avant de venir se blottir contre mon torse. Je l'entoure de mes bras et pose ma tête sur la sienne.

—Ce n'est pas bien, chuchote–t-elle.

Je devine qu'elle parle de notre soudaine proximité.

—Pourquoi ?

Elle secoue sa tête contre moi et a un petit rire.

—Parce que.

C'est la seule réponse à laquelle j'ai le droit car elle s'endort peu après. Je ne peux m'empêcher d'embrasser son front avant de fermer les yeux à mon tour. La musique résonne dans les murs et pourtant, cet instant n'est que paix et calme. Toutes mes pensées s'apaisent et se concentrent sur le corps de la sirène que je tiens contre moi.