Madelynn
Quelques jours plus tard...
J'ai la boule au ventre depuis ce matin.
—Ta valise est prête ? je demande.
Taylor, debout dans la chambre qu'il a occupée durant deux mois, regarde autour de lui.
—Je crois bien.
Je m'approche de lui pour l'enlacer. Je le serre contre moi, la tête contre son torse. Je respire son odeur en tentant de l'ancrer dans ma mémoire.
—Tu vas me manquer, dis-je doucement.
Je n'ai pas beaucoup dormi, appréhendant ce jour. Néanmoins, j'ai tenté de réviser pour ne pas perdre ma nuit à cogiter.
Taylor me rend mon étreinte.
—Toi aussi, mais eh... il m'écarte de lui et plante son regard dans le mien. On se revoit vite, d'accord ?
Rien n'est joué pour mes études : j'ai besoin de mes résultats aux derniers examens de cette année pour postuler. Sans diplôme, pas d'Irlande, et même avec, il faut prier pour que je sois admise. Cependant, Taylor m'a proposé de venir le voir durant les vacances d'été en attendant les résultats des admissions.
—Oui, je sais.
Je soupire et me replonge dans ses bras. J'ai tellement peur d'échouer à mes examens, de ne pas pouvoir partir. Taylor le sait, c'est d'ailleurs ce qui le fait me secouer doucement.
—Madelynn... Écoutes ce que je vais te dire, d'accord ?
Ma tête acquiesce, toujours contre son torse.
—Tu vas y arriver, tu as travaillé dur, et tu as les capacités de le faire. Et de toute manière on se revoit dans 6 semaines peu importe ce qu'il se passe.
Mes yeux se relèvent vers lui.
—Et je t'aime, d'accord ? ajoute-t-il.
Mon cœur loupe un battement.
—Je t'aime aussi Taylor.
Je l'embrasse doucement, passant la main dans ses cheveux, m'abreuvant de notre baiser dont je vais devoir me sevrer une fois qu'il sera parti.
Je n'ai pas peur que notre relation meurt à cause de la distance mais le laisser partir me tord l'estomac d'angoisse. Nous nous faisons confiance, donc malgré les avertissements de certaines commères du lycée au sujet des infidélités, du manque et de la trop grande distance, je n'ai aucune inquiétude à ce sujet.
En revanche, j'ai peur d'oublier son odeur, son visage et le son de sa voix. Il n'est resté que quelques mois ici, et il m'a rendu dépendante de lui. Enfin, je pouvais me passer de lui avant, mais depuis que nous vivons sous le toit de Madame Berkley, j'ai pris l'habitude de le voir tous les jours, de dormir avec, de pouvoir l'embrasser et l'enlacer à toutes heures. J'aime notre routine et devoir la casser me rend triste.
—Aller, on va charger la voiture, dit Taylor après quelques minutes dans mes bras.
Nous prenons ses sacs avec sa valise pour les descendre. Mme Berkley nous attend en bas.
—Le coffre est ouvert. On t'accompagne jusqu'à l'embarquement. Vous avez encore un peu de temps, annonce-t-elle avec un sourire triste.
Nous acquiesçons puis sortons mettre les bagages dans la voiture. Après quelques va et vient nous avons enfin fini de tout y mettre. Nous remontons dans sa chambre, pour la dernière fois.
Taylor a déjà fait ses au revoir à la bande hier. Lisa et Anyka ont lâché quelques larmes et j'ai bien vu que George était déprimé. Léo, resté fidèle à lui-même, a promis à Taylor de l'emmener boxer sitôt qu'il reviendrait sur le sol américain. Tous nos amis se sont cotisés et lui ont offert un de ces pulls clichés avec marqué "I love America" ainsi que des cadeaux pour sa famille. Il a été très touché par ces attentions.
Je ferme la porte de la chambre tandis que Taylor s'allonge sur le lit et caresse la tête de Mia, la chatte de la maison qui occupe un coin du lit. Je regarde tout autour de moi : la chambre, sans les affaires organisées de Taylor, me semble bien triste et monotone. Une question me titille l'esprit.
—Taylor ?
—Hm ?
—Tu n'auras aucun regret en partant d'ici ? Quelque chose que tu aurais voulu faire ?
Il se redresse sur ses coudes avant de tapoter la place à côté de lui. Je m'installe sur le ventre en passant un bras autour de lui.
—Je ne pense pas, j'ai fait beaucoup de choses, plus que ce que j'aurais imaginé.
Satisfaite de sa réponse, je dépose un baiser sur ses lèvres. À ma grande surprise, il le prolonge quelques secondes avant de poser son front contre le mien.
—En fait, si il y a un regret, mais je pense que c'est pour le mieux.
Je fronce les sourcils.
—Quoi ?
—Ne pas avoir appris à te connaître plus intimement, on va dire, dit-il sans réelle confiance.
Il n'a jamais abordé ce sujet, probablement car il pense que depuis l'agression, je suis "inapte" à faire quoique ce soit. Ce qui n'est pas totalement faux mais j'avoue que je n'ai pas réfléchi à cette question. Ce qu'il s'est passé m'a marqué mais je pense que je suis suffisamment complice avec lui pour le laisser me redonner confiance dans cet aspect de la vie d'un couple. Même si, pour moi, passer du temps avec lui dehors ou avec nos amis était déjà le comble du bonheur. Enfin, si je m'écoute vraiment, je dois bien confesser que j'ai déjà tenté d'imaginer une ou deux fois comment ça serait, mais je n'ai jamais trouvé le bon scénario. Mais les sensations quand nous nous embrassons me laissent présager ce moment comme l'un des meilleurs de ma vie.
Je souris doucement.
—Ce n'est que remis à plus tard, non ? dis-je à voix basse.
Il me sourit en retour et passe une main sur ma joue, la caressant du pouce.
—Quand tu le voudras, Lynn. Tu n'auras qu'à me le dire et on en discutera, d'accord ?
—On peut en parler, maintenant ? Enfin, je sais que ce n'est pas le bon moment mais je...
—Oui, on peut, me coupe-t-il.
Je pousse un long soupir, soulagée. Je ne veux pas remettre à plus tard, j'ai besoin de réponses maintenant.
—Tu en as envie ? je demande, soucieuse.
Il me sourit franchement.
—Oui, j'en ai très envie. Mais je ne veux pas que tu te presses ou te forces. Ça arrivera au bon moment, d'accord ?
Il me parle tendrement, comme s'il craignait que je ne m'angoisse à ce sujet. Ça me touche qu'il prenne le temps de me dire ça.
—Et, ça sera ma première fois, ajoute-t-il, en regardant sur le côté. Enfin mes premières fois, puisqu'il n'y a pas que ça mais bon tu as compris.
J'acquiesce, amusée par sa petite gêne.
—Ça n'en sera que meilleur, je le rassure.
Il m'adresse un regard tendre avant de m'embrasser avec amour. J'ancre cet instant dans ma tête, promettant de me repasser chaque baiser dans mon imaginaire lorsqu'il me manquera.
Dieu sait qu'il y en a beaucoup.
Il se détache, se lève et me tend sa main.
—On ne devrait plus trop tarder, ma famille m'attend.
Je hoche la tête et me lève avec son aide. La boule dans ma gorge grandit au fur et à mesure qu'on se rapproche de la voiture, puis de l'aéroport. Des larmes menacent de monter mais je me répète :
Ce n'est pas fini.
Je le revois dans 6 semaines.
On va se téléphoner, ça va aller.
Taylor me tient la main durant tout le trajet et ne me quitte pas avant d'entendre son appel à l'embarquement. Après avoir fait enregistrer ses bagages, il se dirige vers son quai. Il embrasse Mme Berkley qui lui promet que sa porte lui sera toujours ouverte avant de revenir vers moi. Je marche avec lui jusqu'à la porte de départ, le dernier endroit où je peux l'accompagner. Il pose son sac pour me prendre dans ses bras.
Une étreinte qui formule un adieu pour un au revoir. Nos cœurs battent fort, douloureux de se séparer, ils s'accordent une dernière fois sur le même battement. Il prend mon visage en coupe, m'embrasse une fois, deux fois et encore et encore. Il embrasse mes joues, mon front et ose même déposer un chaste baiser dans mon cou avant d'humer l'odeur de mon parfum. C'est à cet instant que je lui annonce :
—Tu regarderas dans ta trousse de toilette, j'ai laissé un échantillon de mon parfum, pour les premiers temps...
Il s'écarte de moi, les yeux écarquillés.
—Tu es sérieuse ?
Sa réaction n'est pas une simple surprise.
—Oui, pourquoi ?
Il éclate de rire un bref instant avant de me répondre.
—J'ai fait la même chose ! Tu regarderas dans tes affaires chez Mme Berkley.
Je ris à mon tour. Nous nous enlaçons encore. Taylor me murmure dans le creux de l'oreille :
—On est connecté je crois.
—Toujours, dis-je.
Le second appel retentit. Je sais que je dois le laisser y aller à présent. Les larmes montent.
—Madelynn, commence mon petit-ami en s'écartant pour me regarder, je t'aime de tout mon être, j'ai hâte de te retrouver et je t'attendrai aussi longtemps qu'il faudra.
Il m'embrasse avant de poursuivre.
—N'oublie jamais que tu es forte et que tu vas réussir et aussi que je t'aime vraiment beaucoup.
Je souris, une larme coule sur ma joue. Je vois ses yeux rougir.
—Je vais tout faire pour venir au plus vite. Je t'aime aussi Taylor.
Nous nous embrassons une dernière fois avant qu'il ne prenne son sac. Il s'apprête à partir mais je le retiens pour l'embrasser encore.
—Je t'appelle dès que je suis chez moi Lynn, me dit-il. Je t'aime.
—Je t'aime aussi, fais attention à toi.
Sur ce, il sourit, le regard accablé puis s'en va en direction de son avion qui d'ici quelques heures sera à des milliers de kilomètres de moi.
Je le vois disparaître, laissant quelques larmes perler sur ma peau avant de m'essuyer les joues et rejoindre Mme Berkley.
—Ça y est ? me demande Emelyn, la voix quelque peu tremblante.
Je hoche la tête.
—Allons-y, dis-je.
—Tu as l'air de bien le vivre toi, remarque-t-elle en s'essuyant le coin des yeux du revers de la main.
Je prends un grande inspiration pour chasser le poids sur mon ventre, puis réponds avec un sourire triste :
—Ça devait bien arriver, et bon, je vais le revoir. Mais avant ça, il me reste des choses à faire ici, dis-je avec détermination.
Je m'élance vers la sortie de l'aéroport. Mon estomac se détend peu à peu. Je commence à me concentrer sur mon but : le rejoindre. Je me liste tout ce par quoi je vais passer avant de pouvoir m'envoler pour l'Irlande.
Les larmes ont séché, mon cerveau a combattu la tristesse en quelques instants pour la remplacer non pas par de la colère comme il l'aurait fait il y a quelque temps, mais par la détermination de réussir mes examens pour le retrouver.
L'au revoir était le plus dur, maintenant, c'est moi et moi seule qui déciderai de ma route.