Taylor
Nous nous élançons en dehors de la salle de projection.
Quelques jours sont passés. Je pars dans moins d'une semaine. Mes parents m'appellent régulièrement et les cours s'intensifient à l'approche des examens finaux. Ce soir, Lisa et Madelynn ont organisé une sorte de bal privé pour remplacer celui que je vais louper en partant. Nous avons passé le début d'après-midi au cinéma avec toute la bande, et à présent nous devons nous répartir pour savoir qui va chez qui pour se préparer avant ce soir.
—Anyka, Chloé et Madelynn viennent avec moi, les gars vous vous débrouillez entre vous ! Allons-y les filles ! s'exclame Lisa en montant dans sa voiture.
Lynn lâche ma main qu'elle tenait jusque-là, m'embrasse rapidement avant de partir vers la voiture.
—À ce soir, me lance-t-elle avec douceur.
Elle est fatiguée ces derniers temps. Entre les cours où elle cravache pour obtenir de bons résultats, l'administration à gérer pour partir en Irlande et mon départ, ses émotions ne lui laissent pas le temps de souffler.
Je lui souris et lui fais signe de la main lorsqu'elle est dans la voiture. Lisa met le contact puis se met en route.
Il ne reste plus que Davis, Léo, George et moi, devant le cinéma. Nos cavalières se sont enfuies à toute vitesse. Ne reste que les cavaliers, sans leurs destriers puisqu'aucun de nous n'a le permis hormis Léo.
—On y va nous aussi ? demande ce dernier en sortant la clé de sa voiture. On peut passer chez vous récupérer vos affaires et se préparer chez moi si vous voulez.
—Ça me va ! répond Davis.
Tout le monde est d'accord, alors nous ne perdons pas de temps avant de prendre à notre tour la route.
Après une demi-heure d'aller-retour dans la ville, nous arrivons chez Léo avec nos costards.
—Je vais nous chercher de quoi boire, installez-vous. Vous pouvez mettre les costumes sur la table du salon.
Son appartement est moderne et minimaliste. La couleur prédominante est le gris. Elle se marie avec l'ajout de murs en bois. La cuisine en long à gauche de l'entrée est impeccable et de même pour le salon à droite. Nous posons donc nos vêtements sur la table ronde qui trône au milieu de la salle à manger qui n'est autre que l'espace entre la cuisine et le salon.
—On se prend quoi ? interroge notre hôte.
—Sors des bières, dit George, je pense qu'il y en a un de nous qui a besoin de se détendre.
Il me lance un coup d'œil avec un sourire.
—C'est sûr que ça ne doit pas être la grande forme, dit Davis.
Je hausse les épaules.
—Disons que j'ai connu mieux.
—Enfin le début de ton voyage était pire ! Et puis tu repars d'ici avec plus de muscles, une petite amie et des amis en Amérique, ce n'est pas si mal que ça !
Vu comme ça, c'est sûr que je suis plutôt chanceux. Le parallèle entre mon premier jour et les derniers que j'ai passé dans ce lycée est très contrasté.
C'est clair que j'ai beaucoup changé en deux mois...
Léo sort trois bouteilles de bière, les décapsule puis nous les tend.
—Au moins tu peux te dire qu'il y a une chance qu'elle vienne en Irlande, dit Léo avant de lever sa bouteille. À ce soir, et à cette année qui est bientôt finie pour vous !
Nous trinquons tous ensemble avant de commencer à boire.
—Pour l'instant j'appréhende surtout le retour et les examens qui m'attendent, dis-je.
—D'ailleurs, commence George, toi et Madelynn allez dans des universités différentes ?
Je secoue la tête.
—Oui et non, disons qu'elles sont dans la même ville mais pas au même endroit.
—T'as songé à prendre un appartement avec elle ? me demande Léo.
J'avale de travers et tousse. Davis tape sur mon dos en pouffant.
—Allons Léo ! Laisse-leur le temps de se connaître plus intimement déjà, me taquine le roux avec un sourire en coin.
Le concerné rit légèrement tandis que l'idée traverse mon esprit.
—Pour l'instant, je tente d'articuler après avoir repris une gorgée pour faire passer le reste, j'aimerai qu'elle n'habite pas loin de chez moi.
—Tu lui en as parlé ? demande George.
—Pas encore, elle bosse énormément ces derniers temps. Mais j'essaye de trouver des appartements près de là où je vais emménager et de son université.
Les gars hochent la tête.
—Enfin, tu n'es pas encore parti alors n'y pensons plus ce soir ! conclut Léo.
Je lui adresse un sourire empreint de gratitude puis bois quelques gorgées avant de regarder l'heure.
—On est attendu à quelle heure ?
—Huit heures il me semble, répond Davis.
Une idée traverse mon esprit.
—Il nous reste quatre heures avant de devoir y aller...
Léo capte mon regard et sourit à son tour.
—On joue à la play ?
La réponse ne se fait pas attendre. Nous nous installons tous dans le salon, prêts à en découdre.
La fin d'après-midi est arrivée plus vite que prévu, si bien que nous nous sommes retrouvés à nous bousculer à la salle de bain pour nous coiffer.
—Qui a osé prendre mon gel ?! crie Davis en sortant de la salle d'eau, la chemise ouverte.
Je m'attarde à ajuster mon nœud papillon dans le miroir de l'entrée.
—Roh arrête de faire le gamin ! se plaint George en train de boutonner sa chemise noire. Tu es celui qui a pris le plus de temps dans la douche, il fallait bien que je te fasse sortir. Il est sur la table ton gel.
Léo, qui est en train de se changer dans sa chambre, doit probablement rire de toutes ces effusions.
—Ça va comme ça ? dis-je en me montrant aux deux garçons.
George lance un coup d'œil et acquiesce mais Davis me regarde longuement avant de s'avancer vers moi.
—Madelynn n'aime pas les gentils garçons, on dirait que tu vas à un mariage de ta famille ! Enlève moi ça ! dit-il en détachant mon nœud que j'avais mis dix bonnes minutes à faire.
Je ne manque pas de montrer ma frustration. Sans y porter attention, il déboutonne mes deux premiers boutons de chemise puis s'écarte pour observer son œuvre.
—Une dernière chose...
Il passe sa main dans mes cheveux, dompté strictement avec du gel, les décoiffant légèrement de manière à ce qu'une mèche retombe devant mes yeux.
—C'est beaucoup mieux !
Il sourit et me laisse pour commencer à boutonner sa propre chemise. Léo sort de sa chambre, prêt, la veste de son costume bleu nuit sur l'épaule. Il jette un coup d'oeil à son portable avant de nous avertir :
—Les gars, on est en retard. Bougez-vous, je pars dans 5 minutes !
Davis s'active en rangeant tout son matériel dans son sac à dos. George termine de boucler sa ceinture. J'aide Davis à ranger les affaires dans les sacs.
Par miracle, quelques minutes plus tard nous sommes partis, en route vers le lieu de notre bal : chez Lisa.
Nous arrivons bien avant l'horaire affiché sur le GPS puisque Léo ne lésine pas sur l'accélérateur. Nous descendons tous puis avançons -enfin, courrons plutôt- vers le pérron. Tout aussi essoufflés et morts de rire les uns que les autres, nous reprenons notre sérieux avant de sonner.
Lisa apparaît après quelques secondes.
Elle porte une robe longue en satin, bleu roi, ce qui est magnifique avec ses cheveux blonds. Je remarque aussi de longs gants blancs habillant ses bras.
—Les filles ! Nos cavaliers sont là !
Lisa nous conduit jusqu'au salon qui a été dégagé pour former une piste de danse. Nous nous asseyons dans le canapé, poussé contre la baie vitrée.
—Aller mes poules ! encourage Lisa.
C'est Chloé qui se montre en première, dans une robe courte violette à paillettes. Elle a ajouté des gants blancs identiques à ceux de Lisa. C'est George qui se lève pour aller la conduire jusqu'au canapé adjacent au nôtre.
Nous avons tous une cavalière : Léo est avec Anyka, George avec Chloé, Davis avec Lisa et moi avec Lynn.
C'est ensuite au tour d'Anyka de faire son entrée. Elle a relevé ses cheveux dans un chignon avec quelques mèches rebelles parfaitement bouclées qui encadrent son visage. Sa robe vert émeraude est moulante, rehaussant son teint métissé. Léo va lui offrir son bras.
Enfin, Madelynn entre. Je me lève à sa vue.
Elle a une robe longue qui s'évase à sa taille, fendue de deux côtés pour relever ses jambes. Son côté femme fatale ressort à mon plus grand désarroi. Je découvre par la même occasion que la couleur pourpre lui va magnifiquement bien. Elle a laissé ses cheveux lâchés et a mis un collier fin en or avec des petites boucles d'oreilles.
Je m'approche pour lui prendre les mains.
—Tu es magnifique Lynn, dis-je à voix basse.
Elle me sourit.
—Tu n'es pas mal non plus, me répond-elle d'une voix douce.
Je ne peux m'empêcher de l'embrasser.
—Vous vous ferez des bébés plus tard ! nous interrompt Lisa, toujours aussi délicate. Pour l'instant, on a de la musique et une superbe piste de danse rien que pour nous !
Madelynn glousse en me tirant dessus alors que son amie lance la playlist et monte le son.
Nous dansons, buvons et discutons comme si la nuit n'avait pas de fin. J'ai serré Madelynn dans mes bras un nombre incalculable de fois, je l'ai faite danser et tourner sur elle-même aussi longtemps qu'elle l'a souhaité.
Lisa a pris des photos de tous, assurant que nous en aurions besoin "quand nous serions coincés dans une maison de retraite".
Anyka et Léo se sont rapprochés, si bien que je pressens quelque chose pour ces deux-là. De même pour Chloé et George, enfin, encore faudrait-il que mon ami trouve le courage de faire sa déclaration.
Car en effet, notre cher camarade nous a avoué qu'il était possiblement intéressé par son amie depuis quelques mois, mais qu'il n'avait jamais osé faire le premier pas.
Nous en avons parlé cet après-midi. J'ai tenté, avec l'aide de Léo et Davis, de le convaincre qu'il devait lui avouer ses sentiments ce soir. Reste à voir ce qu'il compte faire.
Suite au prochain épisode comme on dit.
Vient alors l'heure du toast.
C'était probablement ma dernière soirée avec toutes ces personnes, mais chaques heures, chaques minutes, chaques secondes ont été extraordinaires.
—À Taylor ! Qui aura été le plus incroyable des étudiant en échange ici ! proclame Anyka en levant son verre.
—À nous tous, pour avoir créer des amitiés qui dureront toute une vie ! dit à son tour Lisa.
—Et à vous tous, dis-je. Pour m'avoir fait découvrir les plus beaux aspects de moi-même et de ce pays ! À nous !
—À nous ! exclamons-nous en cœur en levant nos verres.
Madelynn lève le sien avant de se pencher vers moi pour me chuchoter :
—Et à toi, pour m'avoir fait tomber amoureuse de toi. Je t'aime Taylor.
Je trinque avec elle mais au lieu de boire, je l'embrasse, le cœur gonflé d'amour.
Je t'aime aussi, Madelynn Parker, je réponds dans mon esprit, mes lèvres contre les siennes. Nous nous séparons, tout sourire.
Derrière nous, la chanson Shut Up And Dance se lance. Madelynn ne perd pas une seconde et finit sa coupe avant de m'entraîner de nouveau sur la piste.