Taylor
Je descends de la voiture avec Lynn. Emelyn Berkley nous salue en nous lançant un sourire rassurant. Je prends la main de Lynn et entrelace nos doigts. Sur notre chemin, les élèves murmurent, d'autres nous sourient mais la plupart nous saluent. Madelynn se fait interpeller plusieurs fois : des élèves filles comme garçons la remercient et lui témoignent du soutien pour son acte.
Finalement, nous arrivons devant le bureau du proviseur. Mon estomac se retourne, se noue, me faisant savoir qu'il n'apprécie guère ce qu'il va se passer. Mon esprit, lui, est déterminé.
—Je viens avec toi, dit Madelynn en resserrant nos doigts ensemble.
—Non, cette fois-ci, c'est mon combat à moi, je réponds avec tendresse en me plaçant devant elle.
Je la lâche pour prendre son visage en coupe afin de déposer un baiser sur ses lèvres. Je replace une de ses mèches derrière son oreille et lui souris amoureusement.
—Je t'attendrai devant alors, soupire-t-elle résignée. S'il refuse quoi que ce soit dis-le moi.
J'acquiesce en m'écartant d'elle.
J'ai été touché quand j'ai su que la principale condition qu'a posé Lynn à son père était qu'il me reprenne dans le programme d'échange. Elle se sentait coupable bien que je lui ai dit que ce n'était pas si grave que ça. J'avoue que l'idée de rentrer plus tôt ne m'enchantait pas, mais pour elle, je crois que j'aurais même fait mes bagages le lendemain si ça avait été le prix à payer pour que ses agresseurs soient dévoilés.
J'ai dû travailler pour obtenir cet échange et je serai plus que déçu si je devais rentrer sans la certification à la clé de ce-dernier. Cependant, pour elle, tout en vaudrait la peine.
Je prends une bouffée d'air avant de toquer puis d'entrer. Le directeur m'attend, les mains posées sur son bureau. Il sait très bien qu'il ne contrôle pas la situation mais il fait comme si c'était à lui que revenait le dernier mot. C'est sa propre fille qui l'a battu, sa fierté en ressort meurtrie mais pas suffisamment pour qu'il accepte de se montrer digne.
Peu importe, tant que je reprends ma place.
—Taylor Olin. Ravi de te revoir, me lance-t-il avec sarcasme
—De même, Monsieur Parker.
Je ne m'assieds pas. Comme pour lui montrer que je domine cette conversation, sans pour autant le contraindre.
—Je pense que je n'ai pas à te dire que ta complicité dans... L'acte de ma pauvre fille m'a beaucoup déçu.
Je ne cille pas.
—Vous devriez revoir vos priorités, je répète, avant de me faire la morale, car, avec tout mon respect, votre fille n'est plus une enfant, mais une femme forte qui s'est construire sur les cendres de sa mère alors que son père l'avait laissé au profit de sa carrière.
Il claque sa langue et se repose sur le dossier de fauteuil en cuir. Ma provocation l'a atteint en plein dans son égo. J'ai dû m'entraîner une dizaine de minutes devant le miroir ce matin afin de pouvoir prononcer ces mots sans flancher. Ma timidité passée a laissé des traces mais Lisa et les autres m'ont beaucoup aidé à devenir plus confiant que je ne l'ai jamais été de ma vie. Le directeur regarde ses mains puis reporte son regard, cette fois marqué de colère, vers moi.
—Ma relation avec ma fille ne te regarde pas.
Le fait qu'il me tutoie ne me fait rien, je sais parfaitement que j'ai visé juste. En y pensant, mon indifférence doit provenir de l'influence qu'à Madelynn sur moi.
Il laisse échapper un soupir avant de reprendre avec une condescendance qui me fait grincer des dents :
—J'ai décidé de te faire réintégrer le programme d'échange, j'attends de toi un comportement irréprochable à partir de maintenant. Tu peux y aller.
Il coupe court, car il sait que j'ai raison. C'est vraiment pathétique venant d'un homme et père de famille. Il fuit le conflit.
Je tourne les talons pour commencer à partir. La main sur la poignée de la porte, je lui lance par dessus mon épaule :
—Ta fille n'attend rien de plus que des excuses, alors comporte-toi en père et présentes-en lui.
Je sors, tandis qu'il ne rétorque pas, ni pour mes propos, ni pour le tutoiement. Mon manque d'assurance est définitivement parti de chacune de mes cellules, laissant le sang bouillant battre dans mes veines et guider mes mots.
Je retrouve Madelynn et lui souris fièrement.
—Je réintègre ta classe !
Elle sourit à son tour. Nous longeons le couloir et ce n'est qu'une fois devant la salle qu'elle déclare :
—Je dois aller régler des affaires avec l'administration et la CPE, on se voit pour le déjeuner.
Elle m'embrasse chastement puis s'évapore vers les bureaux administratifs. Aucun mot n'a eu le temps de sortir de ma bouche.
C'est du Madelynn tout craché.
Je rentre en classe, persuadé que cette heure sans elle sera une des plus longues de ma vie.
La sonnerie du midi retentit enfin. Je n'ai pas revu Lynn depuis ce matin. Je range mes affaires rapidement et me précipite dans le couloir, pressé de retrouver ma belle. Mais l'univers semble décidé à me mettre à l'épreuve pour la revoir.
—Et l'irlandais ! m'appelle Noah en plein milieu du passage.
Je me retourne en levant les yeux au ciel.
—T'as rien trouvé de mieux ? Sérieusement ? « L'irlandais » ?
Il s'approche rageusement de moi.
—Will a été appelé au commissariat, tu crois vraiment que j'ai eu le temps de trouver mieux ?
—Et donc ? Tu veux le rejoindre ? Sinon j'pourrais aussi t'envoyer à l'hôpital.
Les élèves autour de nous nous fixent avec curiosité. Tout le monde sait ce qui va suivre. Mentalement je remercie Léo de m'avoir donné des cours de boxe et esquive l'attaque de Noah. Grâce à mes leçons avec l'ami de Lynn et Chloé, j'ai pu gagner en confiance mais surtout en muscles et en compétences au combat.
Il ne me manque plus qu'un cas pratique pour valider la théorie.
—Tu manques de rapidité ! dis-je en fermant mon poing.
Il se retourne mais je ne lui laisse même pas le temps de me voir venir. Mon poing entre en collision avec son visage. Un crac fait vibrer mon bras. Noah se fracasse sur les casiers derrière lui. La surprise l'a pris de court. Je secoue un peu ma main dont les filantes ont rougies.
—Tu m'as brisé le nez salaud !
Je lance un regard arrogant vers Noah. En effet, du sang s'échappe de ses narines. Je doute de l'avoir brisé mais j'ai bien dû faire quelques dégâts.
Et moi qui devait avoir un comportement irréprochable... Madelynn détint vraiment trop sur moi.
—Tu l'as cherché, rapporte-le à qui tu veux, tu perdras le peu de dignité qu'il te reste.
Sur ces mots, je me dirige vers le self. Les élèves qui ont vu la scène ne relèvent pas. Ils savent tous que Noah est complice d'agression et de viol, il n'a plus le soutien de personne, même ses amis les ont abandonnés apparemment.
Je rentre dans le self, repère et rejoins Madelynn, déjà assise à une table avec Anyka et Lisa.
—Tu n'as vraiment aucune tenue ! se plaint Lisa en regardant son téléphone.
Je m'installe à côté de ma brune.
—Tu aurais pu faire plus doucement, le pauvre, me dit-elle.
—Vous êtes déjà au courant ? dis-je étonné.
Madelynn me tend son téléphone où la photo de moi frappant Noah tourne déjà, seulement dix minutes après notre conflit.
Ça serait presque flippant que ça soit aussi rapide...
—C'est une amie qui me l'a envoyé, dit Anyka. Autant te dire que d'ici demain, elle aura été vue par tout le lycée. Tu es sûr d'être tranquille pour le reste de ton séjour. Tu as bien changé depuis ton arrivée : aujourd'hui c'est toi qui a mis la raclée à Noah ! rit-elle.
Je souris et Madelynn me claque un bisou sur la joue.
—Tu m'impressionnerais presque !
Je ris franchement puis passe mon bras autour de ses épaules pour la serrer contre moi un court instant.
—Tu n'as encore rien vu ma belle, dis-je dans son oreille.
Elle éclate de rire et moi aussi. Je la regarde : ses yeux brillent et ses joues ont rougies. Je mords ma lèvre et l'embrasse doucement.
Plus ça va, plus elle me rend fou.